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29/09/2011 | FRANCE | N°07/14685

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 29 septembre 2011, 07/14685


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 29 SEPTEMBRE 2011



(n° ,8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 07/14685



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2003 -Tribunal de Commerce d'EVRY -





DEMANDEUR AU RECOURS EN REVISION



S.A. SOCIETE GENERALE

ayant son siège : [Adresse 1]



représentée par la S

CP HARDOUIN, avoués à la Cour

assistée de Me Michel MIORINI de la SELAS MIORINI ET ASSOCIES null, avocat au barreau d'ESSONNE,





DEFENDEURS AU RECOURS EN REVISION



S.A.S. LAFI - LOGICIELS APPLIC...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 29 SEPTEMBRE 2011

(n° ,8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/14685

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2003 -Tribunal de Commerce d'EVRY -

DEMANDEUR AU RECOURS EN REVISION

S.A. SOCIETE GENERALE

ayant son siège : [Adresse 1]

représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour

assistée de Me Michel MIORINI de la SELAS MIORINI ET ASSOCIES null, avocat au barreau d'ESSONNE,

DEFENDEURS AU RECOURS EN REVISION

S.A.S. LAFI - LOGICIELS APPLICATION FORMATION INFORMATION

ayant son siège : [Adresse 5]

représentée par la SCP BOMMART FORTSER FROMANTIN, avoués à la Cour

assistée de Me Samia BENDJENNA de la SCP FOURMENTIN- LEQUINTREC - CORCOS, avocat au barreau de PARIS, toque : R 35

S.A. SOCIETE SWAN

ayant son siège : [Adresse 2]

Actuellement en liquidation judiciaire, représentée par Me [W] [V], son liquidateur

SCP [V] en la personne de Me [W] [V] en qualité de liquidateur de la société SWAN SA

demeurant : [Adresse 3]

représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour

ayant pour avocat Me Paul ANDREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1225,

Monsieur LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE près la Cour d'appel de PARIS

demeurant : [Adresse 4]

COMPOSITION DE LA COUR :

Après le rapport oral de Madame Patricia POMONTI, Conseillère et conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Juin 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Janick TOUZERY-CHAMPION, Conseillère remplacement de la Présidente empêchée

Madame Patricia POMONTI, Conseillère

Madame Nathalie AUROY, Conseillère désignée par l'ordonnance de Monsieur le premier président de la cour d'appel de Paris en date du 17 décembre 2010

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Anne BOISNARD

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Patricia POMONTI, conseillère en remplacement de la Présidente empêchée et par Mademoiselle Anne BOISNARD, greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé en date du 27 décembre 2000, la société Swan et la société Lafi ont conclu un « contrat de distribution de prologiciels » d'une durée de 12 mois.

Aux termes de ce contrat, la société Swan a concédé à la société Lafi le droit non exclusif de distribution des prologiciels accompagné de celui de concéder une licence d'utilisation de ceux-ci.

La société Lafi s'est engagée à assurer la promotion et le développement de la distribution des licences de prologiciels, objet du contrat, et à apporter l'assistance et le conseil nécessaire à ses clients.

Un avenant au contrat en date du 30 mars 2001 prévoyait « l'extension de la quantité d'achat par la société Lafi : Vison 64 For Server : 25.000 licences supplémentaires » et un prix de cession de 10.000.000 francs HT pour les 25.000 postes, avec la précision suivante : « cet engagement sera révisé chaque fin de trimestre ou en fin d'année si le besoin était avéré en valeur CA réalisé (Vision 64 et produits annexes) sur l'ensemble du catalogue produits Swan ».

En date du 30 mars 2001, la société Swan a adressé à la société Lafi la lettre suivante :

« Nous vous garantissons que toutes :

Modifications des quantités prévues au contrat ou son avenant

Augmentation des quantités prévues au contrat ou son avenant

Diminution des quantités prévues au contrat ou son avenant

Annulation des quantités prévues au contrat ou son avenant

Résiliation du contrat Lafi ou de son avenant

se fera sans préjudice pour la société Lafi, ni dommages et intérêts, la société Swan renonçant à toute action en justice auprès de cette dernière. »

La SA Swan et la Société Générale ont conclu le 19 octobre 2000 une « convention cadre de cession de créances professionnelles à titre de garantie ».

En application de cette convention, la société Swan a, suivant bordereau Dailly du 17 avril 2001, cédé à la Société Générale une créance qu'elle détenait sur la société Lafi d'un montant de 11.960.000 francs TTC, soit 1.823.290,25 euros, à échéance du 31 mars 2002.

Par lettre recommandée AR en date du 18 avril 2001, la Société Générale a notifié à la société Lafi cette cession de facture.

Par lettre du 29 mars 2002, la société Lafi a notifié à la société Swan, d'une part, la modification des objectifs contractuels au regard de la facturation définitivement réalisée par elle à cette date et portant sur 8.340 licences facturées à ses clients finaux et, d'autre part, la résiliation du contrat au 31 mars 2002.

Concomitamment, la société Lafi indiquait à la Société Générale que ses accords avec la société Swan lui permettaient de modifier unilatéralement le montant définitif de sa commande, et qu'elle avait par conséquent signifié à Swan la révision à la baisse des quantités qui lui seraient finalement facturées, que cette baisse des quantités faisait apparaitre un total de commandes de 8.340 licences au lieu des 25.000 initialement facturées. La société Lafi produisait en outre le courrier du 30 mars 2001 adressé par la société Swan.

Par acte en date du 7 mai 2002, la Société Générale a assigné les société Lafi et Swan afin de voir constater la régularité de la cession Dailly intervenue le 18 avril 2001 et juger que les courriers du 30 mars 2001 de la société Swan et du 29 mars 2002 de la société Lafi sont intervenus en fraude de ses droits.

Par un jugement du 9 janvier 2003, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce d'Evry a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Lafi,

- dit que les société Swan et Lafi n'avaient pas agi frauduleusement à l'encontre de la Société Générale,

- condamné solidairement les sociétés Swan et Lafi à payer, en deniers ou quittances, à la Société Générale la somme de 1.387.606,43 euros arrêtée au 7 mai 2002 avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2002,

- condamné la société Swan à payer, en deniers ou quittances, à la Société Générale les sommes de 2.331.157,60 euros au titre d'un découvert bancaire et de 129.987,10 euros pour un prêt à moyen terme avec intérêts au taux de 4,10 % en ce qui concerne le découvert et au taux de 9,80% en ce qui concerne le prêt à moyen terme,

dit que la société Swan pourra se libérer de sa dette en quatre versements trimestriels égaux augmentés des intérêts,

- débouté la Société Générale de sa demande tendant à faire interdiction aux sociétés Swan et Lafi de reporter sur un nouveau contrat de distribution toute nouvelle commande de la société Lafi d'un produit Swan,

- pris acte de l'engagement de la Société Générale de ne pas présenter à l'encaissement trois traites tirées sur la société Lafi par la société Swan et enjoint à la société Générale de les restituer à la société Lafi après remboursement complet par les société Lafi et Swan du crédit consécutif à la cession Dailly du 18 avril 2001,

- débouté la société Lafi de ses demandes au titre d'un trop versé et de dommages et intérêts,

- condamné solidairement les sociétés Swan et Lafi au règlement d'une indemnité de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 22 juillet 2002, le tribunal de commerce d'Evry a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Swan et par jugement du 16 septembre 2002, cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire.

La société Lafi a interjeté appel du jugement rendu le 9 janvier 2003, Me [V], ès-qualités de liquidateur de la société Swan, relevant quant à lui appel incident.

Par un arrêt du 15 mai 2003, la cour d'appel de Paris a :

- réformé le jugement déféré et statuant à nouveau,

- débouté la Société Générale de ses demandes formées à l'encontre de la société Lafi,

- ordonné la restitution à la société Lafi par la Société Générale des trois traites à échéances des 31 mars 2002, 31 mai 2002 et 31 juillet 2002 émises par la société Lafi à l'ordre de la société Swan,

- condamné la Société Générale à payer à la société Lafi une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Lafi de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la Société Générale,

- fixé les créances de la Société Générale au passif de la société Swan aux sommes de :

2.073.214,60 euros, solde débiteur déclaré et arrêté au 30 septembre 2002, au titre du découvert bancaire,

129.987,10 euros avec intérêts au taux de 9,80% sans toutefois que cette créance puisse excéder la somme déclarée de 132.795,06 euros au titre du prêt à moyen terme.

La cour a notamment considéré, s'agissant de l'argument soulevé par la Société Générale, selon lequel la lettre du 30 mars 2001 rédigée par la société Swan l'avait été pour les besoins de la cause et en tous les cas bien après la date du 30 mars 2001, « qu'aucun élément objectif ne prouve que la date de cet engagement, à savoir le 30 mars 2001, soit, en réalité, postérieure à celle du bordereau ou concomitante à l'échéance du 31 mars 2002 ».

Le pourvoi formé par la Société Générale a été rejeté par la chambre commerciale de la cour de cassation le 19 avril 2005.

Parallèlement à la procédure civile, une procédure pénale a été diligentée à la suite du dépôt de plainte de la Société Générale.

Par jugement du 15 mai 2007, le tribunal correctionnel d'Evry a déclaré Messieurs [K] [T] et [S] [U] [S], respectivement PDG et Directeur commercial de la société Swan, coupables d'escroquerie et complicité d'escroquerie, considérant qu'il y avait bien eu des man'uvres frauduleuses et que notamment le courrier du 30 mars 2001 avait bien été rédigé à une date postérieure à celle mentionnée.

Par un arrêt du 14 février 2008, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement rendu contre Monsieur [S] [U] [S], Monsieur [K] [T] s'étant désisté de son appel.

Le 6 août 2007, la Société Générale a déposé une requête aux fins de recours en révision contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris en date du 15 mai 2003.

Vu les dernières conclusions signifiées le 3 septembre 2008 par lesquelles la Société Générale demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondée la Société Générale en son recours en révision à l'encontre de l'arrêt rendu le 15 mai 2003,

- y faisant droit,

- rétracter l'arrêt rendu le 15 mai 2003 et statuant à nouveau en fait et en droit,

- déclarer irrecevable et en tous cas mal fondé l'appel interjeté par la société Lafi du jugement rendu le 9 janvier 2003 par le tribunal de commerce d'Evry,

en conséquence,

- débouter la société Lafi de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celle ayant dit que la société Swan et la société Lafi n'ont pas agi frauduleusement à l'encontre de la Société Générale,

- accueillant la Société Générale en son appel incident de ce chef,

- dire que la société Swan et la société Lafi ont agi frauduleusement à l'encontre de la Société Générale,

pour le surplus,

- confirmer le jugement entrepris en touts ses dispositions,

compte tenu de la liquidation judiciaire de la société Swan,

- dire que les condamnations prononcées à l'encontre de Swan par le jugement dont appel devront faire l'objet d'une fixation au passif de la société Swan au profit de la Société générale,

- condamner la société Lafi à payer à la société Générale la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Société Générale rappelle que l'article 595 du code de procédure civile dispose que le recours en révision est notamment ouvert s'il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue, ou s'il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement.

Elle estime disposer en l'espèce de deux causes d'ouverture du recours en révision.

La Société Générale affirme qu'elle n'a eu connaissance des motivations du tribunal correctionnel qu'à compter du 15 juin 2007, date à laquelle une copie de la décision lui a été délivrée, de sorte que son recours en révision est recevable.

Sur le fond, la Société Générale fait valoir que la fraude concertée des sociétés Lafi et Swan est confirmée par la teneur du jugement du 15 mai 2007 rendu par le tribunal d'Evry, notamment en ce qui concerne la contre-lettre du 30 mars 2001, et qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que la société Swan et la société Lafi n'avaient pas agi frauduleusement à l'encontre de la Société Générale.

Vu les dernières conclusions signifiées le 14 mars 2008 par lesquelles la SAS Lafi demande à la cour de :

à titre principal

- dire et juger que la Société Générale ne justifie d'aucune cause d'ouverture du recours en révision prévue à l'article 595 du code de procédure civile,

- dire et juger que la Société Générale est forclose à poursuivre la rétractation de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 15 mai 2003,

- débouter, en conséquence, la Société Générale de ses entières demandes, fins et conclusions, comme étant irrecevables,

à titre subsidiaire,

- dire et juger que le courrier de transmission de l'avenant n°1 au contrat de distribution établi et transmis par la société Swan en date du 30 mars 2001, ne fait que confirmer les relations contractuelles liant les sociétés Lafi et Swan,

- dire et juger qu'aucune fraude ne peut être reprochée à la société Lafi,

- dire et juger que la société Lafi est en droit et bien fondée à opposer à la Société Générale les exceptions fondées sur ses relations contractuelles avec la société Swan,

- débouter en conséquence la Société Générale de ses entières demandes, fins et conclusions, comme étant mal fondées,

- confirmer en conséquence l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 15 mai 2003 en toutes ses dispositions,

à titre infiniment subsidiaire,

- réformer le jugement rendu le 9 janvier 2003 par le tribunal de commerce d'Evry en ce qu'il a condamné solidairement les sociétés Lafi et Swan à la somme de 1.387.606,43 euros,

statuant à nouveau, réduire le quantum des condamnations prononcées à la somme de 686.170,20 euros, compte tenu des paiements effectués,

en tout état de cause,

- condamner la Société Générale à verser à la société Lafi la somme de 75.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la Société Générale à payer à la société Lafi la somme de 30.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Lafi fait valoir que la Société Générale ne justifie d'aucune des causes d'ouverture du recours en révision limitativement énumérées par l'article 595 du code de procédure civile et ajoute que cette dernière est dans tous les cas forclose à poursuivre la rétractation de l'arrêt du 15 mai 2003.

Sur le fond, la société Lafi soutient que la Société Générale est mal fondée dans son recours, dès lors que le courrier litigieux, établi et daté par la société Swan au 30 mars 2001, ne fait que confirmer la commune intention des parties quant à l'absence d'une quelconque obligation d'achats à la charge de la société Lafi.

Celle-ci affirme en outre qu'aucune fraude ne peut lui être reprochée et qu'elle est bien fondée à opposer à la Société Générale les exceptions fondées sur ses relations contractuelles avec la société Swan.

Vu les dernières conclusions signifiées le 12 mars 2008 par lesquelles la SCP [V], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Swan, demande à la cour de :

- donner acte à la SCP [V] en la personne de Me [V] de ce qu'elle intervient à l'instance en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Swan, fonctions auxquelles elle a été nommée par jugement du tribunal de commerce d'Evry en date du 7 janvier 2003,

- donner acte à la SCP [V] en la personne de Me [V] ès qualités de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le mérite du recours en révision formé par la Société Générale à l'égard de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 15 mai 2003.

Vu les conclusions signifiées le 24 juin 2008 par lesquelles le Ministère Public demande à la cour de déclarer irrecevable le recours en révision formé par la Société Générale à l'encontre de l'arrêt rendu par la cour d'appel le 15 mai 2003.

Le Ministère Public relève qu'une copie du jugement peut être demandée à tout moment et que la délivrance de cette copie ne saurait être retenue comme preuve du jour où la partie a réellement pris connaissance de la décision invoquée, sauf à laisser à la partie le choix de fixer à sa convenance le point de départ du délai de forclusion, ce qui est contraire à l'esprit de l'article 596 du code de procédure civile.

Le Ministère Public soutient que seule la date du prononcé du jugement contradictoire, en l'espèce le 15 mai 2007, doit être retenue comme point de départ du délai de deux mois.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

L'article 595 du code de procédure civile énumère les cas d'ouverture du recours en révision.

Ce recours est notamment ouvert s'il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue, ou si l'affaire a été jugée sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement.

La Société Générale soutient qu'il est établi que la décision du 15 mai 2003 a bien été surprise par la fraude de la société Lafi, au profit de laquelle l'arrêt a été rendu, dès lors que la contre-lettre produite par ses soins dans son courrier du 29 mars 2002, pièce décisive du dossier, a bien été établie en mars 2002, et non en mars 2001.

Elle considère en outre que la décision a été prise sur le fondement de pièces reconnues fausses depuis l'arrêt de la cour d'appel, et qu'elle dispose en conséquence de deux causes d'ouverture du recours en révision.

Cependant, l'article 596 du même code prévoit que le délai du recours est de deux mois et qu'il court à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de révision.

En l'espèce, quelque soit la cause de révision retenue, la date à prendre en considération est celle à laquelle la Société Générale a pu prendre connaissance de la décision judiciaire qui, selon elle, établi la fausseté de la lettre du 30 mars 2001 et le fait qu'elle a été établie à une date ultérieure à celle indiquée, c'est à dire le jugement du tribunal correctionnel d'Evry du 15 mai 2007.

Lorsque la victime d'un acte a été partie civile à la procédure pénale ayant abouti à un jugement correctionnel, ce qui est le cas de la Société Générale en l'espèce, le délai de deux mois court du jour du prononcé de ce jugement.

La Société Générale affirme pourtant qu'elle n'aurait eu connaissance des motivations du jugement du tribunal correctionnel d'Evry qu'à compter du 15 juin 2007, date à laquelle une copie de la décision, prononcée le 15 mai 2007, lui a été délivrée.

Or, si une copie de la décision a effectivement été délivrée à la Société Générale le 15 juin 2007, cela n'a pas pour conséquence de démontrer qu'elle n'a eu connaissance des motifs de ce jugement qu'à partir de cette date.

Le jugement du tribunal correctionnel d'Evry du 15 mai 2007 est contradictoire à l'égard de la Société Générale, partie civile pendant toute le cours de l'instruction de l'affaire. Il n'avait donc pas à lui être notifié puisqu'elle était représentée par son conseil lors des débats.

Au plus tard à la date de prononcé de ce jugement, la Société Générale avait connaissance de ce que la lettre du 30 mars 2001 était jugée fausse et établie à une autre date que celle indiquée puisque la prévention contre Monsieur [U] [S] visait une complicité d'escroquerie 'par aide ou assistance, en l'espèce en signant une contre-lettre en date du 30 mars 2001".

En tout état de cause, si une copie d'un jugement peut être demandée à tout moment, la délivrance de cette copie ne saurait être retenue comme preuve du jour où la partie a réellement pris connaissance de la décision invoquée, sauf à laisser à cette partie le choix de fixer à sa convenance le point de départ du délai de forclusion, ce qui est contraire à la lettre et à l'esprit des textes relatifs au recours en révision et notamment de l'article 596 du code de procédure civile qui a entendu limiter strictement dans le temps la possibilité d'un tel recours.

Il s'ensuit que seule la date du prononcé du jugement contradictoire doit être retenue comme point de départ du délai de forclusion de deux mois édicté par l'article 596 du code de procédure civile pour former un recours en révision et, qu'en conséquence, le recours formé contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 15 mai 2003 par la Société Générale le 6 août 2007, soit plus de deux mois après le 15 mai 2007, est irrecevable.

Le simple fait de se méprendre sur l'étendue de ses droits ne constitue pas un abus de procédure, de sorte qu'il convient de rejeter la demande de la société Lafi en dommages et intérêts pour procédure abusive.

L'équité commande d'allouer à la SAS Lafi une indemnité de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

DIT que le recours formé contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 15 mai 2003 par la Société Générale le 6 août 2007 est irrecevable,

En conséquence,

DEBOUTE la Société Générale de l'ensemble de ses demandes,

DEBOUTE la SAS Lafi de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

CONDAMNE la Société Générale à payer à la SAS Lafi la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Société Générale aux dépens de l'instance,

AUTORISE la SCP C. Bommart Forster & E. Fromantin, avoués, à recouvrer directement les dépens conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier

A. BOISNARD

La Conseillère pour la Présidente empêchée

P. POMONTI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 07/14685
Date de la décision : 29/09/2011
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°07/14685 : Déclare la demande ou le recours irrecevable


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-29;07.14685 ?
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