RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRET DU 29 Septembre 2011
(n° 04 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/10299
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Novembre 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS- Section commerce - RG n° 08/04109
APPELANTE
SAS LA MAINTENANCE PARIS
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Maître Eve DREYFUS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1814
INTIME
Monsieur [V] [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]
comparant et assisté de Maître Annie SEBBAG, avocat au barreau de PARIS, toque : E 486
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Juin 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Bruno BLANC, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Michèle BRONGNIART, Président
Monsieur Thierry PERROT, Conseiller
Monsieur Bruno BLANC, Conseiller
Greffier : Véronique LAYEMAR, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par M. Thierry PERROT, Conseiller, ayant participé au délibéré, par suite d'un empêchement du Président, et par Mme Magaly HAINON, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par contrat à durée indéterminée en date du 16 août 1978, M. [V] [E] a été engagé par la société anonyme NETRAM, en qualité d'ouvrier nettoyeur. Il a été promu successivement chef d'équipe, puis chef de site. En dernier lieu, son salaire moyen s'élevait à la somme mensuelle de 2900 €.
À effet du 15 mai 2007, le capital de la SA NETRAM a été racheté par la SAS LA MAINTENANCE PARIS qui vient aux droits de cette société.
Par courrier recommandé remis en main propre le 12 juin 2007, M. [V] [E] a été convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 22 juin 2007, M. [V] [E] a été licencié pour faute grave.
Une transaction est intervenue entre les parties le 9 juillet 2007.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la SAS LA MAINTENANCE PARIS du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 18 novembre 2009, statuant en départage, qui a :
- constaté la nullité du licenciement intervenu le 22 juin 2007, et celle de la transaction subséquente en date du 9 juillet 2007,
- ordonné la réintégration de M. [V] [E] au sein de l'entreprise, et donné acte à l'employeur de ce qu'il ne s'opposait pas à cette réintégration,
- condamné la SAS LA MAINTENANCE PARIS à verser à M. [V] [E] les salaires qu'il aurait perçus depuis la date de son licenciement jusqu'à celle de sa réintégration effective et condamné à régler à M. [V] [E] une somme provisionnelle de 52'434,72 € dès que le jugement sera devenu définitif,
- condamné M. [V] [E] à rembourser à la SAS LA MAINTENANCE PARIS la somme de 51'150 € perçue en exécution de la transaction annulée,
- ordonné la compensation entre les deux sommes,
- condamné la SAS LA MAINTENANCE PARIS à payer à M. [V] [E] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la SAS LA MAINTENANCE PARIS aux dépens.
En exécution du jugement rendu le 18 novembre 2009, M. [V] [E] a été réintégré au sein de la SAS LA MAINTENANCE PARIS le 4 décembre 2009.
Par courrier en date du 15 janvier 2010, le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de son employeur.
Vu les conclusions en date du 22 juin 2011, au soutien de ses observations orales, par lesquelles la SAS LA MAINTENANCE PARIS demande à la cour :
à titre principal,
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la nullité du licenciement et de la transaction,
et statuant à nouveau,
- de juger que le consentement de M. [V] [E] n'a pas été vicié,
- de juger que les mandats dont se prévaut le salarié ne sont pas opposables à la SAS LA MAINTENANCE PARIS qui n'en avait pas connaissance,
- de juger que le licenciement et la transaction qui a suivie sont valables,
- de débouter M. [V] [E] de l'ensemble de ses demandes,
à titre subsidiaire et dans l'éventualité où le licenciement serait déclaré nul pour violation du statut protecteur,
- de prendre acte de ce que la SAS LA MAINTENANCE PARIS acquiesce à la demande de M. [V] [E] tendant à obtenir l'infirmation du jugement ayant ordonné sa réintégration,
- de dire qu'elle ne peut être condamnée à verser à M. [V] [E] une somme supérieure à 76'709 € correspondant à l'indemnisation maximale à laquelle peut prétendre le salarié en l'absence de réintégration,
- d'ordonner le remboursement par M. [V] [E] des sommes allouées dans le cadre du protocole d'accord,
- d'ordonner la compensation entre ces sommes,
- de dire que la demande de M. [V] [E] tendant à la requalification de sa prise d'acte de rupture en licenciement est sans objet,
à titre infiniment subsidiaire,
- de dire que la prise d'acte de rupture du contrat de travail en date du 15 janvier 2010 s'analyse en une démission,
- de débouter M. [V] [E] de ses demandes,
- de condamner M. [V] [E] à lui payer la somme de 8'739 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
en tout état de cause,
- de condamner M. [V] [E] à lui payer la somme de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
À l'audience du 22 juin 2011, M. [V] [E] , assisté de son conseil, se désiste de ses demandes liées à la prise d'acte de rupture du 15 janvier 2010, étant précisé qu'aucune demande financière n'était présentée à ce titre. La SAS LA MAINTENANCE PARIS prend acte de ce désistement et ne présente aucune observation de ce chef.
Vu les conclusions en date du 22 juin 2011, au soutien de ses observations orales, par lesquelles M. [V] [E] demande à la cour:
- d'infirmer le jugement en ce qui l'a ordonné sa réintégration au sein de l'entreprise,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la nullité du licenciement et de la transaction subséquente,
- de dire que son licenciement, intervenu le 22 juin 2007, est irrégulier et nul du fait de son statut protecteur,
en conséquence:
- de condamner la SAS LA MAINTENANCE PARIS à lui payer les sommes suivantes:
* 36'241,20 € au titre de l'indemnité de rupture égale à la rémunération des salaires qu'il aurait perçus depuis son licenciement du 22 juin 2007 au jour de sa réintégration le 4 décembre 2009, soit 30 mois de salaires diminué de l'indemnité de transaction,
* 2913 € à titre de non-respect de la procédure de licenciement,
* 174'782,40 € à titre d'indemnité pour licenciement illicite correspondant à cinq ans de salaire,
* 15'536 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 8'739,12 € à titre d'indemnité de préavis correspondant à trois mois de salaire,
* 873,91 € à titre de congés payés sur préavis,
* 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
SUR CE
Sur la nullité du licenciement et de la transaction subséquente :
Considérant que, pour infirmation, la SAS LA MAINTENANCE PARIS soutient qu'aucun vice du consentement n'affecte la transaction signée le 9 juillet 2007; que, séjournant en France depuis plus de 30 ans M. [V] [E] maîtrise totalement la langue française; qu'en raison de ses fonctions de représentant du personnel puis de secrétaire du comité d'entreprise, il ne pouvait ignorer la teneur de son engagement étant, de surcroît, assisté par le responsable juridique de la CFDT/SFP lors de la négociation et de la rédaction du protocole d'accord ;
Que, par ailleurs, venant aux droits de la société NETRAM, elle n'a pas trace des différentes désignations du salarié à des fonctions représentatives ; que ce dernier ne rapporte pas la preuve de l'existence et de la validité de la désignation dont qu'il se prévaut ; que le mandat invoqué tardivement ne lui est pas opposable;
Considérant, qu'en réplique, M. [V] [E] soutient qu'il est délégué du personnel de la société NETRAM depuis 1992 et également représentant au comité d'entreprise ainsi que du CHSCT; que, nonobstant sa qualité de salarié protégé, il a été licencié sans autorisation de l'inspecteur du travail entraînant de ce fait la nullité de son licenciement ainsi que le nullité de la transaction signée le 9 juillet 2007 ; qu'il justifie de ce que l'employeur avait connaissance de son statut protecteur et en particulier du fait qu'il était représentant au comité d'entreprise ;
Considérant que le 16 mai 2007, l'employeur a adressé un courrier à M. [V] [E] dans lequel il l'informe, en qualité de représentant au comité d'entreprise, qu'un conseil d'administration de la société se tiendra le 29 mai 2007;
que le 31 mai 2007, l'employeur adressera à nouveau un courrier à M. [V] [E] en sa qualité de représentant au comité d'entreprise pour l'informer qu'une assemblée générale extraordinaire se tiendra le 18 juin 2007; que ces deux courriers sont signés par M. [J], président du conseil d'administration et directeur général;
considérant que les premiers juges relèvent également que la prorogation du mandat de représentant au comité d'entreprise de M. [V] [E] , jusqu'en octobre 2007, résulte d'une délibération en ce sens votée tant par la direction que par les deux organisations syndicales CGT et CFDT organisations représentatives de l'entreprise ;
Considérant que la procédure spéciale offerte aux salariés protégés est d'ordre public absolu ; que l'avis préalable du comité d'entreprise était, en l'espèce requis et qu'à défaut d'avoir sollicité l'autorisation de l'inspecteur du travail, le licenciement prononcé par la SAS LA MAINTENANCE PARIS est nul de plein droit;
Considérant qu'en application de l'article 2046 du Code civil, il n'est pas permis de transiger sur les matières qui intéressent l'ordre public; qu'en l'espèce ce principe trouve à s'appliquer à M. [V] [E] qui ne pouvait, en signant une transaction, renoncer aux dispositions d'ordre public pour protéger son mandat; qu'en effet, les salariés investis de fonctions représentatives ne peuvent renoncer par avance aux dispositions exorbitantes du droit commun instituées en leur faveur;
Considérant, en conséquence, qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté la nullité du licenciement prononcé le 22 juin 2007 et celle de la transaction subséquente en date du 9 juillet 2007;
Sur les conséquences :
Considérant qu'il convient de tirer les conséquences de la rupture du contrat de travail sans autorisation administrative;
Considérant que la réintégration ordonnée en première instance a été exécutée M. [V] [E] ayant été réintégré dans l'entreprise avant de prendre acte de la rupture de son contrat de travail le 15 janvier 2010;
Considérant en conséquence, que le salarié qui demande sa réintégration a droit à une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction ou jusqu'à sa réintégration; que cette indemnisation se cumule avec les indemnités de rupture;
Qu'en raison de la confirmation de la nullité du licenciement et de la nullité de la transaction subséquente, il ya lieu également de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné l'employeur à payer les salaires jusqu'à la réintégration effective, M. [V] [E] s'étant, de surcroît, désisté de l'ensemble de ses demandes au titre de la prise d'acte de rupture en date du 15 janvier 2010, désistement dont a pris acte la société appelante;
Qu'en conséquence, la SAS LA MAINTENANCE PARIS doit être condamnée à payer à M ; [V] [E] les sommes suivantes :
* 87391,20 € représentant les salaires pour la période du 22 juin 2007 au 4 décembre 2009,
* 15536 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 2900 € à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,
* 8700 € à titre d'indemnité de préavis,
* 870 € au titre des congés payés afférents,
* 70000 € en application de l'article L.122-14-4 du Code du travail ancien devenu L 1235-3,
Considérant que, par ailleurs, en raison de la nullité de la transaction, les sommes perçues par M. [V] [E] à ce titre sont réputées sans cause; qu'il convient donc de faire droit à la demande de répétition présentée à cet égard par l'employeur;
Considérant qu'il y a lieu d'ordonner la compensation entre les créances ;
Considérant que l'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ;
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris en ce qu'il a :
- constaté la nullité du licenciement intervenu le 22 juin 2007, et celle de la transaction subséquente en date du 9 juillet 2007,
- ordonné la réintégration de M. [V] [E] au sein de l'entreprise, et donné acte à l'employeur de ce qu'il ne s'opposait pas à cette réintégration,
- condamné la SAS LA MAINTENANCE PARIS à verser à M. [V] [E] les salaires qu'il aurait perçus depuis la date de son licenciement jusqu'à celle de sa réintégration effective et condamné à régler à M. [V] [E] une somme provisionnelle de 52'434,72 € ,
- condamné M. [V] [E] à rembourser à la SAS LA MAINTENANCE PARIS la somme de 51'150 € perçue en exécution de la transaction annulée,
- ordonné la compensation entre les deux sommes,
- condamné la SAS LA MAINTENANCE PARIS à payer à M. [V] [E] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant :
CONDAMNE la SAS LA MAINTENANCE PARIS à payer à M. [V] [E] la somme de 34 956,48 € au titre du solde des salaires dus pour la période du 22 juin 2007 au 4 décembre 2009 avec intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation,
CONDAMNE la SAS LA MAINTENANCE PARIS à payer à M. [V] [E] les sommes suivantes :
* 15 536 à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 2 900 € à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière,
* 70 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 8 700 € à titre d'indemnité de préavis,
* 870 € à titre d'incidence sur les congés payés avec intérêts au taux légal à compter à compter du présent arrêt,
CONDAMNE la SAS LA MAINTENANCE PARIS à payer à M. [V] [E] 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
CONDAMNE la SAS LA MAINTENANCE PARIS aux entiers dépens d'appel,
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,