RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRÊT DU 06 Octobre 2011
(n° 2 , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/01458
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Janvier 2009 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL - Section ENCADREMENT - RG n° 08/00204
APPELANT
Monsieur [K] [I]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Sylvain ROUMIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C 2081
INTIMÉE
SAS CHG-MERIDIAN COMPUTER FINANCE FRANCE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Nathalie LENFANT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1801
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Juin 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Françoise FROMENT, Présidente, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Françoise FROMENT, président
Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseiller
M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 18 mars 2011
Greffier : Madame Violaine GAILLOU, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Françoise FROMENT, Président et par Mme Violaine GAILLOU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE FRANCE, filiale à 100% de CHG MERIDIAN Deutsche Computer Leasing AG, société de droit allemand, est une entreprise spécialisée dans la location évolutive de matériel informatique, mode privilégié de financement des parcs informatiques et logiciels des entreprises.
Elle occupe plus de 30 salariés.
Dans le domaine médical, son activité est la suivante :
- Le client cherche à acquérir du matériel médical et demande à CHG une solution de financement,
- CHG :
achète le matériel souhaité par le client
négocie avec le client un contrat de location dudit matériel, avec clause de tacite reconduction sauf dénonciation,
négocie avec une banque un contrat aux termes duquel :
- la banque devient propriétaire des biens grevés du contrat de location,
- CHG et la banque s'engagent réciproquement, à échéance du contrat de location, à ce que CHG rachète les produits à un prix convenu.
Trois partenaires sont donc en présence pour chaque contrat :
- Le client
- La banque
- CHG qui apporte la solution de financement, son prix étant fixé en tenant compte du taux d'intérêt obtenu auprès de la banque.
En mars 2004, [K] [I] a créé avec la société FINEXIS, la société « FINEXIS MEDICAL ». Monsieur [K] [I] était simultanément recruté comme « Directeur général adjoint Ventes ».
Suite au rachat de FINEXIS par CHG, FINEXIS Médical était détenu pour 2/3 par CHG Meridian, groupe allemand et pour 1/3 par [K] [I].
Le 29 mai 2006, [K] [I] a cédé à la société CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France les actions qu'il détenait dans le capital de la société FINEXIS MEDICAL moyennant un prix fixe de 350 000 euros payé comptant au jour de la cession, outre un complément de prix de 100 000 euros payable au plus tard le 31 mars 2009 soumis à la réalisation de diverses conditions suspensives notamment le maintien du contrat de travail.
Fin 2006, Finexis Medical a été absorbé par CHG MERIDIAN, dont il devient la Division Médicale, placée sous la responsabilité de [K] [I].
[K] [I] a été licencié pour faute lourde par lettre en date du 9 janvier 2008.
Contestant son licenciement, il a, le 29 janvier 2008, saisi le Conseil de Prud'hommes de Créteil, lequel, par jugement du 8 janvier 2009, l'a débouté de ses demandes, a débouté la société CHG-MERIDIAN COMPUTER FINANCE FRANCE de ses demandes et a condamné [K] [I] aux dépens.
Ce dernier, qui a régulièrement interjeté appel de cette décision, a, lors de l'audience du 30 juin 2011, développé oralement ses conclusions, visées le jour même par le greffier, aux termes desquelles il demande que :
- la cour se déclare compétente pour juger de la demande relative au complément de prix de cession en ce qu'elle a un lien de connexité avec le contrat de travail
- son licenciement soit dit sans cause réelle et sérieuse
et sollicite la condamnation de la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE FRANCE à lui payer :
- 5 671,66 € de rappel de salaire sur mise à pied et 567,16 € de congés payés afférents
- 23 202,24 € d'indemnité de préavis et 2 320,22 € de congés payés afférents
- 2 900,28 € d'indemnité de licenciement
- 123 745,28 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 7 103,14 € de prime sur marge et 710,31 € de congés payés afférents
- 100 000 , 00 € au titre du complément contractuel prévu au protocole de cession d'actions
- 41 172,00 € pour clause de non concurrence et 4 117,20 € au titre des congés payés afférents ou, à défaut 45 289,20 € à titre de dommages-intérêts
- 15 468,16 € de dommages-intérêts suite aux conditions vexatoires de son licenciement
- 3 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile
le tout avec intérêts au taux légal et anatocisme.
La SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE FRANCE, représentée par son conseil, a, lors de l'audience du 30 juin 2011, développé oralement ses conclusions, visées le jour même par le greffier, aux termes desquelles elle demande à la cour de :
Concernant la demande de versement du complément de prix de cession des actions :
A titre principal, confirmer le jugement en se déclarant incompétente ;
A titre subsidiaire, constater que la condition suspensive n'est pas remplie et qu'en conséquence il n'y a aucun droit à complément de prix
Concernant le bien fondé du licenciement :
A titre principal, confirmer que le licenciement pour faute lourde est justifié et débouter Monsieur [K] [I] de ses demandes ;
A titre subsidiaire, dire et juger que le licenciement est justifié par une faute grave et limiter la condamnation de la société à 7365.79 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
A titre infiniment subsidiaire, dire et juger que le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse et limiter la condamnation de la société à
- 4153.85 € (1938.46+2215.39) à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied à titre conservatoire majorée de 415.38 € à titre d'indemnité de congés sur rappel de salaire
- 23 202,24 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis majorée de 2 320,22 € euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- 2900.28 € à titre d'indemnité de licenciement.
A titre infiniment subsidiaire, réduire le montant des dommages intérêts pour licenciement sans cause à 46 404.48 €
Concernant l'indemnité compensatrice de non concurrence : confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que Monsieur [K] [I] a été délié de l'obligation de non concurrence prévue par son contrat de travail et le débouter de sa demande,
Concernant le rappel sur prime : confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [K] [I] de sa demande
Débouter Monsieur [K] [I] de ses autres demandes,
Et statuant à nouveau, condamner Monsieur [K] [I] à payer à la société CHG MERIDIAN la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du CPC,
Le condamner aux dépens en ce compris les frais de requête et d'huissier soit 450 €.
MOTIFS
Considérant, sur l'exception d'incompétence de la juridiction prud'homale pour statuer sur la demande en paiement du complément du prix de cession des actions, que la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France soutient que ce litige est de la compétence du Tribunal de commerce de Paris ;
Considérant toutefois que non seulement le contrat de cession d'actions du 29 mai 2006 subordonnait le paiement de ce complément à la réalisation d'un chiffre d'affaires dans le cadre de l'exécution du contrat de travail mais encore disposait que ce complément serait dû de plein droit, dans le cas où, par suite d'une contestation du cédant, la mesure de licenciement l'ayant frappé serait jugée dépourvue de cause réelle et sérieuse par une décision judiciaire définitive ; que le droit au paiement de ce complément de prix de cession dépend donc étroitement de ce que la cour jugera, tant sur la réalisation des objectifs que sur le bien-fondé du licenciement litigieux ;
Considérant par conséquent que, la présente cour étant de surcroît juridiction d'appel du tribunal de commerce de Paris, compétent selon la clause attributive de compétence contenue dans le contrat du 29 mai 2006, et ayant plénitude de juridiction, il y a lieu de retenir sa compétence, pour statuer sur cette demande ;
Considérant, sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail, que la faute lourde comme la faute grave est celle qui par sa nature rend impossible sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur la continuation des rapports de travail même pendant la durée limitée du préavis ; qu'elle suppose en outre l'intention de nuire du salarié ; qu'il appartient à l'employeur, qui s'est placé sur le terrain disciplinaire, et à lui seul, de prouver les faits qualifiés par lui de faute lourde ;
Considérant que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, était ainsi rédigée :
'Envisageant une mesure de licenciement à votre encontre, nous vous avions convoqué à un entretien préalable pour le 3 janvier 2008 et ce, par lettre recommandée avec AR en date du 20 décembre 2007 dans la mesure où vous en aviez refusé la remise en main propre.
Comme suite à cet entretien préalable qui s'est tenu en présence de Monsieur [O] [P] en qualité de Conseiller du Salarié, nous avons le regret de devoir vous notifier par la présente votre licenciement pour faute lourde et ce, pour les motifs évoqués lors de cet entretien ci-après énoncés ;
Vous avez été engagé par FINEXIS MEDICAL, depuis absorbée dans le cadre d'une fusion par notre entreprise, en qualité de Directeur Général Adjoint Ventes, avec le statut cadre, par un contrat de travail , en date du 3 mars 2004, qui a pris effet le 1er avril 2004.
Conjointement à votre contrat de travail, vous étiez actionnaire de FINEXIS MEDICAL dont vous déteniez 23 100 actions sur les 70 000 composant son capital.
Le 29 mai 2006, vous avez cédé l'intégralité de votre participation moyennant un prix payé comptant de 350 000 € assorti d'un complément de prix de 100 000 € lié à l'atteinte d'objectifs.
Le mois dernier, nous avons découvert qu'à partir du 2ème semestre 2006 vous aviez pris l'initiative de vous mettre à la disposition de partenaires commerciaux, le Groupe ELITECH/BIOTECH dans le but de créer avec ce partenaire une entreprise concurrente à la notre et ce, au surplus, en vous appuyant sur notre portefeuille client dans le but de détourner de la clientèle, démarche que vous avez étendue à, au moins, un autre partenaire.
Conjointement à ces agissements souterrains et frauduleux vous vous êtes livré à des manoeuvres en vue de débaucher le personnel de notre entreprise placé sous votre responsabilité.
De tels agissements constituent une violation caractérisée des obligations de loyauté qui, à tout le moins, s'imposent à tout salarié et plus spécialement à un cadre de direction comme vous.
Ils constituent une violation des obligations de confidentialité expressément stipulées à votre contrat de travail du fait de la communication frauduleuse de différents documents ou informations d'autant plus préjudiciable s'agissant, en particulier, d'informations financières ou commerciales.
Vous ne pouviez d'autant moins ignorer que votre comportement était constitutif d'une faute d'une gravité exceptionnelle que, dans le cadre de la cession de vos participations dans Finexis Medical, vous aviez pris un engagement de non concurrence.
Ces agissements ont été de plus commis en utilisant les moyens de l'entreprise.
De tels agissements prouvent aussi que vous aviez délibérément écarté toute intention d'atteindre les objectifs commerciaux dont vous étiez convenu et vos résultats arrêtés au 31 décembre 2007 en attestent et en sont la conséquence...
Ces résultats sont le fruit de vos manoeuvres lesquelles caractérisent une volonté délibérée de déstabilisation de notre entreprise et se traduisent par un préjudice financier important dont il vous sera demandé réparation.
Soulignons que cette décroissance ne peut être le fruit d'une conjoncture défavorable, le secteur médical étant en croissance ainsi que nous l'a confirmé la Société Générale que vous connaissez bien puisqu'à votre engagement par FINEXIS MEDICAL , vous étiez en charge, en son sein, de ce secteur.
Ajoutons d'ailleurs que pour dissimuler autant que faire ce peut cette baisse d'activité, vous n'avez pas hésité à constater des contrats inexistants pour un montant de 1 000 000 € , tromperie délibérée relevant d'un certain cynisme.
C'est bien aussi avec cynisme, que, lors de l'entretien préalable, confronté à nos griefs tels qu'énoncés ci-dessus, vous avez cru bon de les nier en bloc et avez persisté dans vos dénégations, en refusant de donner la moindre explication alors que nos griefs reposent sur des pièces établies sous votre signature.
Vos agissements nous causent un préjudice grave incompatible avec la poursuite de nos relations.
Votre refus de vous exprimer sur les griefs invoqués à votre encontre ne pouvait que renforcer la nécessité d'une rupture immédiate de votre contrat de travail.
Votre qualité de Directeur Général Adjoint Ventes ayant en charge l'entière responsabilité de l'activité commerciale du département médical constitue un facteur aggravant de vos fautes.
Subsidiairement, ajoutons que témoigne aussi de votre installation dans un comportement condamnable votre passivité, en dépit de nos demandes instantes, dans :
-l'établissement de reporting
-l'utilisation des ressources internes, télémarketing, marketing
-la création d'un secteur 'marchés publics'.
Si notre insistance n'a, il est vrai, guère été couronnée de succès, nous avions mis cet échec sur le compte d'une certaine nonchalance de votre part, alors que, manifestement il s'agissait d'un désintérêt délibéré, au préjudice de l'entreprise qui, quoiqu'il en soit, vous procurait une rémunération minimale annuelle de plus de 72 000 € de par l'importance de la partie fixe de cette dernière.
Autre exemple où les intérêts de l'entreprise ont été, de votre fait, mis à mal. Votre défilement à l'égard d'un client majeur POLYCLINIQUE BORDEAUX, aujourd'hui perdu, du fait de l'absence de traitement des problèmes et, selon ce client, de votre fuite devant ses appels.
Nous avons donc pris la décision de procéder à votre licenciement pour faute lourde privativve de préavis et d'indemnité de congés payés et, en conséquence, la période de mise à pied conservatoire ne vous sera pas rémunérée...'
Considérant qu'il est donc reproché en premier lieu à [K] [I] d'avoir transmis à au moins deux partenaires de la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France, des documents confidentiels établis lors de la constitution de la société FINEXIS MEDICAL et d'avoir ainsi violé l'obligation de loyauté et de confidentialité expressément contenue dans son contrat de travail ;
Considérant que si [K] [I] a effectivement transmis le 21 novembre 2006 à [Z] [J], responsable du crédit dans la société OLYMPUS, les statuts et le budget prévisionnel d'une société, il s'agissait en réalité des statuts et du budget prévisionnel pour la période de février 2004 à juin 2005 de la société FINEXIS MEDICAL, dont il était l'un des co-fondateurs, pour une période où cette société n'avait aucun lien avec la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France puisque ce n'est qu'en mars 2006 qu'elle sera absorbée par cette dernière ;
Considérant que la preuve de ce que [K] [I] aurait transmis ces documents dans le but de créer une société concurrente, alors même qu'il existait entre les sociétés FINEXIS MEDICAL et OLYMPUS un protocole de partenariat qui nécessitait un partage d'informations , ce protocole étant révisé quelques jours après la transmission de ces informations, n'est aucunement rapportée, [Z] [J] ayant au demeurant attesté n'avoir eu avec [K] [I] que des relations professionnelles sans aucune ambiguïté et ayant ajouté, dans une seconde attestation, que les relations entretenues avec [K] [I] étaient exclusivement axées sur le partenariat entre OLYMPUS et Finexis Médical, [K] [I] n'ayant jamais envisagé de détourner la clientèle à son profit, et qu'en réalité au sein d'Olympus, ils avaient envisagé une collaboration plus importante sur l'Europe avec Finexis et avaient, à cette fin, demandé des éléments sur sa société afin de peaufiner le projet ;
Considérant par ailleurs que force est de constater que, bien que [K] [I] conteste l'authenticité de la pièce n°3 versée aux débats par la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France, l'original de ce courrier électronique, que [K] [I] aurait adressé à [K] [E] le 23 novembre 2006 et de la pièce jointe, qui serait le budget prévisionnel sus-visé, n'est pas versé aux débats ; que l'huissier, désigné le 5 février 2008 sur requête de la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France, pour effectuer divers constats sur le contenu de l'ordinateur de [K] [I], qui avait pourtant pour mission de vérifier le contenu des courriels destinés à [K] [E], n'a rien vérifié de ce chef, aucune demande expresse ne lui ayant été faite lors du constat ;
Considérant que cette pièce est donc sans force probante ;
Considérant que la preuve de ce premier grief n'est donc aucunement rapportée, étant observé de surcroît que :
- la société concurrente LEASEMI, dont la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France fait état, et dont [K] [I] sera le directeur général, n'a été créée que le 16 avril 2008, soit bien plus tard et après son licenciement et que le lien entre les transmissions litigieuses et la création d'une société concurrente n'est en rien démontré ;
- si un contrat avait été signé le 19 mars 2007 entre la société ELITECH, dont [D] [T] était le directeur régional des ventes et le laboratoire Charignon Catani pour l'installation d'un nouveau laboratoire, ce contrat ne met aucunement en évidence que la décision d'en confier les modalités de financement à la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France était définitivement prise, le courrier électronique de [D] [T] du 27 mars 2007 indiquant seulement qu'il était dans l'attente du feu vert de [K] [E], Directeur financier du groupe ELITECH/BIOTECH pour savoir si ce dossier serait adossé à FINEXIS ou à BIOELITE, société en réalité inexistante mais qui serait un département de BIOTECH/ELITECH, ce qui peut parfaitement s'expliquer soit dans le cadre d'un autofinancement, soit dans le cadre de la concurrence existant sur la mise en place des opérations de financement , le contrat de partenariat versé aux débats portant une date illisible quant au mois de sa signature (mars ou août 2007) et n'excluant pas toute mise en concurrence ;
- pour ce qui est du courrier électronique de [K] [I] à [B] du 12 avril 2007, [K] [I] ne faisait que dire à l'intéressé qu'il restait à l'écoute dans le cadre de sa nouvelle activité dans l'hypothèse où s'avérerait nécessaire de 'monter une captive pour le financement' de ses produits, ce qui signifie qu'une étude quant à un montage financier pouvait être réalisée pour le financement de sa nouvelle activité, sans autre précision sur la forme que ce dernier pourrait prendre, et ce dont il ne saurait être retenu qu'il avait pour projet de créer une société concurrente, à titre personnel ; qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que [K] [I] avait transmis le dossier sur le matériel informatique de M. [B] à la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France pour financement ;
Considérant , en ce qui concerne le grief relatif aux manoeuvres dont [K] [I] se serait rendu coupable en vue de débaucher du personnel placé sous sa responsabilité , qu'il est établi que [K] [I] s'est rendu le 6 mars 2007 à [Localité 3] avec un autre salarié de la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France, [R] [W] ;
Considérant par contre que, s'il était destinataire, avec [R] [W], du courrier électronique du 9 mars 2007 par lequel [K] [E], Directeur financier du groupe ELITECH/BIOTECH, indiquait à [R] [W] qu'il ne l'avait pas oublié et qu'il lui faisait la proposition le plus rapidement possible, aucun élément ne permet de retenir que [K] [I] savait de quelle proposition il s'agissait, cette dernière pouvant être commerciale suite à la réunion précitée ; que les deux courriers électroniques ensuite adressés par [K] [E] à [R] [W] et qui précisaient dans quelles conditions il pourrait être embauché chez BIOELITE, n'avaient quant à eux pas pour destinataires [K] [I] qui soutient, sans être contredit, que la réunion en cause avait pour objet l'étude des relations commerciales ;
Considérant que ce grief n'est pas fondé, étant observé de surcroît que :
- la société BIOELITE n'a jamais existé, les éléments produits ne permettant pas de retenir que c'était le nom provisoire de la société LEASEMI à créer pour concurrencer la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France
-la preuve de ce que [R] [W] aurait été engagé par cette dernière société n'est pas rapportée
[R] [W] avait fait part à [U] [A], General Manager Western Europe, de son intention de quitter la société dès février 2007, ce dernier lui ayant indiqué qu'il ne souhaitait pas voir partir un bon élément comme lui et que l'entreprise pouvait répondre à ses attentes ;
Considérant qu'il est également reproché à [K] [I] d'avoir décidé de ne plus atteindre les objectifs commerciaux, ce que démontreraient les résultats atteints en 2007 et d'avoir délibérément organisé et orchestré, dès qu'il a cédé ses parts, une chute d'activité en ne mettant pas en oeuvre les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs fixés ; que [K] [I] conteste cette argumentation ;
Considérant que [K] [I] conteste les chiffres avancés par la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France dont il résulte que ses résultats auraient, en 2007, baissé de 33% (lease origination) et de 29 % (marge) entre 2006 et 2007 ;
Considérant que force est de constater que malgré la sommation qui lui a été adressée, la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France n'a pas produit ses comptes d'exploitation et de résultats ainsi que les liasses fiscales, des années 2005, 2006 et 2007 ; que les bilans versés démontrent que les produits d'exploitation de la société Finexis Medical se sont élevés à 5 032 461 € en 2005 et à 10 492 627 € en 2006, ce qui ne démontre pas une baisse d'activité ; que le bilan 2007 de la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France démontre aussi une progression de son chiffre d'affaires, qui couvre non seulement le secteur Finexis Medical mais aussi d'autres secteurs, puisqu'il est passé de 53 696 775 € à 70 143 102 € ;
Considérant que la preuve de ce que [K] [I] aurait délibérément baissé son activité en 2007 n'est donc pas rapportée, étant de surcroît observé que la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France ne démontre aucunement que cette baisse, à la supposer réelle, serait due à une décision délibérée de la part de [K] [I] alors que :
- ce dernier avait tout intérêt, s'il voulait percevoir le complément du prix de la cession de ses actions, à atteindre les objectifs fixés par le contrat de cession
- la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France ne verse d'ailleurs pas aux débats les pièces comptables qui permettraient de démontrer que seul le secteur qui dépendait de [K] [I] a été affecté par cette baisse
- un salarié qui travaillait à plein temps dans son équipe a vu, en février 2007, son emploi du temps modifié et n'y est resté qu'à mi-temps, ce qui ne pouvait qu'avoir des conséquences négatives sur la production
- en ce qui concerne le constat de contrats inexistants pour 1 000 000,00 €, rien ne permet de retenir que ce serait [K] [I] qui aurait de son propre chef inscrit ces contrats alors qu'ils ne figurent pas sur la liste d'avancement des dossiers qu'il a communiquée à la demande de son employeur le 10 décembre 2007 et qu'ils ne figurent pas davantage sur la liste des contrats réalisés avec cette société ayant servi de base au calcul des commissions ;
Considérant que ce grief ne saurait donc être retenu ;
Considérant qu'il est encore reproché à [K] [I] de n'avoir pas mis en oeuvre les moyens nécessaires pour maintenir, voire améliorer son chiffre d'affaires ;
Considérant que :
- en ce qui concerne l'embauche de personnel et son affectation, il devait, avant de prendre des décisions, en référer à [U] [A], au moins depuis un courrier électronique de ce dernier en date du 22 février 2007 et n'avait donc aucun pouvoir de décision d'embauche,
- en ce qui concerne la polyclinique de Bordeaux, il résulte des pièces produites, et en particulier d'un courrier électronique du 27 avril 2007, que cette dernière voulait clarifier d'une part les taux appliqués par la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France sur l'ensemble des contrats passés avec ses établissements, ces taux ne correspondant pas à ses calculs et à ceux de son expert-comptable et d'autre part les conditions de rachat en fin de contrat ; que c'est [R] [W] qui avait annulé le rendez-vous du 28 avril 2007 ; qu'un rendez-vous a bien eu lieu début mai 2007 ainsi que cela résulte d'un courrier électronique de M. [C] ; que pour autant la preuve de ce que [K] [I] se serait engagé à modifier les taux, contractuellement prévus et à confirmer les valeurs de rachat lors de cette réunion n'est pas rapportée alors que les contrats liaient les parties ; que, du reste, la preuve de ce qu'il y aurait eu un contentieux avec cette société n'est en rien rapportée ;
- en ce qui concerne l'absence de reporting, il résulte des courriers électroniques produits que [K] [I] faisait régulièrement le point de ses dossiers et de l'évolution de son chiffre d'affaires ;
Considérant qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, la preuve de ce que [K] [I] aurait commis les fautes qui lui sont reprochées dans la lettre de licenciement n'est nullement rapportée ;
Considérant que [K] [I] prétend donc à bon droit à l'octroi :
- du salaire de la mise à pied conservatoire du 20 décembre 2007 au 10 janvier 2008, soit, au regard des sommes retenues de ce chef, la somme de 4 153,85 € outre 415,38 € de congés payés afférents
- d'une indemnité de préavis égale à 3 mois de salaires, soit 23 202,24 € outre les congés payés afférents
- d'une indemnité de licenciement égale à 2 900,28 €
- d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'il convient, au regard notamment de l'ancienneté de [K] [I] au moment de la rupture, de la rémunération qui était la sienne, et de la situation dans laquelle il justifie s'être trouvé suite à ce licenciement, à la somme de 80 000,00 € ;
Considérant par contre que [K] [I] ne justifie pas que son licenciement lui a causé un préjudice distinct de celui ci-dessus indemnisé ;
Considérant qu'il y a lieu d'ordonner d'office, sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail, le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à [K] [I] suite à son licenciement dans la limite de six mois ;
Considérant, sur la demande au titre de la clause de non concurrence, que la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France a, dans la lettre de licenciement, indiqué qu'au titre du contrat de travail, 'vous n'êtes lié par aucune clause de non concurrence' ; qu'ainsi, elle l'a délié de la clause de non concurrence incluse, avec contrepartie financière, dans la lettre d'embauche, pour une durée de 6 mois en cas de licenciement, et ce dans les formes stipulées au contrat de travail ;
Considérant qu'il se prévaut de la clause de non concurrence prévue dans la convention de cession d'actions qui disposait sur ce point que :
'le cédant s'engage, à compter des présentes et jusqu'au 31 décembre 2009 à ne pas mener directement ou indirectement, seul ou de concert, comme actionnaire, dirigeant ou salarié ou préposé de toute autre personne morale ou physique sur le territoire de la France une activité concurrente à celle de la Société ou de CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France.
Cette obligation de non concurrence et son respect est dans la commune intention des parties une condition substantielle à la détermination du prix d'acquisition des titres de la société.
Le constat par le cessionnaire d'une contravention par le cédant autorisera, sans préjudice de tous dommages-intérêts, le cessionnaire, en cas de contestation de la part du cédant, à ne pas verser le complément de prix et ce jusqu'à décision judiciaire définitive, à charge, pour le cessionnaire de constituer garantie dudit complément de prix en principal' ;
Considérant que par lettre du 11 janvier 2008, la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France a, après avoir rappelé la clause sus-visée, écrit à [K] [I] que :
' Bien évidemment, vous ne pouvez plus bénéficier du complément de prix ni du versement de l'acompte la Convention précitée écartant expressément cette possibilité en cas de licenciement .
Les faits qui vous sont reprochés dans le cadre de ce licenciement constituent une violation de l'obligation de non concurrence objet de l'article 7 de la convention.
Le respect de cette clause est stipulé à ladite convention comme constituant 'dans la commune intention des parties une condition substantielle à la détermination du prix d'acquisition des titres de la société'.
Il s'ensuit que la violation de ladite clause doit entraîner une révision des prix, au-delà même de la caducité du complément de prix.
En effet, vos agissements traduisent un refus délibéré d'exécuter loyalement la convention mais aussi une volonté de nuire au cessionnaire de vos actions en le privant du maintien d'un chiffre d'affaires et d'une marge à un niveau qu'il pouvait espérer être au moins égal au prorata temporis à ceux constatés au cours des 5 premiers mois de 2006 et qui avaient servi à la détermination du prix d'achat des actions...
Nous vous rappelons cependant que vous êtes tenu à une obligation de non concurrence en vertu de l'article 7 de la convention de cession d'actions en date du 29 mai 2006 .'
Considérant qu'il en résulte que la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France entendait, nonobstant le fait qu'elle ait, dans la lettre de licenciement, libéré [K] [I] de la clause de non concurrence incluse dans son contrat de travail, maintenir, dans la convention de cession d'actions, cette clause de non concurrence, y compris pour une activité salariée, jusqu'au terme prévu dans ladite convention, soit le 31 décembre 2009 ;
Considérant pourtant que cette clause de non concurrence n'était assortie d'aucune contrepartie financière alors qu'elle portait aussi sur toute activité salariée concurrente ; que cette clause est donc nulle sur ce point ;
Considérant que le salarié qui a respecté une clause de non concurrence nulle a droit à réparation du préjudice que cela lui a causé ; que [K] [I] justifie que ce n'est qu'en avril 2010 qu'il a retrouvé un emploi salarié dans une société concurrente, son activité jusque lors étant celle de consultant indépendant, n'ayant pas eu d'activité de location financière, ni bénéficié d'agréments financiers bancaires à son nom, et n'ayant pas élaboré, ni cédé aucun contrat financier à un quelconque établissement bancaire ;
Considérant qu'il y a lieu de lui allouer en réparation du préjudice que le respect de cette clause de non concurrence , nulle en ce qu'elle l'empêchait, sans contrepartie financière, de retrouver un travail salarié, la somme de 45 000,00 € à titre de dommages-intérêts ;
Considérant, sur la demande de rappel de prime sur marge, qu'il est constant que [K] [I] avait contractuellement droit à une rémunération variable ;
Considérant qu'il soutient que la somme de 10 896,86 € qui lui a été versée de ce chef pour l'année 2007 était inférieure à ses droits ;
Considérant que la lettre de licenciement lui reprochait de n'avoir réalisé en 2007 que 450 117,73 € de marge ; qu'au regard de cet élément, les tableaux de commissions non contresignés par [K] [I] dont rien ne permet de retenir qu'il lui était communiqué chaque mois le montant des commissions dues au titre de son travail et de celui de son équipe, il pouvait prétendre à 18 000,00 € de prime sur marge, le taux par lui revendiqué n'étant pas contesté ; que sa demande de ce chef est donc parfaitement justifiée ;
Considérant, sur la demande de complément du prix de cession, que la convention de cession d'actions disposait que le complément de prix de 100 000 € était soumis aux conditions suspensives cumulatives suivantes :
a) réalisation par FINEXIS MEDICAL au 31 décembre 2008 des objectifs cumulés au titre de la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 , en termes de Lease Origination (montant des achats d'équipements effectués par la société en vue d'une première mise en location dans le cadre des contrats de location conclus avec les locataires) et de Marge (base locative + pré-loyers - base achats - assurances - frais de portage - commissions à des tiers) de :
-Lease Origination : 59 000 000, 00 €
-Marge : 4 600 000,00 €
b) que le cédant soit toujours en vie au 31 décembre 2008
c) absence de démission notifiée avant le 31 décembre 2008 du cédant des fonctions salariées qu'il exerce au sein de la société
d) absence de licenciement, quel qu'en soit le motif, notifié au cédant avant le 31 décembre 2008. Il est cependant expressément convenu que ledit complément de prix deviendrait de plein droit immédiatement exigible , sous réserve de la réalisation de la condition visée en a dans le cas où par suite d'une contestation du cédant , la mesure de licenciement l'ayant frappé serait jugée dépourvue de cause réelle et sérieuse par une décision judiciaire définitive ;
Considérant que les 3 dernières conditions sont remplies mais qu'une contestation existe sur la première ;
Considérant que, le licenciement ayant été prononcé avant la fin de la période pour laquelle les objectifs avaient été fixés, il ne saurait être reproché à [K] [I] de ne pas les avoir atteints alors qu'il disposait encore d'une année pour les réaliser ; que le licenciement injustifié dont il a fait l'objet lui a donc fait perdre une chance d'obtenir le complément de prix de ses actions ; que cela lui a nécessairement causé un préjudice qu'il convient d'évaluer à la somme de 50 000,00 € ;
Considérant que les sommes de nature salariale allouées produiront intérêts au taux légal à compter du 1er février 2008, date de la réception par la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France de la convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes produisant intérêts au taux légal à compter de la présente décision , les intérêts dus produisant eux mêmes intérêts dès lors qu'ils seront dus pour une année à compter du 1er février 2008, date à laquelle la première demande d'anatocisme a été portée à la connaissance de la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France ;
PAR CES MOTIFS
Déclare la présente juridiction compétente pour statuer sur la demande de complément de prix de cession d'actions ;
Infirme la décision attaquée ;
Statuant à nouveau,
Condamne la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France à payer à [K] [I] :
-5 671,66 € de rappel de salaire sur mise à pied et 567,16 € de congés payés afférents
-23 202,24 € d'indemnité de préavis et 2 320,22 € de congés payés afférents
-2 900,28 € d'indemnité de licenciement
-80 000,00 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-7 103,14 € de prime sur marge et 710,31 € de congés payés afférents
-50 000, 00 € de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir le complément contractuel prévu au protocole de cession d'actions
-45 000 € de dommages-intérêts pour respect d'une clause de non concurrence nulle
-3 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile
ces sommes :
-avec intérêts au taux légal à compter du 1er février 2008 pour les sommes de nature salariale
-avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, pour les sommes de nature indemnitaire
et capitalisation des intérêts dès lors qu'ils seront dus pour une année entière à compter du 1er février 2008 ;
Ordonne en outre le remboursement par la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées à [K] [I] , suite à son licenciement, dans la limite de six mois ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne la SAS CHG MERIDIAN COMPUTER FINANCE France aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT