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09/09/2011 | FRANCE | N°09/19673

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 09 septembre 2011, 09/19673


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 11









ARRET DU 09 SEPTEMBRE 2011



(n°220, 6 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 09/19673





Décision déférée à la Cour : jugement du 22 janvier 2009 - Tribunal de commerce de PARIS - 9ème chambre - RG n°2007041872







APPELANTE





S.A. ENTREPOT DUFFAUD PERE ET FILS, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par la SCP MICHEL GUIZARD, avoué à la Cour

assistée de Me ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRET DU 09 SEPTEMBRE 2011

(n°220, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/19673

Décision déférée à la Cour : jugement du 22 janvier 2009 - Tribunal de commerce de PARIS - 9ème chambre - RG n°2007041872

APPELANTE

S.A. ENTREPOT DUFFAUD PERE ET FILS, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par la SCP MICHEL GUIZARD, avoué à la Cour

assistée de Me Marie-Annick PICARD-DUSSOUBS, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque PC 58

INTIME

M. [E] [M] [S], exploitant le café [Adresse 5]

Antenne 19

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Nadine CORDEAU, avoué à la Cour

assisté de Me Monique PARET, avocat au barreau de PARIS, toque R 103

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 mai 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Bernard SCHNEIDER, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire, lequel a été préalablement entendu en son rapport

M. Bernard SCHNEIDER a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Fabrice JACOMET, Président

M. Bernard SCHNEIDER, Conseiller

Mme Dominique SAINT-SCHROEDER, Conseiller, désignée par ordonnance du Premier Président pour compléter la Cour

Greffier lors des débats : Mlle Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par M. Bernard SCHNEIDER, Conseiller ayant délibéré, le Président étant empêché, et par Mlle Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

La société ENTREPOT DUFFAUD PERE ET FILS (ci-après ENTREPOT DUFFAUD), société de vente en gros de boissons et [E] [S], ès qualités de gérant, exerçant à titre personnel, d'un débit de boissons, ont signé le 25 septembre 2001 un contrat d'une durée de cinq ans dit contrat d'achat exclusif de boissons par lequel, moyennant un engagement de se fournir exclusivement auprès d'elle pour l'achat de 500 hl minimum de bière, la société s'engageait à fournir un prêt d'argent et un cautionnement pour un montant de 100'000 F. Ce contrat prévoyait qu'en cas d'inexécution, le revendeur devrait à titre de clause pénale le paiement d'une indemnité forfaitaire de 25 % du chiffre d'affaires non réalisé.

En raison de l'inobservation, selon elle, des obligations du contrat, la société  ENTREPOT DUFFAUD a obtenu la délivrance d'une injonction de payer par le président du tribunal de commerce de Paris le 3 avril 2007 d'un montant, en principal, de 19'562,33 €, somme représentant à titre de pénalité 25 % des achats qui auraient dû être effectués.

M. [S] ayant formé opposition devant le tribunal de commerce, le tribunal, par jugement prononcé le 22 janvier 2009, a rejeté la demande de la société ENTREPOT DUFFAUD, au motif que conformément aux termes du contrat, il convenait de ramener l'obligation de fourniture à 250 hl annuels, quantité achetée, correspondant à la capacité effective du débit de boissons ; que, dès lors, les obligations contractuelles ayant pas été méconnues, il convenait de faire droit à l'opposition formée contre l'injonction de payer, la demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile étant par ailleurs rejetée.

Ayant relevé appel de cette décision, par dernières conclusions signifiées le 18 janvier 2010, la société ENTREPOT DUFFAUD demande l'infirmation du jugement et la condamnation de M. [S] à payer la somme de 19'254,29 € en principal avec intérêts à compter du 3 avril 2007, et 308,85 € au titre du solde d'une facture du 8 septembre 2006 avec les mêmes intérêts, ainsi que 3500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir pour l'essentiel au soutien de cette demande qu'il n'y a pas lieu à interprétation du contrat au sens de l'article 2 selon lequel les 'quantités minimales doivent correspondre à la capacité réelle du débit de boisson du revendeur' dès lors que la quantité prévue dans le contrat de 500 hl de bière sur cinq ans représente une consommation d'environ 200 litres par semaine, ce qui apparaît conforme à l'activité prévisible du fonds de commerce ; qu'à tout le moins, il appartient à l'intimé de rapporter la preuve que cette quantité est supérieure à ses possibilités de vente.

L'appelante ajoute que l'intimé a bénéficié grâce au contrat d'approvisionnement exclusif d'une contrepartie importante correspondant à une aide au financement de son installation, que la clause pénale a donc une cause et qu'il a cessé de manière fautive de s'approvisionner auprès d'elle en septembre-octobre 2005, c'est-à-dire au bout de la quatrième année, alors que son obligation ne cessait que le 21 septembre 2006.

Par dernières conclusions signifiées le 14 mars 2011, l'intimé demande la confirmation du jugement, le rejet de la demande en paiement de 308, 85 € et l'allocation de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, il expose que le contrat produit comporte des indications contradictoires dès lors que la quantité de 500 hl concerne la consommation sur cinq ans ou celle d'un an selon les pages, lesquelles ne sont d'ailleurs pas paraphées.

Il fait valoir qu'il n'a cessé de s'approvisionner qu'au début de l'année 2007 et qu'en 2006, il a commandé 6220 litres de bière, soit plus que les années précédentes.

Il ajoute que conformément à ce qu'a retenu le tribunal et conformément aux termes du contrat, il convient de prendre en considération la quantité minimale correspondant à la capacité réelle de l'établissement ; que la clause la plus favorable en termes d'interprétation du contrat, pour une quantité de 500 hl pour 5 ans, n'est cependant pas applicable s'agissant d'un engagement qui ne porte que sur la bière pression ; que l'avertissement qui lui a été adressé par courrier du 22 février 2006 est sans effet sur la question puisque ce courrier ne vise que le conditionnement des boissons en bouteilles.

En ce qui concerne le paiement de 308,04 €, il réplique que cette facture a été payée en cours de procédure.

SUR CE

Considérant, tout d'abord, que le chiffre à prendre en considération est celui de 500 hl pour cinq ans ce, en ce qui concerne uniquement la bière pression, tel qu'indiqué à l'article 3 du contrat ; la quantité devant être appréciée en tenant compte de la contrariété des termes employés dans le contrat et la nécessité d'analyser celui-ci en recherchant la commune intention des parties dans le doute de l'interpréter en faveur de celui qui a contracté l'obligation, conformément aux articles 1156 et 1162 du Code civil ;

Considérant, d'ailleurs, que le chiffre retenu de 500 hl pour cinq années est également admis explicitement par l'appelante dans son courrier du 13 mars 2007 aux termes duquel, elle écrit : 'ce contrat vous a engagé à réaliser un volume de 500 hl de bière en fûts et votre compte fait apparaître à ce jour un volume total de 240,11 hl.' ;

Considérant que l'engagement du débitant de boissons est le suivant :

'en contrepartie [de l'avantage économique donné] le revendeur achètera exclusivement au fournisseur les produits déterminés sous l'article trois, pour les quantités minimales indiquées sous le même article, aux conditions générales de vente du tarif de l'entreprise, identique à tous les clients de même nature.

Les quantités minimales définies doivent correspondre à la capacité réelle du débit de boisson du revendeur telle qu'elle peut être estimée par rapport au volume réalisé avant l'invention du présent contrat' ;

Considérant qu'il appartient à l'intimé qui s'est donc engagé à acheter pendant cinq ans une quantité de 100 hl de bière pression par an, de prouver que cet engagement ne correspondait pas à la capacité réelle du débit de boissons qu'il exploitait de façon à justifier le fait qu'il n'a pas respecté les premiers termes de cet engagement ;

Considérant que M. [S]. verse aux débats un tableau de ses achats mois par mois pour l'ensemble de la période de janvier 2002 à décembre 2006 concernant l'achat de bière pression ainsi conçu :

2001 : 6 hl

2002 : 24,6 hl + 17,50 hl + 5,40 hl + 0,30 hl

2003 : 25,8 hl + 20 hl + 3,6 hl

2004 : 18 hl + 14,3 hl + 4,5 hl

2005 : 25 hl + 10,5 hl + 3 hl

2006 : 37 hl + 14 hl + 6 hl ;

Considérant que les années à prendre en considération sont les années 2002/ 2006 ; que le total acheté pour cette période et non contesté par l'appelante s'élève à 289,50 hl ;

Considérant que l'intimé soutient que le chiffre retenu par le premier juge de 250 hl pour la période contractuelle considérée correspond, au vu des éléments de fait et de preuve produits par les parties, à ce que le fournisseur pouvait exiger 'au sens de la quantité minimale que l'on peut estimer par rapport au volume réalisé avant l'invention du contrat' ;

Considérant qu'il appartient à l'appelante de rapporter la preuve que le volume contractuel de 500 hl pour la période considérée correspondait à la quantité minimale réelle pouvant être retenue et que l'intimé n'a pas observé les conditions contractuelles de sorte qu'il est tenu à payer la clause pénale ;

Considérant que la société ENTREPOT DUFFAUD soutient que compte tenu de ses caractéristiques, le commerce de l'intimé, acheté 168'000 € pour un chiffre annuel de 79'000 €, situé à moins de 100 mètres du parc [Localité 6], comportant une jolie terrasse dans un quartier vivant et populaire, pouvait écouler 10'000 litres de bière par an, soit 200 litres par semaine ou encore une trentaine de litres par jour, soit 60 demis ; que le coût de cette quantité, 107'935,50 €, ne représente que 28 % du chiffre d'affaires déclaré ;

Considérant que l'appelante observe également que le contrat signé entre les parties conférait un avantage économique non négligeable au client puisqu'il lui permettait d'emprunter dans des conditions qu'il n'aurait jamais obtenues autrement afin d'acquérir et développer son commerce ; que cette coopération nécessitait la communication spontanée des chiffres d'affaires, du moins ceux relatifs à l'achat de la bière ; qu'à cet égard, il ne s'explique pas sur sa prétendue incapacité à observer le contrat ;

Considérant que l'irrégularité des chiffres débattus et les grande variation d'une année sur l'autre dans les commandes se déduit des chiffres fournis :

2002 : 47,8 hl

2003 : 49,4 hl

2004 : 36,8 hl

2005 : 38,5 hl

2006 : 57 ,6 hl

2007 : 23 hl ;

Considérant qu'il appartient à l'intimé, qui s'est engagé à rapporter la preuve de son incapacité structurelle à se fournir de la quantité pour laquelle il s'est engagé, de prouver que le chiffre ainsi avancé par l'appelante ne pouvait être respecté ce qu'il ne fait pas ;

Considérant que le contrat doit donc recevoir application et que l'inobservation de la commande minimale de 500 hl pour la période de cinq ans n'ayant pas été justifiée par l'intimé, celui-ci est débiteur de la clause pénale, le jugement étant donc infirmé ;

Considérant, dans ces conditions, qu'il convient de retenir que le chiffre d'affaires que l'intimé a réalisé avec son fournisseur aurait dû être supérieur de 77'017,15 € et que la clause pénale, s'élevant à 25 % de cette somme conformément au contrat doit être fixée à 19'254,29 € avec intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2007, date de l'ordonnance d'injonction de payer et capitalisation dans les termes de l'article 1154 du code civil à compter du 18 janvier 2010, date à laquelle cette demande a été formulée ;

Considérant, en dernier lieu, qu'il n'apparaît pas des pièces et écritures des parties que la somme réclamée de 308,05 € soit restée impayée ; que cette demande doit être rejetée ;

Considérant que pour des raisons d'équité, il convient de condamner l'intimé à payer à la société ENTREPOT DUFFAUD la somme de 3 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau,

Condamne M. [S] à payer à la société ENTREPOT DUFFAUD PERE ET FILS la somme de19'254,29 € avec intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2007 et capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du code civil à compter du 18 janvier 2010 ;

Le condamne, en outre, à payer la somme de 3500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne M. [S] aux dépens de première instance et d'appel ;

Dit qu'il pourra être fait application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier P/ le Président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 09/19673
Date de la décision : 09/09/2011

Références :

Cour d'appel de Paris J2, arrêt n°09/19673 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-09;09.19673 ?
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