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15/09/2011 | FRANCE | N°09/10019

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 15 septembre 2011, 09/10019


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 15 Septembre 2011

(n°4 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/10019



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Novembre 2009 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU - Section INDUSTRIE - RG n° 08/00887





APPELANT

Monsieur [X] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Sandrine PRISO, avocat au barreau de VAL

DE MARNE, toque : PC 39





INTIMÉE

SARL ACCES TP HAUTS DE BIEVRE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Sylvie LEGROS-WOLFENDEN, avocat au barreau de PARIS...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 15 Septembre 2011

(n°4 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/10019

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Novembre 2009 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU - Section INDUSTRIE - RG n° 08/00887

APPELANT

Monsieur [X] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Sandrine PRISO, avocat au barreau de VAL DE MARNE, toque : PC 39

INTIMÉE

SARL ACCES TP HAUTS DE BIEVRE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Sylvie LEGROS-WOLFENDEN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1800

en présence de M. [M] [I], Gérant, en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Juin 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Julien SENEL, Vice-Président placé, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise FROMENT, président

Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseiller

M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 18 mars 2011

Greffier : Madame Violaine GAILLOU, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Françoise FROMENT, Président et par Mme Violaine GAILLOU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société ACCES TP HAUTS DE BIEVRE est une entreprise spécialisée dans les travaux d'assainissement et de petites voiries de particuliers. Elle travaille en collaboration avec la société ACCES TP, les deux entreprises intervenant sur deux secteurs géographiques différents.

M. [X] [Z] a été embauché par la société ACCES TP HAUTS DE BIEVRE, après une période d'intérim de juillet 2006 à avril 2007, en qualité de manoeuvre, ouvrier professionnel, par contrat à durée indéterminée à compter du 2 mai 2007 moyennant un salaire mensuel brut de 1683€ outre une prime de conduite de 80€. Il a intégré une des équipes composées de trois personnes, à savoir un chef d'équipe, un maçon et un ouvrier man'uvre.

Alors qu'il travaillait sur un chantier à [Localité 4] (91), il a ressenti le 15 février 2008 une forte douleur dans le bas du dos. Son médecin traitant a diagnostiqué une lombosciatique et lui a prescrit le jour même des antalgiques et le port d'une ceinture lombaire.

Par courrier du 11 avril 2008, son employeur lui a notifié un avertissement, n'étant pas satisfait de son comportement. Il lui a reproché le fait que son attitude était préjudiciable « sur les qualités du travail et le bon fonctionnement » de son équipe.

M. [X] [Z] a contesté cet avertissement en répondant le 21 avril 2008 notamment qu'il a « toujours été ponctuel, aucune absence, même en accident du travail ».

Le 28 avril 2008, le médecin du travail a constaté qu'il était « apte y compris à la conduite des engins de catégorie4 ». Suspectant une hernie, le médecin du travail a écrit au médecin de M. [X] [Z] en lui recommandant un IRM.

Par courrier du 30 avril 2008, l'employeur a convoqué M. [X] [Z] à un entretien préalable fixé selon lui par erreur au 13 novembre 2008 au lieu du 13 mai 2008. Une autre convocation lui a été adressée le 19 mai 2008 pour le 28 mai suivant. Ces deux convocations visaient « les graves faits qui se sont déroulés », ne laissant « pas d'autre issue ».

Parallèlement, M. [X] [Z] a adressé un arrêt de travail le 5 mai, comportant une prolongation de soins, et a demandé le paiement d'heures supplémentaires.

L'employeur a arrêté la procédure de licenciement en cours.

Par courrier du 29 mai 2008, la CPAM a reconnu le caractère professionnel de l'accident survenu le 15 février 2008, la déclaration ayant été faite le 22 avril 2008.

A son retour dans l'entreprise, M. [X] [Z] a remis un arrêt de travail se terminant le 2 juin 2008, daté du jour même, laissant apparaître une obligation de soins. L'employeur ayant envoyé le salarié passer une visite médicale de reprise, le médecin du travail a délivré un certificat d'aptitude sous réserves, libellé ainsi : « apte à l'essai, à l'exclusion des manipulations de bordures et charges supérieures à 25 kilos ; à l'exclusion de l'utilisation des outils vibrants à revoir en juillet 2008 ».

Par courrier daté du 26 mai 2008, que l'employeur affirme avoir reçu le 2 juin suivant, l'inspection du travail l'interrogeait sur l'accident du travail du salarié et lui demandait notamment d'apporter dans les plus brefs délais les précisions sur les circonstances de cet accident. Dans ces circonstances et compte tenu du travail à effectuer sur les chantiers, il a demandé au salarié de rester au siège social où il ne travaillait pas, ce que celui-ci a contesté par courrier recommandé, exigeant d'être réintégré sur un chantier. Par courrier daté du 6 juin 2008, l'employeur lui a indiqué qu'en raison de l'avis d'aptitude sous réserves délivré par le médecin du travail et pour éviter toutes difficultés, il était dispensé de se rendre sur les chantiers.

Parallèlement, l'employeur a écrit au médecin du travail pour lui demander d'étudier le poste occupé par le salarié et les conditions de travail dans l'entreprise.

Le médecin du travail s'est déplacé au siège social de l'entreprise le 10 juin. Constatant que le salarié était absent, il est reparti et a adressé un courrier en date du 11 juin dans lequel il s'est réservé la possibilité de modifier son avis en fonction des résultats de l'épreuve au travail. Il a ajouté que le jour de la visite de reprise il avait constaté une aggravation de l'état de santé du salarié, déjà notée le 28 avril.

Le 26 juin suivant, le médecin du travail a de nouveau reçu M. [X] [Z] et délivré cette fois un certificat d'inaptitude à tout poste dans l'entreprise dans les termes suivants :

«L'épreuve de travail prescrite le 2 juin 2008 n'a pas été réalisée.

Le poste de travail n'a pas pu être examiné pour ce motif.

Inapte au poste de man'uvre et à tout emploi sur chantier, en raison des séquelles de l'accident du travail du 15 février 2008.

Inapte à tout emploi dans l'entreprise avec effet immédiat.

Apte à tout travail dans toute autre entreprise à la condition que soit exclu la manutention habituelle de charges supérieures à 25 kgs ».

Le salarié n'a pas contesté cet avis.

Par courrier du 3 juillet 2008, l'employeur a informé le salarié de ses recherches de reclassement après examen des postes de travail au sein des entreprises ACCES TP HDB et ACCES TP.

Par lettre du 8 juillet 2008, M. [X] [Z] a été convoqué pour le17 juillet 2008 à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Il a été licencié pour inaptitude physique le 25 juillet 2008 compte tenu de l'avis délivré par la médecine du travail et de l'impossibilité de reclassement.

L'entreprise compte moins de onze salariés.

La relation de travail est régie par les dispositions de la convention collective des ouvriers des travaux publics.

Contestant son licenciement, il a, le 23 septembre 2008, saisi le conseil des prud'hommes de Longjumeau d'une demande tendant, en dernier lieu, à obtenir le paiement notamment de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et pour préjudice moral ainsi que le paiement d'heures supplémentaires de mai 2007 à avril 2008 et les congés payés afférents, une indemnité de trajet, une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civil et la remise de bulletins de paye rectifiés, le tout avec exécution provisoire outre les intérêts.

Par décision en date du 3 novembre 2009, le conseil des prud'hommes, faisant droit partiellement à ses demandes, a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, condamné la société ACCES TP HAUTS DE BIEVRE à lui payer les sommes de 168,97€ au titre des indemnités de trajet, 700 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine pour les créances salariales et du prononcé pour les autres et dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à 1948,70€.

Il a, pour le surplus, débouté M. [X] [Z] de ses demandes et condamné la société ACCES TP HAUTS DE BIEVRE aux dépens.

M. [X] [Z] a régulièrement relevé appel le 25 novembre 2009 de la totalité de cette décision.

Représenté par son conseil, M. [X] [Z] a, lors de l'audience du 10 juin 2011, développé oralement ses conclusions, visées le jour même par le greffier, aux termes desquelles il sollicite l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, le licenciement ne reposant sur aucune cause réelle et sérieuse, et la rupture étant abusive, ainsi que la condamnation de la société ACCES TP HAUTS DE BIEVRE à lui payer les sommes suivantes :

-23384,40€ de dommages-intérêts pour rupture abusive ( 12 mois),

-11693€ de dommages-intérêts pour préjudice moral (6 mois)

-1452,06€ d'heures supplémentaires et 145,20€ de congés payés afférents

-168,97€ d'indemnité de trajet

- 1500€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les dépens et les intérêts au taux légal à compter de la saisine.

Assistée de son conseil, la société ACCES TP HAUTS DE BIEVRE a, lors de l'audience du 10 juin 2011, développé oralement ses conclusions, visées le jour même par le greffier, aux termes desquelles elle sollicite au visa des articles L 1226-6 à L 1226-12 du code du travail, la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes. Elle demande à la cour de dire que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement est fondé, qu'elle n'a pas fait effectuer les heures réclamées par le salarié, et donc de le débouter de toutes ses demandes y compris celles d'indemnités de trajet et au titre de l'article 700 allouées par le Conseil.

MOTIFS ET DÉCISION DE LA COUR

Considérant qu'il résulte des articles :

- L1226-10 du code du travail que :

-lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités

-cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise

-l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ;

- L1226-12 du Code du Travail que:

- lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement 

- l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de l'impossibilité où il se trouve de proposer un autre emploi dans les conditions prévues à l'article L1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions ;

-s'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III

- L1226-15 du Code du Travail en cas de méconnaissance de ces dispositions par l'employeur, la juridiction saisie :

-peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise avec maintien des avantages acquis

-octroie, en cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, une indemnité au salarié, dont le montant ne peut être inférieur à 12 mois de salaires ;

Considérant par ailleurs que seules la ou les visites de reprise prévues par les articles R4624-21 et R4624-31 du code du travail mettent fin à la période de suspension du contrat de travail ;

Considérant qu'en l'espèce, la lettre de licenciement, dont la motivation fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :

'A la suite de l'accident dont vous avez été victime le 15/02/2008 et à l'issue de l'arrêt de travail qui en a résulté, vous avez été déclaré, par le Docteur [R], médecin du travail, apte à conserver votre poste de man'uvre sous réserve du non port de charges supérieures à 25 kg et de la non utilisation d'outils vibrants.

Cet avis d'aptitude à l'essai rendu le 2 juin 2008 a été suivi le 26 juin 2008 par d'un avis d'inaptitude complet au poste de man'uvre ou à tout autre emploi au sein de notre entreprise.

Comme nous vous en avions informé par lettre recommandée avec accusé réception en du 3 juillet 2008, ainsi que lors de l'entretien préalable en date du 17 juillet 2008, notre société a procédé à l'analyse de tous les postes existants au sein de notre entreprise et plus largement de notre groupe et, nous devons donc conclure à l'impossibilité de vous reclasser et ce pour les motifs rappelés ci -après :

L'ensemble des emplois existant dans l'entreprise et correspondant à votre qualification suppose le port de charges supérieures à 25 kg et l'utilisation d'outillages vibrants.

Les autres postes techniques dont nous disposons imposent le port de charges lourdes et ce même si cela est plus occasionnel que dans votre poste.

En effet comme nous vous l'avons exposé dans notre courrier du 3 juillet dernier où nous avons détaillé l'ensemble des postes existant dans les deux entreprises ACCESS TP et ACCESS TP HDB, notre secteur d'activité étant les travaux publics, nous n'employons que du personnel de chantier et du personnel administratif.

Le port de charges lourdes et l'usage d'engins vibrants ne sont pas allégés que pour les postes dont la qualification est la plus élevée ou de nature administrative.

Or, dans votre cas, votre niveau scolaire ne vous permet pas d'accéder à une formation permettant de conduire à un poste administratif ou plus qualifié au plan technique.

En conséquence, il m'est impossible de vous reclasser et suis donc dans l'obligation de vous licencier.

En application de l'article L.1226-14 du Code du travail, vous percevrez une indemnité compensatrice de préavis de 1 mois de salaire.

Au 25 juillet 2008, votre Droit individuel à la Formation s'élève à 25 heures.

Si vous nous en faites la demande avant la fin de votre préavis, une allocation de 136 euros à titre de contribution financière à une action de formation, de bilan de compétences ou de validation des acquis de l'expérience, le solde du coût de cette formation restant à votre charge.

Votre certificat de travail et votre attestation ASSEDIC vous seront transmis à l'issue de votre préavis.

Nous vous remercions de bien vouloir nous restituer immédiatement l'ensemble des matériels qui ont été mis à votre disposition par la société' ;

Considérant que le salarié soutient que l'employeur n'a pas permis à la Médecine du Travail de procéder à une étude complète du poste qu'il occupait ainsi que des postes disponibles et compatibles au sein de l'entreprise, tel qu'en atteste le Docteur [R], ce qui révèle une volonté manifeste de la part de l'employeur de se séparer de son salarié, qui avait été dispensé d'accéder aux chantiers du 02 au 26 juin 2008, alors qu'une période d'essai avait été préconisée par la Médecine du Travail; qu'en outre, l'employeur a procédé à des embauches du 9 au 20 juin 2008 tel que cela ressort du livre d'entrée et de sortie du personnel ;

Considérant que par courrier daté du 03 juillet 2008, ayant pour objet « RECLASSEMENT », l'employeur s'est adressé en ces termes au salarié :

"Nous vous adressons la présente à l'effet de faire le point sur votre situation au sein de notre entreprise.

Le 15 février 2008 vous avez indiqué vous être blessé sur un chantier.

Vous avez donc demandé qu'il soit procédé à une déclaration d'accident du travail ce qui a été effectué.

De nombreuses semaines après cet accident du travail vous avez été arrêté en maladie et à l'issue de cette période de maladie le 2 juin 2008 Monsieur le Médecin du travail a une reprisé à l'essai et soulignant que vous ne pouviez pas porter des charges supérieures à 25 kilos ou travailler sur matériel vibrant.

Votre poste étant un poste de man'uvre, nous avons dû vous demander de rester chez vous afin de nous permettre de procéder à un examen complet de votre situation et ce notamment avec Monsieur le Médecin du travail.

C'est dans ce contexte que nous avons examiné les possibilités de reclassement et donc en conséquences les postes de travail existants au sein de l'entreprise ACCES TP HDB et ACCES TP.

Au sein de la société ACCES TP HDB dont vous êtes salarié, nous disposons de trois postes de man'uvre dont le votre, d'un compagnon maçon, d'un chef d'équipe, d'un aide conducteur de travaux et d'un dirigeant.

Les trois postes de man'uvres correspondant à votre qualification imposent le maniement de charges lourdes et la conduite d'engins vibrants.

Le poste de compagnon maçon est unique et impose une longue formation. En toute hypothèse il conduit également au port de charges lourdes.

Le poste de chef d'équipe impose outre des connaissances techniques qui ne peuvent être acquis qu'au terme d'une longue formation également le port de charges lourdes.

Or, Le poste d'aide conducteur de travaux nécessitant d'être titulaire d'un BTS géomètre impose occasionnellement le port de charges lourdes.

Au sein de la société ACCES TP, nous disposons de postes similaire à savoir: man'uvre, maçon, chef d'équipe, chef de chantier, conducteur de travaux et ce pour les postes techniques.

Nous avons également un poste d'agent d'entretien à temps très partiel, d'assistante de gestion et de comptable.

Les différents postes techniques imposent au moins occasionnellement le port de charges lourdes.

En outre pour le poste de conducteur celui-ci ne peut être prétendu qu 'au terme d'un grand nombre d'années de formation.

Il en va de même pour les postes administratifs.

En conséquence, notre société ne dispose d'aucun poste pouvant correspondre à votre profil actuel ou à celui que vous seriez susceptible d'acquérir eu égard à votre niveau scolaire actuel.

En toute hypothèse tous les postes techniques imposent même à titre occasionnelle port de charges lourdes, notre société exerçant une activité de travaux publique bâtiment. »

Considérant, sur l'impossibilité de réintégration dans son poste et l'obligation de reclassement, que l'employeur soutient notamment qu'il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir pris le risque de mettre Monsieur [Z] sur un chantier au lendemain de l'avis avec réserves émis le 2 juin 2008 par la médecine du travail et que le salarié ne pouvait être réintégré car il manipule au quotidien des matériels lourds, utilise des machines et des outils du bâtiment ;

Considérant, que l'avis du médecin de travail en date du 28 juin 2008 était le suivant : «L'épreuve de travail prescrite le 02 juin 2008 n'a pas été réalisée, le poste de travail n'a pas pu être examiné pour ce motif.

Inapte au poste de man'uvre et à tout emploi sur chantier en raison des séquelles de l'AT du 15/02/2008.

Inapte à tout emploi dans l'entreprise avec effet immédiat.

Apte à tout travail dans toute autre entreprise à la condition que soit exclue la manutention habituel de charges $gt;25 kgs » ;

Considérant qu'il appartenait donc à l'employeur dans le cadre de l'essai préconisé par le médecin du travail de mettre en oeuvre les mesures transitoires nécessaires pour respecter lesdites préconisations ; qu'il a donc manqué à cette obligation en se dispensant de procéder à cet essai ;

Considérant que ce faisant, il n'a pas loyalement respecté son obligation de reclassement, qui lui imposait les éventuelles adaptations évoquées par les textes ;

Considérant que le licenciement est donc abusif; que le jugement sera donc infirmé sur ce point ;

Considérant que cette situation ouvre droit pour le salarié, compte tenu notamment de son ancienneté et de sa rémunération à la date de la rupture des relations de travail, à l'octroi d'une somme de 23.384,40 € à titre de dommages et intérêts ;

Considérant, sur la demande de dommages et intérêts sollicités à hauteur de 11.693 € en réparation du préjudice moral que Monsieur [Z] aurait subi du fait que l'employeur a, à deux reprises fait référence à un manque d'instruction à son encontre, qu'il n'est pas établi que ces écrits à tout le moins maladroits portent atteinte à la dignité de Monsieur [Z] ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande ;

Considérant, sur les heures supplémentaires, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que Monsieur [Z] affirme que ses horaires de travail étaient les suivants :

DUREE ET HORAIRES DE TRAVAIL

Durée hebdomadaire de travail :37 heures 45 mm

Horaires : du lundi au jeudi : 7h30/9h30 9h30/12h 13h/16h30
Vendredi : 7h30/9h30 9h45/12h 13h/15h30

Considérant que Monsieur [Z] affirme qu'il a été ainsi amené à effectuer des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées malgré sa demande effectuée par courrier le13 mai 2008 ;

Considérant que l'employeur rétorque qu'il a payé toutes les heures supplémentaires dues et que les relevés d'heures effectués au jour le jour par M.[B] ont été certifiés par l'expert comptable de l'entreprise et sont corroborés par les attestations de particuliers présents sur les chantiers litigieux ;

Considérant que les attestations et déclarations de M.[S], M.[N], M. [F], M.[U] et M.[V] établissent que pour la période litigieuse, Monsieur [Z] arrivait avec les autres salariés sur les chantiers entre 7heures 30 et 8 heures 30, et non à partir de 8 heures seulement, et repartait au plus tard à 16 heures ; que l'employeur ne fournit pas d 'élément contraire ; que dès lors, la demande est suffisamment étayée et le jugement sera infirmé de ce chef ;

Considérant que Monsieur [Z] explique en outre qu'en vertu de l'article 55 de la convention collective nationale applicable, les indemnités de petit déplacement au 01/01/2007, étaient calculées comme suit :

Indemnité de petits déplacements et salaires minima pour la région île de France :

ZONE Ia (0 à 5km)

ZONEIb (5à 10 km)

ZONE II (10 à 20 km)

ZONE III (20 à 30 km)

Trajet

Transport

Trajet

Transport

Trajet

Transport

Trajet

Transport

1-1-2007

1.90€

1.70€

1.90€

1.70€

2.82€

2.96€

4.39€

4.65€

Considérant que Monsieur [Z] explique qu'il a réalisé des temps de trajets plus importants de mai 2007 à avril 2008 qui n'ont pas été réglés et que sa demande de régularisation faite par courrier est demeurée sans effet ;

Considérant qu'il produit au soutien de cette demande une liste trés détaillée et non sérieusement contestée des trajets effectués de mai 2007 à avril 2008 ; qu'il est donc fondé en sa demande ;

Considérant qu'il est ainsi fondé à obtenir les sommes de 1.452,06 € au titre des heures supplémentaires et 145.20 € au titre des congés payés afférents, de 116.58 € au titre des indemnités de trajets, sur l'année 2007, et de 52,39 € sur l'année 2008, soit un total de 168.97 € ; que le jugement sera donc confirmé sur ce point ;

Considérant que la société ACCES TP HAUTS DE BIEVRE succombant en ses demandes, versera en cause d'appel à Monsieur [Z] la somme de 800€ en application de l'article 700 du code de procédure civile et supportera les dépens de première instance et d'appel ;

Considérant que les sommes de nature salariale allouées produiront intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2008, date de la réception par la société ACCES TP de la convocation en conciliation ; que les autres sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et a condamné la société "ACESS TP", qu'il convient d'appeler "ACCES TP", à lui verser la somme de 168,97 € à titre d'indemnité de trajet et la somme de 700 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant de nouveau pour le surplus :

Condamne la société ACESS TP HAUTS DE BIEVRE à payer à Monsieur [Z] les sommes suivantes :

-23384,40 € au titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

-1452,06 € au titre des heures supplémentaires,

- 145,20 €au titre des congés payés afférents,

Dit que les sommes de nature salariale allouées produiront intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2008, date de la réception par la société ACCES TP de la convocation en conciliation ;

Dit que les autres sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Condamne en outre la société ACESS TP HAUTS DE BIEVRE à payer à la somme 800€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamne la société ACESS TP HAUTS DE BIEVRE aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 09/10019
Date de la décision : 15/09/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°09/10019 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-15;09.10019 ?
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