Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2011
(n° , 7- pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/21151
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Octobre 2008 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2008022644
APPELANTE
S.A.R.L. GEM COACH anciennement INSTITUT NATIONAL DE GEMMELOGIE sous le sigle 'ING' agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Pascale BETTINGER, avoué à la Cour
assistée de Me Martine SCEMAMA substituant Me Franck BENAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1003
INTIMEE
S.A. CENTRE D'ETUDES SUPERIEURES EN ECONOMIE ART ET COMMUNICATION prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par la SCP ALAIN RIBAUT ET VINCENT RIBAUT, avoués à la Cour
assistée de Me Philippe HERVIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : E 914
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 mars 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame BLUM, Conseiller chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame BARTHOLIN, Présidente
Madame IMBAUD-CONTENT, Conseiller
Madame BLUM, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame BASTIN.
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame BARTHOLIN, Présidente, et par Madame BASTIN, greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
*************
Par acte du 28 avril 1994, la société Institut national de gemmologie dite I.N.G., aujourd'hui dénommée Gem Coach, a pris à bail commercial, pour 9 ans des locaux situés [Adresse 2] pour y exercer son activité d'enseignement professionnel en gemmologie. Par acte authentique en date du 8 août 2007, elle a cédé à la société E.A.C. la branche complète d'activité de formation de son fonds de commerce comportant notamment le mobilier commercial ainsi que le matériel informatique et pédagogique servant à son exploitation.
Le 21 mars 2008, la société E.A.C. a assigné la société Gem Coach en dommages et intérêts et en garantie de toutes sommes qui pourraient lui être réclamées d'une part, par le bailleur au titre de l'arriéré de loyers, d'autre part, par les salariés pour la période antérieure à la cession.
Par jugement rendu le 13 octobre 2008, le tribunal de commerce de Paris a :
- condamné la s.a.r.l. Gem Coach à payer à la s.a. E.A.C. Centre d'études supérieures en économie, art et communication, la somme de 85.725 € à titre de dommages et intérêts ainsi que celle de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
- condamné la s.a.r.l. Gem Coach aux dépens.
La société Gem Coach a relevé appel de cette décision.
Par arrêt du 30 septembre 2009, cette cour a ordonné la comparution personnelle des parties. Cette comparution a eu lieu le 1er décembre suivant en la personne de Mme [G] ([W]) pour la société Gem Coach et de Mme [Y] pour la société E.A.C.
Par ses dernières conclusions du 9 février 2011, la société Gem Coach demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :
- débouter la société E.A.C. de toutes ses demandes,
- la condamner à lui payer la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts,
- la condamner à lui payer une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
Par ses conclusions du 2 février 2011, la société E.A.C. demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il sanctionne le manquement de la société Gem Coach à son obligation de délivrance du matériel et des pierres pédagogiques, de l'infirmer pour le surplus et de :
- dire que la société Gem Coach qui se trouve aux droits de la société I.N.G. a manqué à son obligation de délivrance de la clientèle et la condamner à lui payer la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la clientèle qui aurait dû lui être cédée,
- dire que la société Gem Coach a manqué à son obligation de garantie légale et contractuelle et la condamner à lui payer la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la violation de la clause de non-rétablissement,
- condamner la société Gem Coach à la garantir de toutes sommes qui pourraient lui être réclamées par le bailleur au titre de l'arriéré de loyers pour la période antérieure à la cession,
- condamner la société Gem Coach à la garantir de toutes sommes qui pourraient lui être réclamées par les salariés de l'I.N.G. au titre de la période antérieure à la cession,
- débouter la société Gem Coach de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société Gem Coach à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens y compris ceux de première instance.
SUR CE,
Considérant, à titre liminaire, que par lettre du 8 mars 2011, l'avoué de la société Gem Coach demande la révocation de l'ordonnance de clôture intervenue le 2 mars précédent au motif que la société Gem Coach venait d'apprendre le classement sans suite, le 18 février 2011, de la plainte déposée contre Mme [W] par la société E.A.C. ce que celle-ci lui avait caché, et que ceci constituait un motif grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture afin de verser régulièrement aux débats les deux pièces afférentes à ce classement sans suite ;
Mais considérant que ni le classement sans suite évoqué ni la connaissance prétendument tardive qu'a pu en avoir la société Gem Coach ne caractérisent la cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture ; qu'il n'y a pas lieu de révoquer cette ordonnance ;
sur l'obligation de délivrance
Considérant que la société E.A.C. fait valoir, qu'à la suite de la cession de la branche d'activité formation de la société I.N.G., les "pierres pédagogiques", un ordinateur portable, les fichiers pédagogiques, un écran Samsung, des classeurs de travail, des photographies et le fichier informatique ne lui ont pas été remis ;
Considérant que la société Gem Coach, appelante à titre principal, soutient que la cession n'a été assortie ni d'un inventaire ni de réserves et qu'elle n'a été avisée de la disparition des pierres que le 28 novembre 2007 ; qu'elle se prévaut d'une note du 28 septembre 2009 aux professeurs de l'I.N.G. mentionnant la disparition de pierres postérieurement à l'acte de cession et indique que Mme [Y] pour E.A.C. a disposé des clés de l'école dès le 3 septembre 2007, date à laquelle elle a organisé une réunion avec le personnel ;
Considérant que la société E.A.C. objecte que si l'acte de vente a été signé le 8 août 2007, les clés ne lui ont été remises que le 3 septembre 2007 et qu'à sa prise de possession le stock de "pierres pédagogiques" ne se trouvaient pas dans le coffre-fort, qu'elle a constaté en outre l'absence de divers éléments du mobilier et du matériel cédés de sorte que la société Gem Coach a manqué à son obligation de délivrance, qu'elle n'a pu poursuivre son activité que grâce à l'achat, au mois de septembre 2007, par l'une de ses filiales, d'un nouveau stock de pierres ;
Considérant, cela étant posé, que l'acte de cession de fonds de commerce signé le 8 août 2007 prévoit la prise de possession du fonds au 1er septembre 2007 ; que les parties s'accordent sur le fait que la remise des clés a été effective à la date du 3 septembre 2007 ;
Considérant que le prix de vente de 99.750 € est ventilé à hauteur de 16.750 € pour les éléments incorporels, 12.275 € pour les éléments corporels et 70.725 € pour les "pierres pédagogiques" ; qu'aucun inventaire n'est toutefois joint à l'acte de vente ni n'a été établi lors de la remise des clés ;
Considérant qu'il appartient à la société Gem Coach, venderesse, de rapporter la preuve de ce qu'elle a mis la chose vendue à la disposition de société E.A.C., la simple remise des clés ne pouvant faire la preuve de la délivrance des éléments mobiliers et de stocks contenus dans les locaux ; qu'en l'absence d'inventaire signé par l'acquéreur à la date de la prise de possession effective, la société Gem Coach ne fait pas la preuve qui lui incombe et qui ne peut résulter ni d'une note établie à l'attention des professeurs deux ans après la vente ni de l'absence de réclamation écrite de la société E.A.C. ;
Que la comparution personnelle des parties ordonnée par le précédent arrêt n'ayant fourni aucun élément permettant d'établir que la société Gem Coach a satisfait à son obligation de délivrance, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé à la somme de 75.725 € l'indemnisation de la société E.A.C. et condamné la société Gem Coach au paiement de cette somme ;
sur la transmission de la clientèle
Considérant qu'aux termes de l'acte de cession "Madame [W] (pour I.N.G. devenue Gem Coach) s'engage à présenter les anciens clients à Madame [Y], ou à toutes personnes du choix de Madame [Y], dans les six mois à compter de la cession. Le prix de cession comprend la présentation de la clientèle" ;
Considérant que pour conclure à l'infirmation du jugement qui a retenu l'inexécution de cette obligation et l'a condamnée en conséquence au paiement de 10.000 € à ce titre, la société Gem Coach fait valoir que l'étendue de son obligation n'était pas définie à l'acte, que les modalités en étaient libres, ne nécessitant pas automatiquement une présence physique, et avait pour objet d'introduire Mme [Y] en tant que nouveau dirigeant, que la présentation n'était prévue que pour les clients connus limités aux personnes morales et qu'en raison du litige sur les pierres, les relations entre les parties se sont dégradées du fait de Mme [Y] ;
Mais considérant que les messages électroniques produits et les comptes-rendus d'entretien avec les clients les informant d'un changement d'organisme de formation ne valent pas présentation de la clientèle au cessionnaire ; qu'au surplus, l'obligation contractuelle, si elle n'incluait pas une présentation de Mme [Y] aux formateurs, concernait l'ensemble de la clientèle ; que c'est à juste titre et par des motifs pertinents, que la cour approuve, que les premiers juges ont retenu l'inexécution par la société Gem Coach de son obligation ; qu'ils ont, en outre, exactement apprécié à 10.000 € la réparation du préjudice subi de ce fait ; qu'en effet, la société E.A.C., qui invoque la baisse de son chiffre d'affaires, ne fait pas la preuve qui lui incombe du lien de causalité directe entre la faute commise et le préjudice plus ample qu'elle allègue ;
sur la clause de non-rétablissement
Considérant que la société E.A.C. fait valoir que Mme [W] [G] a poursuivi après la cession une activité de formation en contradiction avec la clause de non-rétablissement contenue dans l'acte de cession ; que la société Gem Coach objecte que la clause est limitée à l'activité de formation et que les pièces produites n'établissent pas l'exercice d'une activité de formation concurrente ;
Considérant que le point 10° de l'acte de cession dispose, au titre des engagements du cédant, que celui-ci s'interdit "directement ou indirectement de créer et / ou collaborer à une activité de FORMATION similaire à celle cédée, à savoir la reconnaissance et l'expertise du Gemmes sur les territoires suivants, en France, Benelux, Suisse, Grande Bretagne pour une durée de 48 mois" ;
Considérant qu'il est exact que le constat d'huissier de justice dressé le 16 décembre 2007, dans les locaux de la société Buccellati, ne permet pas d'établir la violation de l'obligation, ne révélant ni l'exécution d'une prestation de formation ni la présence de Mme [W] [G] ni le fait que l'intervenant était mandaté par la société Gem Coach ; que l'utilisation du papier à en-tête ou du cachet commercial de la société I.N.G., après la cession, dans une télécopie adressée à la société Cantaloube et la demande de résiliation des lignes téléphoniques formulée en février 2008, sans aviser la société E.A.C., ne caractérisent pas plus l'infraction à l'engagement souscrit au point 10° suscité ;
Considérant qu'en revanche, la lettre adressée le 10 mars 2008 par Opcalia à "Gem Coach (ex I.N.G.)" pour lui communiquer son accord de prise en charge, à hauteur de 1.379,60 € hors taxes, de sa prestation de formation en gemmologie du stagiaire de la société San Gil pour la période du 25 février au 7 mars 2008 établit la violation par la société Gem Coach de l'interdiction de concurrence ; que la société Gem Coach prétend vainement que cet accord concerne son successeur dès lors qu'il lui est adressé sous sa nouvelle dénomination montrant ainsi qu'elle en a fait elle-même la demande .
Considérant que la société E.A.C. ne prouve pas d'autres manquements à l'engagement de non-rétablissement ; que le préjudice né pour elle de cette seule infraction sera suffisamment réparé par l'allocation de la somme 2.000 € à titre de dommages et intérêts ; que la société E.A.C. sera déboutée du surplus de sa demande ;
sur les demandes de garantie
Considérant qu'appelante incidente, la société E.A.C. fait valoir que la société Gem Coach ne pouvait ignorer à la date de la cession qu'elle était redevable d'un arriéré de loyers de 75.938,74 € (hors révision) et que cette dissimulation, qui a entraîné une assignation de la part du bailleur, constitue un dol ; que nonobstant la procédure parallèle pendante avec la bailleresse dans laquelle la société E.A.C. a appelé la société Gem Coach en garantie, elle demande à voir la société Gem Coach condamnée à la garantir des sommes auxquelles elle pourrait être condamnée au profit de la bailleresse pour la période antérieure à la cession ;
Mais considérant que dans le cadre de la procédure en fixation de loyer introduite par la bailleresse à l'encontre de la société E.A.C. à laquelle la société Gem Coach a été appelée aux fins de garantie, le tribunal de grande instance de Paris a, par jugement du 16 novembre 2010, condamné solidairement les deux sociétés à payer à la société bailleresse la somme de 92.291,46 € au titre des rappels de loyers et condamné la société Gem Coach à garantir la société E.A.C. de cette condamnation à hauteur de 86.990,64 € ; que la demande de garantie formée dans la présente instance par la société E.A.C. qui dispose déjà d'un titre lui permettant d'exécuter la garantie fournie par la société Gem Coach dans l'acte de cession, sera rejetée ;
Considérant que la société E.A.C. soutient encore qu'elle a été saisie de réclamations de la part d'anciens salariés en vertu de l'article L122-12 du code du travail, et que plus particulièrement, elle a été condamnée in solidum avec la société Gem Coach, par jugement du conseil des prud'hommes de Paris en date du 25 mars 2010, à payer à Mme [T], salariée licenciée par Mme [W] [G] le 21 septembre 2007, postérieurement à la cession, la somme de 13.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, qu'elle est donc fondée à solliciter la garantie de la société Gem Coach à ce titre ainsi que plus généralement au titre de toutes sommes qui pourraient être dues aux salariés de la société I.N.G. pour la période antérieure à la cession ;
Considérant que la société Gem Coach réplique qu'à l'exception de Mme [T], les réclamations des anciens salariés n'ont donné lieu à aucune condamnation de la société E.A.C., et que s'agissant du jugement rendu au profit de Mme [T], il est étonnant que la société E.A.C. n'en a pas interjeté appel, qu'au titre du jugement rendu, il n'y a pas lieu de demander de garantie judiciaire alors qu'il existe une garantie légale et contractuelle ;
Mais considérant qu'aux termes de l'acte de cession, la société Gem Coach s'est engagée "à faire son affaire personnelle des charges, indemnités ou autres sommes qui seraient dues ou réclamées par le personnel qui ne fait plus partie de la société I.N.G. à la date de la présente cession. Cette clause inclut plus particulièrement les salariés [T] [R] et [F] [C] qui ne sont pas pris en charge par le cessionnaire" ;
Considérant qu'en application de cette clause de garantie et au vu du jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Paris au profit de Mme [T] le 25 mars 2010, la société Gem Coach sera condamnée à garantir la société E.A.C. de l'intégralité des condamnations prononcées au profit de Mme [T] ; que le jugement sera infirmé sur ce chef ; que le surplus de la demande de garantie, sans objet en l'état, sera rejeté ;
sur la demande de dommages et intérêts de la société Gem Coach
Considérant que le bien fondé partiel des demandes de la société E.A.C. ainsi que l'absence de preuve par la société Gem Coach des prétendues man'uvres dilatoires ou d'une atteinte à sa réputation conduisent à rejeter la demande de dommages et intérêts à ce titre ;
sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Considérant que la société Gem Coach qui succombe sur son recours, sera condamnée aux dépens ; que vu l'article 700 du code de procédure civile, les dispositions du jugement à ce titre seront confirmées et les parties déboutées de leur demandes pour leurs frais irrépétibles d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture ;
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société E.A.C. de sa demande au titre de la clause de non-rétablissement ainsi que de sa demande de garantie au titre des salariés ;
Statuant à nouveau sur ces seuls chefs infirmés,
Condamne la société Gem Coach à garantir la société E.A.C. du montant des condamnations prononcées in solidum à leur encontre par le jugement rendu le 25 mars 2010 par le conseil des prud'hommes de Paris au profit de Mme [T] ;
Condamne la société Gem Coach à payer à la société E.A.C. la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de son obligation de non-rétablissement :
Déboute la société E.A.C. du surplus de ses demandes à ces titres ;
Déboute les parties des demandes formées en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la société Gem Coach aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,