RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRET DU 25 Octobre 2011
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/00732
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Décembre 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section industrie RG n° 08/13757
APPELANTE
SA ST DUPONT
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Franck BLIN (CABINET ACTANCE), avocat au barreau de PARIS, toque : K 0168 substitué par Me Sébastien LEROY, avocat au barreau de PARIS, toque : K 168
INTIMEE
Madame [F] [J]
[Adresse 1]
[Localité 4]
comparant en personne, assistée de Me Dominique OZENNE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 Septembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente
Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère
Madame Dominique LEFEBVRE-LIGNEUL, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente
- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, président et par Mademoiselle Sandrine CAYRE, greffier présent lors du prononcé.
La cour est saisie de l'appel interjeté par la société St Dupont du jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris section Industrie chambre 3 du 15 décembre 2009 qui a prononcé la résiliation du contrat de travail à la date du 15 décembre 2009 à ses torts et l'a condamnée à payer à Mme [J] les sommes suivantes :
20 787.65 € et 2 467.17 € à titre de rappel de commissions et 2078.77 € et 246.71€ de congés payés afférents sur la période de 2005 à février 2009
5 466.82 € à titre de préavis et 546.68 € pour congés payés afférents
4 099.73 € à titre d'indemnité légale de licenciement
avec intérêt légal à dater de la réception de la convocation par la partie défenderesse devant le bureau de conciliation
16 400.46 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement illicite
59 041.79 € à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur
et 800 € pour frais irrépétibles;
FAITS ET DEMANDES DES PARTIES
Mme [J] a été engagée au cours du mois de décembre 2000 par un contrat à durée déterminée.
Elle a été engagée en contrat à durée indéterminée le 1er avril 2002 à temps partiel en qualité de démonstratrice avec un salaire variable de 3% du chiffre d'affaires ttc;
Par avenant, à effet du1er novembre 2003, elle est à temps plein à Lafayette Homme avec un taux de commission de 2% sur le chiffre d'affaires ttc;
En janvier 2005 elle est affectée au magasin du Printemps à [Localité 6], avec avec un plancher garanti de 1 010 € de commission en attente de la nouvelle définition du salaire variable;
En septembre 2006 elle réintègre les Galeries Lafayette Homme et il lui est appliqué un calcul de commission sur 2% du chiffre d'affaires ht.
Le 27 mars 2007 elle est élue membre du comité d'entreprise d'établissement et central. Elle a été réélue en mars 2011 pour un mandat allant jusqu'en avril 2015.
Il lui est proposé des modifications du décompte des primes pour motif économique les 26 juin 2008 et 19 août 2008 qu'elle a refusées ;
Elle est convoquée le 16 octobre 2008 à entretien préalable au 24 octobre 2008 en vue d'un licenciement pour motif économique ;
Le 5 novembre 2008 la société St Dupont notifie l'abandon de la procédure de licenciement et des propositions de modification de primes et son affectation au stand papeterie à compter du 17 novembre 2008 et un rappel à l'ordre sur les jours de congés tournant ;
Les 13 et 19 novembre 2008 Mme [J] notifiait le refus de sa nouvelle affectation de nature à diminuer sa rémunération et se maintenait aux Galeries Lafayette Homme;
Elle a saisi le conseil des prud'hommes le 17 novembre 2008, ce qui a été notifié à l'employeur le 4 décembre 2008;
Le 26 novembre 2008 elle était convoquée à entretien préalable au 4 décembre 2008 en vue de licenciement pour faute grave avec mise à pied à titre conservatoire.
Le 5 décembre 2008 le comité d'établissement est consulté ;
Le 9 janvier 2009 l'inspection du travail refusait l'autorisation du licenciement.
Le 16 janvier 2009 il est notifié à Mme [J] sa réintégration dans ses fonctions de démonstratrice aux Galeries Lafayette Homme à compter du 21 janvier 2009 et une nouvelle modification de sa prime pour motif économique avec délai de réponse d'un mois prolongé le 25 février 2009 au 27 février 2009.
