Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 01 SEPTEMBRE 2011
(n° 276 , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/02067
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Novembre 2009 - Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 08/05343
APPELANTES
SAS CLOISONS PARTENA exerçant sous l'enseigne SDMS
représentée par son président directeur général
ayant son siège [Adresse 1]
SARL SELINONTE
représentée par son gérant
ayant son siège [Adresse 4]
représentées par la SCP REGNIER-BEQUET-MOISAN, avoués à la Cour
assistées de la SCP GIDE LORETTE NOUEL (Maître Louise DUVERNOIS), avocats au barreau de PARIS, toque : T 03
INTIMÉE
SAS SALAMANDRE
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège [Adresse 2]
représentée par la SCP ALAIN RIBAUT ET VINCENT RIBAUT, avoués à la Cour
assistée de la AARPI DDP avocats (Maître Philippe REZEAU), avocats au barreau de PARIS, toque : R 167
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral et en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 mai 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Lysiane LIAUZUN, présidente et Madame Anne-Marie LEMARINIER, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Lysiane LIAUZUN, présidente
Madame Christine BARBEROT, conseillère
Madame Anne-Marie LEMARINIER, conseillère
Greffier :
lors des débats : Madame Christiane BOUDET
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Lysiane LIAUZUN, présidente et par Madame BASTIN, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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* *
Par une promesse synallagmatique de vente du 22 octobre 2007, les sociétés Cloisons partena SDMS et Sélinonte se sont engagées à vendre sous différentes conditions suspensives et particulières à la société Salamandre un ensemble de lots d'un immeuble à usage industriel en copropriété situé [Adresse 1], les lots 2 à 9 et 16 à 20 appartenant à la société Cloisons partena SDMS et les lots 1 et 10 à 15 à la société Sélinonte, pour un prix de 5.800.000 €, la vente devant être réitérée par acte authentique le 31 décembre 2007 au plus tard, avec faculté de prorogation au 31 janvier 2008, la somme de 290 000 € ayant été séquestrée par la société Salamandre entre les mains de M. [G] [S], clerc de notaire de l'étude de Mme [M] [O], notaire associé à [Localité 3].
Faisant valoir qu'un rapport provisoire émanant de la société ICF, chargée par les parties d'effectuer un diagnostic environnemental du site, a révélé la présence de substances radioactives, ce qui justifie son refus de réitérer l'acte, lequel prévoyait une condition particulière de non révélation de pollution incompatible avec la destination du bien, la société Salamandre, a par actes des 18 et 22 avril 2008, fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Bobigny les sociétés Cloisons partena SDMS et Sélinonte en condamnation solidaire au remboursement de la somme de 290 000 € séquestrée, ainsi qu'au paiement de la quote-part du diagnostic environnemental à hauteur de 2 858,44 € et de la somme de 30 .000 € à titre de dommages et intérêts pour réticence abusive, outre 10 000 € au titre des frais irrépétibles.
Par jugement du 19 novembre 2009, le Tribunal de grande instance de Bobigny a :
- condamné solidairement les sociétés Cloison partena SDMS et Sélinonte à rembourser à la société Salamandre la somme de 290 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2008,
- ordonné au séquestre, Me [O], notaire, la libération de la somme de 290 000 €,- rejeté la demande d'astreinte,
- rejeté la demande de dommages-intérêts au titre de la résistance abusive,
- débouté les sociétés Cloisons partena SDMS et Sélinonte de l'ensemble de leurs demandes récapitulatives,
- condamné solidairement les sociétés Cloison partena SDMS et Sélinonte aux dépens, pouvant être recouvrés directement par M. Rezeau, avocat à la Cour conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par dernières conclusions signifiées le 15 avril 2011, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de leurs moyens, les sociétés Cloisons partena SDMS et Sélinonte, appelantes, visant les articles 1134, 1147, 1626, 1641, 1116 et 1226 du Code civil, concluent à l'infirmation du jugement en ce qu'il les a condamnées solidairement à rembourser la somme de 290 000 € à la société Salamandre avec intérêt au taux légal à compter du 8 février 2008, a ordonné la libération de la somme de 290.000 €, les a déboutées de l'ensemble de leurs demandes reconventionnelles et les a condamnées aux entiers dépens ainsi qu'à payer à la société Salamandre la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et demandent à la Cour, en statuant à nouveau, de:
à titre principal,
- dire qu'il n'existe aucune pollution incompatible avec la destination du site,
- constater qu'il n'existe aucune autre servitude que celles mentionnées dans la promesse litigieuse,
- dire que les délais de communication des audits environnementaux stipulés à la promesse ont été prorogés par les parties,
- en conséquence, dire que l'ensemble des conditions suspensives et particulières de la promesse a été réalisé,
- constater l'absence d'éviction totale ou partielle de la société Salamandre,
- en conséquence, dire la société Salamandre mal fondée à invoquer la garantie d'éviction,
- dire que la promesse de vente n'est affectée d'aucun vice caché,
- en conséquence, dire la société Salamandre mal fondée à invoquer la garantie des vices cachés,
- constater l'absence de réticence dolosive de leur part,
- par conséquent, dire la société Salamandre mal fondée à invoquer le dol,
- en conséquence, débouter la société Salamandre de l'ensemble de ses demandes,
à titre reconventionnel,
- constater que l'ensemble des conditions de la promesse de vente a été réalisé,
- constater la défaillance de la société Salamandre dans ses obligations au titre de la promesse de vente,
- leur donner acte de ce qu'elles renoncent à poursuivre la réalisation forcée de la vente,
- dire qu'elles sont bien fondées à mettre en 'uvre la clause pénale prévue par la promesse,
- dire que la défaillance de la société Salamandre leur a causé un préjudice,
- en conséquence, condamner la société Salamandre à leur verser la somme de 580 000 € au titre de la clause pénale prévue dans la promesse, répartie entre elles au prorata du prix de vente prévu dans la promesse soit 280.140 € au profit de la société Cloisons partena, et 299.860 € au profit de la société Selinonte,
- dire que M. [S], clerc de notaire en l'étude de Me [O], notaire, pris en sa qualité de séquestre de la somme de 290 000 € versée par la société Salamandre à titre d'acompte sur le prix, ne pourra se libérer de cette somme qu'à leur profit en exécution de la condamnation de la société Salamandre à intervenir, à due concurrence, et de l'autoriser à leur remettre ladite somme,
en toutes hypothèses,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes d'astreinte et de dommages et intérêts de la société Salamandre,
- condamner cette dernière aux entiers dépens ainsi qu'à leur payer la somme de 84 041,80 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, soit 42 020,89 € pour la société Sélinonte et 42 020,91 € pour la société Cloisons partena.
Par dernières conclusions signifiées le 12 mai 2011, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, la société Salamandre conclut à la confirmation du jugement entrepris, et demande à la Cour, en y ajoutant, de :
- dire que les intérêts échus à compter du 8 février 2009 seront capitalisés par application de l'article 1155 du Code civil,- dire que l'obligation de restitution des fonds sera assortie d'une astreinte de 200 € par jour suivant un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- condamner solidairement les sociétés Cloisons partena et Sélinonte à lui payer une indemnité de 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,
subsidiairement,
- dire que la présence de substances radioactives sur le site constitue pour elle une éviction,
en conséquence, prononcer la résolution du compromis aux torts et griefs des sociétés appelantes,
plus subsidiairement,
- dire que la présence de substances radioactives sur le site constitue pour elle un vice caché de la chose vendue,
- en conséquence, prononcer la nullité du compromis du 22 octobre 2007,
plus subsidiairement encore,
- relever que les sociétés appelantes ne pouvaient ignorer la présence de substances radioactives sur ce terrain,
- constater l'existence de fausses déclarations du vendeur sur l'absence d'activité soumise à autorisation ou à déclaration au sens des ICPE et sur l'absence de déchets toxiques,
- constater la résistance dolosive des sociétés appelantes,
en conséquence,
- prononcer la nullité du compromis pour réticence dolosive,
en tout état de cause,
- statuer comme précédemment requis et confirmer le jugement,
- condamner solidairement les sociétés Closions partena et Sélinonte aux entiers dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR,
Considérant que conformément aux dispositions de l'article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi ;
Considérant que la promesse synallagmatique de vente est soumise à la condition particulière suivante:
« qu'il soit établi avant la réalisation des présentes un audit environnemental complet émanant d'un bureau d'étude notoirement spécialisé en la matière, ce bureau devant être choisi par l'acquéreur.....Cet audit devra être réalisé et communiqué aux parties avant le 10 décembre 2007. En cas de pollution, elle doit être compatible avec l'activité pratiquée dans les locaux, comme indiqué ci-avant, ainsi qu'avec le code du travail et en particulier la sécurité des travailleurs. Dans le cas où, à dire d'expert, l'audit environnemental révèlerait une pollution des sols incompatible avec la destination des locaux, telle qu'indiquée dans la désignation ci-dessus, les présentes seraient nulles et non avenues sans indemnité de part et d'autre sauf accord des parties. Les frais d'établissement de cet audit environnemental seront supportés par le vendeur à hauteur de 2.390€, le surplus étant à la charge de l'acquéreur »;
Qu'il résulte des termes clairs et précis de cette stipulation, non susceptibles d'interprétation même pour des considérations d'équité, que les parties ont envisagé lors de la conclusion de la promesse de vente l'hypothèse d'une pollution du site et décidé d'un commun accord que seule une pollution des sols incompatible avec la destination des locaux telle que décrite dans l'acte, à savoir « un usage autre que l'habitation, soit usage d'atelier, stockage, bureaux, locaux sociaux et locaux techniques » (page 11) serait de nature à entraîner la nullité de la promesse de vente, l'acte ne comportant aucune mention relative à une autre affectation ;
Qu'il s'ensuit qu'en retenant qu'il convient d'examiner la pollution du site non pas au regard de la destination actuelle mais au regard du droit de propriété tel que défini par le code civil, le premier juge a dénaturé les termes clairs et précis de la convention ;
Considérant que la société Salamandre soutient que l'hypothèse d'une pollution radioactive, qui n'a été découverte qu'en novembre 2007, n'était pas entrée dans le champ contractuel lors de la signature de la promesse de vente le 22 octobre 2007, seules les pollutions classiques (hydrocarbures, amiante, déchets) dont faisait état le rapport URS du 18 mars 2005 communiqué par les sociétés venderesses le 9 octobre 2007 ayant été envisagées, ledit rapport précisant en outre que d'après le personnel du site, aucune substance radioactive n'est présente sur le site ;
Que toutefois, dans un e-mail du 10 octobre 2007, un représentant de la société Salamandre, M. [I] [V], a indiqué vouloir faire réaliser un diagnostic environnemental complet afin d'avoir une connaissance globale de toute pollution susceptible d'être contenue dans les sols, ce dont il résulte que la société Salamandre a bien envisagé la possibilité d'autres types de pollution que ceux révélés par le rapport SUR ;
Que la condition particulière insérée par les parties dans la promesse de vente prévoit la réalisation d'un audit environnemental complet, incluant donc la recherche de tout type de pollution, et n'opère aucune distinction entre les types de pollution, étant précisé que seule une pollution du sol incompatible avec la destination des locaux entrainerait la nullité de l'acte ;
Que la pollution radioactive entre donc bien dans le champ des prévisions de la condition particulière de la promesse de vente, étant observé que les investigations complémentaires confiées à l'INSERN par la société Partena ont pour objet de rechercher si la pollution radioactive décelée par ICF est compatible avec le maintien de l'activité sur le site ainsi que prévu dans la promesse de vente ;
Considérant que le rapport déposé par ICF environnement le 9 novembre 2007 fait état d'une pollution radioactive en un point (au droit du sondage S1) devant provenir du site voisin ([Adresse 5]) qui a accueilli un laboratoire [C] et [E] [X] et où des déchets radioactifs ont été enterrés, l'activité des terres au droit des autres sondages étant comparable à une activité radioactive normale, des investigations complémentaires par un bureau d'études spécialisé en pollution radioactive étant préconisées afin de déterminer le risque potentiel d'une telle activité nucléaire, lesquelles ont été confiées d'un commun accord des parties à l'IRSN le 20 décembre 2007 ;
Considérant que l'IRSN, qui est intervenue sur le site les 15 et 16 janvier 2007, a conclu dans un premier rapport en date du 2 février 2008 à la présence d'une contamination radiologique se situant en profondeur et non circonscrite à la zone située en limite de parcelle du site Charvet ne nécessitant pas de dispositions en termes de radioprotection en l'absence de risque radiologique pour les occupants du site, sous réserve du résultat de la mesure intégrée de radon, et a recommandé d'instaurer des servitudes ou des restrictions d'usage du site qui permettraient de pérenniser l'information sur l'historique du site et de prévoir des précautions particulières pour la réalisation d'aménagements ultérieurs comme par exemple un contrôle des terres excavées ;
Qu'après avoir effectué le mesurage du radon, l'IRSN a conclu dans un rapport du 4 février 2008 porté à la connaissance de la société Salamandre le 7 avril 2008 à une concentration en radons dans les ateliers et bureaux dépistés comparable aux valeurs mesurées lors des campagnes nationales, précisant que les concentrations sont inférieures à la valeur seuil de 400 Bq-m3 indiquée dans la législation pour les établissements recevant du public ;
Considérant que, après un déplacement de l'IRSN sur le site, mais sans attendre le dépôt des deux rapports sus-visés, la société Salamandre a, par lettre du 18 janvier 2008, avisé les sociétés venderesses qu'elle n'entendait pas donner suite à l'acquisition du bien en raison de la découverte de la présence de substances radioactives exogènes de la famille du radium en raison de réglementations très contraignantes, notamment lors de toute excavation du sol et de tout redéveloppement et des coûts prohibitifs du traitement ou du stockage des sols pollués par la radioactivité ;
Considérant qu'il est établi par les deux rapports de l'IRSN que la pollution radioactive constatée sur le site est compatible avec l'activité pratiquée dans les locaux ainsi qu'avec le code du travail et en particulier la sécurité des travailleurs et est compatible avec la destination des locaux indiquée dans la promesse de vente ;
Que le dépistage du radon effectué par l'IRSN est suffisamment probant, le temps de pose des dosimètres ayant été de un mois (du 17 janvier au 18 février 2008) et non sept jours comme indiqué par la société Salamandre ;
Qu'il s'ensuit que la condition particulière de la promesse de vente relative à l'existence d'une pollution compatible avec la destination des locaux est donc remplie ;
Considérant qu'en saisissant d'un commun accord, après le dépôt de ICF environnement, l'INSERN le 20 décembre 2007 aux fins d'investigations complémentaires, les parties ont nécessairement prorogé d'un commun accord le délai dans lequel devait être communiqué l'audit environnemental, lequel expirait aux termes de la condition particulière le 10 décembre 2007, jusqu'au dépôt du rapport ;
Considérant que la condition particulière tendant à ce que « le vendeur produise à l'acquéreur dans les 45 jours, par un organisme dûment habilité et préalablement validé par l'acquéreur, un état précisant l'innocuité des matériaux et matériels présents sur le site au regard de la santé des personnes et notamment que les matériaux amiantés présents soient compatibles avec la destination des locaux, à savoir: activités, entreposage, bureaux, locaux sociaux et techniques, et ne présente aucun danger pour les personnes y travaillant ou pouvant s'y trouver, et ne soit pas contraire au code du travail » concerne uniquement l'amiante et non la pollution du sol prévue par la condition particulière précédente ;
Considérant que la « servitude permettant de prévoir les précautions pour la réalisation d'interventions ou d'aménagements ultérieurs » dont la mise en place est préconisée (et non imposée) par l'IRSN a pour objet de pérenniser l'information sur l'historique du site, d'assurer la traçabilité de la contamination radioactive et ne constitue pas la servitude de droit privé (qui suppose l'existence d'un fonds servant et d'un fonds dominant) ni la servitude de droit public (qui est instituée par la loi ou le règlement) visées à la condition suspensive de la promesse de vente prévoyant que « il n'y ait pas d'autres servitude de droit privé ou publique autres que celles qui sont relatées aux présentes » ;
Considérant que seule une pollution incompatible avec l'activité pratiquée dans les locaux telle que décrite dans la promesse de vente justifie la nullité de l'acte, les parties n'ayant pas fait entrer dans le champ contractuel l'hypothèse de réalisation de travaux sur le bien acquis ;
Considérant que n'est pas rapportée la preuve de l'inexactitude des déclarations du vendeur selon lesquelles :
- il n'a été porté à sa connaissance aucun désordre ou inconvénient pouvant résulter de l'exercice d'activités antérieures, d'une exploitation soumise à autorisation dans l'immeuble et qu'il n'a jamais été transporté de déchets toxiques provenant d'une telle activité dans un endroit ou vers une destination qui pourrait engager sa responsabilité ou celle de l'acquéreur ou qui pourrait entraîner des frais de nettoyage ou de remise en état du site, des atteintes à l'environnement ou des dommages aux personnes,
- à sa connaissance, ni lui-même, ni aucun propriétaire antérieur, ni aucun locataire ou occupant de l'immeuble n'y a traité ou stocké, soit en surface soit en sous-terrain, aucun déchet ou substance toxique
- à sa connaissance, l'immeuble n'est frappé d'aucune pollution susceptible de résulter notamment d'exploitation actuelle ou passée d'une installation classée pour la protection de l'environnement,
étant observé que ces déclarations visent essentiellement les activités exercées sur le site faisant l'objet de la promesse de vente alors la pollution radioactive révélée par les audits environnementaux provient exclusivement des activités exercées dans le passé sur le site voisin dont il n'est pas établi que les sociétés venderesses en connaissaient la nature ;
Considérant que la présence de substances radioactives dans le sol n'est pas constitutive d'une éviction partielle au sens de l'article 1626 du code civil, ni les sociétés venderesses ni aucun tiers ne revendiquant des droits sur l'immeuble objet de la vente ;
Considérant que conformément aux dispositions de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie des vices cachés de la chose qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ;
Considérant que l'éventualité d'une pollution du terrain a été prise en compte lors de la promesse de vente puisque la société Salamandre, qui est un professionnel de l'immobilier, a fait inclure une clause prévoyant un audit environnemental ayant pour objet de rechercher toute pollution, donc également la pollution radio-active, et a envisagé les conséquences de la découverte d'un pollution, prévoyant que seule une pollution incompatible avec la destination du site, à usage d'atelier, stockage, bureaux, locaux sociaux et locaux techniques était de nature à entraîner la nullité de la promesse de vente ;
Qu'un éventuel changement de destination entraînant une restructuration profonde du site et d'importants travaux d'excavation et de fondations n'est pas entré dans le champ contractuel, d'autant qu'une partie des locaux était louée à des tiers et que la société Salamandre s'était engagée à donner le surplus à bail à la SAS Cloisons partenaires avec un période initiale minimale de six ans, cette durée étant de douze ans dans le projet de bail ;
Que la pollution radioactive affectant une partie du site étant limitée, aucune disposition de protection en termes de radioprotection n'étant nécessaire, et ne rendant pas le bien impropre à son usage tel qu'entré dans le champ contractuel, la demande de nullité de la promesse de vente sur le fondement des vices cachés sera rejetée, étant surabondamment observé que la pollution constatée n'interdit pas une restructuration du site, mais nécessite seulement de prévoir des précautions particulières comme par exemple un contrôle des terres excavées ;
Considérant que le dol, qui ne se présume pas mais doit être prouvé, suppose la réunion d'un élément matériel (la réalisation de man'uvres) et un élément intentionnel (le dessein de tromper) ;
Considérant que la société Salamandre émet des supputations, mais ne rapporte pas la preuve de ce que les sociétés venderesses auraient connu l'existence d'une pollution radioactive avant sa découvert par ICF environnement, étant observé que si tel avait été le cas, il aurait été surprenant qu'elles aient accepté d'inclure dans la promesse de vente la condition particulière relative à l'exécution d'un audit environnemental ;
Qu'il est constant que la pollution radioactive révélée par les audits environnementaux provient exclusivement de l'activité industrielle d'extraction du radium à partir de minerais d'uranium exercées par la Satchi de 1913 à 1928 sur le site voisin sur lequel se sont succédées depuis plusieurs entreprises ayant une activité sans rapport avec celle de la Satchi, la dernière étant l'entreprise Charvet ;
Qu'il sera encore relevé que [R], directeur immobilier du groupe Lafarge auquel appartiennent les sociétés venderesses a quitté le BRGM en 1989, avant la création de la base de données BASIAS qui référençait le site Charvet et que les articles de journaux publiés en 1997 et 1998 après la découverte de la pollution radioactive sur le site Charvet ne font état que de la pollution de ce site, la note de l'IRSN du 30 mars 2010 faisant état de ce que le site Partena est inclus dans le périmètre d'observation autour du site Charvet étant postérieure à la conclusion de la promesse de vente ;
Qu'il n'est donc pas rapporté la preuve que les sociétés venderesses connaissaient l'existence d'une pollution radioactive sur leur site avant son constat par ICF environnement, la demande fondée sur le dol étant donc rejetée ;
Considérant que le jugement entrepris sera donc infirmé en toutes ses dispositions et la société Salamandre déboutée de toutes ses demandes ;
Considérant que la promesse de vente est assortie d'une clause pénale aux termes de laquelle « au cas où l'une quelconque des parties après avoir été mise en demeure ne régulariserait pas l'acte authentique et ne satisferait pas aux obligations alors exigibles, elle devra verser à l'autre partie à titre de clause pénale conformément aux dispositions des articles 1152 et 1226 du code civil, la somme de 580.000 €.
Le tout sans que cette stipulation puisse nuire en aucune façon au droit de la partie non défaillante de poursuivre judiciairement la réalisation de la vente et de réclamer tous autres dommages et intérêts auxquels elle pourrait prétendre » ;
Considérant que les sociétés venderesses ayant mis vainement la société Salamandre en demeure de régulariser la vente par acte authentique le 19 février 2008, il y a lieu de faire application de la clause pénale et de condamner la société Salamandre à payer aux sociétés Cloisons Partena et Sélinonte la somme de 580.000 € répartie entre les sociétés Cloisons Partena et Sélinonte au prorata du prix de vente prévu dans la promesse, soit 280.140 € au profit de la société Cloisons Partena et 299.860 € au profit de la société Selinonte ;
Considérant que les sociétés Cloisons Partena et Sélinonte ne rapportent pas la preuve d'un préjudice qui ne soit pas indemnisé par la clause pénale qui a précisément pour objet d'indemniser forfaitairement la partie non défaillante des conséquences du refus de son
co-contractant de poursuivre la vente ;
Qu'elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour refus abusif ;
Considérant que la société Salamandre, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel et devra indemniser les appelantes des frais non répétibles exposés tant en appel qu'en première instance à concurrence de la somme totale de 30.000 € ;
PAR CES MOTIFS,
Par arrêt rendu contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
Condamne la société Salamandre à payer aux sociétés Cloisons Partena et Sélinonte la somme de 580.000 € au titre de la clause pénale qui sera répartie entre elles au prorata du prix de vente, soit 280.140 € au profit de la société Cloisons partena et 299.860 € à la société Selinonte,
Dit que M. [G] [S], clerc de notaire en l'étude de Me [M] [O], pris en sa qualité de séquestre de la somme de 290.000 €, ne pourra se libérer de cette somme qu'au profit des sociétés Cloisons Partena et Sélinonte en exécution de la condamnation prononcée par le présent arrêt, à due concurrence, et l'autorise à remettre ladite somme aux sociétés Cloisons Partena et Sélinonte,
Condamne la société Salamandre à payer aux sociétés Cloisons Partena et Sélinonte, ensemble, la somme totale de 30.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toute autre demande,
Condamne la société Salamandre aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière,La Présidente,