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22/09/2011 | FRANCE | N°09/01072

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 22 septembre 2011, 09/01072


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 22 Septembre 2011

(n° 2 , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/01072



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Janvier 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS - Section COMMERCE - RG n° 14/01/2009







APPELANT

Monsieur [P] [T]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne

assisté de Me Iddir

AMARA, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 194





INTIMÉE

SAS DARTY

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Julien DUFFOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : P470









C...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 22 Septembre 2011

(n° 2 , 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/01072

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Janvier 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS - Section COMMERCE - RG n° 14/01/2009

APPELANT

Monsieur [P] [T]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne

assisté de Me Iddir AMARA, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 194

INTIMÉE

SAS DARTY

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Julien DUFFOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : P470

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Juin 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise FROMENT, président

Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseiller

M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 18 mars 2011

qui en ont délibéré,

Greffier : Madame Violaine GAILLOU, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Françoise FROMENT, Président et par Mme Violaine GAILLOU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

[P] [T] a été engagé par la SAS DARTY, le 2 juillet 1979.

Il occupait en dernier lieu les fonctions de chef de vente.

Il lui a été notifié le 11 octobre 2005, une mise à pied de 5 jours et rappelé que, conformément à un avenant du 10 octobre 2005, il serait affecté, à son retour, dans le magasin de [Localité 3].

Il a été licencié pour faute grave par lettre du 26 mars 2007

Contestant son licenciement, il a, le 3 mai 2007, saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris, lequel, statuant en départage, l'a, par jugement du 19 décembre 2008, débouté de ses demandes, a débouté la SAS DARTY de sa demande reconventionnelle et a condamné [P] [T] aux dépens.

Ce dernier a relevé appel de cette décision.

Par arrêt avant dire droit en date du 28 octobre 2010, la présente cour a ordonné une enquête pour procéder à l'audition des auteurs des attestations versées aux débats et renvoyé l'affaire à une audience ultérieure.

Assisté de son conseil, [P] [T] a, lors de l'audience du 16 juin 2011, développé oralement ses conclusions, visées le jour même par le greffier, aux termes desquelles il sollicite l'infirmation de la décision déférée et la condamnation de la SAS DARTY à lui payer :

- 1 773,12 € de salaire de la mise à pied et 177,31 € au titre des congés payés afférents

- 6 734,00 € d'indemnité de préavis et 673,40 € de congés payés afférents

- 15 993,25 € d'indemnité conventionnelle de licenciement

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la SAS DARTY de la convocation en conciliation

- 300 000,00 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

cette somme avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision

- 5 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La SAS DARTY, représentée par son conseil a, lors de l'audience du 16 juin 2011, développé oralement ses conclusions, visées le jour même par le greffier, aux termes desquelles elle sollicite la confirmation de la décision déférée et la condamnation de [P] [T] à lui payer 3 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS ET DÉCISION DE LA COUR

Considérant que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits, imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur ; qu'il appartient à ce dernier, qui s'est placé sur le terrain disciplinaire, de prouver les faits fautifs invoqués dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, et de démontrer en quoi ils rendaient immédiatement impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ;

Considérant qu'en l'espèce la lettre de licenciement est ainsi rédigée :

'Vous avez été reçu à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave le 20 mars 2007 en présence d'un représentant du personnel.

Par la présente nous vous signifions votre licenciement pour faute grave justifié par les éléments suivants :

Par courrier du 28 février 2007, un ancien stagiaire s'est ému des propos que vous lui avez tenus , le 19 février 2007 lors de sa venue dans le magasin de [Localité 3], sur votre Directeur de Magasin concernant l'envoi tardif de son indemnité de stage : 'qu'est ce que tu veux ! Monsieur [R] est un juif'

Deux vendeurs du Magasin ont également attesté que vous aviez tenu des propos similaires sur votre Directeur de Magasin et sur votre Directeur de Ventes.

L'un atteste formellement, le 28 février 2007, que vous avez dit en sa présence concernant une réorganisation du travail demandée par le Directeur du Magasin : 'lors de la seconde guerre mondiale, il n'avait pas assez mis de juifs dans les trains'.

L'autre atteste formellement, le 2 mars 2007, que vous avez dit en sa présence concernant votre Directeur des Ventes : 'j'en ai marre de ces juifs , en 40 ils n'en ont pas mis assez dans les trains'.

Ces témoignages vous ont été présentés lors de l'entretien du 20 mars 2007.

Lors de cet entretien vous avez nié avoir tenu ces propos. Vous avez d'ailleurs mis en cause la parole de chacune des personnes qui témoigne de ces dires, tout en précisant avoir travaillé en bonne entente avec elles.

Vous n'avez cependant apporté aucun élément pour contredire ces attestations. Vous avez uniquement évoqué l'historique de vos bonnes relations personnelles avec le Directeur du Magasin, ce qui est hors de propos dans un contexte professionnel.

Vos propos sont inacceptables au sein de notre entreprise.

Ils transgressent ses valeurs fondamentales ,; tels le respect de chacun quelles que soient son origine et sa culture.

Ils sont incompatibles avec la fonction de Chef de Vente que vous exercez , notamment avec l'exemplarité qu'il vous incombe d'avoir , en tant qu'encadrant, à l'égard de votre équipe.

Ils portent atteinte à l'image de notre entreprise, représentante d'une société multiculturelle et multiconfessionnelle.

Compte-tenu des éléments précisés ci-dessus, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible. Votre licenciement prendra effet à la date du présent courrier..;'

Considérant en premier lieu que les deux attestations émanant de [L] [S] versées aux débats, l'une par la SAS DARTY, l'autre par [P] [T], ne sauraient être prises en compte dès lors que l'intéressé, convoqué pour être entendu sous la foi du serment lors de l'enquête ordonnée, ne s'est pas présenté alors que dans sa seconde attestation il indiquait avoir établi la première sous la pression, tout en ne remettant toutefois pas en cause les propos indiqués dans la première ;

Considérant en second lieu que force est de constater que les témoins entendus dans le cadre de cette enquête ont, sous la foi du serment, confirmé avoir entendu [P] [T] tenir les propos qu'ils ont relatés dans les attestations qu'ils avaient établis et qu'ils avaient réitéré devant huissier ; qu'ainsi :

- [U] [J] a confirmé que, mécontent de l'intervention du directeur des ventes sur le rayon qu'elle rangeait au mois de juillet 2006 ou 2007, sans qu'elle puisse préciser l'année avec certitude, [P] [T] lui avait dit « oh j'en ai marre de ces juifs, si j'avais été là en 40, je les aurais moi-même mis dans le train », l'intéressée ayant, sur interrogation, ajouté d'une part qu'elle en avait parlé à M. [H] et au stagiaire [L] [S] ainsi qu'à un autre responsable M. [M] auquel elle avait demandé de ne pas le dire à M. [R] et d'autre part elle n'en avait jamais parlé elle-même à M. [R] et à M. [G] et qu'elle ignorait à quelle date ces derniers avaient été informés par M. [M], [U] [J] ayant également précisé qu'elle avait fait spontanément son attestation, après en avoir parlé aux délégués du personnel, et non à la demande de l'employeur

- [V] [H] a confirmé qu'entre décembre 2006, janvier 2007 ou peut-être septembre 2006 et janvier 2007, [P] [T], mécontent du rangement de rayon qu'il faisait, avait déclaré « durant la 2nde guerre , ils n'en ont pas mis suffisamment dans les trains », des propos de même teneur ayant été tenus à l'occasion d'une vente d'un réfrigérateur à une cliente de confession juive, ce qu'il avait pu déterminer par le nom de cette dernière et le fait que la lampe du réfrigérateur devait pouvoir être dévissée car il ne doit pas il y avoir de lumière le vendredi, l'intéressé ayant par ailleurs précisé que c'est le dernier jour de février 2007, soit le jour de son départ de l'entreprise, qu'il en avait informé le directeur du magasin, M. [R] qui l'avait fait venir dans son bureau pour lui demander s'il avait entendu ces propos et, la réponse étant positive, si c'était [P] [T] qui les avait tenus ;

Considérant que si, lors de leur audition en décembre 2010 ces témoins ont eu des hésitations sur l'année pendant laquelle les événements par eux décrits ont eu lieu, ces hésitations ne s'expliquent que par le temps écoulé, le rapprochement des pièces permettant de retenir que :

- les faits décrits par Mme [J] se sont, au regard de la date de sa première attestation, déroulés en juillet 2006 et que ceux décrits par [V] [H] n'ont, qu'ils aient eu lieu en 2005 ou 2006, été portés à la connaissance de l'employeur que lors de son dernier jour de travail en février 2007

- aucun mensonge de leur part n'est caractérisé, [U] [J] ayant bien précisé lors de son audition que lorsqu'elle avait dit qu'elle n'en avait parlé à personne, elle visait seulement Messieurs [R] et [G] et [V] [H] n'ayant à aucun moment affirmé qu'[U] [J] ne lui avait pas fait part des faits qu'elle invoque, le seul fait que lors de son audition il ait indiqué avoir « découvert » que d'autres collègues avaient entendu les mêmes propos ne signifiant nullement qu'il visait expressément Madame [J] ;

Considérant qu'il en résulte que les faits reprochés à [P] [T] dans la lettre de licenciement, qui ne l'accuse nullement d'être raciste mais d'avoir tenu des propos racistes, et ce de manière réitérée, sont caractérisés, étant observé que :

- aucune pression sur les témoins n'est établie alors même qu'[U] [J] était et est en arrêt de travail prolongé et que [V] [H] ne faisait plus et ne fait toujours pas partie des effectifs de la SAS DARTY 

- rien ne permet de retenir l'existence d'une cabale, l'appelant n'ayant au demeurant jamais contesté la mise à pied disciplinaire dont il avait fait l'objet le 11 octobre 2005 pour avoir imputé, à tort, à son supérieur hiérarchique des propos racistes à l'occasion du recrutement d'une secrétaire

- [P] [T] ne démontre du reste aucun lien entre la dénonciation injustifiée qu'il avait faite de l'attitude de M.[R] et le licenciement qui sera ensuite prononcé à son encontre alors même qu'il avait été, avec son accord, changé de magasin

- le refus qui lui a été opposé au titre des RTT était parfaitement justifié

- le fait que plusieurs collaborateurs ne l'aient pas entendu tenir des propos racistes n'exclut pas qu'il ait tenu de tels propos

- peu importe que les premières attestations aient été délivrées à l'employeur avant même la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, l'employeur ayant tout intérêt à se prémunir d'un procès éventuel ;

Considérant que, quelles que soient par ailleurs les qualités professionnelles incontestées de [P] [T] et son ancienneté, la teneur de ses propos rendait, au regard de surcroît de son niveau de responsabilité, immédiatement impossible son maintien au sein de la société, même pendant la durée limitée du préavis ;

Considérant que c'est donc à bon droit qu'il a été débouté de l'intégralité de ses demandes ;

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision attaquée ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne [P] [T] aux dépens d'appel qui comprendront les taxes des témoins entendus.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 09/01072
Date de la décision : 22/09/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°09/01072 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-22;09.01072 ?
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