RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 25 Octobre 2011
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/06107
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 15 janvier 2009 par le conseil de prud'hommes de Bobigny formation paritaire section encadrement RG n° 07/03797
APPELANTE
Mme [K] [B]
[Adresse 4]
[Localité 2]
comparante en personne, assistée de Me Vincent DE SERESIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E 0782
INTIMÉE
SQLI venant aux droits de la société SYSDEO
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Pierre BREGOU, avocat au barreau de PARIS, toque : P94 substitué par Me Amélie NOUEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C 0596
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 février 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Michèle MARTINEZ, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente
Madame Michèle MARTINEZ, conseillère
Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseillère
GREFFIER : Monsieur Eddy VITALIS, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Présidente et par Madame Nadine LAVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [K] [B] a été embauchée à compter du 22 mai 2000 en qualité d'ingénieur, statut cadre, position 2.2, coefficient 130, par la société Objectiva, aux droits de laquelle est venue la société Sysdeo et se trouve la société SQLI.
L'entreprise occupait à titre habituel au moins onze salariés et la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseil et sociétés de conseil était applicable aux relations de travail.
Mme [B] percevait en dernier lieu un salaire moyen mensuel brut de 3 845,03 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 septembre 2007, Mme [B] a été licenciée pour faute grave sans préavis ni indemnité.
Le 25 octobre 2007, Mme [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny de demandes tendant en dernier lieu au paiement des indemnités de rupture, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts et d'une allocation de procédure.
Par jugement du 15 janvier 2009, le conseil de prud'hommes a débouté Mme [B] de toutes ses demandes.
Mme [B] a interjeté appel. Elle demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner la société SQLI à lui payer :
- 9 399 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 11 535 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1 153 euros au titre des congés payés afférents,
- 69 210 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3 845 euros à titre de dommages et intérêts,
- 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société SQLI conclut à la confirmation du jugement, à l'entier débouté de Mme [B] et sollicite 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées lors de l'audience des débats.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La lettre de licenciement pour faute grave du 27 septembre 2007, énonce :
« Une mission correspondant à vos compétences vous a été assignée auprès de notre important client Groupama sis à [Localité 6] (34).
Dans un premier temps vous avez émis des réserves quant à la prise en charge des frais relatifs à ce déplacement professionnel.
Votre manager, [L] [V], vous a offert d'augmenter la prise en charge des frais engagés au-delà des normes prévues par notre procédure de remboursement de frais. A cette occasion, une avance sur frais vous a même été expressément proposée.
Par un mail du 11 septembre 2007, vous avez refusé ces aménagements et par la même occasion vous avez refusé d'exécuter cette mission à [Localité 6].
Lors de l'entretien préalable du 24 septembre 2007, vos étiez assistée par [S] [P], délégué du personnel.
Nous vous avons demandé des explications sur votre refus afin de comprendre votre motivation. Nous vous avons demandé si vous aviez des raisons personnelles pour ne pas respecter vos obligations contractuelles. Vous nous avez répondu que cela n'était pas le cas.
Vous avez alors réitéré votre refus catégorique de vous rendre en mission chez notre client à [Localité 6].
Outre le fait que vous n'ayez aucune latitude pour choisir vos missions ou leur lieu d'exécution, nous vous rappelons que vous avez expressément accepté lors de la signature de votre contrat de travail des déplacements tant en France qu'à l'étranger (art.3-Lieu de travail). ».
Il résulte du rapprochement des articles L.1221-1 du code du travail et 1134 du code civil qu'une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d'application et qu'elle ne peut conférer à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée.
La société Sysdeo, pour demander à Mme [B] d'aller en mission à [Localité 6] pour quatre mois minimum alors que la salariée était domiciliée et résidait à [Localité 7], s'est fondée sur les dispositions de l'article 3 du contrat de travail qui stipule :
« Article 3 ' Lieu de travail
Mme [G] [[B]] exercera ses fonctions tant au siège de la société actuellement situé [Adresse 3] que chez les clients de la société, et effectuera de part ses fonctions, des déplacements en France et à l'étranger chez les clients de la société.
Il est expressément accepté par Mme [G] [[B]] que la société pourra fixer en un autre lieu le centre de ses activités sans que ce déplacement puisse constituer une modification substantielle de son contrat de travail et ouvrir droit à une indemnité quelconque. Par ailleurs, un transfert de siège social de la société ne constitue pas une modification substantielle du contrat de travail ».
En dépit de leur intitulé, ces dispositions caractérisent une clause de mobilité dont la mise en 'uvre est susceptible de porter atteinte au droit de la salariée à une vie personnelle et familiale même si elle n'implique pas obligatoirement son déménagement. Elles ne définissent cependant pas précisément sa zone géographique d'application, de sorte qu'elles confèrent à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement et façon indéterminable la portée et ne mettent pas la salariée en mesure d'apprécier la portée exacte de son engagement contractuel.
En conséquence cette clause est nulle et, non seulement Mme [B] n'a commis aucune faute grave en refusant sa mise en 'uvre, mais le licenciement survenu au motif de ce refus est dépourvu de cause réelle et sérieuse et ouvre droit au profit de la salariée au paiement des indemnités de rupture et de dommages-intérêts.
Le jugement sera en conséquence infirmé.
Les montants réclamés par la salariée au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement ne sont pas discutés par l'employeur et ont été correctement calculés par l'appelante au vu de son ancienneté, du montant de son salaire et des dispositions applicables.
Il sera fait droit à ses demandes de ces chefs.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d'allouer à Mme [B], en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, de condamner l'employeur à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage payées à salariée à compter du jour de son licenciement dans la limite de six mois.
La salariée ne démontrant aucun préjudice distinct de ceux réparés par les sommes octroyées ci-dessus, sa demande de dommages-intérêts supplémentaires sera rejetée.
Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile sont réunies. Il convient d'allouer à Mme [B] une somme de 2 500 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour
Infirme le jugement déféré ;
Statuant à nouveau et ajoutant,
Condamne la société SQLI à payer à Mme [B] :
- 9 399 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 11 535 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1 153 euros au titre des congés payés afférents,
- 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne le remboursement par la société SQLI à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à Mme [B] à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois ;
Rejette le surplus des demandes, en particulier celle en paiement de dommages-intérêts supplémentaires ;
Condamne la société SQLI aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE