RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRET DU 19 Octobre 2011
(n° 8 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/11554
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Mars 2009 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY - Section ENCADREMENT - RG n° 07/04628
APPELANT
Monsieur [K] [T]
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparant en personne
assisté de Me Audrey LEREIN, avocat au barreau de HAUTS DE SEINE
INTIMEE
SOCIETE AIR FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Isabelle MINARD, avocat au barreau de PARIS, toque : T03
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Septembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Patrice MORTUREUX DE FAUDOAS, Président de chambre
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseiller
Madame Claudine ROYER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Violaine GAILLOU, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Patrice MORTUREUX DE FAUDOAS, Président et par Madame Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Par jugement du 4 mars 2009 auquel la Cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Bobigny a :
- débouté Monsieur [K] [T] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la SA SOCIETE AIR FRANCE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les éventuels dépens à la charge de Monsieur [K] [T].
Monsieur [K] [T] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 21 décembre 2009.
Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 06 septembre 2011, conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments ;
* * *
Il résulte des pièces et des écritures des parties les faits constants suivants :
Avant 1998, la Société AIR FRANCE était une entreprise publique dont le personnel était soumis à un statut à caractère administratif.
En 1998, une loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 a permis (en son article 51 fixant diverses dispositions d'ordre économique et financier), à l'Etat actionnaire de céder, dans la limite de 12% du capital, des actions de la Société AIR FRANCE au personnel navigant technique acceptant des réductions de salaire pour la durée de leur carrière professionnelle. Il était prévu par la loi qu'un accord collectif fixerait les modalités de l'échange de salaire contre des actions et qu'un décret définirait les modalités de cession des actions au profit des salariés ayant consenti à des réductions de leur salaire.
En application de cette loi, un accord collectif intitulé Accord Global Pluriannuel (AGP) du 29 octobre 1998 a fixé en son chapitre 4 intitulé « Actionnariat des Personnels Navigants Techniques, gouvernement d'entreprise » le dispositif d'échange salaire/actions qui comprenait une offre de base (4.4a), des tranches complémentaires (4.4b) et des actions additionnelles (4.4c).
Ce dispositif d'échange salaire/actions devait se mettre en place selon l'article 4.2, sous réserve de la publication des textes officiels nécessaires et de la mise en oeuvre du processus d'ouverture du capital d'Air France et de cotation du titre sur le premier marché. Selon l'article 4.4, il était prévu que dans les mois qui précédaient l'ouverture du capital, et selon un calendrier prévisionnel lié à l'ouverture du capital, il serait proposé à chaque personnel navigant technique de définir son plan d'investissement en actions AIR FRANCE en utilisant « les formules ci-après ».
C'est ainsi qu'un avenant à son contrat de travail a été proposé à Monsieur [K] [T] ayant pour objet de définir les modalités de réduction volontaire de son salaire en échange d'actions de la compagnie, « dans le cadre de l'accord collectif conclu le 29 octobre 1998 conformément à l'article 51 de la loi n° 98-546 du 02 juillet 1998. » Cet avenant précisait :
- l'offre de base : octroi d'actions contre l'abandon de deux primes : la prime non hiérarchisée (PNH) et prime uniforme annuelle (PUA), le montant du forfait actions étant déterminé en fonction de l'âge,
- les tranches complémentaires (permettant d'obtenir un montant de 74700 francs d'actions en contrepartie d'une réduction de salaire brut de 1000 francs par mois, sur une base annuelle de 12 mois, pendant une durée 7 ans)
- l'attribution d'actions additionnelles, accordées aux souscripteurs de tranches complémentaires après 4 ans, à raison d'une action additionnelle pour 10 actions acquises dans le cadre de ces tranches complémentaires ».
Le 28 décembre 1998, le salarié a accepté l'échange salaire/actions pour l'offre de base et a souscrit à 19 tranches complémentaires. Mais un litige va l'opposer à la société AIR FRANCE au sujet de l'attribution des actions additionnelles acquises dans le cadre des tranches complémentaires, la société ayant refusé de lui accorder ces actions au motif qu'il n'était pas présent dans l'entreprise le jour de cette distribution.
Le 19 décembre 2007, Monsieur [K] [T] a saisi le conseil de prud'hommes de BOBIGNY qui a rendu la décision déférée.
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MOTIFS
Monsieur [T] soutient en substance à titre principal qu'un accord collectif ne peut suppléer à l'accord individuel résultant de l'avenant au contrat de travail, plus favorable ; que les clauses de l'accord collectif sont inopposables aux salariés et que la novation ne se présume point; que les actes administratifs ne sont pas rétroactifs et qu'il doit être fait application de la force obligatoire des contrats.
A titre subsidiaire, Monsieur [T] soutient que la société AIR FRANCE, qui se prévaut de la condition restrictive, ne pouvait ignorer celle-ci et a omis d'en faire état dans l'avenant soumis à la signature des salariés et qu'elle a commis une omission fautive.
Le salarié demande donc à la cour, de
- condamner la société AIR FRANCE à lui payer, avec intérêts au taux légal à compter de mai 2003 les sommes de :
* 58942,40 euros au titre des 1496 actions additionnelles, et à défaut de livrer les actions correspondantes,
* 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- dire et juger sa demande subsidiaire recevable et bien fondée,
- constater que la société n'a apporté aucune restriction conventionnelle dans l'accord entre les parties aux termes desquels le salarié renonçait à des avantages de son contrat de travail,
- dire et juger que la société s'est retranchée ultérieurement derrière un accord collectif et un décret,
- dire et juger que cette attitude constitue une faute qui ouvre droit à dommages et intérêts le défaut d'information des salariés constituant une obligation dont la société ne peut se départir,
- condamner en conséquence cette dernière à payer à titre de dommages et intérêts la somme de 58942,04 outre 5000 euros à titre de dommages et intérêts,
- la condamner en outre à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens.
La Société AIR FRANCE demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter l'appelant de ses demandes, de le condamner à lui payer une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de laisser les dépens à sa charge.
Après avoir rappelé les conditions (cadre législatif et réglementaire, négociation collective, cadre contractuel) dans lesquelles était intervenue l'ouverture du capital de la société au personnel navigant technique, la Société AIR FRANCE soutient en substance que l'appelant n'a pu bénéficier des actions additionnelles car il ne remplissait pas la condition de présence dans l'entreprise, condition prévue par l'article 4.4c de l'accord collectif signé en application de l'article 51 de la loi du 2 juillet 1998, et rappelée ultérieurement dans le décret d'application de la loi (article 4 du décret n° 99-84 du 9 février 1999). AIR FRANCE conteste l'allégation du salarié selon laquelle l'avenant contractuel aurait dérogé à cette condition, cet avenant s'inscrivant dans le cadre légal fixé et dans le cadre de l'accord collectif auquel cet avenant renvoie. Les dispositions prévues en cas de départ anticipé, selon AIR FRANCE confirment que l'ensemble des actions et notamment des actions additionnelles doivent avoir été acquises avant le départ de l'entreprise. La société AIR FRANCE considère qu'aucun reproche ne peut lui être fait en ce qui concerne l'information donnée aux salariés avant la signature de l'avenant; que ce dernier ne portait que sur la diminution du salaire contractuel nécessaire à l'échange salaire /actions; que le décret n'a fait que rappeler la condition de présence déjà prévue par l'AGP signé le 29 octobre 1998.
Enfin, à supposer qu'elle ait manqué à un devoir d'information, la Société conteste le montant des sommes réclamées par l'appelant en soutenant qu'il ne pourrait se prévaloir que de la perte d'une chance, dont la réparation ne peut être égale à l'avantage qu'elle aurait procuré si elle s'était réalisée.
Il convient d'observer que Monsieur [T] n'apporte en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause la décision des premiers juges, lesquels ont fait une juste appréciation des circonstances de la cause tant en droit qu'en fait par des motifs pertinents que la cour fait siens, étant observé :
- qu'il résulte clairement de l'article 4.4c l'accord global pluriannuel du 29 octobre 1998 signé en application de l'article 51 de la loi n° 98-546du 2 juillet 1998, que les actions additionnelles ne pouvaient être attribuées après 4 ans qu'aux « PNT présents dans la compagnie à cette date à hauteur de 1 action nouvelle pour 10 actions acquises dans le cadre des tranches complémentaires », les actions étant livrables au quatrième anniversaire du début de l'investissement;
- qu'un décret n° 99-84 du 9 février 1999, est venu compléter ces dispositions en prévoyant en son article 4 que les salariés de la société AIR FRANCE présents dans l'entreprise quatre ans après la livraison des actions mentionnées à l'article 3 du présent décret se verront attribuer une indemnité en actions additionnelles selon les dispositions prévues au paragraphe 4.4c « Plan d'actions additionnelles » de l'accord collectif de travail susvisé »; que cet article 3 visait expressément les tranches complémentaires ;
- que l'avenant accepté et signé par le salarié précisait expressément qu'il avait pour objet de définir les modalités de réduction volontaire de son salaire consentie en échange de l'actions de la compagnie « dans le cadre de l'accord collectif conclu le 29 octobre 1998 conformément à l'article 51 de la loi n° 98-546du 2 juillet 1998;
- que le salarié ne peut soutenir qu'une obligation d'information précontractuelle pesait sur l'entreprise alors qu'il avait adhéré par la signature de l'avenant à un dispositif prévu par un accord collectif, lequel était librement accessible à tout salarié en faisant la demande;
- que Monsieur [T] n'étant plus présent dans l'entreprise quatre ans après avoir souscrit les tranches complémentaires, celui-ci ne remplissait plus les conditions lui permettant d'obtenir l'attribution d'actions additionnelles prévues par l'article 4.4c d de l'accord collectif du 29 octobre 1998.
Il y a donc lieu de confirmer la décision déférée et de débouter Monsieur [T] de l'intégralité de ses demandes.
Monsieur [T] qui succombe supportera les dépens et indemnisera la SOCIETE AIR FRANCE des frais exposés par elle en appel à hauteur de 300 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [K] [T] à payer à la SA SOCIETE AIR FRANCE la somme de 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
Condamne Monsieur [K] [T] aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT