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29/06/2011 | FRANCE | N°09/17336

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 29 juin 2011, 09/17336


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRET DU 29 JUIN 2011



(n° 186 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/17336



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juin 2009

Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2008040688





APPELANTE



S.A.S. CHARLES

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[

Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU et PELIT JUMEL, avoués à la Cour

assistée de Maître LUSSAULT Christine, avocat au barreau de PARIS - toque L271

plaidant pour la...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRET DU 29 JUIN 2011

(n° 186 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/17336

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juin 2009

Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2008040688

APPELANTE

S.A.S. CHARLES

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU et PELIT JUMEL, avoués à la Cour

assistée de Maître LUSSAULT Christine, avocat au barreau de PARIS - toque L271

plaidant pour la SELARL ODINOT et associés

INTIMEE

S.A.S NESTLE FRANCE

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Me FORTUIT Philippe, avocat au barreau de PARIS - toque A176

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 28 septembre 2010 en audience publique, après qu'il ait été fait rapport par M.LE FEVRE, Président, conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de procédure civile, devant la Cour composée de :

- M.LE FEVRE, président de chambre, président

- M.ROCHE, président de chambre

- M.VERT, conseiller

Greffier lors des débats : Mme CHOLLET

ARRET

- contradictoire

- prononcé publiquement par M. LE FEVRE, président

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. LE FEVRE, président et Mme CHOLLET, greffier.

LA COUR,

Vu le jugement du 4 juin 2009 du Tribunal de Commerce de PARIS qui a débouté la SAS CHARLES, ayant pour activité l'importation, le négoce et la distribution de produits alimentaires, de ses demandes, notamment de dommages-intérêts pour rupture brutale et abusive d'un contrat de distribution, formulées à l'encontre de la SAS NESTLE FRANCE, l'a condamnée à lui payer 11 044,37 € au titre de factures impayées et 15 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel de la société CHARLES et ses conclusions du 25 mars 2011 par lesquelles elle demande à la Cour d'infirmer le jugement sauf quant au débouté de NESTLE du surplus de sa demande au titre des factures et de dommages-intérêts ; condamner la société NESTLE FRANCE à lui payer 3 200 000 € de dommages-intérêts pour résiliation abusive du contrat ; 150 000 € pour non respect des obligations contractuelles pendant le délai de préavis ; 25 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; la débouter de toutes ses demandes ;

Vu les conclusions du 17 mai 2011 de la société NESTLE FRANCE qui demande notamment à la Cour de condamner la société CHARLES à lui payer 50 000 € de dommages-intérêts 'en réparation des abus commis, notamment par l'engagement puis le maintien de la présente procédure, dans le cadre de l'exécution du préavis' ; confirmer le jugement (pour le surplus) débouter la société CHARLES, et réclame 15 000 € supplémentaires au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que le Tribunal a justement rappelé les faits ; que le contrat de distribution conclu en juillet 2003 pour une durée initiale de trois ans s'est tacitement renouvelé et est devenu à durée indéterminée, pouvant être résilié avec préavis d'un an ; que la résiliation a eu lieu à l'initiative de NESTLE FRANCE le 11 janvier 2008 à effet au 16 janvier 2009; que le préavis a donc été formellement respecté ; que la société CHARLES estime toutefois qu'il était insuffisant et illusoire ; que les obligations durant le préavis n'ont pas été respectées et qu'en outre la résiliation résulte d'un abus de droit ;

Considérant sur ce dernier point que l'appelante soutient que NESTLE FRANCE a voulu lui imposer la commercialisation d'un produit dont elle avait décidé seule et sans concertation le lancement 'à rebours des attentes du marché', a voulu lui imposer des engagements de vente non contractuellement prévus, malgré la réticence de son partenaire en profitant sans vergogne des efforts déployés par lui pour installer sur le marché les produits en cause ; que la faculté de résiliation a été mise en oeuvre de mauvaise foi ;

Considérant toutefois qu'il résulte de la propre argumentation de la société CHARLES qu'il y avait des divergences majeures entre les deux partenaires sur l'avenir de leurs relations et l'étendue de l'objet futur du contrat ; que celui-ci définissait des produits de manière précise mais comportait un article 10 stipulant 'les parties considèrent de leur intérêt réciproque d'étendre leur gamme de produits ethniques' ; qu'une concertation était prévue mais que les offres faites par NESTLE de commercialiser de nouveaux produits ne constituraient pas des pressions illégitimes ; que NESTLE était libre d'avoir recours à d'autres distributions pour les produits non inclus dans l'exclusivité ; qu'elle était libre de tirer les conséquences des divergences résultant notamment du refus de la société CHARLES de commercialiser certains produits ; qu'il en résulte ainsi que des motifs non contraires du Tribunal qu'aucun abus de droit ni aucune mauvaise foi de la part de NESTLE FRANCE quant à la décision de mettre fin aux relations commerciales ne sont démontrés ;

Mais considérant que la durée du préavis doit s'apprécier en fonction des réalités économiques spécifiques à la relation commerciale concernée ; que la société CHARLES fait valoir et qu'il n'est pas contesté que depuis 1991 elle avait commercialisé des produits, objet de l'exclusivité dans le contrat du 4 juillet 2003, dans le cadre d'une relation avec NESTLE MAROC sans contrat écrit ;

Considérant que les sociétés NESTLE MAROC et NESTLE FRANCE sont certes des personnes juridiques distinctes, mais que le contrat du 4 juillet 2003 se réfère expressément aux relations antérieures entre les sociétés CHARLES et NESTLE MAROC ; que l'exposé préalable indique en effet 'Depuis quelques années Etablissements CHARLES SA importe du Maroc des potages déshydratés 'Chorba' et 'Harira' certifiés Halal fabriqués par NESTLE MAROC sous la marque MAGGI, NESTLE FRANCE division FOOD SERVICE souhaite pour sa part s'intéresser au marché des produits ethniques...Elle considère qu'il est de son intérêt de prendre appui sur les ressources marketing et industrielle du groupe NESTLE à cette fin' ;

Considérant que les parties ont ainsi clairement entendu se situer dans la continuation des relations antérieures ; que le but économique d'un contrat écrit et précis était de continuer et développer les relations entre la société CHARLES et le 'GROUPE NESTLE' en s'appuyant notamment de l'expérience acquise par CHARLES dans le cadre de son partenariat informel avec NESTLE MAROC pour la commercialisation des produits, objet même du contrat ; qu'il y a eu totale continuité dans les relations et qu'il y a lieu de prendre en considération la date de 1991 comme point de départ de celle-ci ;

Considérant en outre qu'il n'est pas contesté que la commercialisation des produits est soumise à une forte contrainte saisonnière, les potages 'Harira' et 'Chorba' étant consommés principalement par une clientèle musulmane au cours du jeûne du mois du Ramadan du calendrier lunaire musulman, les dates de ce mois étant variables par rapport au calendrier solaire, régressant chaque année solaire d'une dizaine de jours environ ;

Considérant que la société CHARLES fait valoir que les dates respectives de début et de fin de Ramadan étaient le 2 septembre et le 2 octobre pour 2008 , le 22 août et le 19 septembre pour 2009 ; que les commandes sont faites plusieurs mois à l'avance, NESTLE l'ayant sollicitée le 19 décembre 2007 pour la campagne de Ramadan 2008, lui précisant qu'il n'y aurait de possibilités de commande de volumes supplémentaires que jusqu'au 28 février 2008 ; qu'elle a donc procédé à cette pré-commande le 21 décembre 2007 puis l'a modifiée, en raison du planning de l'usine NESTLE, a passé des commandes supplémentaires en février 2008 ; qu'elle a pu ainsi assurer le Ramadan 2008, mais que le contrat se terminant en janvier 2009, NESTLE ne lui ayant proposé ni la reprise de stocks, ni d'assurer le Ramadan 2009, elle n'a pu utilement faire les commande de fin 2008 pour assurer dans les conditions habituelles le Ramadan 2009 mais seulement écouler les stocks au cours de l'année 2009 ;

Considérant qu'en tenant compte des divers éléments du litige, notamment de l'ancienneté des relations commerciales, de la saisonnalité des ventes et des dates de commande, la Cour estime que, pour une résiliation en janvier, ne permettant pas d'optimiser les commandes sur une année complète, le préavis aurait dû être de deux ans ;

Considérant que la société CHARLES déclare qu'elle a réalisé 'au travers' du contrat qui la liait à NESTLE FRANCE des marges brutes de 322 457 € en 2005, 415 124 € en 2006, 571 722 € en 2007 ; que selon le compte de résultat versé aux débats, le montant des ventes de marchandises a été de 11 092 774 € en 2008, de 10 416 264 € en 2009, ces chiffres étant respectivement de 2 747 362 € et 2 186 340 € pour les résultats d'exploitation ; que la Cour ne pouvant toutefois constater que cette baisse de résultats soit due exclusivement à la perte du contrat ave NESTLE, et en l'absence de démonstration plus précise, évalue à

450 000 € le montant du préjudice résultant directement de l'insuffisance de préavis ;

Considérant que la Cour ne peut constater la commission par NESTLE FRANCE d'autres fautes, en relation de causalité avec un préjudice de la société CHARLES ; que la livraison des commandes de fin 2007 début 2008 a été effectuée, même s'il y a eu des modifications de planning, de manière à ce que les produits puissent être utilement commercialisés ; qu'il n'est pas établi que NESTLE FRANCE ait eu la possibilité, compte tenu notamment de la législation européenne et de la libre circulation des marchandises, d'empêcher que des produits acquis par NESTLE BELGIQUE soit livrés à des magasins AUCHAN via une société AGIDRA ; qu'au surplus la société CHARLES ne fournit aucun élément d'évaluation de son prétendu préjudice résultant des inexécutions contractuelles alléguées au cours de la période de préavis ;

Considérant sur les demandes de la société NESTLE FRANCE que si les éléments du litige, notamment les échanges de courriels, établissent l'existence d'une tension entre les parties au cours de la période de préavis, l'intimée ne fait pas la preuve de manquements lui ayant causé préjudice ; que l'introduction d'une instance, qui n'est pas abusive puisque la Cour fait partiellement droit aux demandes de la société CHARLES, ne constitue pas un tel manquement ; que la société NESTLE ne donne pas plus que ne le fait la société CHARLES d'éléments d'évaluation de son prétendu préjudice ;

Considérant sur la demande au titre de factures que la société CHARLES la conteste entièrement, contrairement à ce qu prétend NESTLE ; que cette dernière produit des éléments établis unilatéralement par elle, factures, demandes de paiement, tableaux, qui ne sont pas suffisamment probants ; que les parties sont contraires quant à des accords sur des 'avoirs' et sont en désaccord sur des tarifs, applicables à certaines commandes ; que la Cour n'a pas d'éléments suffisants pour résoudre ces désaccords ; que la société NESTLE ne fait pas suffisamment la preuve, qui lui incombe, de sa créance ;

Considérant que la Cour se réfère pour le surplus aux motifs non contraires du Tribunal;

Considérant que chaque partie succombant et triomphant partiellement, il est équitable de laisser à chacune d'elles la charge des frais irrépétibles et dépens de première instance et d'appel qu'elles ont engagés ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a entièrement débouté la société CHARLES de ses demandes de dommages-intérêts, en ce qu'il l'a condamnée à payer 11 044,37 € au titre de factures et en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens ; le confirme pour le surplus.

Condamne la société NESTLE FRANCE à payer à la société CHARLES la somme de

450 000 € de dommages-intérêts.

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Laisse à chacune d'elles la charge des frais irrépétibles et dépens qu'elle a engagés.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 09/17336
Date de la décision : 29/06/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°09/17336 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-29;09.17336 ?
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