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01/09/2011 | FRANCE | N°09/02743

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 01 septembre 2011, 09/02743


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 01 SEPTEMBRE 2011



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/02743



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Janvier 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2006053940





APPELANTE



SA FRANCAISE DES TRANSPORTS GONDRAND

ayant son siège : [Adresse 1]



représentÃ

©e par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Me François CITRON de la AARPI GODIN CITRON & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R259,





INTIMEES



SOCIETE FIPAR AG...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 01 SEPTEMBRE 2011

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/02743

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Janvier 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2006053940

APPELANTE

SA FRANCAISE DES TRANSPORTS GONDRAND

ayant son siège : [Adresse 1]

représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Me François CITRON de la AARPI GODIN CITRON & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R259,

INTIMEES

SOCIETE FIPAR AGRO INTERNATIONAL venant aux droits de la SOCIETE EFI TRADE

ayant son siège : [Adresse 3]

représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour

assistée de Me Vanessa BENICHOU de la SELARL W & S, avocat au barreau de PARIS, toque : L0215, substituant Me Joël ALQUEZAR,

SOCIETE UNCAA

ayant son siège : [Adresse 5]

représentée par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour

ayant pour avocat Me Patrick MICHAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : E 2123, dépôt du dossier,

SAS CHAMPAGNE FERTILISANTS

ayant son siège : [Adresse 4]

représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour

assistée de Me Vanessa BENICHOU de la SELARL W & S, avocat au barreau de PARIS, toque : L0215, substituant Me Joël ALQUEZAR,

SOCIETE EVERTRADE, société en liquidation amiable représentée par son liquidateur en exercice

ayant son siège : [Adresse 2]

représentée par la SCP MONIN D AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour

assistée de Me Edouart TAY PAMART, avocat au barreau de , toque : J 040, plaidant pour le cabinet HOLMAN FENWICK & WILLAN,

COMPOSITION DE LA COUR :

Après le rapport oral de Madame Janick TOUZERY-CHAMPION, Conseillère et conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mai 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente

Madame Janick TOUZERY-CHAMPION, Conseillère

Madame Patricia POMONTI, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Anne BOISNARD

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, présidente et par Mademoiselle Anne BOISNARD, greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Les 13 juin et 1er septembre 1996, la société Evertrade a acquis 22.000 tonnes de solution azotée auprès d'une société polonaise ZAKLADY AZOTOWE PULAWY(ci-après Zap), marchandise qui a été acheminée du port polonais de [6] jusqu'au port de [Localité 7] en France sur les bateaux MV Hilda Knusten et Hummel. Puis cette société a ensuite revendu cette marchandise aux sociétés Champagne Fertilisants, Efitrade (devenue la société Fipar Agro International) et UNCAA.

La Société Française des Transports Gondrand Frères (ci-après société Gondrand) commissionnaire en douane, se substituant à la société Valtrans, transitaire non agrée en douane, a pris en charge les opérations de dédouanement de cette marchandise et a sollicité l'exemption du droit anti-dumping institué par un règlement communautaire n° 3319/94 du 22 décembre 1994, lequel lui a été accordé dans un premier temps. Puis après un contrôle a postériori, l'Administration des douanes, remettant en cause le bénéfice tarifaire favorable accordé, a notifié à la société Gondrand une taxation d'un montant de 282 612,73 € correspondant aux droits antidumping qu'elle n'aurait pas acquittés.

La société Gondrand a formulé une demande de remise des droits auprès de la Commission Européenne et a parallèlement contesté cette taxation devant le Tribunal de Police de Rouen lequel a sursis à statuer dans l'attente de la décision de la Commission Européenne.

La Commission Européenne ayant rejeté cette demande de remise de droits par une décision du 14 janvier 2002, la société Gondrand a introduit une instance devant le Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes qui à son tour a rejeté sa demande dans un arrêt du 21 septembre 2004.

Sur la base de cette dernière décision, l'Administration des douanes a saisi le Tribunal de police de Rouen d'une demande de paiement des droits antidumping par la société Gondrand ,laquelle a alors appelé en garantie les sociétés Champagne Fertilisants, Fipar Agro International (venant aux droits de la société Efi Trade), Evertrade et UNCAA. Par jugement du 20 octobre 2005, le Tribunal de Police de Rouen a débouté l'Administration des douanes de sa prétention et déclaré sans objet les appels en garantie, en estimant que le véritable importateur des marchandises en provenance de Pologne était la société Evertrade.

L'Administration des douanes ayant interjeté appel de ce jugement, par arrêt du 1er février 2007, la Cour d'appel de Rouen l' a infirmé et a condamné la société Gondrand à payer la somme de 282 612,73 € correspondant aux droits éludés lors des déclarations en douane. Enfin selon arrêt du 28 mai 2008, la Cour de cassation a confirmé cette dernière décision.

Les 4, 11 juillet et 7 août 2006, la société Gondrand a fait assigner en garantie les sociétés Fipar Agro International, Uncaa, Champagne Fertilisants et Evertrade devant le Tribunal de commerce de Paris, lequel par jugement du 22 janvier 2009 a :

- donné acte à la société Fipar Agro International de ce qu'elle se substitue à la société Efi Trade,

- rejeté l'appel en garantie formé par la société Gondrand à l'encontre des sociétés Champagne Fertilisants, Fipar Agro International (venant aux droits de la société Efi Trade), Evertrade et Uncaa, en retenant la faute de la société Gondrand pour avoir méconnu le règlement communautaire n° 3319/34 ou l'avoir interprété de façon erronée,

- condamné la société Gondrand à verser à chacune des intimées une somme de 3.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par conclusions récapitulatives signifiées le 16 mars 2011, la société Gondrand, appelante, demande :

- l'infirmation du jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Paris le 22 janvier 2009,

- la condamnation de la société Evertrade à lui payer la somme de 282 612,73 € solidairement avec la société Champagne Fertilisants à hauteur de 103 987,76 €, la société Uncaa à hauteur de 62 392,66 € et la société Fipar Agro International à hauteur de 116.232,31 €, somme assortie des intérêt au taux légal à compter de son paiement par la société Gondrand entre les mains de l'administration des douanes

-la condamnation de chacune des quatre sociétés intimées à lui verser la somme de 2.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien des ses prétentions elle invoque un mandat la liant aux sociétés intimées, en estimant que les actes de dédouanement qu'elle a effectués au profit des sociétés intimées sont constitutifs d'un mandat, justifiant ainsi d'une action de nature contractuelle à l'égard de celles-ci. Elle précise que la circonstance que cette opération de dédouanement ait été effectuée par le biais d'une sous-traitance en cascade est une pratique incontestée en matière de dédouanement, ce qui ne modifie pas sa qualité de mandataire. Elle fait également valoir qu'elle n'a pas commis de faute, en ce qu'elle n'est pas responsable du circuit commercial et logistique de cette opération, qui l'a obligée à dédouaner les marchandises au nom de chacune des sociétés. Elle soutient encore que la lettre du Règlement et ses difficultés d'interprétation, le libellé des documents transmis ainsi que la qualité de professionnelles averties du commerce de l'engrais des sociétés intimées ne lui permettaient pas de penser que les marchandises pouvaient être assujetties aux droits antidumping revendiqués a posteriori par l'Administration. Elle prétend avoir informé sans aucun retard les sociétés intimées du redressement douanier. Enfin, elle argue de l'absence de préjudice des sociétés intimées.

Par conclusions récapitulatives du 28 avril 2011, les sociétés Champagne Fertilisants et Fipar Agro International, venant aux droits de la société Efi Trade, intimée formant appel incident, demandent :

- la confirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris,

- à titre principal, un donné acte à la société Fipar Agro International de sa substitution au lieu et place de la société Efi Trade et de son intervention volontaire,

- la constatation de l'absence de tout lien contractuel entre la société Gondrand et les sociétés Champagne fertilisants et Fipar Agro International,

- à titre subsidiaire, la constatation des fautes professionnelles commises par la société Gondrand, et de sa responsabilité ,

- en tout état de cause, le rejet de l'appel en garantie formé par la société Gondrand à leur encontre,

- le rejet de toutes les prétentions de la société Gondrand,

- la condamnation de la société Gondrand à leur payer à chacune une somme de 10.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés Champagne Fertilisants et Fipar Agro International considèrent qu'il n'existe aucun lien contractuel entre elles et la société Gondrand; à cet effet elles affirment n'avoir jamais donné d'instruction à la société Gondrand pour que les marchandises soient mises en libre pratique à leurs noms, de sorte qu'elles ne sauraient être appelées en garantie par la société Gondrand.

A titre subsidiaire, elles font valoir que la société Gondrand est responsable en sa qualité de commissionnaire en douane, spécialiste de la réglementation douanière, de sorte qu'elle est responsable de toute irrégularité constatée à l'occasion d'une opération de dédouanement. Elles reprochent à la société Gondrand d'avoir méconnu le règlement communautaire, d'avoir en outre manqué à son devoir de conseil en omettant de les informer qu'en cas de vente indirecte, les droits antidumping s'appliqueraient. Elles estiment qu'elles auraient pu, si elles avaient été informées, instaurer un autre circuit commercial, renoncer à l'importation, ou s'approvisionner auprès d'un autre fournisseur dans un autre pays. Elles estiment que leur préjudice résulte de ce manquement à son devoir de conseil par la société Gondrand, puisqu'elles ne peuvent plus répercuter ces taxes sur le prix de revente des marchandises, celles-ci ayant été commercialisées depuis de nombreuses années.

Par conclusions récapitulatives du 5 juillet 2010, la société Evertrade aujourd'hui en liquidation amiable, intimée formant appel incident, demande :

- la confirmation en toutes ses dispositions du jugement querellé,

- la condamnation de la société Gondrand à lui régler la somme de 10.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Evertrade invoque l'irrecevabilité des demandes de la société Gondrand au titre des importations réalisées par les sociétés Efi Trade et Champagne Fertilisants. Elle conteste être le mandant de la société Gondrand pour les deux opérations de dédouanement effectuées par cette dernière au bénéfice des sociétés Efi Trade et Champagne Fertilisants. Elle considère qu'elle n'est pas débitrice des droits antidumping et que la société Gondrand ayant réglé les droits pour le compte de la société UNCAA en qualité d'importateur réel et débiteur réel des droits antidumping, cette dernière est seule tenue de supporter la charge de ces droits. Elle fait grief à la société Gondrand d'avoir commis une faute dans la mesure où il lui appartenait de faire une exacte application de la réglementation douanière indépendamment de la manière dont les importateurs ou destinataires réels des marchandises pouvaient interpréter cette réglementation.

Par conclusions récapitulatives du 8 juin 2010, la société Uncaa , intimée formant appel incident sollicite également :

- la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- la condamnation de la société Gondrand à lui verser une somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société UNCAA prétend qu'elle n'est pas liée par un contrat de mandat avec la société Gondrand qui a commis une faute en établissant, sans mandat, une déclaration douanière erronée; elle explique que son seul cocontractant est la société Evertrade. Elle reproche à la société Gondrand d'avoir méconnu le règlement communautaire, en ne signalant pas ses erreurs auprès des sociétés intimées et en ne leur permettant pas de répercuter les droits antidumping sur le prix de vente des marchandises.

La Cour renvoie pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Considérant que les intimées contestent, en premier lieu, tout lien contractuel avec la société Gondrand commissionnaire agrée en douane, à qui elle n'ont jamais, selon elles, transmis d'instruction quelconque ;

Mais considérant qu'il ressort des pièces produites et notamment des pièces 15, 16, 25, 62 de la société Gondrand que cette dernière a été missionnée par la société Valtrans, en sa qualité de transitaire non agrée, laquelle s'était vue transmettre le pouvoir de dédouaner les marchandises litigieuses par l' agence maritime Humann, chargée elle-même par la société Everade de réceptionner les deux navires dénommés Hummel et MV Hilda Knusten qui transportaient lesdites marchandises ;

Que les sociétés intimées ne peuvent nier que pour entrer en possession des marchandises en provenance de Pologne - qu'elles ont acquises et qui leur ont été livrées dédouanées - un professionnel du dédouanement a été requis pour y procéder ; que la société Valtrans, qui n'avait pas la qualité de commissionnaire agrée en douane, devait nécessairement s'adresser pour le traitement de l'opération douanière à un commissionnaire ayant cette qualité; que la substitution d'intervenants en dehors de la connaissance préalable de l'importateur de la marchandise, qui correspond à une nécessité pratique, est une pratique habituelle en droit des transports; qu'en l'espèce l'intervention de la société Gondrand était indispensable pour que les intimées puissent entrer en possession des marchandises et en avoir un libre usage ; que la mission de dédouaner les marchandises a donc bien été donnée par les sociétés intimées à la société Gondrand ; que ce premier moyen est donc inopérant ;

Considérant en second lieu que les sociétés intimées mettent en cause la responsabilité de la société Gondrand, en sa qualité de commissionnaire agrée pour avoir commis une erreur dans l'application de la réglementation communautaire et pour avoir manqué à son devoir de conseil, griefs qui sont contestés par l'appelante ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la société Gondrand, commissionnaire agrée en douane, a mis en libre pratique les 22, 23 août et 17 septembre 1996, auprès du bureau des douanes de [Localité 7] en France, trois cargaisons de mélange d'urée et de nitrate d'ammonium en solution, originaires de Pologne pour le compte de trois sociétés françaises Champagne Fertilisants, Efi Trade et Uncaa; que ces marchandises avaient été achetées auprès de la société polonaise Zap par la société Evertrade et avaient donc fait l'objet d'une première facturation par la société Zap à la société Evertrade les 13 juin et 1er août 1996, avant d'être facturées par cette dernière aux destinataires (factures du 12 août 1996 aux sociétés Champagne Fertilisants et Uncaa et du 21 août 1996 à la société Efi Trade) ;

Qu'après un contrôle a posteriori de l'Administration des douanes, les droits anti-dumping prévus à l'article 1er, paragraphe 3, deuxième alinéa du règlement n° 3319/94 CEE lorsque les importations mises en libre pratique ne sont pas directement facturées à l'importateur ont été exigés par cette dernière ;

Que par une décision, devenue définitive, la société Gondrand a été condamnée à verser à l'Administration des douanes la somme de 282.612,73 € au titre de ces droits anti-dumpings éludés ;

Que pour solliciter la garantie des sociétés intimées , elle fait valoir qu'elle a reçu des instructions pour mettre les marchandises en libre pratique au nom des sociétés Champagnes Fertilisants, Efi Trade et Uncaa, de sorte qu'elle n'a pas elle-même choisi le circuit commercial et logistique de ces opérations ;

Qu'il doit être accordé crédit à cette thèse, dès lors que les factures de vente émises par la société Evetrade et remises à la société Gondrand témoignent de la revente par la société Evertrade à des sociétés tierces avant la libre pratique des marchandises; qu'au demeurant ces trois sociétés ne contestent pas réellement dans leurs dernières écritures avoir fait choix de ce circuit commercial ;

Qu'elles opposent seulement le fait que la société Gondrand, seul professionnel compétent en matière douanière, aurait du alors en tirer les conséquences au regard du Règlement communautaire n° 3319/94 et calculer, sans commettre d'erreur, les droits antidumping à payer par chacune d'elles ;

Qu'effectivement, la société Gondrand n'a pas averti ses clients qu'ils auraient à s'acquitter des droits antidumping et ne les a pas calculés; qu'elle ne saurait s'exonérer de cette faute et se retrancher derrière la complexité de la réglementation européenne, dès lors qu'il résulte de la décision tant de la Commission européenne du 14 janvier 2002 que l'intéressée est un professionnel du dédouanement, qu'elle est qualifiée d''opérateur économique expérimenté dans le domaine de l'importation de marchandise' que de la décision du Tribunal de première instance des communautés européennes que le Règlement communautaire ne pose pas de difficultés d'interprétation ; qu'en effet celui-ci a été instauré dans le but d'écarter le risque de contournement des mesures antidumping par le recours à des circuits d'importation triangulaires ;

Mais considérant néanmoins que même si la société Gondrand avait mis en libre pratique les marchandises, non pas, au nom des trois sociétés Champagne Fertilisants, Efi Trade et Uncaa mais au nom de la société Evertrade, cela n'aurait pas empêché le redressement douanier, puisque ces trois sociétés étaient bien les destinataires réels des marchandises et qu'elles n'avaient pas acquis directement ces marchandises de la société polonaise mais avaient procédé à une opération d'achat-revente par l'intermédiaire de la société Evertrade ; que c'est cette interprétation qu'ont retenu le Tribunal de première instance des communautés européennes et la cour de cassation dans leurs décisions précitées; qu'en conséquence, compte tenu du circuit de revente choisi par les parties et qui ne saurait être reproché à la société Gondrand (à savoir, vente dans un premier temps entre les sociétés ZaP exportateur et Evertrade importateur, puis dans un second temps entre cette dernière et les trois destinataires finals) les droits antidumping auraient été dûs en tout état de cause; que dans ces conditions manque le lien de causalité entre la faute commise par l'appelante et le préjudice allégué par les trois sociétés intimées ;

Considérant également que si les sociétés Champagnes Fertilisants, Efi Trade et Uncaa avaient été informées par la société Gondrand de l'existence de droits antidumping à verser au moment de l'accomplissement des formalités de dédouanement, elle n'auraient eu aucune possibilité d'agir différemment puisqu'elles avaient déjà acheté la marchandise à la société Evertrade ; qu'elles n'apportent aucunement la preuve qu'elles auraient pu alors choisir un autre circuit commercial pour éviter de payer ces droits antidumping ;

Considérant par ailleurs que la circonstance que ces trois sociétés n'ont pas été appelées dans la procédure douanière ne saurait suffire à démontrer que seule la société Gondrand a commis une faute, puisque l'administration des douanes avait toute latitude pour choisir entre deux débiteurs, à savoir l'importateur et le commissionnaire en douane aux termes de l'article 201 du Code des douanes ;

Considérant enfin que les sociétés intimées reprochent à la société Gondrand d'avoir tardé à leur faire connaître la réclamation de l'administration des douanes et de les avoir appelées en garantie seulement en mars 2005 , soit près de 10 ans après les faits, ce qui leur aurait interdit de répercuter les droits antidumping sur le prix de vente des marchandises à leurs propres clients ;

Mais considérant qu'il ressort des très nombreuses correspondances échangées entre les parties qu'elles ont toutes été averties en juillet 1997 que des droits antidumping étaient réclamés par l'Administration des douanes à la société Gondrand (pièces n° 11 à 17, 20 à 24, 29, 30, 34 et 41 de la société Gondrand) ; que la circonstance que cette administration n'a attrait en justice que la société Gondrand ne saurait être reprochée à cette dernière, laquelle a en définitive appelé en garantie les sociétés intimées lorsque le Tribunal de police de Rouen a été à nouveau saisi ; que si elle s'est désistée de sa demande devant la cour d'appel de Rouen , elle a dans le même temps engagé une nouvelle instance devant le tribunal de commerce de Paris; qu'il doit également être relevé que les sociétés destinataires finales des marchandises ont pu faire l'économie pendant plusieurs années de droits antidumping, dont le paiement a été avancé par l'appelante et ont pu revendre les marchandises avec une marge supérieure à celle qui aurait été due ; que les trois sociétés destinataires n'apportent donc pas la preuve du préjudice qu'elles invoquent ;

Considérant que la société Evertrade doit être mise hors de cause, dès lors qu'elle n'est pas redevable, au regard des décisions du Tribunal de première instance des communautés européennes et de la Cour de cassation, des droits antidumping dont s'agit ;

Que dans ces conditions la société Champagne Fertilisants sera condamnée à verser la somme de 103.987,76 €, la société Uncaa la somme de 62.392,66 €, la société Fipar Agro international la somme de 116.232,31 € à la société Gondrand ; que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter des actes introductifs d'instance devant le tribunal de commerce de Paris soit le 4 juillet 2006 pour la société Uncaa et le 11 juillet 2006 pour les sociétés Champagne Fertilisants et Efi Trade, substituée par la société Fipar Agro International ;

Considérant qu'aucune circonstance d'équité ne commande l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS

Donne acte à la société Fipar Agro International de ce qu'elle intervient aux lieu et place de la société Efi Trade,

Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions, à l'exception du rejet de la demande de la société Gondrand à l'égard de la société Evertrade en liquidation amiable,

Condamne les sociétés :

* Champagne Fertilisants à payer la somme de 103.987,76 € avec intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2006 jusqu'à parfait paiement à la société Gondrand,

* Fipar Agro International se substituant à la société Efi Trade à verser la somme de 116.232, 31 € augmentée des mêmes intérêts que ci-dessus à la société Gondrand,

* Uncaa à régler la somme de 62.392,66 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2006 à la société Gondrand,

Déboute les parties du surplus de toutes leurs demandes,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne les sociétés Champagnes Fertilisants, Fipar Agro International et Uncaa in solidum aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier

A. BOISNARD

La Présidente

C. PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 09/02743
Date de la décision : 01/09/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°09/02743 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-01;09.02743 ?
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