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13/10/2011 | FRANCE | N°09/17881

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 13 octobre 2011, 09/17881


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2011



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/17881



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Avril 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2007017170





APPELANTE:



QUANTUM ANALYSIS FUND LIMITED

société de droit des îles Britaniques

ayant son siège [Ad

resse 5]

[Adresse 5]

BRITISH VIRGIN ISLANDS

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



représentée par Maître Luc COUTURIER, avoué à la Cour

a...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2011

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/17881

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Avril 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2007017170

APPELANTE:

QUANTUM ANALYSIS FUND LIMITED

société de droit des îles Britaniques

ayant son siège [Adresse 5]

[Adresse 5]

BRITISH VIRGIN ISLANDS

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par Maître Luc COUTURIER, avoué à la Cour

assistée de Maître Laurent BERNET, avocat de la SELAS BERNET-CASTAGNET- WANTZ ASSOCIÉS au barreau de PARIS Toque : P 490

INTIMÉES:

SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES

ayant son siège :

[Adresse 2]

[Adresse 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX BOULAY, avoué à la Cour

assistée de Maître Caroline TEXIER, avocat de la SCP SONIER et Associés au barreau de PARIS Toque : P 58

BEAR STEARNS INTERNATIONAL LIMITED prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

société de droit anglais

ayant son siège [Adresse 1]

[Adresse 1] -ROYAUNE UNI

représentée par Maître Francois TEYTAUD, avoué à la Cour

assistée de Maître Dominique LEPAGNOT, avocat au barreau de PARIS Toque J 31

substituant Maître Eric BOILLOT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Juin 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Claude APELLE, Président de chambre.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Claude APELLE, Président

Madame Marie-José JACOMET, Conseiller

Madame Caroline FEVRE, Conseiller

Greffier, lors des débats : Monsieur Daniel COULON,

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseillère au lieu et place de Madame Marie-Claude APELLE, Présidente empêchée, et par Monsieur Sébastien PARESY, Greffier auquel la minute de l'arrêt a été remise par le magistrat signataire.

*************

La société Quantum Analysis Fund Limited est appelante d'un jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 7 avril 2009, qui : a déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Bear Stearns International Limited ; a débouté la société Quantum Analysis Fund Limited de son exception d'incompétence des juridictions françaises ; s'est déclaré compétent pour statuer sur l'instance, a débouté la société Quantum Analysis Fund Limited de son exception d'irrecevabilité et dit les demandes de la société Tradition Securities and Futures recevables, a condamné la société Quantum Analysis Fund Limited à payer à la société Tradition Securities And Futures la somme de cent huit mille quatre cent soixante-cinq euros et quatorze centimes (108.465,14 €), avec les intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2006 jusqu'à parfait paiement, ; a débouté la société Quantum Analysis Fund Limited en sa demande tendant à voir condamner la société Bear Stearns International Limited à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ; a débouté la société Tradition Securities And Futures de sa demande de dommages-intérêts ; a condamné la société Quantum Analysis Fund Limited à payer à la société Tradition Securities And Futures la somme de cinq mille euros (5.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

a condamné la société Quantum Analysis Fund Limited à payer à la société Bear Stearns International Limited la somme de deux mille euros (2.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; a ordonné l'exécution provisoire de la décision ; a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ; a condamné la société Quantum Analysis Fund Limited aux dépens.

I.- Faits et rapports contractuels constants. Rappel de la procédure :

La société Quantum Analysis Fund Limited (ci-après, la société Quantum Analysis Ltd) est un fonds d'investissement établi dans les Îles Vierges Britanniques. Elle est gérée par la société Exitor Trust Limited (ci-après, la société Exitor Trust Ltd), dont le siège se trouve dans le même territoire du Royaume-Uni.

La société de droit français Tradition Securities And Futures (ci-après, la société Tradition Securities), dont le siège est à [Localité 6], et la société de droit italien Tradition Italia, dont le siège est à [Localité 4], toutes deux filiales du Groupe Viel et Cie, exercent une activité d'intermédiaire sur les marchés financiers.

La société Bear Stearns International Limited (ci-après, la société Bear Stearns Ltd) est une société de droit anglais, qui exerce notamment une activité de courtage de premier ordre pour le compte de fonds d'investissement, auxquels elle fournit des services d'intermédiation classique, de financement et de prêts de titres.

La société de droit suisse Lambda Securities exerce une activité de courtage.

Le 20 juin 2006, la société Exitor Ltd, selon la société Tradition Securities, ou la société Lambda Securities, selon la société Quantum Analysis Ltd, a passé à la société Tradition Italia un ordre de vente portant sur cent soixante-dix-huit mille huit cent soixante-dix (178.870) titres Sonaecom sur le marché Euronext Portugal.

Il est démontré par les copies des courriels produits aux débats que la société Tradition Securities a demandé à plusieurs reprises, à compter du 23 juin 2006, la livraison des titres.

Le 4 juillet 2006, le Groupe Viel et Ciea fait connaître par courriel à la société Bear Stearns Ltd qu'elle était informée par son intermédiaire, la société Kas Bank, de ce que la chambre de compensation Clearnet allait mettre en 'uvre la procédure de rachat d'office le lendemain.

La société Quantum Analysis Ltd a alors proposé de scinder la livraison des titres en deux blocs.

Il n'est pas contesté que la livraison du premier bloc, soit quatre-vingt-un mille huit cent six (81.806) titres, a été réalisée en temps suffisant pour que l'opération puisse être dénouée avant la mise en 'uvre de la procédure de rachat d'office.

La procédure de rachat d'office a été exécutée par la chambre de compensation pour les quatre-vingt-dix-sept mille soixante-quatre (97.064) titres du second bloc, de sorte que la société Tradition Securities a dû acquérir les titres sur le marché au moyen de la procédure de rachat, à un prix supérieur à celui convenu.

Il y a lieu de souligner que les parties sont en désaccord sur les horaires de transmission des instructions relatives à la livraison de ce second bloc, les sociétés Quantum Analysis Ltd et Bear Stearns Ltd faisant valoir que le jugement entrepris a confondu l'heure CET (Central Europe Time), valable pour [Localité 6], et l'heure WET (Western Europe Time), valable pour Londres et Lisbonne, et qu'une fois cette erreur réparée, il apparaît que l'impossibilité de dénouer l'opération de livraison du second bloc avant mise en 'uvre de la procédure de rachat d'office a été causée par le seul retard anormal de la société Tradition Securities à donner ses instructions, la société Tradition Securities conteste les références de ses contradicteurs (les copies d'écran de la BNP-Paribas) et soutenant que seuls doivent être pris en compte les dates et horaires figurant sur les relevés Interbolsa.

Suivant acte d'huissier de justice du 26 février 2007, la société Tradition Securities And Futures a assigné la société Quantum Analysis Fund Limited devant le tribunal de commerce de Paris en payement de la somme de cent huit mille quatre cent soixante-cinq euros et quatorze centimes (108.465,14 €), représentant la perte subie selon elle du fait de la livraison tardive ds titres, avec les intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2006, en réparation du défaut d'exécution de livrer les titres Soneacom, et celle de quinze mille euros (15.000 €) à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Par conclusions déposées le 16 avril 2008, Bear Stearns Ltd est intervenue volontairement dans la cause.

Cette procédure a abouti au jugement entrepris.

II.- Prétentions et moyens des parties :

A.- La société Quantum Analysis Ltd :

Aux termes de ses écritures signifiées le 14 décembre 2010, valant conclusions récapitulatives conformément aux dispositions de l'article 954, alinéa 2, du Code de procédure civile, la société Quantum Analysis Ltd demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- à titre principal, de dire que les juridictions françaises sont incompétentes pour connaître du litige ;

- à titre subsidiaire, de déclarer irrecevables les demandes de la société Tradition Securities;

- à titre plus subsidiaire, de débouter cette société de toutes ses demandes ;

- à titre encore plus subsidiaire, de condamner la société Bear Stearns International Limited à la garantir de toute condamnation prononcée son encontre au bénéfice de la société Tradition Securities en principal et intérêts, ;

- de condamner les sociétés Tradition Securities et Bear Stearns Ltd à lui payer la somme de trente mille euros (30.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- de condamner les sociétés Tradition Securities et Bear Stearns Ltd aux dépens.

Au soutien de ses demandes, la société Quantum Analysis fait valoir les arguments suivants :

1.- Sur l'incompétence des juridictions françaises :

Seule la démonstration d'un lien de droit permet de caractériser la compétence des juridictions françaises.

La société Quantum Analysis n'a jamais été donneur d'ordre à l'égard de la société Tradition Securities, dont elle n'a pas connu l'intervention.

C'est la société de droit suisse Lambda Securities Ltd, et non la société Exitor Trust Ltd comme indiqué par erreur dans l'assignation de la société Tradition Securities, qui a passé un ordre de vente à la société Tradition Italia. Ce n'est qu'avec celle-ci que la société Quantum Analysis a eu un lien contractuel, par l'intermédiaire de son courtier.

La société Tradition Italia, dont le siège est à [Localité 4], est une personne morale totalement distincte de la société Tradition Securities.

Le lieu d'exécution de la prestation de service, au sens de l'article 46 du Code de procédure civile, ne peut être [Localité 6], siège de la société Tradition Securities, mais Lisbonne, lieu du marché où ont été achetés les titres.

L'invocation par la société Tradition Securities de l'article 14 du Code civil est vaine, puisqu'elle n'a pas de lien contractuel avec la société Quantum Analysis.

Les premiers juges ont retenu la compétence de la juridiction française sur le fondement d'une erreur et d'une affirmation non démontrée :

Curieusement le jugement entrepris a affirmé que la société Quantum Analysis ne pouvait contester être le mandant de la société Exitor Trust et donc, indirectement, celui du courtier suisse Lambda Securities. Or, ce point n'a jamais été discuté : ce qui est en débat est la qualité de mandataire de la société Tradition Italia par rapport à la société Tradition Securities.

Cette qualité doit être démontrée relativement à l'opération litigieuse, ce que la société Tradition Securities ne fait pas.

Seules peuvent être compétentes les juridictions italiennes, portugaises ou anglaises, à l'exclusion des juridictions françaises.

2.- Sur l'irrecevabilité de la demande de la société Tradition Securities :

La société Quantum Analysis n'a pas de rapports contractuels avec la société Tradition Securities.

La société Tradition Securities n'a de rapport qu'avec la société Tradition Italia, son donneur d'ordre.

Le fait que les titres Soneacom étaient propriété de la société Quantum Analysis et qu'ils étaient vendus dans l'intérêt de cette dernière ne démontre ni l'existence d'un rapport contractuel avec la société Tradition Securities, ni un mandat exprès, implicite ou apparent, ni une quelconque solidarité.

Sur le plan délictuel, la société Quantum Analysis n'a pu commettre une faute au niveau de la délivrance des titres, qui relève des seuls courtiers.

Les demandes de la société Tradition Securities sont donc irrecevables par application des dispositions des articles 122 et suivants du Code de procédure civile.

3.- Sur le mal fondé des demandes de la société Tradition Securities :

Les premiers juges ont confondu l'heure CET, valable pour [Localité 6], et l'heure WET (Western Europe Time), valable pour Londres et Lisbonne, minorant par exemple d'une heure ' 9h49 au lieu de 10h49 ', l'heure CET (Central Europe Time) l'instruction d'appariement de la société Tradition Securities : si l'on rétablit l'heure CET exacte, il est démontré que la société Tradition Securities a donné son instruction onze minutes seulement avant l'intervention du rachat d'office.

La société Quantum Analysis Ltd faitvaloir qu' il apparaît que l'impossibilité de dénouer l'opération de livraison du second bloc avant mise en 'uvre de la procédure de rachat d'office a été causée par le retard anormal de la société Tradition Securities à donner ses instructions, de sorte que son inertie constitue la seule cause du dommage qu'elle invoque.

En raison de la complexité et de la technicité de l'affaire, la société Quantum Analysis a fait appel à M. [E], expert près la Cour de cassation. Son rapport permet de mieux appréhender les rôles respectifs des différents acteurs et la pratique du règlement-livraison de titres sur les marchés financiers.

S'agissant de la procédure de rachat d'office, la société Tradition Securities n'a pas, comme elle le soutient, pleinement informé la société Bear Stearns de la mise en 'uvre de la procédure de rachat d'office : elle l'a simplement informée d'un risque de mise en 'uvre, sans communiquer les informations substantielles dont elle disposait.

S'agissant de la disponibilité des titres correspondant au second lot, il est démontré, notamment par le rapport de M. [E], que les titres étaient disponibles à la BNP-Paribas le 5 juillet 2006 à 10h09 CET et que vingt-quatre minutes étaient nécessaires pour réaliser l'appariement complet, qui aurait été effectif, si la société Tradition Securities n'avait pas tardé à donner son instruction, soit à 10h33 CET, donc avant la mise en 'uvre du rachat d'office à 11h00 CET. La société Tradition Securities n'a donné son instruction qu'à 11h01 CER : elle a donc causé par son manque de diligence son propre dommage.

B.- La société Tradition Securities and Futures :

Par conclusions signifiées le 2 mai 2011, valant conclusions récapitulatives conformément à l'article 954, alinéa 2, du Code de procédure civile, la société Tradition Securities demande à la Cour:

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Quantum Analysis Fund Limited de ses exceptions d'incompétence et d'irrecevabilité, condamné cette société à lui payer, à titre de dommages-intérêts, la somme de cent huit mille quatre cent soixante-cinq euros et quatorze centimes (108.465,14 €), avec les intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2006 et celle de cinq mille euros (5.000 €) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ordonné l'exécution provisoire et condamné la société Quantum Analysis Fund Limited aux dépens,

- infirmant le jugement entrepris, de condamner la société Quantum Analysis Fund Limited à lui payer la somme de quinze mille euros (15.000 €) à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

- de condamner la société Quantum Analysis Fund Limited à lui payer la somme de trente mille euros (30.000 €) au titre des frais irrépétibles d'appel ;

- de condamner la société Quantum Analysis Fund Ltd aux dépens.

À l'appui de ses demandes, la société Tradition Securities développe l'argumentation suivante :

1.- Sur la compétence de la juridiction française :

La juridiction française en général, le tribunal de commerce de Paris en particulier sont compétents.

En effet :

Le gestionnaire de la société Quantum Analysis Ltd a reconnu dans un courriel du 9 août 2006 que la société Tradition Securities était son «'broker'» à [Localité 6].

En outre, les ordres donnés par la société Tradition Securities étaient toujours exécutés par elle-même.

Enfin, la société Tradition Securities a toujours adressé à la société Quantum Analysis Ltd, dans cette relation contractuelle comme dans les précédentes, une confirmation d'ordre.

Il est donc incontestable que la société Quantum Analysis Ltd a été la contrepartie de la société Tradition Securities, qui dispose d'une action directe à son égard.

Le tribunal de commerce de Paris était donc compétent pour connaître du litige :

La société Tradition Securities a fourni un service d'exécution d'ordres pour compte de tiers, au sens de l'article D. 321-1 du Code monétaire et financier.

En outre, un lien contractuel existant entre la société Tradition Securities et la société Quantum Analysis Ltd, le juge français est compétent conformément à l'article 14 du Code civil.

2.- Sur l'application de la loi française :

Conformément à la Convention de la Haye du 14 mars 1978, la loi française est applicable au litige, dès loirs que l'intermédiaire, la société Tradition Securities, a son établissement professionnel en France.

3.- Sur la responsabilité de la société Quantum Analysis Ltd :

La responsabilité de cette société résulte de la simple constatation de son obligation de livrer les titres à la date convenue, soit le 23 juin 2006, et de celle que les titres n'ont pas été livrés à cette date.

La société Tradition Securities n'a commis aucun manquement dans l'information de la société Bear Stearns sur la mise en 'uvre de la procédure de rachat obligatoire : elle lui a immédiatement transmis, le 3 juillet 2006, l'information obtenue de son intermédiaire à la chambre de compensation d'un risque d'exécution de la procédure de rachat, puis le 4 juillet 2006, lui indiqué que le rachat d'office pouvait intervenir le lendemain, 5 juillet 2006. La société Bear Stearns disposait donc de toutes les informations nécessaires pour éviter le déclenchement de la procédure : le grief d'un défaut de communication d'informations substantielles est donc infondé.

Seuls les relevés du système Interbolsa font foi des horaires, puisque ce sont sur leur base que la chambre de compensation Clearnet exécute la procédure de rachat d'office ; les copies d'écran émanant de la BNP-Paribas n'ont pas de valeur.

De toute manière, les relevés de la BNP-Paribas démontrent que le second lot de titres n'a été disponible que le 5 juillet 2006 à 15h 22 CET, donc après la mise en 'uvre de la procédure de rachat obligatoire.

La société Quantum Analysis Ltd est donc entièrement responsable du défaut de livraison des titres à bonne date.

4.- Sur le préjudice :

Le préjudice est égal à la différence entre le coût qu'a supporté la société Tradition Securities après exécution de la procédure de rachat d'office et celui qui aurait déterminé l'opération si les titres avaient été livrés à bonne date, soit :

- 874.370,324 € ,- 768.318,198 € = 106.052,126 €,

auquel il convient d'ajouter la perte subie du fait de la revente à un moindre prix du premier lot, soit:

- 2.813,11 €,

déterminant un préjudice total de :

- 106.052,126 € + 2.813,11 € = 108.465,14 €.

C.- La société Bear Stearns Ltd :

Suivant conclusions signifiées le 22 février 2001, valant conclusions récapitulatives conformément à l'article 954, alinéa 2, du Code de procédure civile, la société Bear Stearns Ltd demande à la Cour de :

- constater qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de son mandat ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Quantum Analysis Ltd de sa demande en garantie à son encontre ;

- condamner la société Quantum Analysis Ltd à lui payer la somme de dix mille euros

(10.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner cette société aux dépens.

La société Bear Stearns Ltd fait valoir les arguments suivants :

1.- Sur l'absence de faute de la société Bear Stearns Ltd :

Il est démontré que le premier lot de titres a été livré avant la mise en 'uvre du rachat d'office.

En ce qui concerne le second lot, la société Tradition Securities n'a donné son instruction qu'à 11h01mn37s, soit dix-huit (18) heures après la notification de l'ordre de la société Bear Stearns Ltd, de sorte que les titres n'étaient plus disponibles pour avoir été attribués par la société BNP-Paribas, conformément aux usages du marché, au demandeur suivant figurant sur son carnet d'ordres et que la livraison n'a pu intervenir avant le déclenchement de la procédure de rachat obligatoire.

La société Bear Stearns Ltd, à qui la société Tradition Securities n'a communiqué ni la date, ni l'heure précise de la mise en 'uvre de la procédure de rachat obligatoire , qui ne lui a été notifié qu'a posteriori , a exécuté ses obligations avec diligence le jour même de la réception de l'accord de la société Tradition Securities pour la scission de la livraison des titres en deux lots.

La société Bear Stearns Ltd n'a donc commis aucune faute dans l'exécution du mandat reçu de la société Quantum Analysis Ltd. Le défaut de livraison des titres a pour cause exclusive le manque de diligence de la société Tradition Securities, qui, d'abord, lui a transmis des informations incomplètes sur la procédure de rachat obligatoire, ensuite, s'agissant du traitement du second bloc de titres, a émis tardivement l'ordre corollaire à celui de la société BNP-Paribas.

2.- Sur l'appel en garantie de la société Bear Stearns Ltd par la société Quantum Analysis Ltd :

Cet appel en garantie est sans fondement.

La société Bear Stearns Ltd est intervenue comme mandataire de la société Quantum Analysis Ltd. Il appartient donc à celle-ci de démontrer une faute du mandataire.

Or, la société Quantum Analysis Ltd a elle-même écrit à la la société Tradition Securities que la société Bear Stearns Ltd «'n'est en aucun cas en faute'».

L'argument de la société Quantum Analysis Ltd, selon lequel l'absence de faute de la société Tradition Securities démontrerait l'existence d'une faute de la société Bear Stearns Ltdest est erroné : dans le cadre d'une responsabilité pour faute, l'absence de faute d'une partie ne peut démontrer la faute de l'autre, celle-ci devant toujours être positivement établie.

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La Cour se réfère aux écritures récapitulatives des parties pour le détail plus complet de leurs arguments.

SUR CE,

I.- Sur l'exception d'incompétence soulevée par la société Quantum Analysis Ltd:

Considérant qu'en application de l'article 46 du Code de procédure civile, en matière contractuelle, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, celle du lieu de livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service ; qu'en vertu de l'article 14 du Code civil, une personne physique ou morale étrangère peut être citée devant les tribunaux français pour l'exécution des obligations qu'elle a contractées en France avec un Français et pour les obligations qu'elle a contractées à l'étranger avec un Français ;

Considérant que, pour statuer sur les exceptions d'incompétence du juge français soulevées par la société Quantum Analysis Ltd, il est nécessaire d'établir l'existence des relations contractuelles controversées entre les parties et le rôle des intermédiaires dont elles font état ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que, le 20 juin 2006, la société Exitor Trust Ltd, gérant du fonds Quantum Analysis Ltd, a donné instruction à son courtier suisse, la société Lambda Securities, de céder à la société Tradition Italia un bloc d'actions Soneacom ;

Considérant qu'il est constant que la transaction sur les titres Sonaecom devait être exécutée sur le marché Euronext Portugal ; que Lisbonne est donc nécessairement le lieu d'exécution de cette transaction ;

Considérant que la société Tradition Securities soutient, en page 5 de ses écritures récapitulatives, que la société Quantum Analysis Ltd savait que l'ordre qu'elle transmettait à la société Tradition Italia était exécuté par elle, dès lors qu'il en avait toujours été ainsi dans leurs relations antérieures et que, s'agissant de l'opération litigieuse comme des précédentes, elle a envoyé une confirmation d'ordre à la société Quantum Analysis Ltd ;

Considérant que, conformément à l'article 9 du Code de procédure civile, il incombe à la société Tradition Securities de rapporter la preuve de ses allégations ;

Considérant qu'aucune pièce versée aux débats ne concerne des opérations antérieures, d'où il suit que l'allégation selon laquelle la société Quantum Analysis Ltd, ou la société Exitor Trust Ltd, son mandataire, savait que les ordres transmis à la société Tradition Italia étaient toujours exécutés par la société Tradition Securities n'est pas démontrée ;

Considérant que, contrairement à ce qu'affirme la société Tradition Securities, il n'est pas produit de confirmation d'ordre émanant d'elle, adressé à la société Quantum Analysis Ltd ou à son gestionnaire Exitor Trust Ltd et relatif à l'opération litigieuse, pas plus au demeurant que pour les opérations antérieures invoquées ;

Considérant que la société Tradition Securities produit un courriel de la société Exitor Trust Ltd au Groupe Viel, daté du 9 août 2006, dans lequel la première société écrit : «' Quantum sees there is a total contrast in who has responsability regarding this buy-in 'problem'. Our prime brooker Bear Stearns [Localité 3] and our broker Tradition Securities and Futures [Localité 6] have completely opposite views.'» [«'Quantum considère qu'il y a un total désaccord sur qui est responsable, s'agissant d'un ' problème ' de buy-in. Notre courtier de premier ordre Bearn Stearn [Localité 3] et notre courtier Tradition Securities Futures [Localité 6] ont des vues complètement opposées'»] ; que ce courriel, postérieur à l'opération litigieuse, est adressé non à la société Tradition Securities, mais au Groupe Veil, dont cette société comme la société Tradition Italia sont filiales, et fait état d'un complet désaccord susceptible d'être tranché par les tribunaux [«'If there is no other possible route,... we will face face your legal procédure against us and we will do the same againt'»/S'il n'y a pas d'autre solution possible..., nous ferons face à l'action judiciaire engagée contre nous et nous ferons de même à votre encontre.'»] ; que la simple qualification «'notre courtier'» attribuée à la société Tradition Securities ne peut démontrer que l'ordre de vente litigieux a été passé auprès de la société Tradition Italia en qualité de mandataire de la première; qu'aucun élément produit aux débats n'établit l'existence d'un mandat apparent ;

Considérant que la société Tradition Italia est une société de droit italien, dont le siège est à [Localité 4] ; que le fait qu'elle dépende du même groupe que la société Tradition Securities n'est pas susceptible de démontrer la connaissance par la société Quantum Analysis Ltd de ce que l'ordre transmis à la société Tradition Italia était exécuté par la société Tradition Securities ; que les premiers juges ne pouvaient retenir, en l'absence de pièces le démontrant et alors que la société Quantum Analysis Ltd le contestait formellement, que cette personne morale de droit italien dont le siège est à [Localité 4] n'était qu'un transmetteur d'ordres ;

Considérant qu'il s'évince de ces constatations qu'il n'est pas démontré que la société Quantum Analysis Ltd ait contracté avec la société Tradition Securities, ni qu'elle ait su qu'une prestation de service contractuellement due ait pu être exécutée en France ;

Considérant qu'il échet d'infirmer le jugement entrepris et de dire que le juge français est incompétent pour connaître des demandes de la société Tradition Securities à l'encontre des sociétés Quantum Analysis et Bear Stearns Ltd et de la demande en garantie de la société Quantum Analysis Ltd à l'encontre de la société Bear Stearns Ltd ;

Considérant que la Cour est compétente pour statuer sur les demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens ;

II.- Sur les demandes des parties au titre de l'article 700 du Code de procédure civile:

Considérant qu'en raison de la nature et des circonstances de l'affaire, il serait contraire à l'équité de laisser à la charge des sociétés Quantum Analysis Ltd et Bear Stearns Ltd les frais irrépétibles qu'elles ont exposés en première instance et en cause d'appel ; que la société Tradition Securities sera condamnée à leur payer à chacune la somme de quatre mille euros (4.000 €) à ce titre ;

Considérant que la société Tradition Securities, en raison de sa succombance, doit être déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ;

III.- Sur les dépens :

Considérant que la société Tradition Securities, partie succombante, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.,

Dit que les juridictions françaises sont incompétentes pour connaître des demandes en dommages-intérêts de la société Tradition Securities And Futures à l'encontre des sociétés Quantum Analysis Fund Limited et Bear Stearns International Limited et de la demande en garantie de la société Quantum Analysis Fund Limited à l'encontre de la société Bear Stearns International Limited

Condamne la société Tradition Securities And Futures à payer à chacune des sociétés Quantum Analysis Fund Limited et Bear Stearns International Limited la somme de quatre mille euros (4.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Déboute la société Tradition Securities And Futures de ses demandes au titre des frais irrépétibles.

Condamne la société Tradition Securities And Futures aux dépens de première instance et d'appel, avec, s'agissant des dépens afférents à l'instance d'appel, bénéfice pour les avoués concernés de recouvrer directement ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante, dans les conditions prévues à l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 09/17881
Date de la décision : 13/10/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°09/17881 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-10-13;09.17881 ?
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