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22/09/2011 | FRANCE | N°10/06863

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 1, 22 septembre 2011, 10/06863


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1



ARRÊT DU 16 JUIN 2011



(n° 309 , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 10/06863



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Juillet 2008 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 05/09213





APPELANTE



Madame [S] [P] divorcée [X]

Née le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 17]
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demeurant [Adresse 10]



représentée par la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT, avoués à la Cour

assistée de Maître Françoise HERMET LARTIGUE, avocat au barreau de PARIS,

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Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 16 JUIN 2011

(n° 309 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/06863

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Juillet 2008 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 05/09213

APPELANTE

Madame [S] [P] divorcée [X]

Née le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 17]

de nationalité française

demeurant [Adresse 10]

représentée par la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT, avoués à la Cour

assistée de Maître Françoise HERMET LARTIGUE, avocat au barreau de PARIS,

toque : C0716

INTIMES

Monsieur [Y] [D]

Né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 14] (ALGERIE)

profession : médecin

demeurant [Adresse 9]

S.C.I. [Adresse 15]

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 6]

Madame [E] [H] épouse [D]

Née le [Date naissance 4] 1962 à [Localité 16]

profession : employée de brasserie PMU

demeurant [Adresse 8]

représentés par la SCP MICHEL BLIN et LAURENCE BLIN AVOUES ASSOCIES, avoués à la Cour

assistés de Me Céline CURT, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral et en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 juin 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Lysiane LIAUZUN, présidente et Madame Christine BARBEROT, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Lysiane LIAUZUN, présidente

Madame Christine BARBEROT, conseillère

Madame Catherine BONNAN-GARÇON, conseillère, désignée par ordonnance de roulement en date du 17 décembre 2010.

Greffier :

lors des débats : Madame Christiane BOUDET

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Lysiane LIAUZUN, présidente et par Madame OUDOT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

Suivant acte dressé le 24 novembre 2000 par Me [F], notaire, [G] [I], veuve [R] [P], représentée par sa fille, Mme [S] [P], épouse [X], en vertu d'un pouvoir par acte sous seing privé du 4 août 2000, a vendu à M. [Y] [D] et Mme [E] [H], alors épouse de celui-ci, un appartement de 39 m² dépendant d'un immeuble sis [Adresse 12] et [Adresse 3] à [Localité 18] au prix de 300 000 F (soit 45 734,71 €).

Le 13 décembre 2000, [G] [P] est décédée, laissant pour lui succéder sa fille précitée.

Le 14 décembre 2004, la liquidation judiciaire de Mme [E] [H], épouse [D], commerçante, a été ouverte.

Par acte du 1er juin 2005, publié le 16 septembre 2005, Mme [S] [P] a assigné les époux [D] en annulation de la vente du 24 novembre 2000.

Par acte authentique du 8 septembre 2005, les époux [D] ont vendu l'appartement précité à la SCI [Adresse 15] au prix de 120 000 €.

Par acte du 22 février 2006, Mme [S] [P] a appelé la SCI [Adresse 15] en intervention forcée. Le 20 mars 2006, elle a assigné les époux [D] et la SCI [Adresse 15] en annulation de la vente du 8 septembre 2005.

Par jugement du 28 novembre 2008 publié le 29 septembre 2009, le divorce des époux [D] a été prononcé.

Par jugement du 10 juillet 2008, le tribunal de grande instance de Paris a :

- rejeté le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions en défense,

- débouté les époux [D] de leur demande en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné Mme [S] [P] aux dépens.

Sur appel de Mme [P], la Cour d'appel de Paris a, par arrêt avant dire droit du 3 février 2011 :

- invité les parties à conclure sur la question de savoir si le versement de la somme de 215 000 F par [G] [P] à l'acquéreur quelques jours après la vente ne constituerait pas une restitution de la majeure partie du prix et, dans l'affirmative, sur ses conséquences quant à la validité de la vente du 24 novembre 2000 ;

- invité la SCI [Adresse 15] à verser aux débats :

. la preuve de sa date de constitution, ses statuts, l'identité des associés, la répartition des parts,

. le mandat du 17 mars 2005 de recherche d'un bien donné à l'agence Eden immobilier,

. la preuve du paiement de la commission,

. la preuve du paiement du prix de la vente du 8 septembre 2005,

- révoqué la clôture,

- sursis à statuer sur toutes les demandes.

Par dernières conclusions du 12 mai 2011, Mme [P], demande à la Cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- vu la vente du 24 novembre 2000, les articles 489, 489-1 et 1658 du Code civil,

- prononcer la nullité de cette vente du 24 novembre 2000 en ce qu'elle a été consentie pour un prix fictif et dérisoire,

- subsidiairement, requalifier le contrat en donation déguisée et le dire nul eu égard à l'incapacité du donateur et aux manoeuvres dolosives du donataire,

- subsidiairement encore, dire que la vente est nulle sur le fondement de l'article 1125-1 du Code civil, l'acquéreur exerçant des fonctions au sein de l'établissement ayant hébergé [G] [P] concomitamment à la vente,

- plus subsidiairement, déclarer la vente nulle en application des articles 1109 et 1116 du Code civil eu égard au dol dont la venderesse et sa représentante ont été victimes,

- en tout état de cause, tant à titre principal qu'à titre subsidiaire,

- constater que M. [D] a gravement trompé l'appelante aux fins de déterminer cette dernière à lui céder gratuitement le patrimoine de sa mère,

- condamner M. [D] à réparer le préjudice de l'appelante, indépendamment des restitutions sur le plan matériel, à concurrence de 50 000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,

- condamner solidairement les ex-époux [D] et la société [Adresse 15] à restituer les locaux qu'ils ont acquis, libres de toute occupation, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard,

- en tant que de besoin, ordonner l'expulsion des ex-époux [D] et de la société [Adresse 15], et de tous occupants dans les lieux de leur chef dans les formes habituelles et sans aucun délai,

- ordonner la séquestration des meubles et objets mobiliers pouvant se trouver dans les lieux, dans tel garde-meubles de son choix aux frais risques et périls des ex-époux [D] et de la société [Adresse 15],

- les condamner sous la même solidarité à lui restituer les loyers perçus depuis le 24 novembre 2000, sous déduction des frais, impôts, taxes et charges effectivement acquittés pour la conservation du bien avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

- dire que l'annulation n'entraîne aucune obligation à restitution d'un quelconque prix de vente, celui-ci ayant déjà été restitué par sa mère pour 215 000 francs, trois jours après la vente,

- à titre subsidiaire,

- dire qu'elle ne saurait être tenue à restituer une somme supérieure à celle effectivement versée, soit 11 111,42 €,

- ordonner dans ce cas la compensation avec les sommes dues par les intimés,

- lui donner acte de ce qu'elle se réserve en outre de solliciter la condamnation de M. [D] à lui rembourser l'ensemble des avances et prêts dont elle l'a fait bénéficier de 2000 à 2002,

- vu l'article 1167 du Code civil,

- déclarer nulle la vente du 8 septembre 2005, en tous cas inopposable, et ordonner la restitution à son profit de l'immeuble vendu, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,

- condamner solidairement les ex-époux [D] et la société [Adresse 15] à lui payer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 50 000 € pour le préjudice matériel et moral subi en raison de leurs agissements,

- débouter les intimés de l'intégralité de leurs prétentions,

- les condamner solidairement à lui payer la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.

Par dernières conclusions du 26 mai 2011, M. [D], Mme [H] et la société [Adresse 15] demandent à la Cour de :

- vu les articles 489-1, 1125-1, 1116, 1167 et 1382 du Code civil,

- confirmer le jugement entrepris,

- débouter Mme [P] de l'intégralité de ses demandes,

- la condamner à leur payer la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour la première instance et de 3 598 € sur le même fondement pour l'appel, dépens en sus.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 26 mai 2011.

Par conclusions de procédure du 3 juin 2011, Mme [P] demande que soient écartées des débats les conclusions signifiées le jour de la clôture, le 26 mai 2011, et les pièces n° 26 à 37 communiquées à la même date.

Par conclusions de procédure du 14 juin 2011, les intimés ont réclamé le 'rabat' de la clôture prononcée le 26 mai 2011 et la fixation de nouvelles dates de clôture et de plaidoiries.

SUR CE, LA COUR

Considérant que les conclusions des intimés, signifiées le 26 mai 2011, jour de la clôture, mais avant celle-ci, par lesquelles ces derniers se bornent à répondre aux dernières conclusions de l'appelante, ne seront pas écartées des débats, la demande de révocation de la clôture étant rejetée ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats les pièces 26 à 37 communiquées le 26 mai 2011 par les intimés qui ne causent pas de grief à l'appelante ;

Considérant que, sur la demande des intimés, il y a lieu d'écarter des débats les pièces suivantes numérotées selon le bordereau de Mme [P], qui n'ont pas de force probantes ou sont indifférentes à la solution du litige : liste manuscrite dressée par Mme [P] des règlements qu'elle aurait faits à M. [D] (pièce n° 1), photographie de la porte d'entrée de l'immeuble [Adresse 13] (pièce n° 20), deux photographies de l'interphone du même immeuble (pièces n° 21),'Pages jaunes' mentionnant cet immeuble et photographie de l'immeuble (pièce n° 22), lettres étrangères au litige jointes au projet d'acte de vente par Mme [P] à M. [D] de l'appartement sis [Adresse 5] qui constitue la pièce 29 laquelle n'est pas écartée des débats, lettres adressées par Mme [P] à son avocat (pièces n° 48 et 49) ;

Qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats les photographies de l'immeuble litigieux sis [Adresse 12] (pièce n° 62), régulièrement communiquées, qui renseignent sur l'aspect du bien ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats l'extrait du rapport médico-psychologique du 17 mai 2002 du docteur [O] (pièce n° 16) produit par Mme [P], qui la concerne, et qui peut être utilisé en dehors de l'instance en divorce avec son consentement ;

Considérant que la vente est nulle lorsque le prix est fictif ou dérisoire ;

Considérant qu'il ressort du relevé du compte-dépôt de [G] [I], veuve [P], et qu'il est admis par les intimés, que le solde du prix de 300 000 francs de la vente que la défunte a consentie aux époux [D] le 24 novembre 2000, portant sur l'appartement sis [Adresse 12] [Localité 18], soit la somme de 287 885,50 francs, après acquittement des frais, a été crédité sur ce compte le 28 novembre 2000 ;

Considérant que le 5 décembre 2000, ce même compte a été débité de la valeur d'un chèque n° 6942474 d'un montant de 215 000 francs ; que ce chèque, qui est versé aux débats, a été émis par [G] [I], veuve [P], le 28 novembre 2000 au profit de M. [D] ;

Considérant que les intimés ne contestent pas la validité du pouvoir, par acte sous seing privé du 4 août 2000, donné par [G] [I], veuve [P], à sa fille pour la vente précitée ; que, sur cet acte, figure la signature de la défunte qui est identique à celle apposée sur le chèque du 28 novembre 2000 ;

Que les intimés soutiennent qu'à la date de la vente, [G] [I], veuve [P], avait toute sa conscience ;

Considérant qu'il s'en déduit que la défunte a versé à M. [D] la somme de 215 000 francs, aucun élément du dossier ne permettant d'affirmer, comme le font les intimés, que ce versement aurait pour cause une libéralité faite à son amant de l'époque par Mme [S] [P] qui aurait de son propre chef et à son profit, prélevé cette somme sur le compte de sa mère pour permettre à M. [D] d'acheter le restaurant 'La Marquise' en avril 2001 ;

Considérant que les détournements invoqués ne sont pas établis, le redressement fiscal dont Mme [S] [P] a été l'objet le 27 septembre 2004, après la déclaration de succession du 24 août 2001, qualifiant les chèques émis sur le compte de la défunte de donations indirectes, faites par celle-ci au profit de sa fille et unique héritière deux mois avant le décès survenu le13 décembre 2000, l'administration fiscale ayant exclu du redressement le chèque de 215 000 francs en raison de l'identité de son bénéficiaire, M. [D] ;

Considérant que la seule opération patrimoniale intervenue entre [G] [I], veuve [P], et M. [D] consiste dans la vente du 24 novembre 2000 ; que le solde du prix, soit 287 885,50 francs a été encaissé le 28 novembre 2011 et que le chèque de 215 000 francs a été émis le même jour ; que ces dates révèlent le lien entre les deux opérations ; qu'ainsi, la venderesse ayant restitué à l'acquéreur partie du prix, ce dernier n'a payé que la somme de 300 000 francs - 215 000 francs = 85 000 francs (12 958,17 €) ;

Considérant que le bien vendu le 24 novembre 2000 est un appartement au 1er étage d'un immeuble de bonne qualité, ainsi qu'il résulte des photographies versées aux débats, situé [Adresse 15], dans le [Localité 7], d'une superficie de 39 mètres carrés, composé d'une entrée, d'un dégagement, d'un débarras, d'une salle de séjour, d'une chambre sur la rue Lambert, de wc, d'une cuisine sur cour et d'une cave ; que l'acte de vente mentionne que l'appartement est libre de toute occupation ;

Que la défunte avait fait des travaux dans ce bien : réfection de l'installation électrique, des peintures (facture du 23 octobre 2000), réfection des planchers, installation d'un interphone ;

Que les intimés estiment eux-mêmes que le prix de 300 000 € était avantageux : 'de l'ordre de 20 % en-deçà du prix du marché' ; que la défunte avait acquis le bien le 9 octobre 1986 au prix de 350 000 francs ; que, pendant l'année 2000, les prix du marché immobilier parisien étaient en hausse ;

Que s'il n'est pas établi par Mme [P] que le prix énoncé de 300 000 € soit vil, cependant, il ressort des éléments précités que le prix effectivement payé de 85 000 francs (12 958,17 €) est dérisoire, de sorte que la vente du 24 novembre 2000 doit être annulée ;

Considérant que l'assignation des époux [D] par Mme [P] le 1er juin 2005 en annulation de la vente précitée n'a été publiée que le 16 septembre 2005 ; que, dès lors, l'annulation de la vente n'est pas opposable à la SCI [Adresse 15] qui a acquis le bien des époux [D] par acte du 8 septembre 2005, dressé par Me [J], notaire ;

Considérant qu'en conséquence, Mme [P] doit être déboutée de sa demande en restitution du bien litigieux et des loyers perçus par les acquéreurs depuis le 24 novembre 2000 ;

Considérant qu'au 8 septembre 2005, date de la vente du bien litigieux par M. [D] et Mme [H] à la société [Adresse 15], les vendeurs n'ignoraient pas que la vente du 24 novembre 2000 était susceptible d'être annulée à la suite de l'assignation qui leur avait été délivrée à cette fin par Mme [P] le 1er juin 2005 ;

Considérant que les intimés n'établissent pas que cet acte serait une réitération d'un compromis du 16 avril 2005 liant les vendeurs à la société [Adresse 15], conclu en exécution d'un mandat non exclusif de vente donné à la société Eden immobilier par M. [D] le 17 mars 2005 redevable d'une commission de 6 000 € ; qu'en effet, l'acte de vente sous seing privé versé aux débats, dont le numéro d'inscription au registre de l'agent immobilier est illisible, qui serait intervenu le 16 avril 2005 entre M. [D] et la SCI [Adresse 15] en cours de constitution, représentée par Mme [V] [C], gérante, est incomplet pour ne comporter que trois pages, celle des signatures, notamment, étant manquante ; que, nonobstant l'attestation de la société Eden immobilier du 7 mars 2006, la date de cet acte n'est pas certaine ;

Que, surtout, l'acte du 8 septembre 2005 ne fait pas allusion à ce compromis qui ne lie pas Mme [H], cet acte authentique précisant que la vente est intervenue sur l'offre de la SCI [Adresse 15] et en exécution, non du mandat précité donné par M. [D], mais d'un mandat de recherche d'un bien donné par l'acquéreur à la société Eden immobilier le 17 mars 2005, sous le n° 2005-2, qui s'obligeait à payer la commission de 6 000 €, ce mandat n'étant pas versé aux débats par les intimés en dépit de la demande de la Cour dans son arrêt avant dire droit du 3 février 2011 ;

Considérant que les statuts de la SCI [Adresse 15] ont été établis le 7 juillet 2005, la société ayant été immatriculée le 30 août 2005, son objet étant l'acquisition, la propriété, l'administration, la gestion et l'exploitation par bail, location et autrement de tous immeubles et biens et droits immobiliers ; que le capital social de 2 000 € divisé en 2 000 parts de 1 euro chacune, a été réparti à raison de 1 000 parts à M. [K] [U] et de 1 000 parts à Mme [V] [C], compagne de M. [D] et mère de sa fille ; que le 17 août 2010, M. [U] a revendu la totalité de ses parts au prix de 1 000 € à M. [D] et Mme [C] qui sont désormais les seuls associés ;

Considérant qu'il ressort de ces éléments que la société [Adresse 15] a été constituée pour l'acquisition du bien litigieux, qu'elle est une émanation de M. [Y] [D] et qu'en conséquence, l'acquéreur du bien lors de la vente du 8 septembre 2005 n'ignorait pas le principe du droit de restitution de Mme [P] ;

Considérant qu'ainsi, les parties à l'acte du 8 septembre 2005 avaient connaissance du préjudice causé à Mme [P] par la vente qui rendait impossible le retour du bien dans le patrimoine de celle-ci ; qu'en conséquence, les conditions de l'article 1167 étant réunies, il y a lieu de dire inopposable à Mme [P] l'acte de vente du 8 septembre 2005 ;

Considérant que l'admission de la fraude paulienne n'a pour effet que d'entraîner le retour du bien dans le patrimoine du débiteur où le créancier demandeur pourra seul éventuellement le saisir ;

Qu'en conséquence, Mme [P] doit être déboutée de sa demande tendant à ce que le bien lui soit restitué avec ses fruits ; qu'il y a lieu de dire que, par l'effet de l'action paulienne exercée avec succès par Mme [P], le bien est retourné dans le patrimoine de M. [Y] [D] et Mme [E] [H] où Mme [P] pourra éventuellement le saisir ;

Considérant, sur la demande de dommages-intérêts, que [G] [I], veuve [P], ne faisait l'objet d'aucune mesure de protection avant son décès ; que ni la procuration du 4 août 2000 ni l'acte de vente du 24 novembre 2000 ne révèlent son insanité d'esprit ; que Mme [S] [P] représentait sa mère lors de la vente, de sorte qu'elle ne peut soutenir que M. [D] a abusé de la vulnérabilité de sa mère ;

Considérant que le rapport médico-psychologique établi par le docteur [O] le 17 mai 2002, dans le cadre de l'instance en divorce de l'appelante, ne permet pas d'établir la 'vulnérabilité' de Mme [S] [P] au 24 novembre 2000, de sorte que celle-ci ne peut reprocher à M. [D] d'avoir abusé de sa propre vulnérabilité ;

Considérant que ni la rupture des relations entre Mme [P] et M. [D] ni la privation du droit de visite et d'hébergement de Mme [P] sur sa fille ne peuvent être imputées à la faute de M. [D] ;

Qu'en conséquence, la demande de dommages-intérêts de Mme [P] doit être rejetée ;

Considérant que la solution donnée au litige emporte le rejet de la demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile des intimés  ;

Considérant que l'équité commande qu'il soit fait droit à la demande de Mme [P] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt ;

PAR CES MOTIFS

Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture ni à rejet des débats des conclusion signifiées le 26 mai 2011 par M. [Y] [D], Mme [E] [H] et la société [Adresse 15] ;

Dit y avoir lieu d'écarter des débats les pièces 26 à 37 communiquées le 26 mai 2011 par les intimés ;

Ecarte des débats ou dit que sont dénuées de force probantes les pièces suivantes du bordereau de communication de Mme [S] [P] : pièces n° 1, 20, 21, 22, lettres étrangères au litige jointes à la pièce n° 29 laquelle n'est pas écartée des débats, 48 et 49 ;

Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats ni l'extrait du rapport médico-psychologique du 17 mai 2002 du docteur [O] (pièce n° 16) produit par Mme [S] [P] ni la pièce 62 ;

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau :

Annule la vente par acte dressé le 24 novembre 2000 par Me [A] [F], notaire, consentie par [G] [I], veuve [R] [P], représentée par sa fille, Mme [S] [P], épouse [X], en vertu d'un pouvoir par acte sous seing privé du 4 août 2000, au profit de M. [Y] [D] et Mme [E] [H], alors épouse de celui-ci, des lots n° 7 (logement au premier étage porte gauche composé d'une entrée, d'un dégagement, d'un débarras, d'une salle de séjour, d'une chambre sur la rue Lambert, de wc, d'une cuisine sur cour) et 44 (une cave au sous-sol) de l'état de division de l'immeuble sis [Adresse 12] et [Adresse 3]t à [Localité 18], cadastré section 1802 BL n° [Cadastre 11] lieudit '[Adresse 12] et [Adresse 3]' pour une contenance de 2 ares 77 centiares ;

Constate que ce bien a été revendu par acte authentique dressé par M. [N] [J], notaire, le 8 septembre 2005, par M. [Y] [D] et Mme [E] [H] à la société [Adresse 15], soit avant que l'assignation introductive de la présente instance du 1er juin 2005 eût été publiée le 16 septembre 2005 ;

Déboute Mme [S] [P] de sa demande de restitution de ce bien et en paiement des loyers perçus par les acquéreurs depuis le 24 novembre 2000 ;

Dit que, la vente du 8 septembre 2005 ayant lieu en fraude des droits de Mme [S] [P], elle lui est inopposable et que, par suite, le bien est retourné dans le patrimoine de M. [Y] [D] et Mme [E] [H] où Mme [S] [P] pourra éventuellement le saisir ;

Déboute Mme [S] [P] de sa demande de dommages-intérêts ;

Condamne in solidum M. [Y] [D], Mme [E] [H] et la société [Adresse 15] à payer à Mme [S] [P] la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Rejette les autres demandes ;

Condamne in solidum M. [Y] [D], Mme [E] [H] et la société [Adresse 15] aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La Greffière,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/06863
Date de la décision : 22/09/2011

Références :

Cour d'appel de Paris G1, arrêt n°10/06863 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-22;10.06863 ?
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