Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRET DU 05 OCTOBRE 2011
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/01864
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Janvier 2010 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 09/00496
APPELANTE
S.N.C. UGC CINE CITE ILE DE FRANCE
agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Gilbert THEVENIER, avoué à la Cour
assistée de Maître Valérie DESFORGES plaidant pour la SCP LACOURTE BALAS et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R 176
INTIMÉES
Société FONCIERE 1
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 3]
Société ASSURECUREUIL PIERRE 3
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentées par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Cour
assistées de Maître Marie-Odile VAISSIÉ plaidant pour la SCP LEFEVRE PELLETIER et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P 238
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 juin 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame BLUM, conseiller chargée du rapport.
Madame [N] a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame BARTHOLIN, Présidente
Madame BLUM, Conseiller
Madame DEGRELLE-CROISSANT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame BASTIN.
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame BARTHOLIN, Présidente, et par Madame BASTIN, greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
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Dans le cadre d'une opération dite d'externalisation de ses actifs immobiliers, la s.n.c. Ugc [Adresse 7] a vendu, suivant acte notarié du 22 décembre 2003, aux s.c.i. [Adresse 5], pour un prix de 28.144.652 €, l'immeuble à usage de complexe cinématographique composé notamment de 15 salles d'une capacité totale de 3334 places qu'elle exploite dans le périmètre du centre commercial [Localité 6] II à [Localité 6], à l'exception des "aménagements, agencement et éléments liés à l'exploitation dudit complexe cinématographiques et des activités annexes ou connexes (tels le matériel de projection, les fauteuils spectateurs (...) les bars et agencement de petite restauration etc.)" qui sont restés sa propriété en sa qualité de futur locataire.
Par acte du même jour, les sociétés Foncière 1 et Assurecureuil Pierre 3 ont donné cet immeuble à bail commercial à la société [Adresse 7], pour 12 années à compter du 22 décembre 2003, moyennant un loyer variable déterminé année par année correspondant à 7% du chiffre d'affaire hors taxe réalisé dans les lieux loués pendant l'année civile considérée, ce loyer ne pouvant être inférieur à un loyer minimum garanti de 2.393.000 € indexé annuellement à la date anniversaire du bail.
Par acte extrajudiciaire du 17 juin 2009, alors que le loyer minimum garanti avait atteint la somme de 3.109.705,49 € par le jeu de l'indexation conventionnelle, la société [Adresse 7] a demandé, en application de l'article L 145-39 du code de commerce, la révision du loyer et sa fixation à la valeur locative estimée à 1.330.000 hors taxes et hors charges, ce à quoi les bailleresses se sont opposées. Après échange de mémoires, la société [Adresse 7] a saisi le juge des loyers commerciaux.
Par jugement rendu le 13 janvier 2010, le juge des loyers du tribunal de grande instance de Bobigny a :
-débouté la société Ugc de l'intégralité de ses demandes,
- condamné la même aux dépens qui seront augmentés de la somme de 1000 € au titre des frais irrépétibles,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
La société [Adresse 7] a relevé appel de cette décision et par ses conclusions du 28 mai 2010, demande à la cour d'infirmer le jugement et de :
- constater que le loyer binaire a été fixé de façon artificielle pour échapper aux dispositions d'ordre public de l'article L 145-39 du code de commerce,
- déclarer non écrite la stipulation prévoyant un loyer variable,
- fixer à 1.298.800 € par an en principal à compter de la date de délivrance de l'assignation le loyer du bail commercial dont elle bénéficie,
- dire que les sociétés Foncière 1 et Assurecureuil Pierre 3 devront lui rembourser les trop perçus de loyers depuis la date de délivrance de l'assignation avec les intérêts au taux légal à compter de cette date puis à compter de chaque échéance trimestrielle conformément à l'article 1155 du code civil,
- dire que les intérêts échus des capitaux dus au moins pour une année entière produiront des intérêts au taux légal conformément à l'article 1154 du code civil,
- condamner les sociétés Foncière 1 et Assurecureuil Pierre 3 in solidum à la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Les sociétés Foncière 1 et Assurecureuil Pierre 3, par leurs dernières conclusions du 1er septembre 2010, demandent à la cour de :
- confirmer le jugement,
- débouter la société [Adresse 7] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société [Adresse 7] à leur verser à chacune la somme de 7.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
SUR CE,
Considérant qu'au soutien de son appel, la société [Adresse 7] expose que le loyer binaire n'est en l'espèce qu'un artifice juridique constitutif d'une fraude à la loi pour évincer les dispositions d'ordre public de l'article L 145-39 du code de commerce, que le loyer binaire a été fixé dans ce seul but d'éviter la révision ainsi que cela ressort de la lettre qui lui a été adressée le 5 avril 2002, que de l'aveu même des bailleresses, le loyer variable ne trouve jamais à s'appliquer, que de fait le seuil de déclenchement du loyer variable supposerait qu'elle réalise un chiffre d'affaires trois fois supérieur au sien ce qui est impossible ;
Qu'elle fait valoir que la stipulation sur le loyer variable doit être considérée comme non écrite par application de l'article L 145-15 du code de commerce, qu'on se trouve dès lors en présence uniquement d'un loyer fixe assorti d'une clause d'échelle mobile dont la révision peut être demandée puisque les conditions de l'article L 145-39 sont remplies, qu'en outre l'accord des parties contrevient à l'article 6 du code civil et le fait qu'elle ait pu accepter le détournement de la loi n'a strictement aucune influence sur la nullité d'une telle stipulation ;
Mais considérant qu'il apparaît qu'après de longues négociations, les parties se sont librement accordées sur chacune des composantes du loyer, partie fixe et partie variable, celles-ci formant un tout indivisible ; que la société [Adresse 7] n'allègue aucun vice de son consentement ;
Considérant qu'il est de principe que la fixation du loyer révisé d'un bail stipulant un loyer binaire échappe aux dispositions régissant le statut des baux commerciaux et n'est régie que par la convention des parties ;
Que la société [Adresse 7] invoque vainement l'article L 145-15 du code de commerce et une prétendue fraude à la loi ; qu'elle n'est pas fondée à voir déclarer non écrite la seule stipulation sur le loyer variable ;
Que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société [Adresse 7] de l'intégralité de ses demandes ;
Considérant que le sort des dépens de première instance étant confirmé, la société [Adresse 7] sera condamnée aux dépens d'appel ; que vu l'article 700 du code de procédure civile la somme supplémentaire de 1500 € sera allouée à chacune des intimées, la demande de la société [Adresse 7] à ce titre étant rejetée ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement,
Y ajoutant,
Condamne la société [Adresse 7] à payer à chacune des sociétés Foncière 1 et Assurecureuil Pierre 3 la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société [Adresse 7] de sa demande à ce titre ;
Condamne la société [Adresse 7] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,