RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 13 Octobre 2011
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/10312 LMD
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Septembre 2009 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS RG n° 08/03960
APPELANT
Monsieur [C] [K]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 6]
comparant en personne, assisté de Me Guillaume BARBE, avocat au barreau de PARIS, toque : R155
INTIMÉES
RÉGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS - RATP
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Jean-luc HIRSCH, avocat au barreau de PARIS, toque : D1665 substitué par Me Emmanuel JOB, avocat au barreau de PARIS, toque : D1665
CAISSE DE COORDINATION AUX ASSURANCES SOCIALES DE LA RÉGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 5]
non représentée
Monsieur le Directeur Mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale
[Adresse 3]
[Localité 4]
Régulièrement avisé - non représenté.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Septembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Jeannine DEPOMMIER, Président
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mlle Christel DUPIN, lors des débats
ARRÊT :
- Réputé contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Jeannine DEPOMMIER, Président et par Madame Michèle SAGUI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*********
LES FAITS, LA PROCÉDURE, LES PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;
Il sera rappelé que :
M. [K] a été embauché le 4 septembre 1995 par la Régie Autonome des Transports Parisiens-la RATP- en qualité d'agent de sécurité.
Il a saisi en septembre 2000 le Conseil de Prud'hommes de Paris d'une action en réparation d'un harcèlement moral au sein de cette entreprise du fait de son supérieur M.[I], dont la responsabilité a été reconnue par un jugement du 19 mars 2001 confirmé par cette Cour le 19 février 2002.
Le 3 mai 2005 M. [K] a établi une déclaration d'accident du travail du à état dépressif réactionnel sévère.
Cette déclaration a fait, le 20 septembre 2005, l'objet d'un refus de prise en charge par la Caisse de Coordination aux Assurances Sociales de la RATP, laquelle est revenue sur cette décision le 12 juin 2006.
Le 17 septembre 2007 M.[K] a initié une procédure visant à établir la faute inexcusable de la RATP et, la réunion de conciliation n'ayant pas abouti, l'intéressé a, par lettre du 14 août 2008, saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Paris.
Le 1° décembre 2007, M. [K] avait été réformé de la RATP.
Par jugement du 17 septembre 2009, le tribunal a débouté M.[K] de ses demandes.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 4 décembre 2009 M. [K] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 26 juillet 2011 et soutenues oralement à l'audience par son conseil, l'appelant demande à la Cour de :
-infirmer le jugement,
-dire que la RATP a commis une faute inexcusable lors de l'accident du travail survenu le 3 mai 2005,
-lui accorder la majoration de la rente fixée à son taux maximum, soit la somme annuelle de 5462,52 € avec revalorisation
-condamner Caisse de Coordination aux Assurances Sociales de la RATP à lui payer la somme de 10 000 € pour préjudice moral, 15 000 € de préjudice professionnel
-condamner la RATP à payer la somme de 15 00 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile
-'ordonner l'exécution provisoire'(sic).
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 8 septembre 2011 et soutenues oralement à l'audience par son conseil la RATP demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris et débouter M. [K] de son appel et de toutes ses demandes.
La Caisse de Coordination aux Assurances Sociales de la RATP qui a signé le 28 avril 2010l'accusé de réception de la lettre de convocation à l'audience, n'est ni présente ni représentée à celle-ci.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens et arguments proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;
CELA ETANT EXPOSE
LA COUR,
Considérant qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; que le manquement à cette obligation de sécurité a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L.452-1 du Code de la Sécurité Sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé la salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'il appartient à la victime invoquant la faute inexcusable de l'employeur de prouver que celui-ci , qui avait ou devait avoir conscience du danger auquel elle était exposée, n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Considérant qu'au regard de ces principes M. [K] soutient que la faute inexcusable de son employeur est à l'origine de l'accident dont il a été victime ;
Qu'en effet il a été contraint, le 3 mai 2005, de travailler avec l'équipe de M. [D], ami notoire de M. [I] son ancien supérieur qui l'avait précédemment harcelé, et que cette décision de la RATP est venue soudainement, à la suite d'un reportage de la chaîne Canal Plus sur les conditions de travail au sein de l'entreprise et auquel il avait participé ; que, bien qu'il ait déjà été deux ans auparavant confronté à des incidents en équipe avec M. [D], il n'a pu joindre son supérieur hiérarchique M. [J] pour éviter à nouveau une telle situation, qui a, de fait, engendré un arrêt de travail dès le jour même ;
Considérant que M. [K] en déduit que ses précédents avertissements caractérisent les circonstances de présomption de faute inexcusable prévues par l'article L 4131-4 du Code du Travail ;
Considérant que la RATP oppose que les faits invoqués par M. [K] n'ont nullement la portée que l'intéressé leur attribue rétrospectivement et ne pouvaient l'alerter sur l'éventualité d'un problème spécifique résultant de sa mise en équipe provisoire avec M. [D], la mésentente ayant ponctuellement existé entre les deux hommes précédemment ne conduisant pas à exclure la perspective de tout travail avec M. [D] ; qu'en attestent le fait que M. [K] lui-même n'avait en 2003 formulé qu'un éventuel changement de phase, et l'absence de toute alerte de la part du CHSCT, que du reste M. [K] n'avait pas saisi ; que, en tout état de cause, l'analyse du rapport déposé par M. [K] le 6 octobre 2003 ne faisait état que d'un 'incident mineur', selon les termes mêmes du tribunal, à replacer dans le cadre normal d'un différend professionnel entre un salarié et son supérieur, sans plus de gravité ni de portée qu'un désaccord usuel n'impliquant ni menace ni phénomène d'agression ;
Considérant que la RATP souligne encore qu'il n'existe aucune preuve d'une quelconque amitié liant M. [D] et M. [I] ;
Qu'enfin le dossier médical de M. [K] ne comportait pas d'éléments susceptibles d'alerter la direction sur une défaillance de sa part, M. [K] ayant, d'ailleurs fait part à son supérieur de sa satisfaction de travailler dans une 'très très bonne ambiance ' et avec un encadrement 'exemplaire ' ;
Considérant cependant que si les termes du courrier du 6 octobre 2003, déposé deux ans avant l'accident, ne permettent pas de dire que l'intéressé avait, au regard des dispositions de l'article L 4131-4 du Code du Travail, signalé à l'employeur le risque encouru d'un travail avec M. [D] avec une précision permettant de retenir la présomption édictée par ce texte, pour autant l'existence de ce document, devant être nécessairement relié à la procédure initiée par l'attitude de M. [I] au sein de la même entreprise, était de nature à alerter celle-ci sur la nécessité de pallier la survenance d'un risque nouveau avec un supérieur dont l'attitude verbale pouvait être susceptible de faire naître auprès de M. [K] la crainte d'un nouvel harcèlement ;
Considérant ainsi que si la conclusion du second rapport de M. [K] daté du 15 octobre 2003 était celle d'un 'éventuel changement de phase', il n'en demeure pas moins que M. [K] avait dans le premier document fait état de 'propos menaçants' et 'agressifs' tenus par M. [D], précisant : 'choqué je cesse mon service et je vais consulter-impossible de travailler dans ces conditions', et 'les menaces et la pression qu'il exerce..ne peuvent que nuire au groupe et au travail....je compte sur vous pour faire cesser ces débordements';
Considérant qu'il doit être ainsi relevé que l'incident qui a opposé ces deux personnes ne peut être réduit à la portée d'un 'incident mineur', au regard du passif liant M. [K] à la RATP qui avait elle-même soutenu son cadre M. [I] dans la longue procédure de harcèlement qui avait particulièrement et très logiquement affecté M. [K] ;
Considérant à cet égard que la RATP n'est pas fondée à soutenir que la condamnation qui en est résulté de même que les troubles psychologiques affectant M. [K] constituent des situations distinctes, dépourvues de lien au regard du délai intervenu entre ces faits, lors même que, depuis 2003, M. [K] n'était affecté d'aucun trouble particulier et reconnu régulièrement apte par la médecine du Travail : considérant en effet que le traumatisme engendré par le conflit opposant M. [K] à M. [I] et à la RATP, soit en définitive la crainte permanente d'une souffrance au travail a pu certes se stabiliser dès lors qu'il se soldait par la reconnaissance du harcèlement en justice et que, ensuite, les conditions de travail n'étaient plus les mêmes, mais n'avait d'évidence pas disparu, le choc psychologique n'étant pas effacé ; qu'il en découle que dès lors que M. [K] alertait sa hiérarchie sur un risque éventuel de conflit, il appartenait à celle-ci, au regard de sa responsabilité dans les faits précédents, d'y prêter la plus grande attention, ce qu'elle a d'ailleurs fait dans un premier temps ; qu'en revanche, le refus de maintenir cette politique de raison en affectant brusquement M. [K] à l'équipe de M. [D], sans que, curieusement, M. [J] n'ait pu être joint par ce dernier qui était à cette seule perspective atteint de stress, d'angoisse, et d'un nouveau syndrome anxio-dépressif, ce d'autant qu'il voyait, à tort ou à raison, dans cette décision une sanction de son intervention à Canal Plus, constitue de la part de la RATP une faute inexcusable ;
Considérant en conséquence que le jugement est infirmé ;
Sur les préjudices,
Considérant que la Caisse de Coordination aux Assurances Sociales de la RATP à qui il incombera de faire l'avance des sommes accordées le cas échéant à M. [K] est défaillante à la procédure ; qu'il n'apparaît pas que les conclusions de l'appelant lui aient été signifiées ; qu'il y a lieu en conséquence de l'inviter à y procéder ;
PAR CES MOTIFS
Dit l'appel de M. [K] recevable et bien fondé ;
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Dit que la Régie Autonome des Transports Parisiens -RATP- a commis une faute inexcusable lors de l'accident du travail survenu le 3 mai 2005,
Avant dire droit sur les demandes en réparation présentées par M. [K],
Ordonne la ré-ouverture des débats,
Invite M. [K] à signifier à la Caisse de Coordination aux Assurances Sociales de la RATP ses conclusions,
Renvoie à l'audience du jeudi 1er décembre 2011 à 13h30,
Dit que la notification du présent arrêt aux parties vaudra convocation régulière pour celles-ci à l'audience de renvoi ci-dessus fixée.
Le Greffier, Le Président,