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15/09/2011 | FRANCE | N°09/20641

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 15 septembre 2011, 09/20641


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2011



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/20641



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Septembre 2009 -Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2004F01041





APPELANTE:



Société anonyme CREDIT FONCIER DE FRANCE venant aux droits de la société ENTENIAL anciennement

dénommée COMPTOIR DES ENTREPRENEURS , prise en la personne de son président du conseil d'administration domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège [Adresse 1]

[Localité ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2011

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/20641

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Septembre 2009 -Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2004F01041

APPELANTE:

Société anonyme CREDIT FONCIER DE FRANCE venant aux droits de la société ENTENIAL anciennement dénommée COMPTOIR DES ENTREPRENEURS , prise en la personne de son président du conseil d'administration domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Maître Gilbert THEVENIER, avoué à la Cour

assistée de Maître Paul-Philippe MASSONI, avocat au barreau de PARIS Toque L 102

INTIMÉS:

Maître [V] [U], ès qualités de mandataire liquidateur du CENTRE CHIRURGICAL DE VINCENNES FONTENAY, ainsi que de la CLINIQUE DU BOIS DE VINCENNES

demeurant [Adresse 2]

[Localité 7]

représenté par la SCP PETIT - LESENECHAL, avoué à la Cour

assisté de Monsieur le Bâtonnier Bernard VATIER, avocat au barreau de PARIS

Toque P 82

Monsieur [E] [W], ès qualités de contrôleur aux opérations de liquidation judiciaire de la Société CENTRE CHIRURGICAL DE VINCENNES FONTENAY

demeurant [Adresse 6]

[Localité 4]

représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoué à la Cour

assisté de Maître Michèle FOURTANIER, avocat au barreau de PARIS Toque E 1333

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Février 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Claude APELLE, Président.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Claude APELLE, Président

Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseiller

Madame Caroline FEVRE, Conseiller

Greffier, lors des débats : Monsieur Daniel COULON,

ARRÊT :

- contradictoire,

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseillère au lieu et place de Madame Marie-Claude APELLE, Présidente empêchée, et par Monsieur Sébastien PARESY, Greffier auquel la minute de l'arrêt a été remise par le magistrat signataire.

****************

Début 1993, la SA Clinique du Bois de Vincennes - CBV - a été créée en vue de procéder à l'acquisition de l'immeuble sis [Adresse 3] a, pour ce faire, souscrit auprès du Comptoir des Entrepreneurs, aux droits duquel vient le Crédit Foncier de France , un emprunt de vingt huit millions huit cent mille francs. Concomitamment à cette opération, la Clinique du Bois de Vincennes rachetait au Docteur [P] les actions qu'il détenait dans le Centre chirurgical de Vincennes Fontenay -CCVF - pour une valeur de seize millions de francs financés par un emprunt du même montant auprès du Comptoir des Entrepreneurs, le Docteur [P] souhaitant se retirer au profit de sa belle-fille - PDG du centre chirurgical de Vincennes Fontenay et de son gendre médecin anesthésiste dans l'établissement.

La SA Clinique du Bois de Vincennes devait payer ses remboursements concernant le prêt par les dividendes qui lui étaient versés par le Centre chirurgical de Vincennes Fontenay et par les loyers également versés par le centre chirurgical.

Le Dr [P] a nanti la somme de quinze millions neuf cent mille francs en garantie des prêts consentis , somme qui a été placée sur un compte rémunéré du Comptoir des entrepreneurs.

Les remboursements s'exécutèrent selon les termes convenus pendant près de trois ans.

Le 9 novembre 1996, le Centre Chirurgical de Vincennes Fontenay faisait état au Comptoir des Entrepreneurs de ses difficultés financières et ce du fait de devoir procéder à la mise en conformité de certains services, à la mise en conformité pour des services nouvellement créés, aux exigences accrues des malades et des médecins, à la modification de l'accueil pour les invalides , à des modifications des équipements technologiques au bloc opératoire et en anesthésie et à la mise en conformité du transformateur électrique central. Il ajoutait que ces faits nouveaux alourdissaient brutalement le programme financier initial qui lui permettait jusqu'à présent d'équilibrer l'affaire voire de faire des bénéfices et sollicitait un financement complémentaire, Le Comptoir des Entrepreneurs proposait alors une réduction du taux d'intérêt de 11,10% à 10% et le déblocage d'une somme de quatre millions de francs sur les quinze millions de francs nantis à son profit pour paiement des travaux, les fonds devant être mis à disposition sur appel des fonds et production des factures dûment visées par le maître d'oeuvre et le maître d'ouvrages et suivant état des travaux vérifiés par l'architecte-inspecteur ou tout organisme de contrôle agréé par le prêteur dont les frais et honoraires seraient à la charge de l'emprunteur .

Cette proposition ne s'est toutefois pas concrétisée, le Centre chirurgical de Vincennes Fontenay ayant opté pour assumer lui-même les premières factures des travaux.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 juin 1996 adressée à la société CCVF, la banque, notant que les conditions quant au déblocage des fonds pour le financement des travaux n'ayant pas été suivies d'effet et que le montant des arriérés n'ayant pas été régularisé, l'avisait de l'exigibilité de ses créances à son encontre.

Les sociétés CBV et CCVF ont été déclarées en redressement judiciaire par jugements du Tribunal de Commerce de Créteil en dates du 20 novembre 1996 puis placées en liquidation judiciaire par jugement du 5 août 1997.

Par jugement en date du 30 janvier 2003, le Tribunal de commerce de Créteil a déclaré communs les jugements de liquidation judiciaire rendus le 5 août 1997 à l'égard des deux sociétés, ordonnant en conséquence que les opérations de liquidation judiciaire de ces deux sociétés se déroulent selon une procédure commune

Par exploit en date du 31 août 2004, Me [U] es qualités du mandataire liquidateur des sociétés CBV et CCVF a assigné la banque devant le Tribunal de commerce de Créteil aux fins de la voir condamner à payer le préjudice subi par les créanciers des deux sociétés.

En cours de procédure, le Docteur [W] est intervenu volontairement à l'instance es qualités de contrôleur aux opérations de liquidation judiciaire de la société CCVF et s'est associé aux demandes de Me [U] es qualités.

Par jugement en date du 22 septembre 2009, le Tribunal de commerce de Créteil a condamné la société Crédit Foncier de France à payer à Me [U] es qualités de mandataire liquidateur des deux sociétés la somme de un million neuf cent trente et un mille sept cent cinquante euros - 1.931.750 F -assortie des intérêts légaux à compter du 31 août 2004 et avec anatocisme, ordonné l'exécution provisoire de la décision, condamné le Crédit Foncier de France à payer à Me [U] es qualités la somme de trois mille euros - 3.000 € - au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Crédit Foncier de France a interjeté appel de ladite décision.

Par conclusions signifiées le 21 janvier 2011, valant conclusions récapitulatives conformément aux dispositions de l'article 954, alinéa 2, du Code de procédure civile, la SA Crédit Foncier de France a demandé à la Cour de:

- dire et juger son appel recevable et bien fondé,

en conséquence et y faisant droit,

- réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

statuant à nouveau,

- dire et juger irrecevable l'intervention volontaire de M. [W] et subsidiairement le débouter de ses demandes,

- à titre subsidiaire, dire que l'insuffisance des actifs des deux sociétés s'élève au plus à un million cent quatre vingt quatorze mille cinq cent quatre vingt dix sept euros et soixante neuf centimes

- 1.194.597,69 € - et limiter le montant de la condamnation à cette somme.

Le Crédit Foncier de France fait valoir à l'appui de ses demandes:

- que l'instruction de la demande de prêt devait conduire le Comptoir des Entrepreneurs , aux droits de laquelle vient le crédit Foncier de France, à constater que les ressources de la société holding emprunteuse , constituées des loyers et des dividendes versés par la société CCVF, s'avéraient insuffisantes pour rembourser le prêt, qu'il a donc pris l'apport du Dr [P] d'un montant de quinze millions neuf cent mille francs portée sur un compte rémunéré devant permettre le paiement du différentiel entre ce que pourrait verser la société holding , en tenant compte uniquement des loyers et des dividendes, et les échéances du prêt ; que cette somme, qualifiée de caution pour échapper à la fiscalité applicable aux donations hors lien familial direct, constituait en réalité un apport en fonds propre ou une participation du Dr [P] dans le montage dont il était de son intérêt d'assurer la bonne fin puisque ce montage avait été conçu et voulu pour lui dans une perspective de transmission familiale,

- que, postérieurement à l'octroi du prêt, la société CCVF a connu des difficultés sans rapport avec le financement près de trois ans après l'octroi du prêt, les dirigeants de la clinique ayant fait le choix de débuter des travaux en les finançant sur les fonds propres de la société , alors qu'il était disposé à en assurer le financement dans des conditions permettant à la clinique de conserver sa trésorerie pour financer ses investissements, que la position prise par les dirigeants a considérablement affaibli la trésorerie de la banque,

- que, dans le même temps, en 1996, le chiffre d'affaires de la clinique s'est littéralement effondré, dégradation liée à un départ d'un des principaux praticiens de la clinique non remplacé et à la diminution de 70% du chiffre d'affaires réalisé en orthopédie,

- que , jusqu'en 1996, les échéances de remboursement des prêts ont été régulièrement payées,

- que les opérations de réalisation des actifs de la société CBV ont permis de régler partiellement le prêt hypothécaire du comptoir des entrepreneurs; qu' après renonciation de sa part au solde de sa créance, plus aucun passif ne subsiste au niveau de la société CBV,

- que, s'agissant de la société CCVF , cette dernière n'avait pas à la date de son dépôt de bilan de passif d'exploitation; que son passif, uniquement né de la liquidation de la société, est constitué pour l'essentiel d'indemnités de résiliation de contrats en cours avec les médecins et n'a pu être apuré par le produit de la réalisation des actifs ;

- qu'aucun prêt n'a été consenti à la société CCVF, seule société ayant une insuffisance d'actif;

- que le Dr [W] , dont l'intervention ne vise en réalité qu'à assurer la défense de ses propres intérêts, ayant déclaré une créance de six cent quatre vingt cinq mille neuf cent soixante quinze euros au passif de la société CCVF, correspondant au montant de l'indemnité de résiliation due au titre du contrat de travail le liant à celle ci, doit être déclaré irrecevable en son intervention volontaire, un créancier contrôleur n'ayant pas qualité pour intervenir dans le cadre d'une procédure entreprise par le liquidateur judiciaire,

- que le soutien abusif doit être caractérisé société par société; que dès lors la question pertinente est de savoir si, à la date de l'octroi du crédit, donc à la date à laquelle les sociétés apparaissent comme ayant une personnalité et un patrimoines propres, une faute a été commise,

- que ce qui lui est reproché est non le soutien abusif, proprement dit qui consiste pour une banque à consentir un crédit quel qu'il soit à une société d'ores et déjà irrémédiablement compromise , mais un crédit ruineux, soit un crédit, qui, par son coût, pèse sur la trésorerie de l'entreprise au point de la conduire à la ruine,

- que la politique du Comptoir des Entrepreneurs ne s'est pas déployée directement à l'égard de la CCVF mais uniquement à l'égard de la CBV, la CCVF ayant été victime non d'une quelconque faute bancaire mais d'une conjoncture économique défavorable aux cliniques, d'exigences réglementaires nouvelles et d'une politique défaillante de gestion, conditions survenues bien postérieurement à l'octroi du prêt.

Par conclusions récapitulatives signifiées le 18 janvier 2011, valant conclusions récapitulatives conformément aux dispositions de l'article 954, alinéa 2, du Code de procédure civile, Me [V] [U], es qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire du Centre Chirurgical de Vincennes Fontenay et es qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Clinique Bois de Vincennes a demandé à la Cour de:

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- condamner le Crédit Foncier de France au paiement d'une indemnité de quinze mille euros

- 15.000 € - sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner le Crédit Foncier de France aux entiers dépens de première instance qui comprendront les frais d'expertise et aux dépens d'appel.

Me [U] es qualités fait valoir:

- que les revenus qui étaient les seuls de nature à permettre les échéances des crédits octroyés provenaient des dividendes retirés de la société commerciale et des loyers qu'elle payait au titre de l'occupation des locaux, que la société CCVF supportait donc in fine la charge du remboursement des emprunts consentis imprudemment par le Comptoir des Entrepreneurs,

- que le Crédit des Entrepreneurs reconnaissait lui même , dans une note du 5 juin 1982, soit lors de l'étude des conditions du prêt, qu''un déficit de trésorerie apparaîtra pendant les premières années'; que la la banque avait donc parfaitement connaissance du caractère ruineux du crédit qu'elle consentait;

- que c'est en considération de cette situation que le Dr [P] acceptait d'apporter sa caution sous la forme d'un dépôt de garantie placé pendant huit ans et que c'est seulement sous cette condition qu'a été donné l'avis favorable ';

- que l'expert missionné par le Tribunal précise que ' l'emprunt effectué par la société holding auprès du Comptoir des Entrepreneurs est très nettement supérieur à la capacité de remboursement de la société CCVF,'

- que c'est un déficit annuel de un million cinq cent mille francs - 1.500.000 F - que l'opération faisait naître pour les deux sociétés,

- que les dirigeants de la société d'exploitation, n'ayant pas de dividendes suffisants, ont du faire des avances à la société mère pour rembourser l'emprunt ce qui a affaibli sa trésorerie d'autant, l'empêchant ainsi d'effectuer les travaux nécessaires,

- qu'il est démontré par le rapport d'expertise que la cause directe de la déconfiture de l'entreprise tient à la mise en place des financements et à l'incapacité pour l'entreprise de faire face à la charge de remboursement, que le remboursement des prêts ne pouvait provenir que de la société d'exploitation, la société mère n'ayant aucune autonomie financière,

- qu'enfin, du fait de la charge financière trop lourde qu'elle devait supporter quant au remboursement du prêt, la société d'exploitation a perdu sa trésorerie ce qui ne lui a pas permis de faire face au fonctionnement normal d'exploitation.

Par conclusions signifiées le 2 novembre 2010, valant conclusions récapitulatives conformément aux dispositions de l'article 954, alinéa 2, du Code de procédure civile, Le Dr [E] [W] , es qualités de contrôleur aux opérations de liquidation judiciaire de la société Centre Chirurgical de Vincennes Fontenay, a demandé à la Cour de:

- confirmer la décision entreprise,

- en conséquence, débouter le Crédit Foncier de France de ses demandes,

- condamner le Crédit Foncier de France à payer à 'Me [U] es qualités' la somme de cinq mille euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Il expose:

- qu'à supposer que l'on considère le dépôt comme une garantie et qu'un recours subrogatoire du Dr [P] aurait pu être envisagé, ce recours n'aurait pu qu'être exercé à l'encontre de la société mère et non de la société filiale,

- que la garantie de quinze millions neuf cent mille francs 15.900.000 F du Dr [P] ne peut être considéré comme un apport en numéraire venant en déduction des engagements de la société; qu'il manque dans le montage cette somme en liquidités,

- que le Comptoir des Entrepreneurs a accordé deux prêts, un prêt de vingt huit millions huit cent mille francs destiné au financement de l'immobilier et pour le remboursement duquel il prenait une inscription de privilège de prêteurs de deniers et un prêt de seize millions de francs destiné au financement des titres ainsi que la somme de quatre millions huit cent mille francs destinés à couvrir les frais et droits pour la garantie du remboursement duquel il prenait une inscription hypothécaire de second rang sur le bien immobilier ; qu'à l'issue de cette période, la société d'exploitation cessait d'être propriétaire du fonds de commerce et devenait locataire des murs; que les intérêts de la société mère et de la société filiale étaient étroitement imbriqués.

SUR CE

Considérant que le Crédit Foncier de France demande à la Cour de déclarer le Dr [W] irrecevable en ses demandes;

Considérant qu'en vertu de l'article L 621-13 alinéa 3 du Code du commerce, les contrôleurs assistent le représentant des créanciers dans ses fonctions; qu'ils ne disposent en revanche d'aucun droit d'agir en justice, fût ce par voie d'intervention; et que l'intervention du Dr [W] devant les premiers juges ne lui confère nullement la qualité de partie ;

Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article 330 du Code de procédure civile, l'intervention, lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie , comme en l'espèce , n'est recevable que si son auteur a intérêt , pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie,

Qu'il résulte de la mission ainsi définie que le Dr [W] ne justifie pas d'un intérêt pour la conservation de ses droits propres, à soutenir les prétentions du mandataire de justice ; qu'il n'intervient d'ailleurs pas personnellement;

Considérant que son intervention es qualités est dès lors irrecevable;

Considérant qu'il est constant que le Comptoir des Entrepreneurs a consenti à la SA CBV deux crédits de montants respectifs de vingt huit millions huit cent mille francs et seize millions de francs aux taux effectifs globaux de respectifs de 11,36% et 11,57% moyennant les garanties suivantes; d'une part inscription de privilège de prêteur de deniers sur le prêt de vingt huit millions huit cent mille francs, d'autre part inscription hypothécaire en second rang sur le prêt de seize millions de francs et sur la prise en charge des droits d'enregistrement à hauteur de quatre millions huit cent mille francs, enfin caution personnelle de M. [P] à hauteur de quinze millions neuf cent mille francs constituée d'un dépôt de garantie au profit du Comptoir des Entrepreneurs pour une durée de huit ans ; que la SA CBV devait payer ses remboursements concernant les prêts par les dividendes qui lui étaient versés par la société CCVF , société d'exploitation, et par les loyers également versés par la société CCVF ;

Considérant que les deux sociétés sont aujourd'hui en liquidation judiciaire;

Considérant qu'il est tout aussi constant que la SA CBV a vu son passif réduit à néant d'une part par le produit de la vente des actifs d'autre part par l'abandon de partie de sa créance par le Crédit Foncier de France;

Que reste seul en cause le passif de la société filiale la CCVF, soit la société d'exploitation;

Considérant que Me [U], es qualité de mandataire judiciaire à la liquidation des deux sociétés, recherche la responsabilité de la banque, soutenant, que par l'octroi de ces prêts, le Comptoir des Entrepreneurs a consenti un crédit ruineux qui a amené les deux sociétés à leur liquidation, le Crédit Foncier de France, venant aux droits du Comptoir des Entrepreneurs, devant dès lors assumer le paiement de l'insuffisance d'actif .

Considérant qu'il résulte des pièces produites au débat, soit la pièce n° 12 produite aux débats par le Crédit Foncier de France, que le Comptoir des Entrepreneurs avait, lors de l'instruction des dossiers des deux prêts, émis un avis favorable à condition que le Dr [P], qui détenait la quasi totalité du capital de la SCI, propriétaire des locaux et de la SA possédant le fonds de commerce de clinique et qui souhaitait transmettre à une société holding détenue par sa belle-fille les murs et les actions de la société d'exploitation, accepte de se porter caution; que le Comptoir des entrepreneurs avait en effet lui-même relevé que le prix fixé tant de l'acquisition de l'immeuble que des titres et la prise en charge des droits d'enregistrement l'obligeaient à prendre une sûreté complémentaire sous forme d'un dépôt de garantie, les simulations faites montrant que l'opération présenterait pendant les premières années des cash - flow négatifs, cash-flow comblés par les associés de la holding et/ par un dépôt de garantie placé par le Dr [P], l'intégralité du montant de la caution pouvant servir à combler le cas-flow négatif dès la quatrième année ;

Considérant que si des cash-flow peuvent être la preuve d'un crédit ruineux, il n'en reste pas moins que toute acquisition lourde entraîne nécessairement une réduction des cash-flow et que donc la diminution des cash - flow ne peut à elle seule emporter la conviction de la Cour sur la réalité d'un crédit ruineux;

Considérant que Me [U] es qualité doit justifier à l'appui de sa demande que le banquier a octroyé un crédit dont le coût est insupportable pour l'équilibre de la trésorerie et incompatible avec toute rentabilité et qu'il l'a fait en connaissance de cause ; que le crédit accordé doit être qualifié également de ruineux lorsque le crédit entraîne un endettement d'un poids excessif eu égard aux ressources de l'entreprise ou qu'il est incompatible avec sa rentabilité ;Qu'en effet, s'il appartient aux banques de prendre des risques, pour accompagner le développement économique, ces risques ne doivent pas être déraisonnables ;

Considérant qu'en bon professionnel, le banquier doit mener son appréciation en considération de la société emprunteuse mais aussi de celles auxquelles elle est liée,; que tel est le cas en la présente espèce, la société CBV, qui a été créée spécialement dans le cadre du montage, étant certes la seule société emprunteuse mais n'ayant aucune activité financière, et ne pouvant donc assumer ses remboursements que grâce à la société d'exploitation;

Considérant que la responsabilité de la banque doit donc être recherchée , Me [U] es qualités soutenant que la banque en octroyant un crédit ruineux à la société mère, fut ce par personne interposée, a porté préjudice à la filiale ;

Considérant qu'aux termes de l'expertise, certes ordonnée dans le cadre d'une autre instance, sur demande Me [U] es qualités, pour notamment vérifier l'exactitude et la sincérité des comptes à l'effet de déceler les éventuelles fautes de gestion et rechercher et déterminer la nature des relations ayant existé entre les deux sociétés ou toutes autres sociétés partenaires, mais à laquelle la banque a participé et qui est versée contradictoirement au débat, l'expert souligne:

- que les perspectives de croissance des bénéfices prises en compte par l'établissement financier de 3% par an étaient optimistes dans un contexte de restriction des dépenses de santé,,

- que l 'importance des échéances de remboursement induites par le montant des emprunts conduit à une impasse de trésorerie dès la première année qui s'élève à un million cinq cent mille francs,

- que les conditions de financement de l'opération ont condamné les dirigeants de la clinique à effectuer des distributions de dividendes importantes à la société mère et à consentir des avances de trésorerie importantes à la société CBV , en sus des distributions de dividendes, et des loyers, et ce dans la mesure où les distributions de dividendes étaient notoirement insuffisantes pour permettre à la société holding de faire face aux échéances de remboursement du crédit consenti par le Comptoir des Entrepreneurs;

Considérant que le fait que des avances importantes de trésorerie ont été faites pendant près de trois ans à la société CBV pour financer les remboursements réduit à néant l'argumentation du Crédit Foncier de France selon laquelle le dépôt fait par le Dr [P] à titre de caution constituait en fait un apport de fond pouvant être utilisé à tout moment;

Considérant que le Crédit Foncier de France ne peut, au vu de cette expertise , soutenir que les crédits accordés ne peuvent être qualifiés de ruineux du fait que les remboursements ont été effectués pendant près de trois ans sans problème dès lors que ces remboursements n'ont pu être faits que par des avances de trésorerie de la société filiale , avances qui selon l'expert ont considérablement réduit sa capacité de financement , empêchant des investissements indispensables au maintien de l'activité ; que la clinique n'a pu de ce fait que se dégrader ;

Que l'expert missionné par des médecins de la clinique - Pièce 27 du dossier du Crédit Foncier de France, versée contradictoirement au débat - aux fins d'étudier d'éventuelles complaisances susceptibles de voir engager la responsabilité des dirigeants et de la banque, insiste de même sur le manque de viabilité économique du projet, le prix d'acquisition étant beaucoup trop élevé et ce alors que , si sur les exercices 1991-1992 le chiffre d'affaires s'avérait relativement constant autour de vingt millions de francs , tout au long de cette période l'entreprise n'a pas investi ou peu, que le cash -flow moyen sur cette période est très sensiblement inférieur au montant repris dans la simulation du prêteur; que l'expert précise que l'ensemble donne durant cette période juste antérieure à la cession l'impression d'une exploitation vieillissante; qu'il ajoute que si la situation n'inspirait aucune inquiétude à priori, elle apparaissait toutefois ne pouvoir autoriser des ponctions telles que celles qui ont été retenues pour les remboursements;

Considérant que le Comptoir des Entrepreneurs le savait parfaitement et que d'ailleurs c'est en fonction de ce risque qu'il a sollicité la caution du Dr [P] ; que le caractère ruineux d'un crédit doit d'analyser indépendamment du cautionnement souscrit au profit du banquier, aucune pièce ne venant démontrer d'une part qu'il ne s'agissait pas en réalité d'une caution au moins pendant les quatre premières années que d'autre part que les fonds pouvaient être débloqués au premier découvert ou que le Comptoir des Entrepreneurs, entre les mains duquel était placée la garantie du Dr [P] se soit inquiété, auprès des dirigeants des sociétés, avant 1996, de l'évolution de la situation financière;

Considérant que les crédits tels qu'accordés par le Comptoir des Entrepreneurs ne peuvent dans ces conditions qu'être déclarés ruineux, les crédits ayant entraîné un endettement d'un poids excessif eu égard aux ressources de l'entreprise ou qui était incompatible avec sa rentabilité , ce que le prêteur savait pertinemment;

Que le jugement entrepris sera, par voie de conséquence, confirmé en ce qu'il a reconnu la responsabilité de la banque;

Considérant que, de par sa faute, le prêteur a entraîné une cessation de paiements par la société mère, la dégradation de la société CCVF dès l'octroi des prêts entraînant la liquidation judiciaire des deux sociétés et ce même si de nouveaux problèmes comme des mises aux normes de sécurité nouvelles sont venus se surajouter à la diminution des liquidités de la société filiale et donc à son incapacité à financer au fur et à mesure les travaux qui s'imposaient; qu'en 1996, au vu des pertes subies, date à laquelle une nouvelle prise en charge a été proposée par le prêteur, la liquidation ne pouvait qu'intervenir;

Considérant que le passif de la société mère ayant été couvert, le Crédit Foncier est redevable de la seule insuffisance d'actif de la société filiale ;

Considérant qu'au vu de la pièce 30 produite - dossier du Crédit Foncier de France, le passif de la CCVF est de un million trois cent quatre vingt un mille cinq cent quatre vingt quatre euros et soixante dix centimes - 1.381.584,70 € -

Que le Crédit Foncier de France doit être condamné à payer à Me [U] es qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société CCVF la somme de un million cent quatre vingt quatorze mille cinq cent quatre vingt dix sept euros et soixante neuf centimes - 1.194.597,69 € - au titre de l'insuffisance d'actif, déduction faite de la somme de cent quatre vingt six mille neuf cent quatre vingt sept euros et un centime correspondant au produit de la réalisation des actifs versés à la société CCVF et ce avec intérêts aux taux légal à compter du 31 août 2004, date de l'exploit introductif d'instance et avec capitalisation des dits intérêts selon les conditions prévues par l'article 1154 du Code civil ;

Considérant que Me [U] es qualités doit par contre être débouté de sa demande es qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société CBV, cette dernière ayant vu son passif comblé;

Considérant qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Me [U] es qualités les frais irrépétibles qu'il a exposés es qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société CCVF;;

Que le Crédit Foncier de France doit être condamné à lui payer la somme de six mille euros -6.000 €- sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés pour l'ensemble de la procédure en sa qualités de mandataire judiciaire à la liquidation de la société CCVF;

Qu'il doit par contre être débouté de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés pour l'ensemble de la procédure en qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société CBV, cette dernière n'ayant plus aucun passif à combler;

Considérant que la SA Crédit Foncier, partie succombante, doit être déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et condamnée aux dépens de l'ensemble de la procédure, dépens qui ne comprendront pas toutefois le coût de l'expertise, comme l'ont retenu à tort les premiers juges, l'expertise n'ayant pas été diligentée dans le cadre de cette procédure;.

Considérant que le jugement entrepris sera, par voie de conséquence, confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité du Crédit Foncier de France et réformé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité du Crédit Foncier de France venant aux droits du Comptoir des Entrepreneurs.

Réforme le jugement entrepris pour le surplus.

Déclare irrecevable le Docteur [E] [W] en son intervention volontaire.

Condamne la SA Crédit Foncier de France à payer à Me [U] es qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société [Adresse 8] la somme de un million cent quatre vingt quatorze mille cinq cent quatre vingt dix sept euros et soixante neuf centimes - 1.194.597,69 € - au titre de l'insuffisance d'actif., assortie des intérêts légaux à compter du 31 août 2004 , date de l'exploit introductif d'instance.

Ordonne la capitalisation des intérêts échus selon les conditions de l'article 1154 du Code Civil

Déboute Me [U] es qualités de sa demande de condamnation es qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Clinique du Bois de Vincennes.

Condamne la SA Crédit Foncier de France à payer à Me [V] [U] es qualités la somme de six mille euros - 6.000 € - sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés pour l'ensemble de la procédure en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Centre Chirurgical de Vincennes Fontenay;

Déboute Me [V] [U] es qualités de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés pour l'ensemble de la procédure en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Clinique Bois de Vincennes.,

Déboute la SA Crédit Foncier de France de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile .

Condamne la SA Crédit Foncier de France aux dépens de l'ensemble de la procédure, dépens qui ne comprendront pas toutefois le coût de l'expertise, dont distraction, pour les dépens concernant la procédure d'appel, au bénéfice de la SCP Petit-Lesenechal conformément aux dispositions de l'artiche 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 09/20641
Date de la décision : 15/09/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°09/20641 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-15;09.20641 ?
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