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20/10/2011 | FRANCE | N°09/22558

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 20 octobre 2011, 09/22558


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2011



(n° , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/22558



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Octobre 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2007013142





APPELANTE



S.A. BANQUE SAFRA agissant poursuites et diligences de son Président Directeur Général

[Adress

e 1]

[Localité 4]



représentée par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoué à la Cour

assistée de Me Jean-Emmanuel KUNTZ, avocat au barreau de PARIS , toque : D 214







INTIMÉS



Monsieu...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2011

(n° , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/22558

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Octobre 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2007013142

APPELANTE

S.A. BANQUE SAFRA agissant poursuites et diligences de son Président Directeur Général

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoué à la Cour

assistée de Me Jean-Emmanuel KUNTZ, avocat au barreau de PARIS , toque : D 214

INTIMÉS

Monsieur [Z] [R] [F]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par la SCP BASKAL CHALUT-NATAL, avoué à la Cour

assisté de Me Julien ANDREZ, avocat au barreau de PARIS , toque : R 090

S.A. XL AIRWAYS anciennement dénommée STAR AIRLINES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU ET PELIT-JUMEL, avoué à la Cour

assistée de Me Blaise GUICHON, avocat au barreau de PARIS, toque : D 0573

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Mars 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseillère, et devant Madame Caroline FEVRE, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Claude APELLE, Présidente

Mme Marie-Josèphe JACOMET, Conseillère

Mme Caroline FEVRE, Conseillère

Greffier, lors des débats : M. Sébastien PARESY

ARRET :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseillère, au lieu et place de Madame Marie-Claude APELLE, Présidente empêchée, et par M. Sébastien PARESY, greffier auquel la minute de l'arrêt a été remise par le magistrat signataire.

**************

La société anonyme Banque Safra France est appelante d'un jugement rendu le 27 octobre 2009 par le tribunal de commerce de Paris, qui a : joint les procédures ; mis hors de cause Me [J] [E] et Me [N] [V] ès qualités de mandataires liquidateurs de la liquidation judiciaire de la société par actions simplifiée Air Horizons ; pris acte de l'intervention volontaire de la société d'exercice libéral à responsabilité [V], représentée par Me [N] [V] ; pris acte de ce que la société Banque Safra France a renoncé à ses demandes formulées contre la société Air Horizons dans ses assignations des 11 et 20 juillet 2007 ; dit que la convention de nantissement signée le 22 septembre 2005 est inopposable à la société XL Airways, anciennement dénommée Star Airlines ; condamné la société Banque Safra France à rembourser à la société XL Airways, anciennement dénommée Star Airlines, la somme de trois millions deux cent vingt-trois mille huit cent cinquante-cinq euros et cinq centimes (3.223.855,05 €), avec les intérêts au taux légal à compter du 12 février 2007 et capitalisation des intérêts ; débouté la société Banque Safra France de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts à l'encontre de la société XL Airways, anciennement dénommée Star Airlines ; débouté la société Banque Safra France de sa demande reconventionnelle à l'encontre de M. [Z] [F] ; débouté M. [Z] [F] et la société d'exercice libéral à responsabilité [V], en qualité de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Air Horizons, de leurs demandes en dommages-intérêts pour procédure abusive ; ordonné l'exécution provisoire de la décision, à charge pour la société XL Airways, anciennement dénommée Star Airlines, de fournir une caution bancaire couvrant le principal et, éventuellement, les intérêts ; condamné la société Banque Safra France à payer à la société XL Airways, anciennement dénommée Star Airlines, la somme de dix mille euros (10.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; condamné la société Banque Safra France à payer à la société d'exercice libéral à responsabilité [V], représentée par Me [N] [V], en qualité de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Air Horizons, la somme de deux mille euros (2.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ; condamné la société Banque Safra France aux dépens.

I.- Faits et rapports contractuels constants. Rappel des procédures :

La société par actions simplifiée Air Horizons (ci-après, la société Air Horizons) et la société anonyme Star Airlines (ci-après, la société Star Airlines), ensuite dénommée XL Airways (ci-après, la société XL Airways), avaient pour activité le transport aérien de passagers.

Le 22 septembre 2004, date de la signature de contrat à l'origine du litige, la société de droit anglais Angel Gate Aviation Limited (ci-après, la société Angel Gate Ltd) détenait 100% du capital de la société Air Horizons et une participation minoritaire (27%) dans le capital de la société anonyme Star Airlines.

M. [Z] [F] était président-directeur général de la société Star Airlines et représentant légal de la société Angel Gate Ltd.

La société Banque Safra France (ci-après, la Banque Safra) était le banquier habituel de la société Air Horizons.

Courant 2005, le groupe Marmara, voyagiste, a proposé à la société Star Airlines de devenir son partenaire pour assurer des vols moyen et long-courriers pour une durée ferme de deux ans. La société Star Airlines, ayant la capacité d'assurer les vols long-courriers, mais non les vols moyen-courriers, a proposé que ceux-ci soient pris en charge par la société Air Horizons.

Le 2 août 2005, les sociétés Star Airlines, Air Horizons et Marmara ont conclu un contrat d'affrètement moyen-courrier, aux termes duquel la société Star Airlines s'engageait à fournir à la société Marmara, par l'intermédiaire de la société Air Horizons, des avions afin d'effectuer des vols avec l'Égypte ; Star AirLines devait percevoir toutes les sommes dues par la société Marmara en rémunération des services fournis et en rétrocéder la majeure partie à la société Air Horizons, prestataire du service de transport de passagers.

Le 22 septembre 2005, la Banque Safra a accordé à la société Air Horizons, afin de lui permettre de disposer des moyens financiers nécessaires pour exécuter les obligations contractées auprès de la société Marmara, une ouverture par découvert en compte d'un montant maximum de trois millions cinq cent mille euros (3.500.000 €).

Le même jour, aux termes d'un acte intitulé «'convention de nantissement de compte de dépôt à terme pour comptes de tiers'», la société Star Airlines a consenti à la Banque Safra un nantissement d'un compte de dépôt à terme n° N30173405 d'un montant de trois millions cinq cent mille euros (3.500.000 €) en garantie de toutes sommes dues par la société Air Horizons au titre du contrat de crédit.

Par jugement du 16 novembre 2005, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé le redressement judiciaire de la société Air Horizons, converti en liquidation judiciaire par jugement du 7 décembre 2005.

Le 16 mars 2006, la Banque Safra a déclaré sa créance.

Le 30 mai 2006, elle a réalisé le nantissement en s'attribuant par compensation la somme de trois millions deux cent vingt-trois mille huit cent cinquante-cinq euros et cinq centimes (3.223.855,05 €).

Contestant la validité, et en tout cas l'opposabilité du nantissement consenti à la Banque Safra, la société XL Airways France (nouvelle dénomination de la société Star Airlines) l'a assignée par acte d'huissier de justice du 12 février 2007 devant le tribunal de commerce de Paris aux fins, à titre principal, de la voir condamnée à lui restituer la somme de trois millions deux cent vingt-trois mille huit cent cinquante-cinq euros et cinq centimes (3.223.855,05 €), avec les intérêts à compter de la date de l'assignation.

Par actes d'huissier de justice des 15 juin, 11 et 20 juillet 2007, la Banque Safra a appelé en cause M. [Z] [F], Me [J] [E], en qualité de mandataire de la liquidation judiciaire de la société Air Horizons, et Me [N] [V], en qualité de mandataire adjoint de la liquidation judiciaire de la société Air Horizons.

Ces trois procédures, qui ont été jointes, ont abouti au jugement entrepris.

II.- Prétentions et moyens des parties :

A.- La Banque Safra :

Aux termes de ses écritures signifiées le 22 mars 2011, valant conclusions récapitulatives conformément aux dispositions de l'article 954, alinéa 2, du Code de procédure civile, la Banque Safra demande à la Cour :

à titre principal,

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

- de dire que la convention de délégation de créance imparfaite qui lui a été consentie le 22 septembre 2005 est valide et opposable ;

- de dire que le montant de la créance issue de la convention de délégation de créance est de trois millions deux cent vingt-trois mille huit cent cinquante-cinq euros et cinq centimes

(3.223.855,05 €) ;

- de constater l'inefficacité des exceptions invoquées par la société XL Airways ;

- en conséquence, de dire que le moyen tiré de la convention de délégation de créance est recevable;

- de dire que la société XL Airways est débitrice de la somme de trois millions deux cent vingt-trois mille huit cent cinquante-cinq euros et cinq centimes (3.223.855,05 €) envers la Banque Safra ;

- d'ordonner la compensation entre la créance de la Banque Safra et la somme appréhendée par elle au titre de la réalisation du gage le 30 mai 2006 ;

- en tout état, de constater que la convention de nantissement du 22 septembre 2005 n'avait pas à être approuvée par le conseil d'administration de la société Star Airlines, de sorte qu'il est opposable à celle-ci ;

- de constater que la convention de nantissement du 22 septembre 2005 n'est pas une convention réglementée au sens de l'article L. 225-38 du Code de commerce ;

- de constater que la Banque Safra a régulièrement réalisé le nantissement consenti par la société XL Airways ;

- en conséquence, de dire opposable à la société XL Airways la convention de nantissement du 22 septembre 2005 ;

- de dire que la société XL Airways s'est acquittée de son obligation à l'égard de la Banque Safra par compensation avec le montant appréhendé par celle-ci le 30 mai 2006 en exécution du nantissement de compte à terme ;

à titre subsidiaire,

- de dire que la société Star Airlines, depuis dénommée XL Airways, a engagé sa responsabilité envers la Banque Safra par ses agissements dolosifs ;

- de dire que la Banque Safra n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de la société XL Airways ;

- en conséquence, de condamner la société XL Airways à lui payer la somme de trois millions deux cent vingt-trois mille euros huit cent cinquante-cinq ceuros et cinq centimes (3.223.855,05 €) en réparation de son préjudice ;

- de dire qu'en tant que de besoin, ce paiement viendra se compenser avec la somme appréhendée le 30 mai 2006 par la Banque Safra au titre du nantissement du compte de dépôt à terme ;

à titre infiniment subsidiaire,

- de dire que M. [F] a commis une faute détachable de ses fonctions causant un préjudice à la Banque Safra ;

- en conséquence, de condamner M. [F] à lui payer la somme de trois millions deux cent vingt-trois mille huit cent cinquante-cinq euros et cinq centimes (3.223.855,05 €) en réparation de son préjudice ;

- de débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes à son encontre ;

en tout état,

- de condamner la société XL Airways à lui payer la somme de quinze mille euros (15.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- de condamner la société XL Airways aux dépens.

À l'appui de ses demandes, la Banque Safra développe les principaux arguments suivants :

1.- Sur la recevabilité du moyen tiré de la convention de délégation :

La demande d'irrecevabilité formée par la société XL Airlines n'est pas fondée :

En effet, l'article 563 du Code de procédure civile autorise les moyens nouveaux en cause d'appel, pourvu qu'ils soient formulés au soutien de prétentions formées devant les premiers juges.

La renonciation ne se présume pas, de sorte que le fait, en premier instance, d'avoir produit la convention de délégation de créance, puis de n'en avoir pas tiré de conséquence dans les écritures ne peut faire présumer une renonciation au moyen tiré de la délégation de créance, d'autant que la procédure est orale devant le tribunal de commerce.

2.- Sur la validité de la convention de délégation de créance :

Deux conditions suspensives étaient stipulées : la déchéance du terme, résultant notamment de la liquidation judiciaire de l'emprunteur ; la notification de la mise en 'uvre au délégué.

Il n'est pas contesté que la société Air Horizons a été déclarée en liquidation judiciaire.

Le contrat stipule que la banque doit informer le délégué de la mise en 'uvre de la délégation de créance, ce qui est justifié, et non le mettre en demeure, ce qui est ajouter au contrat.

Les deux conditions contractuelles ont donc été réalisées.

3.- Sur l'opposabilité de la délégation de créance à la société XL Airways :

La délégation de créance ne peut avoir, à l'égard du délégué, le caractère d'une garantie que lorsque le délégué n'est pas débiteur du délégant : tel n'est pas le cas en l'espèce, la société Star Airlines, devenue XL Airways, étant bien débitrice de la société Air Horizons au titre du contrat du contrat d'affrètement qu'elle a conclu avec les sociétés Air Horizons et Marmara et la délégation n'emportant aucune augmentation des engagements du délégué.

Quand, comme en l'espèce, le délégué est débiteur du débiteur garanti, la délégation ne s'analyse pas en une garantie, mais en un procédé de paiement.

Les dispositions de l'article L. 225-35 du Code de commerce, qui exigent l'autorisation du conseil d'administration, ne sont donc pas applicables.

4.- Sur la demande en nullité de la convention de délégation de créance présentée par la société XL Airways :

En application de l'article L. 225-42 du Code de commerce, l'action se prescrit par trois ans, sauf si la convention a été dissimulée. La convention litigieuse ayant été signée le 23 septembre 2005 et nul n'invoquant une dissimulation, l'action en nullité est prescrite.

De toute manière, les dispositions de l'article L. 225-38 du Code de commerce sont inapplicables, aucun droit ou obligation n'ayant été créé par la convention entre les sociétés Star Airlines, devenue XL Airways, et Air Horizons.

5.- Sur l'inopposabilité des exceptions soulevées par la société XL Airways :

La convention de délégation de créance, étant qualifiée d'imparfaite à l'article 5 du contrat, s'analyse nécessairement en un engagement nouveau et autonome.

Il est de principe, dans les délégations de créance imparfaites, que ne peuvent être opposées que les exceptions prévues au contrat, qui sont d'interprétation stricte.

La convention de délégation de créance prévoit que le délégué peut opposer au délégataire les exceptions qu'il aurait contre le délégataire aux termes du contrat d'affrètement; en revanche, l'article 6 prévoit que seules des créances et des dettes issues du contrat d'affrètement (annexé à la convention) peuvent se compenser, et ainsi libérer valablement le débiteur, la société Star Airlines devenue XL Airways.

Or, le contrat dont se prévaut la société XL Airways n'est pas le contrat d'affrètement passé entre les sociétés Marmara, Star Airlines et Air Horizons, mais un contrat passé entre les sociétés Star Airlines et Air Horizons, portant sur les modalités d'exécution du contrat d'affrètement et qui n'est pas annexé à la convention de délégation de créance.

Alors qu'il est de principe que les exceptions doivent être interprétées strictement, a fortiori ne peuvent être opposées au délégataire les exceptions tirées d'un contrat qui n'est pas visé dans le contrat d'affrètement et auquel il n'est pas partie.

6.- Sur l'opposabilité et la validité de convention de nantissement :

Il n'est pas contesté qu'aucune autorisation n'a été donnée par le conseil d'administration de la société Star Airlines à un mandataire social dans l'année précédant la signature de la convention de nantissement.

La garantie souscrite n'en est pas moins valable, car l'article L. 225-35, alinéa 4, du Code de commerce ne soumet à autorisation que les actes donnés en garantie des engagements des tiers. Or, en l'espèce, la société Star Airlines n'a fait que garantir ses propres engagements, souscrits aux termes du contrat tripartie d'affrètement, qui prévoit que les engagements de fourniture d'avions s'imposent au transporteur (la société Star Airlines) comme au transporteur de substitution (la société Air Horizons). En l'espèce, la société Air Horizons n'était pas en mesure de fournir la prestation, de sorte que la société Star Airlines la devait. La seconde société n'a donc garanti que son propre engagement, de sorte que l'autorisation du conseil d'administration n'était pas exigée.

En outre, il y a eu confusion de patrimoines entre les sociétés Air Horizons et Star Airlines, résultant de la démonstration de l'existence des deux critères alternatifs que sont la confusion des comptes et l'existence de flux financiers anormaux. Si seuls les mandataires judiciaires peuvent agir en extension de la procédure de liquidation judiciaire en se prévalent d'une confusion des patrimoine, par contre, il n'est pas interdit à un créancier d'invoquer un tel fait à l'appui d'une autre demande.

En outre, la convention de nantissement n'est ni une convention réglementée au sens de l'article L. 225-38 du Code de commerce, ni une convention comportant des conséquences dommageables pour la société au sens des articles L. 225-38 et L. 225-42 du même code, d'où il suit qu'elle n'avait pas à être autorisée par le conseil d'administration.

7.- Sur la faute délictuelle invoquée par la société XL Airways :

La Banque Safra ignorait que la situation de la société Air Horizons était irrémédiablement compromise et, si tel était le cas, M. [F], dirigeant de la holding Angel Gate Ltd et des deux sociétés Air Horizons et XL Airways, était mieux à même que quiconque d'en avoir connaissance.

Bien évidemment, la banque n'ignorait pas que la société Air Horizons connaissait des difficultés, mais les difficultés que rencontre une entreprise ne démontrent pas que le banquier commet une faute en lui consentant un concours : une interprétation inverse aboutirait à interdire le sauvetage d'une entreprise par le crédit.

Le contrat d'affrètement passé avec la société Marmara, un des plus importants voyagistes européens, pour une durée ferme de deux ans, générant une forte augmentation du chiffre d'affaires du transporteur, à des conditions financières apparemment parfaitement normales, constituait une excellente opportunité pour la société Air Horizons ; normalement une augmentation du chiffre d'affaires permet de générer une amélioration de la marge, donc de résoudre, du moins de réduire, les difficultés, notamment de trésorerie.

La convention de crédit a été conclue à des conditions, notamment de taux, parfaitement normales.

L'allégation suivant laquelle le crédit consenti aurait permis à la société Air Horizons de différer artificiellement sa cessation de paiement en réglant des factures anciennes au lieu d'affecter les fonds à l'exécution du contrat d'affrètement est purement fantaisiste, puisque la société Air Horizons n'avait pas la libre disposition des fonds.

Enfin, contrairement à ce qu'allègue la société XL Airways, le tribunal de commerce n'a pas fait rétroagir la date de cessation des paiements de la société, et quand bien même tel aurait été le cas, une telle décision ne peut signifier ni l'existence d'une situation irrémédiablement compromise, ni sa connaissance par la banque, ni même l'existence d'une insuffisance de trésorerie grave et prolongée.

8.- À titre subsidiaire, sur la responsabilité de la société XL Airways :

Si la Cour venait à déclarer les conventions de nantissement et de délégation de créance inopposables ou nulle, la Banque Safra serait fondée à faire valoir que la société XL Airways a engagé sa responsabilité envers elles en usant de man'uvres dolosives pour l'amener à consentir le crédit.

Certes, la société XL Airways n'est pas partie à la convention de crédit, mais il est constant que les man'uvres dolosives d'un tiers au contrat sont susceptibles d'engager sa responsabilité.

La société XL Airways a commis un dol par réticence en dissimulant à la Banque Safra les difficultés de la société Air Horizons, qu'elle ne pouvait que connaître, puisque, le 28 septembre 2005, soit quelques jours après la signature de la convention de crédit, elle est montée à 49% du capital de l'emprunteur, ce qu'elle n'a à l'évidence pas fait sans avoir fait procéder à un audit.

La société XL Airways a également usé de man'uvres dolosives positives, d'une part, en déclarant dans la convention de nantissement et de délégation de créance que les autorisations nécessaires avaient été données à son mandataire social, d'autre part, en faisant croire à la Banque Safra qu'elle apporterait son soutien à la société Air Horizons.

Le préjudice subi par la Banque Safra du fait de ces man'uvres dolosives est égal au montant de l'ouverture de crédit, qui n'aurait pas été consentie à défaut de nantissement et de délégation de créance.

9.- À titre subsidiaire, sur la responsabilité de M. [F] :

La simple constatation que M. [F] a agi en sa qualité de président-directeur général de la société Star Airlines et que celle-ci avait un intérêt social à signer la convention de nantissement et de délégation de créance ne saurait l'exonérer de sa responsabilité personnelle.

La faute du dirigeant social est séparable de ses fonctions lorsqu'elle est formellement ou matériellement rattachée à celles-ci, mais commise pour des mobiles personnels, comme la recherche d'un intérêt personnel.

En l'espèce, M. [F] avait bien un intérêt personnel à ce que la société XL Airways, dont il était le président-directeur général, garantisse la société Air Horizons, qu'il dirigeait indirectement par le truchement de la société Angel Gate Ltd.

La faute est d'une telle gravité ' en ce que M. [F] a affirmé à l'article 8 du contrat de nantissement qu'il disposait des pouvoirs et autorisations nécessaires ' qu'elle est incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales.

La faute de M. [F] présente donc les deux caractères principaux et cumulatifs de la faute personnelle : elle est intentionnelle et d'une gravité particulière.

B.- La société XL Airways France, anciennement dénommée Star Airlines :

Par conclusions signifiées le 29 mars 2011, valant conclusions récapitulatives conformément à l'article 954, alinéa 2, du Code de procédure civile, la société XL Airways France, anciennement dénommée Star Airlines, demande à la Cour :

concernant la délégation de créance du 22 septembre 2005,

à titre principal et in limine litis,

- de dire que le moyen de la Banque Safra tiré de la délégation de créance est irrecevable en raison de la renonciation de la banque à s'en prévaloir dans ses écritures en date des 12, 17 et 22 septembre 2009, cette renonciation étant la conséquence de la connaissance par la banque de l'absence d'entrée en vigueur de la convention faute de mise en 'uvre des deux conditions cumulatives stipulées, de l'absence d'information du liquidateur judiciaire sur l'existence de cette sûreté et de la mise en 'uvre de la garantie au seul visa du nantissement ;

- en conséquence, de condamner la Banque Safra à lui payer la somme de trois millions deux cent vingt-trois mille huit cent cinquante-cinq euros et cinq centimes

(3.223.855,05 €), avec les intérêts de droit à compter du jour de l'assignation et capitalisation desdits intérêts ;

- de débouter la Banque Safra de sa demande de compensation ;

à titre subsidiaire,

- de dire que la délégation de créance est caduque, faute pour la Banque Safra d'avoir mis en 'uvre les deux conditions suspensives cumulatives convenues ;

à titre très subsidiaire,

- de dire que la délégation de créance lui est inopposable pour n'avoir pas été préalablement autorisée par le conseil d'administration ;

- en conséquence, de condamner la Banque Safra à lui payer la somme de trois millions deux cent vingt-trois mille huit cent cinquante-cinq euros et cinq centimes

(3.223.855,05 €), avec les intérêts de droit à compter du jour de l'assignation et capitalisation desdits intérêts ;

- de débouter la Banque Safra de sa demande de compensation ;

- de dire que la délégation de créance est nulle par application des articles 225-38, 225-40 et 225-42 du Code de commerce ;

à titre infiniment subsidiaire,

- de dire que la délégation de créance, constituant une garantie, lui est inopposable faute d'avoir été préalablement autorisée par le conseil d'administration ;

concernant la convention de nantissement du 22 septembre 2005,

- en conséquence, de condamner la Banque Safra à lui payer la somme de trois millions deux cent vingt-trois mille huit cent cinquante-cinq euros et cinq centimes

(3.223.855,05 €), avec les intérêts de droit à compter du jour de l'assignation et capitalisation desdits intérêts ;

- de débouter la Banque Safra de sa demande de compensation ;

à titre subsidiaire,

- de déclarer nulle, au visa des articles 225-38, 225-40 et 225-42 du Code de commerce, la convention de nantissement signée entre la Banque Safran et les sociétés XL Airways France ;

- en conséquence, de condamner la Banque Safra à lui payer la somme de trois millions deux cent vingt-trois mille huit cent cinquante-cinq euros et cinq centimes

(3.223.855,05 €), avec les intérêts de droit à compter du jour de l'assignation et capitalisation desdits intérêts ;

- de débouter la Banque Safra de sa demande de compensation ;

en tout état,

- de constater l'irrégularité de la procédure de réalisation du nantissement au regard des articles 2078 du Code civil et L. 521-3 du Code de commerce ;

en conséquence, de condamner la Banque Safra à lui payer la somme de trois millions deux cent vingt-trois mille huit cent cinquante-cinq euros et cinq centimes

(3.223.855,05 €), avec les intérêts de droit à compter du jour de l'assignation et capitalisation desdits intérêts ;

- de débouter la Banque Safra de sa demande de compensation ;

à titre infiniment subsidiaire,

- de dire que la Banque Safra a engagé sa responsabilité en consentant un crédit à la société Air Horizons, dont la situation était irrémédiablement comprise, et que la société Star Airlines, depuis dénommée XL Airways, n'a commis aucune faute ;

en conséquence, de condamner la Banque Safra à lui payer la somme de trois millions deux cent vingt-trois mille huit cent cinquante-cinq euros et cinq centimes

(3.223.855,05 €), avec les intérêts de droit à compter du jour de l'assignation et capitalisation desdits intérêts ;

- de débouter la Banque Safra de sa demande de compensation ;

- de dire que la société Star Airlines, depuis dénommée XL Airways, n'a commis aucun dol ;

en conséquence, de condamner la Banque Safra à lui payer la somme de trois millions deux cent vingt-trois mille huit cent cinquante-cinq euros et cinq centimes

(3.223.855,05 €), avec les intérêts de droit à compter du jour de l'assignation et capitalisation desdits intérêts ;

- de débouter la Banque Safra de sa demande de compensation ;

en tout état,

- de condamner la Banque Safra à lui payer la somme de dix mille euros (10.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- de condamner la Banque Safra aux dépens.

Au soutien de ses demandes, la société XL Airways fait valoir les arguments qui seront résumés ainsi qu'il suit :

1.- Sur l'irrecevabilité du moyen de la société Banque Safra France fondé sur la délégation de créance :

Le moyen est irrecevable, car la Banque Safra y a renoncé devant le tribunal de commerce, ce qui résulte du fait qu'après avoir produit l'acte, elle ne s'en n'est pas prévalue dans ses conclusions successives.

Cette renonciation était la conséquence logique des trois raisons cumulatives suivantes:

La Banque Safra savait que la convention stipulant une délégation de créance n'était pas entrée en vigueur, faute pour elle d'avoir mis en 'uvre les deux conditions suspensives cumulatives mentionnées à l'article 4.

Le comportement de la Banque Safra, qui en appréhendant les fonds ne s'est prévalue que du seul nantissement à l'exclusion de la délégation de créance, démontre qu'elle a renoncé à se prévaloir de celle-ci, qu'elle savait caduque.

Dans son courrier du 31 mai 2006 indiquant à la société Star Airlines qu'elle avait mis en 'uvre sa garantie, la Banque Safra n'a visé que la convention de nantissement sur instruments financiers.

2.- Sur la caducité, l'inopposabilité et la nullité de la délégation de créance :

À titre subsidiaire, la société XL Airways soutient que la délégation de créance est caduque, la Banque Safra n'ayant pas mis en 'uvre les deux conditions suspensives cumulatives convenues : la notification de la déchéance du terme à l'emprunteur et la notification au délégué. Il est constant que l'absence de réalisation d'une condition suspensive prévue à une convention détermine la caducité de celle-ci.

Très subsidiairement, la convention de délégation de créance est inopposable à la société Star Airlines, devenue XL Airways, car, constituant une garantie et non un simple moyen de paiement, elle devait être approuvée par le conseil d'administration de la société garante, conformément à l'article L. 225-35 du Code de commerce ' une telle approbation n'étant jamais intervenue.

À titre encore plus subsidiaire, la convention de délégation de créance est nulle pour n'avoir pas été soumise préalablement à l'approbation du conseil d'administration, en méconnaissance des dispositions de l'article 225-38 du Code de commerce. Une délégation de créance par laquelle une société garantit une autre société qui perçoit la quasi totalité de la rémunération de l'opération, de sorte que le garant prend un risque lourd quasiment sans rémunération, est nécessairement une opération réglementée au sens de l'article 225-38, alinéas 2 et 3, du Code de commerce, nécessitant l'autorisation préalable du conseil d'administration, un avis aux commissaires aux comptes et une consultation de l'assemblée générale ordinaire, et non une opération courante conclue dans des conditions normale, au sens de l'article 225-39 du même Code.

Le défaut d'autorisation du conseil d'administration est sanctionnée par l'inopposabilité des garanties.

3.- Sur l'exception de compensation :

À titre infiniment subsidiaire, la société XL Airways soutient qu'elle est en droit d'opposer, conformément à l'article 2, alinéa 3, de la convention de délégation de créance à la Banque Safra, les exceptions qu'elle détient en vertu du contrat d'affrètement, en l'espèce, ses exceptions de compensation.

4.- Sur la convention de nantissement du 22 septembre 2005 :

Il est démontré, par un procès-verbal d'huissier de justice et la production de l'ensemble des procès-verbaux du conseil d'administration de la société Star Airlines que M. [F], président-directeur général, n'a jamais été autorisé à consentir un nantissement du compte de dépôt à terme de la société.

Le nantissement a donc été accordé en violation des dispositions de l'article 225-35, alinéa 4, du Code de commerce, de sorte qu'il est inopposable à la société XL Airways, anciennement Star Airlines.

C.- M. [Z] [F] :

Suivant écritures signifiées le 8 février 2011, valant conclusions récapitulatives conformément à l'article 954, alinéa 2, du Code de procédure civile, M. [Z] [F] demande à la Cour :

à titre principal,

- de dire qu'il n'a pas commis de faute à l'égard de la Banque Safra ;

- de dire que la Banque Safra ne dispose d'aucun moyen d'agir à son encontre ;

- en conséquence, de débouter la Banque Safra de toutes ses demandes

à titre subsidiaire,

- de dire la convention de nantissement régulière et opposable à la Banque Safra ;

- en conséquence, de débouter la Banque Safra de toutes ses demandes à son encontre ;

en tout état,

- de condamner la Banque Safra à lui payer la somme de cinquante mille euros

(50.000 €) en réparation du préjudice subi du fait de la procédure abusive intentée ;

- de condamner la Banque Safra aux dépens.

M.[F] développe les arguments qui seront résumés comme suit :

1.- Sur l'irrecevabilité de son appel en garantie par la Banque Safra :

L'article 31 du Code de procédure civile dispose qu'un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal.

Pour étayer son action principale à son encontre, la Banque Safra soutient, d'une part, que M. [F] aurait engagé sa responsabilité personnelle en signant la convention de nantissement, d'autre part, qu'elle serait fondée à agir directement contre lui en raison d'une prétendue nullité de cette convention.

Ces arguments ne sont pas fondés :

M. [F] a signé la convention de nantissement pour le compte de la société Star Airlines, puisqu'il en était le président-directeur général, donc une personne dûment habilitée, et non pour son compte personnel.

Il est à peine besoin de rappeler qu'une société, personne morale, est distincte de son dirigeant.

M. [F] a signé, pour le compte de la société Star Airlines, un contrat de nantissement et de délégation de créance à l'évidence justifié économiquement et dans l'intérêt de la société qu'il dirigeait : ce contrat permettait de contracter avec la société Marmara, tour-opérateur des destinations méditerranéennes, et ainsi de conquérir un marché international générant un chiffre d'affaires de vingt-quatre millions d'euros (24.000.000 €). Il n'a pas, à l'évidence, agi contre les intérêts de la société qu'il dirigeait.

Quand bien même la convention de nantissement serait annulée, M. [F] n'a commis aucune faute délictuelle à l'encontre de la Banque Safra : le fait pour un dirigeant social de n'avoir pas vérifié ses pouvoirs et leur étendue ne constitue pas une faute détachable des fonctions.

L'invocation par la banque d'un intérêt personnel du dirigeant à la conclusion de la convention de crédit est dépourvue de pertinence : la question qu'invoque la banque est celle de l'intérêt indirect au sens de l'article L. 225-38 du Code de commerce relatifs aux conventions réglementées entre les sociétés et leurs dirigeants, qui est sans rapport avec l'espèce.

2.- Sur la régularité de la convention de nantissement :

Contrairement à ce que soutient la société XL Airlines, la convention de nantissement ne relève pas des conventions qui peuvent être annulées par application de l'article L. 225-42 du Code de commerce, pour n'être pas être au nombre de celles prévues à l'article L. 225-38, alinéa 3, du même code (conventions conclues sans accord du conseil d'administration par la société avec une autre société) : la société Air Horizons n'étant pas partie à la convention de nantissement, celle-ci n'entre pas dans les prévisions de l'article L. 225-42.

La convention de nantissement ne peut donc être annulée.

Par ailleurs, le nantissement étant une sûreté et non une garantie autonome, le président-directeur général de la société garante n'a pas à être autorisé par le conseil d'administration pour le consentir, l'article L. 225-35, alinéa 4, du Code de commerce ne visant que les garanties.

3.- Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive :

L'appel en garantie formé par la Banque Safra est non seulement dépourvu de tout fondement, mais encore caractérisé par une légèreté fautive, une mise en cause grossière et abusive et une volonté de jeter le discrédit sur M. [F] en mettant en doute sa gestion de la société Star Airlines.

Cette procédure est donc abusive et le dommage subi par M. [F] doit être réparé par l'allocation de la somme de cinquante mille euros (50.000 €) à titre de dommages-intérêts.

' ' '

La Cour se réfère aux écritures récapitulatives des parties pour le détail plus ample de leurs arguments.

SUR CE,

I.- Sur la demande de la société XL Airways, anciennement dénommée Star Airlines, en irrecevabilité du moyen de la Banque Safra tiré de la délégation de créance :

Considérant que l'article 563 du Code de procédure civile dispose que les parties peuvent invoquer en appel des moyens nouveaux ;

Considérant qu'en application de l'article 1353 du Code civil, la renonciation à un droit ne se présume pas ; qu'il faut qu'elle résulte de faits qui soient directement, et à tous égards, exclusifs de l'exercice de ce droit ; que le silence conservé sur un droit ne peut, à lui seul, valoir renonciation ;

Considérant que le fait que la Banque Safra n'ait mentionné dans sa déclaration de créance que le nantissement, à l'exclusion de la délégation de créance, n'est pas susceptible de démontrer la renonciation aux droits tirés de la délégation, puisque seule la qualité de créancier nanti était de nature à lui assurer des droits spécifiques dans la procédure collective ;

Considérant que la circonstance que la Banque Safra n'ait visé dans sa lettre du 3l mai 2006 à la société Star Airlines que le nantissement ne peut démontrer qu'elle ait renoncé à se prévaloir des droits qu'elle pouvait tirer d'une délégation de créance, puisque ce courrier, visant à informer la société Star Airlines de la réalisation du nantissement conformément aux dispositions contractuelles, n'avait pas à faire état d'une délégation de créance qui n'était pas mise en 'uvre ;

Considérant que la production par la Banque Safra en première instance d'un acte de délégation de créance suivie de l'absence d'invocation d'un moyen fondé sur l'existence de cet acte dans ses écritures ne peut démontrer la renonciation de cette partie au droit de se prévaloir du moyen, alors que la procédure est orale devant le tribunal de commerce, conformément à l'article 871 du Code de commerce, et qu'aucun terme des conclusions de première instance de la Banque Safra produites aux débats ou de l'énonciation des arguments des parties dans la décision entreprise n'établit une volonté de renoncer au droit d'invoquer le moyen ;

II.- Sur l'inopposabilité à la société XL Airways, anciennement dénommée Star Air Lines, du nantissement et de la délégation de créance :

Considérant qu'il n'est pas contesté que le nantissement, dans sa définition antérieure à l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, applicable à l'espèce, constitue une garantie ;

Considérant que, s'agissant de la discussion sur la convention de créance, qu'il y a lieu d'examiner les demandes de la société XL Airways France, anciennement Star Airlines, dans l'ordre logique, celle portant sur l'inopposabilité de la convention de délégation de créance devant être étudiée d'abord, les questions de la caducité et de la nullité devenant sans objet si l'acte ne lui est pas opposable ;

Considérant que constitue une garantie toute obligation accessoire à la charge d'une partie et qui renforce la position de son cocontractant en cas d'exécution ;

Considérant que la délégation de créance, lorsqu'elle est imparfaite, ne constitue pas un simple moyen de payement simplifié, mais une garantie ;

Considérant qu'en application de l'article 1134, alinéa 1er, du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;

Considérant que les parties ont expressément convenu d'une délégation «'imparfaite'» (convention de délégation de créance, deuxième page, troisième

paragraphe) ; qu'en outre, il a été stipulé un article 15 «'Suretés'», qui énonce : «'Le crédit est consenti par la banque à l'emprunteur sous la condition de la constitution au profit de la banque de sûretés suivantes : nantissement du compte du dépôt à terme par Star Airlines, tiers garant figurant en annexe 2, et délégation de créance figurant en annexe

2'» ; que, la délégation de créance étant contractuellement qualifiée d'«'imparfaite'», et la société Star Airlines de «'garant'», il ne peut être contesté qu'elle s'analyse en une

garantie ;

Considérant qu'en application des dispositions d'ordre public des articles

L. 225-35, alinéa 4, du Code de commerce et 89 du décret 67-236 du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales, les garanties donnés par des sociétés autres que celles exploitant des établissements bancaires ou financiers doivent faire l'objet d'une autorisation du conseil d'administration ; que l'argument de la Banque Safra selon lequel l'acte discuté ne rentrerait pas dans les prévisions des articles L. 225-38 et L. 225-42 du Code de commerce est inopérant, dès lors qu'en vertu de l'article L. 225-35, alinéa 4, susvisé, les conventions de garantie doivent être autorisées, généralement dans des limites de temps ou de montant ou spécialement, même si elles ne sont pas passées entre la société et un mandataire social, un actionnaire disposant d'au moins 10% des droits de vote ou une société actionnaire la contrôlant au sens de l'article L. 233-3 du même

code ;

Considérant que l'argument de la Banque Safra selon lequel l'article L. 225-35, alinéa 4, susvisé ne serait pas applicable car ne seraient soumis à autorisation que les actes donnés en garantie des engagements des tiers, alors que la société Star Airlines n'aurait garanti que ses propres engagements constitue une contradiction logique, puisque, si on est débiteur de ses obligations, on ne garantit que celles d'un autre ; qu'au demeurant, il est démontré par les stipulations du contrat d'affrètement que le transporteur (la société Star Airlines) et le transporteur de substitution (la société Air Horizons) avait chacun leurs obligations propres et que le premier a garanti les obligations du second ;

Considérant que la société garante et la société garantie n'étant pas société-mère et filiale, ni même filiale d'une même société-mère ' la société Angel Gate Ltd, holding de la société Air Horizons, ne possédant à la date du contrat que 27,30% du capital de la société Star Airlines, de sorte qu'elle ne peut être tenue pour une société détenant le contrôle au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce ', l'invocation par la Banque Safra d'exceptions concernant certaines garanties données par une société-mère à une filiale, est inopérante ;

Considérant que la Banque Safra ne peut faire valoir que les dispositions sus-spécifiées ne seraient pas applicables en raison de la confusion entre le patrimoine de la société garante et celui de la société garantie, dès lors que l'action en extension de la procédure collective fondée sur une confusion des patrimoines ne peut être engagée que par les mandataires de la liquidation judiciaire, ce qu'ils n'ont jamais fait, et que, de toute manière, aucune pièce produite aux débats n'établit la confusion des comptes ou l'existence de flux financiers anormaux caractérisant la confusion des patrimoines

alléguée ;

Considérant que l'article 9 des statuts de la société Star Airlines dispose que le conseil d'administration peut autoriser, pour une durée qui ne peut excéder un an et pour un montant maximum qu'il détermine, le président-directeur général à consentir des garanties sans qu'il ait besoin d'une autorisation spéciale ; que les termes clairs de ce texte établissent que le mandataire social ne pouvait engager la société qu'en vertu d'une autorisation spéciale ou d'une délibération l'habilitant de manière générale dans des limites de montant et de temps ;

Or considérant qu'il est démontré par un constat d'huissier de justice, qui s'est fait présenter la série complète des procès-verbaux du conseil d'administration et les a examinés, qu'il n'existe pas de délibération dudit conseil, de caractère général dans les limites légales ou spéciales autorisant le président-directeur général à constituer une garantie ; que la mention à l'article 8 de la convention de délégation de créance que «'le délégué déclare et garantit b) qu'il a obtenu de tout organe ou de toute personne habilitée toute autorisation requise pour la validité, la conclusion l'exécution et la réalisation de la présente convention'» démontre, d'une part, que la nécessité d'obtenir l'autorisation légalement exigée est incontestablement entrée dans le champ contractuel, d'autre part, que le Banque Safra ne peut se prévaloir d'un mandat apparent, alors qu'elle n'excipe pas même d'une erreur légitime dans les pouvoirs du mandataire social et que, plus encore, l'acte, contrairement aux usages bancaires, ne mentionne ni la date de l'habilitation du mandataire social, ni ne comporte en annexe une copie du procès-verbal du conseil d'administration l'ayant habilité, ce qui démontre l'absence de vérification de la banque ;

Considérant qu'il s'évince de ces constatations, tous autres arguments étant surabondants ou inopérants, que le nantissement et la délégation de créance sont inopposables à la société XL Airways France, anciennement Star Airlines ;

Que les demandes de la société XL Airways en nullité et en caducité et ses demandes subsidiaires, notamment celle fondée sur la compensation, sont par conséquence sans objet ;

III.- Sur la demande de la Banque Safra en dommages-intérêts à l'encontre de la société XL Airways, anciennement Star Airlines :

Considérant qu'en application de l'article 1116 du Code civil, le dol est un vice du consentement, mais ne constitue pas un cas spécifique d'engagement de la responsabilité, qui résulte d'une faute simple, en matière contractuelle dans les termes des articles 1146 et 1147 du Code civil, ou délictuelle, conformément aux articles 1382 et 1383 du même code ; qu'il y a lieu de constater que la Banque Safra ne tire pas du dol invoqué la seule conséquence qu'il pourrait avoir, à savoir la nullité du contrat ;

Considérant qu'il est démontré que la Banque Safra était depuis plusieurs années la banque de référence de la société Air Horizons, que le solde du compte de cette société dans ses livres était négatif depuis juin 2005, constamment et pour des montants importants, et que le relevé daté de la veille du contrat de crédit fait apparaître un solde débiteur de quatre cent cinquante-six mille trois cent dix-neuf euros (456.319 €), de sorte que la banque ne peut soutenir avoir été trompée par la société Star Airlines, au demeurant tiers à la convention de crédit ; qu'elle a consenti un crédit à la société Air Horizons en toute connaissance de sa situation financière, et en l'assortissant pour cette raison de garanties pour un montant équivalant au maximum de la prise de risque ;

Considérant que l'inexactitude de la déclaration faite à l'acte de garantie par le mandataire social quant à ses pouvoirs ne peut constituer une faute de la personne morale qu'il représente ;

Considérant qu'aucune pièce produite aux débats ne démontre que la société Star Airlines ait fait accroire à la Banque Safra qu'elle apporterait à la société Air Horizons un soutien dépassant les engagements pris au contrat d'affrètement ;

Considérant qu'en l'état de ces énonciations, il échet, confirmant le jugement entrepris, de débouter la Banque Safra de sa demande en dommages-intérêts à l'encontre de la société XL Airways ;

IV.- Sur la demande de la Banque Safra en dommages-intérêts à l'encontre de M. [F] :

Considérant qu'en application de l'article L. 225-251 du Code de commerce, le directeur général d'une société est responsable envers les tiers des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes ou des violations des statuts ;

Que la faute du dirigeant doit être séparable de ses fonctions, ce qui implique que soit démontré, cumulativement, qu'elle est incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales, a été commise délibérément et présente une particulière gravité ;

Considérant qu'il est démontré que M. [Z] [F] a signé la convention de garantie en tant que président-directeur général de la société XL Airways ; que cette société, transporteur, avait un intérêt social incontestable à signer cette convention, afin que la société Air Horizons, transporteur de substitution, dispose des liquidités suffisantes pour remplir les obligations convenues au contrat d'affrètement et qu'elle-même conserve la rémunération due pour ses services propres ; qu'il s'ensuit que la faute de M. [F] ne peut être tenue pour incompatible avec l'exercice normal des fonctions ;

Considérant que la signature d'un acte par un dirigeant non habilité ne démontre pas le caractère délibéré de la faute, qui ne peut résulter que la volonté de méconnaître les pouvoirs du conseil d'administration, que rien n'établit, et/ou de celle de porter atteinte aux droits du cocontractant, ce qui est d'autant moins soutenable que la Banque Safra est une société française, légalement censée comme M. [F] connaître la loi française, rompue à la rédaction de conventions de crédit et de garantie et qui pouvait très facilement demander, comme il est d'usage, une copie du procès-verbal de conseil d'administration habilitant le mandataire social ; qu'il s'ensuit que le caractère délibéré de la faute n'est pas établi ;

Considérant qu'en l'état de ces énonciations, il échet, confirmant le jugement entrepris, de débouter la Banque Safra de ses demande de dommages-intérêts à l'encontre de M. [F] ;

V.- Sur la demande de M. [F] en dommages-intérêts pour procédure abusive à l'encontre de la Banque Safra :

Considérant qu'en application des articles 1382 et 1383 du Code civil, le seul fait d'engager une action en justice ou d'exercer un recours déclaré ensuite mal fondé ne peut, à défaut d'une légèreté blâmable, d'une ignorance particulièrement grossière des principes de droit ou d'une volonté de nuire, non démontrées en l'espèce, caractériser un abus du droit fondamental d'agir en justice ;

Que la Banque Safra doit être déboutée de cette demande ;

VI.- Sur les demandes des parties sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile :

Considérant qu'eu égard à la nature et aux circonstances de l'affaire, il n'est pas contraire à l'équité de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elle a exposés en première instance comme en cause d'appel ;

Que les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles de première instance seront infirmées et qu'y ajoutant, la Cour déboutera les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

VII.- Sur les dépens :

Considérant que la Banque Safra, partie succombante, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

Déboute la société XL Airways de sa demande d'irrecevabilité du moyen de la société Banque Safra France fondée sur l'existence d'une convention de délégation de créance.

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la convention de nantissement inopposable à la société anonyme XL Airways, anciennement dénommée Star Airlines, débouté la société Banque Safra France de ses demandes en dommages-intérêts à l'encontre de la société XL Airways, anciennement dénommée Star Airlines et en garantie à l'encontre de M. [Z] [F] et condamné la société Banque Safra France aux dépens de première instance.

Ajoutant au jugement entrepris et le réformant,

Dit que la convention de délégation de créance signée le 22 septembre 2005 est inopposable à la société XL Airways, anciennement dénommée Star Airlines.

Condamne, en conséquence de l'inopposabilité du nantissement et de la convention de délégation de créance, la société Banque Safra France à rembourser à la société XL Airways, anciennement dénommée Star Airlines, la somme de trois millions deux cent vingt-trois mille huit cent cinquante-cinq euros et cinq centimes

(3.223.855,05 €), avec les intérêts au taux légal à compter du 12 février 2007 et capitalisation desdits intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil.

Ajoutant au jugement entrepris,

Déboute la société Banque Safra France de sa demande en dommages-intérêts à l'encontre de M. [Z] [F].

Infirmant le jugement et y ajoutant,

Déboute la société Banque Safra France, la société XL Airways, anciennement Star Airlines, et M. [Z] [F] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.

Condamne la société Banque Safra France aux dépens afférents à l'instance d'appel, avec bénéfice pour les S.C.P. Grappotte, Bénetreau & Jumel et Baskal Chalut-Natal, avoués, de recouvrer directement ceux dont elles ont fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante, dans les conditions prévues à l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 09/22558
Date de la décision : 20/10/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°09/22558 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-10-20;09.22558 ?
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