Les 18 février et 16 mars 2009 elle fait l'objet d'avertissements.
Le 16 mars 2009 la société St Dupont prend acte de la modification du décompte de la prime.
Mme [J] a conservé son poste après le rendu du jugement.
La société St Dupont demande par voie d'infirmation de rejeter les demandes de Mme [J] et de la condamner à payer la somme de 2 000 € pour frais irrépétibles.
Mme [J] demande de confirmer le jugement sur la résiliation judiciaire et par voie d'infirmation d'annuler les avertissements des 18 février et 10 avril 2009 et de condamner la société St Dupont à payer les sommes suivantes :
152 934.60 € d'indemnité pour violation du statut protecteur
43 695 € pour licenciement illicite
7 282 € pour préavis et 728.20 € de congés payés afférents
5 461 € pour indemnité légale de licenciement
20 787.65 €, 11 211.44 €,11 954.59 €, 6 673.07 € outre congés payés afférents sur les périodes 2005/2008, 2009, 2010, 2011
964 € de rappel de prime d'objectif et les congés payés afférents
25 000 € de dommages-intérêts pour discrimination et entrave
et 1 500 € pour frais irrépétibles,
avec remise des documents conformes sous astreinte et exécution provisoire.
SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience ;
Sur le rappel de commission
Pour la période antérieure à février 2009
Dans la mesure où Mme [J] a travaillé à [Localité 6] de janvier 2005 à août 2006 elle n'est pas fondée à demander des rappels de salaire sur cette période sur le chiffre d'affaires du magasin Galeries Lafayette de la [Adresse 5] ;
La demande de Mme [J] est fondée pour la période de septembre 2006 à février 2009 à hauteur de la somme globale de 16 555.86 € représentant la différence entre les commissions perçues sur 2% du chiffre d'affaires ht et celles dues de 2% sur le chiffre d'affaires ttc selon la proposition de l'employeur faite le 1er novembre 2003 et mise en application jusqu'à fin 2004 dans le même magasin, étant observé que pendant la période de mise à pied conservatoire rétroactivement annulée par le refus d'autorisation de licenciement, Mme [J] doit percevoir les commissions sur le chiffre d'affaires comme si elle avait travaillé alors qu'elle n'a été indemnisée lors de sa réintégration que de son salaire fixe ;
Pour la période postérieure à février 2009 les correspondances de la salariée des 4, 11 février 2009 font état de réclamations pour ses commissions impayées depuis septembre 2008 par la mise en oeuvre de la première proposition malgré son refus, de la contestation du motif économique, de la demande en communication préalable du pv de la réunion du comité d'établissement du 11 septembre 2008 ; Les réponses de la salariée font état de ses réserves sur la légitimité de la proposition équivalentes à un refus, dans la mesure où il ne peut être imposé à un salarié protégé aucune modification de son contrat de travail sans son accord express : Il ne peut donc être opposé dans ces conditions d'acceptation tacite de la modification ; Mme [J] est donc fondée dans ses réclamations pour la période allant de mars 2009 à août 2011 ;
Il n'est pas établi la réalisation des objectifs sur les années 2005 et 2006 et la demande de ce chef sera rejetée ;
Sur la demande en résiliation judiciaire
Mme [J] oppose l'affectation au stand papeterie ayant des conséquences défavorables sur sa rémunération, le défaut de paiement de ses commissions et primes d'objectifs, le défaut de régularisation de son salaire pendant la mise à pied, le refus d'octroi de jours consécutif de repos des dimanche et lundi, la notification des avertissements non fondés ;
L'avertissement du 18 février 2009 vise deux interversions de produit avec image négative donnée au client, prise de pause supplémentaire de 15 minutes le 17 février 2009 ainsi que le refus puis le mauvais rangement du stock;
Les faits ont été immédiatement contestés par lettre du 5 mars 2009 et l'employeur ne produit aucune pièce justificative des griefs portés ; L'avertissement sera donc annulé ;
L'avertissement du10 avril 2009 fait état d'un retard d'arrivée le 28 mars 2009 à 9H45 au lieu de 9H ; or Mme [J] justifie sur le planning avoir été programmée ce jour-là à 11H30 ; l'avertissement n'est donc pas fondé et sera annulé ;
Le stand de papeterie effectue un dixième environ du chiffre d'affaires du rayon homme sur les années 2006/2007 ;
Les rappels très importants de commission prononcés par la cour, les changements de stand et de jour de repos du lundi consacré par l'usage, la notification d'avertissements non justifiés constituent des manquements graves de l'employeur à ses obligations justifiant la résiliation judiciaire qui sera prononcée au jour du présent arrêt, au regard de la continuation de l'exécution du contrat pendant le cours de l'instance et alors que le jugement n'était pas exécutoire ;
Cette résiliation judiciaire incombant à l'employeur emporte les effets d'un licenciement illicite de salarié protégé ;
La moyenne mensuelle du salaire versé tel que rectifié avec les rappels de commission ci-dessus prononcés, s'élève à 3 031 € par mois ;
Il sera alloué du chef du licenciement illicite la somme de 18 200 €, pour préavis la somme de 6 062 €, pour indemnité légale de licenciement la somme telle que demandée justifiée au moins pour ce montant ;
Au regard du mandat en cours jusqu'en avril 2015 au moment de la résiliation prononcée par le présent arrêt à la date du 25 octobre 2011, il est dû une indemnité pour violation du statut protecteur de 127 302 € ;
Sur l'entrave
Mme [J] invoque le défaut de tenue de travail été/hiver, la perte du lundi de repos, sa planification excessive en fermeture, la transmission tardive des compte-rendus des réunions syndicales, le défaut de consultation du comité central d'entreprise ;
La consultation du comité d'entreprise d'établissement sur le licenciement de Mme [J] satisfait aux exigences de l'article L 2421-1 du Code du travail dans la mesure où selon l'article L 2327-15 du code du travail les comités d'établissement ont les mêmes attribution que le comité d'entreprise sans avoir besoin de consulter également le comité central d'entreprise ; la planification excessive en fermeture n'est pas établie ;
Par contre, le défaut de remise de tenue hiver/été ne peut être justifié par l'absence de Mme [J] pendant sa mise à pied conservatoire et auquel il aurait dû être remédié lors de sa réintégration. La perte du lundi de repos est également fautive. La transmission tardive des compte-rendu des réunions est établie par les réclamations de la salariée en ce sens sur le procès-verbal de réunion de septembre 2008 dont la rédaction incombe au président du comité d'établissement qui est le représentant de la société et au secrétaire;
Il sera alloué la somme de 1000 € de dommages-intérêts de ce chef ;
L'arrêt est exécutoire de droit.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement et statuant à nouveau :
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail avec effet de licenciement illicite de salarié protégé ;
Annule les avertissements des 18 février et 10 avril 2009 ;
Condamne la société St Dupont à payer à Mme [J] les sommes suivantes :
127 302 € d'indemnité pour violation du statut protecteur
18200 € pour licenciement illicite
6 062 € pour préavis et 606.20 € de congés payés afférents
5 461 € pour indemnité légale de licenciement
16 555.86 €, 11 211.44 €,11 954.59 €, 6 673.07 € outre congés payés afférents de 1655.58 €,1121.14 €, 1195.45 €, 667.30 € pour rappel de salaire variable pour les périodes de septembre 2006 à fin 2008, les années 2009 et 2010 et de janvier à août 2011
1 000 € de dommages-intérêts pour discrimination et entrave
et 1 500 € pour frais irrépétibles.
Ordonne la remise des documents conformes sans avoir lieu à astreinte.
Rejette les autres demandes ;
Condamne la société St Dupont aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT