Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 4
ARRET DU 16 SEPTEMBRE 2011
(n° ,7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/02760
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 28 Janvier 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/50892
APPELANTES
Société ACTAVIS FRANCE
agissant poursuites et diligences de son président
[Adresse 6]
[Localité 4]
Société ACTAVIS GROUP PTC EHF
agissant poursuites et diligences de son représentant légal
société de droit islandais dont le siège social est situé
[Adresse 8],
[Localité 2]
ISLANDE
représentées par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoués à la Cour
assistées de Me Grégoire TRIET plaidant pour la SCP GIDE LOYRETTE NOÜEL toque : T05
et
INTIMEES
Société NOVARTIS AG
prise en la personne de ses représentants légaux
société de droit suisse dont le siège social est situé :
[Adresse 7]
[Localité 3]
SUISSE
SAS NOVARTIS PHARMA
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par la SCP MONIN ET D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour
assistées de Me Laeticia BENARD, plaidant pour ALLEN OVERY LLP, avocats au barreau de Paris, toque : J022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Juin 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Jacques LAYLAVOIX, président, et Madame Catherine BOUSCANT, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jacques LAYLAVOIX, président
Madame Catherine BOUSCANT, conseillère
Madame Martine TAILLANDIER-THOMAS, conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Lydie GIRIER-DUFOURNIER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jacques LAYLAVOIX, président et par Mademoiselle Véronique COUVET, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
La société de droit suisse Novartis AG est titulaire du brevet EP 0 443 983 intitulé "composés acyles". Elle a déposé sa demande le 12 février 1991 et le brevet publié par l'Office Européen des Brevets, le 28 février 1996, est demeuré en vigueur jusqu'au 12 février 2011, sans avoir fait l'objet de contestation depuis sa délivrance. Ce brevet a pour objet un groupe de composés antihypertenseurs dont le valsartan qui est commercialisé sous la dénomination "Tareg" et qui, associé avec de l'hydrochlorothiazide- HCTZ - diurétique est commercialisé sous la dénomination de "Cotareg".
La société Novartis AG a obtenu le 17 septembre 1999 un certificat complémentaire de protection "CCP" n° 97 C 0050 qui couvre le Valsartan et qui a expiré le 13 mai 2011. Elle a aussi obtenu une "extension pédiatrique" jusqu'au 13 novembre 2011 de sorte que la validité du CCP n°97 C 0050 a été prorogée jusqu'à cette date.
La société Novartis Pharma SAS est quant à elle titulaire d'une licence exclusive de la partie française du brevet européen n° EP 0443 983 ainsi que du CCP n° 97 C 0050 et de son extension pédiatrique.
La société Actavis Grop PTC EHF est un laboratoire islandais qui commercialise des médicaments génériques et qui a obtenu en France le 20 novembre 2009 deux autorisations de mise sur le marché "AMM" correspondant aux produits "valsartan hydrochlorothiazide Actavis 80 mg/ 12, 5 mg " et "valsartan hydrochlorothiazide Actavis 160 mg / 25 mg " qui sont des génériques du 'Cotareg' et dont la société Actavis France SAS est désignée comme l'exploitant ainsi que l'autorisation d'être inscrite sur une liste de spécialités remboursables au mois de décembre 2010.
Ayant appris qu'Actavis avait l'intention de commercialiser les deux médicaments génériques énoncés ci-dessus après l'expiration du brevet EP 983 qui devait intervenir 12 février 2011 mais avant l'expiration du CCP n° 97 0050, les sociétés Novartis AG et Novartis Pharma (dénommées ci-après Novartis) ont fait assigner en référé d'heure à heure le 11 janvier 2011 la société Actavis Groupe PTC EHF et Actavis France (dénommées ci-après Actavis) afin d'obtenir sur le fondement de l'article L 615-3 du Code de la propriété intellectuelle diverses interdictions ayant trait aux compositions pharmaceutiques reproduisant les caractéristiques couvertes par le brevet EP n° 0443 983 et le CCP n° 97 C 0050.
C'est dans ces conditions que, par ordonnance rendue le 28 janvier 2011, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris :
- a interdit à la société Actavis Groupe PTC EHF et à la société Actavis France d'offrir et vendre, c'est à dire de commercialiser, des compositions pharmaceutiques et notamment les spécialités pharmaceutiques « valsartan hydrochlorothiazide Actavis 80 mg / 12 mg » et « valsartan hydrochlorothiazide Actsavis 160mg /25 mg » reproduisant les caractéristiques couvertes notamment par le brevet EP 0 443 983 et du CCP n° 97 C 0050 avant le 13 novembre 2011 et ce, sous astreinte de 100 € par comprimé offert en vente et vendu, en vrac ou sous autre forme de conditionnement, l'astreinte prenant effet à compter de l'ordonnance ;
- s' est réservé la liquidation de l'astreinte à intervenir,
- a débouté la société Novartis AG et la société Novartis Pharma de leur demande de publication judiciaire sur le site internet de la société Actavis Groupe PTC EHF et de la société Actavis France,
- a débouté la société Actavis Groupe PTC EHF et la société Actavis France de l'ensemble de leurs demandes reconventionnelles,
- a condamné solidairement la société Actavis Groupe PTC EHF et la société Actavis France à payer à la société Novartis AG et à la société Novartis Pharma la somme globale de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- a débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- a condamné solidairement la société Actavis Groupe PTC EHF et la société Actavis France aux dépens.
Par dernières conclusions signifiées le 10 mars 2011, la société Actavis Group PTC et EHF et la société Actavis France SAS, appelantes, soutenant pour l'essentiel qu'au regard du droit applicable en matière de CCP, ni l'atteinte aux droits de Novartis ni l'existence de la contrefaçon n'est vraisemblable et qu'en toute hypothèse, les demandes d'interdiction provisoires doivent être rejetées, demandent à la cour au visa des articles L.614 -15 ,L. 615-3 du Code de la propriété intellectuelle, du Règlement CE n° 469 / 2009, et du considérant 22 de la directive 2004/48, de :
à titre principal :
- dire et juger que les conditions de l'article L.615-3 du Code de la propriété intellectuelle ne sont pas réunies,
en conséquence,
Infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a interdit aux sociétés Actavis Groupe PTC EHC et Actavis France d'offrir en vente et vendre les spécialités pharmaceutiques "valsartan hydrochlorothiazide Actavis 80/12,5 mg " et "valsartan hydrochlorothiazide Actavis 160 mg / 25 mg" avant le 13 novembre 2011
à titre subsidiaire :
- ordonner le versement préalable par les sociétés Novartis AG et Novartis Pharma SAS d'une somme de 15 000 000 € entre les mains d'un séquestre indépendant pour constituer la garantie prévue au titre de l'article L.615 -3 du Code de la propriété intellectuelle ;
en toute hypothèse,
Condamner les sociétés Novartis AG et Novartis SAS à verser aux sociétés appelantes la somme de 100 000 € au titre de l'article 700 du Code de procéduré civile ainsi qu'aux dépens.
Par dernières conclusions signifiées le 15 avril 2011, la société Novartis AG et la société Novartis Pharma SAS prient la cour, au visa de l'article 5 du règlement n°469//2009, des articles L.613-3 , L615-1 et L 615-3 du Code de la propriété intellectuelle, du brevet européen n° EP 0 443 983 et du certificat complémentaire de protection n° 97 C 0050 prorogé par son extension pédiatrique, de confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a prononcé l'interdiction provisoire de l'offre en vente et de la vente de tout produit pharmaceutique comprenant du Valsartan et notamment les spécialités "valsartan hydrochlorothiazide Actavis 80 / 12,5 mg " et " Valsartan hydrochlorothiazide Actavis 160mg / 25mg " reproduisant les caractéristiques couvertes par le brevet européen n° EP 0 443 983 et le certificat complémentaire de protection n° 97 C 0050 prorogé par son extension pédiatrique jusqu'au 13 novembre 2011 sous astreinte de 100 € par comprimé offert en vente ou vendu qu'il soit présenté en vrac ou sous toute autre forme de conditionnement à compter de l'ordonnance, y ajoutant, d'interdire également aux sociétés Actavis Group EHF et Actavis France de fabriquer, d'importer, d'utiliser et de détenir aux fins précitées tout produit pharmaceutique comprenant du valsartan et notamment des spécialités 'Valsartan hydrochlorothiazide Actavis 80mg / 12,5 mg' et "valsartan hydrochlorothiazide actavis 160 mg / 25 mg" reproduisant les caractéristiques couvertes notamment par le brevet européen n° EP 0 443 983 et le certificat complémentaire de protection n° 97 C 0050 prorogé par son extension pédiatrique jusqu'au 13 novembre 2011, sous astreinte de 100 € par comprimé fabriqué, importé, utilisé ou détenu qu'il soit présenté en vrac ou sous toute autre forme de conditionnement, à compter de la date de l'arrêt à intervenir, de débouter les appelantes de l'ensemble de leurs demandes, et de les condamner à leur payer la somme de 100 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Ceci étant exposé,
Considérant que l'article L.615-3 du Code de la propriété intellectuelle dispose que "toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin, sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon ...
Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve raisonnablement accessibles au demandeur rendent vraisemblable qu'il soit porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte soit imminente' ;
Qu' il appartient à Novartis de démontrer qu'au vu des éléments de preuve qu'il détient et des titres dont il dispose, une atteinte à ses droits, par la fabrication et la mise en vente des deux médicaments génériques par Actavis, est vraisemblable ou imminente et au juge des référés d'apprécier le caractère sérieux ou non d'une contestation ;
Considérant qu'en l'espèce, le litige porte pour l'essentiel sur l'interprétation du "règlement CE n° 469/2009 du Parlement Européen et Conseil du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments", notamment en ses articles 4 et 5 au regard des définitions données à l'article 1er qui seront rappelées ci-dessous ;
Considérant que le médicament s'entend comme toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être administrée à l'homme ou à l'animal en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions organiques chez l'homme ou l'animal ;
Que le "produit" est le principe actif ou la composition de principes actifs d'un médicament ;
Considérant que l'article 4 du règlement concerne l'objet du certificat et énonce que " dans les limites de la protection conférée par le brevet de base, la protection conférée par le certificat s'étend au seul produit couvert par l'autorisation de mise sur le marché du médicament correspondant pour toute utilisation du produit, en tant que médicament, qui a été autorisée avant l'expiration du certificat ";
Que l'article 5 qui concerne quant à lui les effets du certificat dispose que "sous réserve de l'article 4, le certificat confère les mêmes droits que ceux qui sont conférés par le brevet de base et est soumis aux mêmes limitations et aux mêmes obligations " ;
Considérant que le brevet de base détenu par Novartis AG couvre des composés parmi lesquels figure dans la revendication 26 le valsartan ;
Que Novartis AG a déposé une demande de "CCP" n° 97 C 0050 le 24 juillet 2007 sur la base de l'autorisation de mise sur le marché NL 22077 obtenue en France le 21 mars 1997 et le CCP ainsi obtenu publié au Bopi n° 99/ 39 couvre le valsartan ;
Considérant que le premier juge, suivant en cela l'argumentation et les moyens développés par Novartis, a considéré que l'article 4 peut se lire de la manière suivante : "Dans les limites de la protection conférée par le brevet de base, ( le brevet EP 0 443 983) la protection conférée par un CCP (CCP n° 97 C 0050) s'étend au seul principe actif c'est à dire le valsartan couvert par l'AMM correspondant pour toute utilisation du produit, en tant que médicament qui a été autorisée avant l'expiration du certificat ; qu'il s'ensuit que le CCP opérant les mêmes droits que ceux conférés au brevet de base, Novartis peut dès lors s'opposer à toute utilisation du principe actif, 'valsartan', dans le but du traitement de l'hypertension seul ou en combinaison avec un autre principe actif, toute commercialisation d'un médicament contenant du valsartan à titre de principe actif constituant une contrefaçon ;
Que Novartis venant au soutien de la motivation du premier juge ajoute qu'un autre raisonnement conduirait à détourner la réglementation communautaire de sa finalité et qu'ainsi l'obtention d'un CCP ne permettrait pas de s'opposer à la commercialisation d'un produit générique se bornant à contenir des ingrédients additionnels par rapport à la spécialité de référence qui a servi de base à la délivrance du CCP, comme par exemple des vitamines ;
Qu'Actavis, quant à elle, estime que le premier juge a confondu la notion de 'produit' avec celle de 'principe actif' et a fait une lecture erronée du règlement ;
Considérant que le produit tel que défini par le règlement ne se limite pas à un principe actif et que le CCP au sens de l'article 4 protège non pas le principe actif mais le produit de sorte que le CCP protège le seul produit valsartan ;
Qu'il s'ensuit que dès lors que le médicament valsartan + HCTZ comporte bien le principe actif valsartan , il ne constitue pas pour autant un produit valsartan au sens du règlement mais un autre produit constitué d'une combinaison de principes actifs;
Qu'une autre interprétation pourrait s'avérer contraire à la règle de l'interdiction du cumul des protections énoncée à l'article 3 du règlement selon laquelle le CCP ne saurait protéger un autre produit et qu' il n'existe qu'un seul CCP par produit et par breveté, étant observé aussi que le principe actif HCTZ ne saurait être considéré comme un simple ingrédient additionnel comme une vitamine;
Qu'ainsi, il n'apparaît pas vraisemblable, que toute commercialisation d'un médicament contenant du valsartan à titre de principe actif constitue une contrefaçon et porte atteinte aux droits détenus par Novartis sur ce principe actif jusqu'au 13 novembre 2011 ;
Que l'interprétation proposée par Actavis du règlement et la contestation élevée par elle pour s'opposer aux mesures demandées par Novartis présentent un caractère sérieux et, contrairement à ce qui a été jugé, privent la contrefaçon alléguée de tout caractère évident ;
Qu'en conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance et de rejeter les demandes d'interdiction provisoire formées par Novartis.
Considérant que Noavartis, qui succombe, sera déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et condamnée sur ce fondement à payer à Actavis la somme de 20 000 € ainsi qu'aux entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme l'ordonnance déférée,
Statuant à nouveau,
Rejette les demandes d'interdictions formées par la société Novartis AG et par la société Novartis Pharma SAS,
Condamne la société Novartis AG et la société Novartis Pharma SAS à payer aux sociétés Actavis Group PTC EHF et à la société Actavis France la somme de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT