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28/06/2011 | FRANCE | N°11/02872

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1- chambre 3, 28 juin 2011, 11/02872


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1- Chambre 3

ARRET DU 28 JUIN 2011

(no448, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 02872

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 Février 2011- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 10/ 59832

APPELANTES

SAS AVIDIS exerçant sous l'enseigne FRANPRIX, agissant poursuites et diligences de son président.
3 rue de Meaux
75019 PARIS

représentée par la SCP BAUFUME GA

LLAND VIGNES, avoués à la Cour
assistée de Me Caroline LEVY de la SCP CORNET-LEVY, avocat au barreau de PARIS, toque : P416

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Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1- Chambre 3

ARRET DU 28 JUIN 2011

(no448, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 02872

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 Février 2011- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 10/ 59832

APPELANTES

SAS AVIDIS exerçant sous l'enseigne FRANPRIX, agissant poursuites et diligences de son président.
3 rue de Meaux
75019 PARIS

représentée par la SCP BAUFUME GALLAND VIGNES, avoués à la Cour
assistée de Me Caroline LEVY de la SCP CORNET-LEVY, avocat au barreau de PARIS, toque : P416

SAS MONOP'prise en la personne de son Président
14/ 16 Rue Marc Bloch
92110 CLICHY

représentée par la SCP ANNE LAURE GERIGNY FRENEAUX, avoués à la Cour
assistée de Me Philippe BOUCHEZ-EL GHOZI de la PUK PAUL HASTINGS JANOFSKY et WALKER (Europe) LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : P0177

SARL TOUATIS exploitant sous l'enseigne CARREFOUR CITY représentée par son gérant
9 rue Buffault
75009 PARIS

SARL ZOVECO-DIS exploitant sou l'enseigne CARREFOUR CITY représentée par son gérant
62-64 avenue Emile Zola
75015 PARIS

représentées par Me Rémi PAMART, avoué à la Cour
assistées de Me Jacques GUILLEMIN de la SELAS SAUTIER-GUILLEMIN-MEUNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R022

INTIMES

SYNDICAT COMMERCE INTER-DEPARTEMENTAL D'ILE DE FRANCE " CFDT "
7/ 9 Rue Euryale Dehaynin
75019 PARIS

Syndicat DES EMPLOYES DU COMMERCE IDF-CFTC, syndicat professionnel immatriculé au répertoire de la Ville de Paris No 19860248.
197 rue du boulevard Saint-Martin
75010 PARIS

L'UNION SYNDICALE CGT DU COMMERCE DE LA DISTRIBUTION ET DES SERVICES DE PARIS, union syndicale immatriculée au répertoire de la Ville de Paris No 19890235.
67 rue de Turbigo
75003 PARIS

Syndicat SUD COMMERCES ET SERVICES IDF, syndicat professionnel immatriculé au répertoire de la Ville de Paris No 2002075.
144 boulevard de la Villette
75019 PARIS

représentés par la SCP GAULTIER-KISTNER, avoués à la Cour
assistés de Me Vincent LECOURT, avocat au barreau de PONTOISE, toque : 105

INTERVENANT VOLONTAIRE

FEDERATION DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE FCD
12 rue Euler
75008 PARIS

représentée par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoués à la Cour
assistée de Me Bruno DENKIEWICZ de la SELAFA BARTHELEMY et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L 097

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Mai 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Joëlle BOURQUARD, Président de chambre
Madame Martine TAILLANDIER-THOMAS, Conseillère
Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Joëlle BOURQUARD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.

Par ordonnance du 10 février 2011, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a ordonné la jonction d'instances, reçu la Fédération du commerce et de l'industrie en son intervention volontaire, a déclaré le syndicat Commerce Inter-Départemental d'Ile-de-France CFDT, la syndicat des employés du commerce Ile-de-France CFTC, l'union syndicale CGT du Commerce, de la distribution et des services de Paris et le syndicat SUD commerces et services Ile-de-France recevables en leur action, a ordonné aux sociétés AVIDIS, TOUATIS, ZOVECO-DIS de cesser d'employer des salariés le dimanche au-delà de 13 heures et ce, sous astreinte de 6 000 euros par infraction et par établissement concerné à compter de la signification de la décision, a ordonné aux sociétés MONOP', AVIDIS, TOUATIS, ZOVECO-DIS de faire le choix, pour leurs établissements situés sur la commune de Paris, d'un jour de fermeture, conformément aux termes de l'arrêté préfectoral de fermeture des commerces alimentaires et de respecter une journée de fermeture, le lundi ou le dimanche et ce, sous astreinte de 6 000 euros par infraction et par établissement concerné à compter de la signification de la décision, s'est réservé la liquidation de l'astreinte, a condamné les sociétés MONOP', AVIDIS, TOUATIS, ZOVECO-DIS à payer chacune la somme de 500 euros aux syndicats demandeurs à titre de provision sur la réparation du préjudice subi, a condamné les sociétés MONOP', AVIDIS, TOUATIS, ZOVECO-DIS à payer aux syndicats demandeurs la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, a rejeté les demandes reconventionnelles sur ce même fondement, a rejeté le surplus des demandes et a condamné les sociétés MONOP', AVIDIS, TOUATIS, ZOVECO-DIS aux dépens.

La société MONOP'a interjeté appel de cette décision le 15 février 2011 à l'encontre du syndicat Commerce Inter-Départemental d'Ile-de-France CFDT, du syndicat des employés du commerce Ile-de-France CFTC, de l'union syndicale CGT du Commerce, de la distribution et des services de Paris et du syndicat SUD commerces et services Ile-de-France. Aux termes de ses conclusions déposées le 5 avril 2011, elle demande à la cour de l'infirmer, de dire que le juge des référés n'était pas compétent en raison de l'absence de trouble manifestement illicite et de l'existence de contestations sérieuses, de rejeter les demandes du syndicat Commerce Inter-Départemental d'Ile-de-France CFDT, du syndicat des employés du commerce Ile-de-France CFTC, de l'union syndicale CGT du Commerce, de la distribution et des services de Paris et du syndicat SUD commerces et services Ile-de-France, de condamner solidairement ceux-ci à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société AVIDIS a également interjeté appel de cette ordonnance en intimant les mêmes syndicats le 18 février 2011. Elle demande à la cour, par conclusions déposées le 1er avril 2011, de la déclarer recevable et bien fondée en son appel, de « réformer » l'ordonnance dont appel et statuant à nouveau, de dire qu'il y a une contestation sérieuse sur la nature « collective » de l'action et donc sur sa recevabilité, pour défaut de qualité des syndicats, de dire qu'il y a une contestation sérieuse sur l'exercice par des syndicats de poursuites en opportunité, pour défaut de qualité, de dire qu'il y a une contestation sérieuse sur le fondement et la recevabilité des demandes de dommages et intérêts et d'astreinte faute de qualité des syndicats, subsidiairement, de dire qu'il y a une contestation sérieuse sur la légalité de l'arrêté du 15 novembre 1990 et sa compatibilité avec le code du travail, de dire que le juge a méconnu ses pouvoirs et n'a pas répondu aux moyens de droit soulevés au visa de l'article 455 du code de procédure civile, en conséquence, de dire qu'il n'y a pas trouble illicite, pour y parvenir s'il y a lieu, de saisir le juge administratif d'une question préjudicielle sur la légalité initiale de l'arrêté du 15 novembre 1990 et sur sa perte de fondement juridique au regard des articles L. 2122-1 et suivants issus de la loi du 20 août 2008, en tous les cas, de condamner les syndicats requérants à payer in solidum une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Les sociétés TOUATIS et ZOVECO-DIS ont interjeté appel le 22 février 2011 en intimant, outre les quatre syndicats susvisés, la Fédération du commerce et de l'industrie. Elles demandent à la cour, aux termes de leurs conclusions déposées le 16 mai 2011, de les déclarer recevables et bien fondées en leur appel, de « réformer » la décision déférée en toutes ses dispositions, de constater l'existence d'une contestation sérieuse sur la recevabilité de l'action entreprise par les syndicats demandeurs, de constater l'absence de trouble manifestement illicite, de constater au contraire l'existence d'une contestation sérieuse sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 15 novembre 1990 ainsi que sur son opposabilité aux sociétés TOUATIS et ZOVECO-DIS, de dire, en conséquence, n'y avoir lieu à référé, de condamner les syndicats demandeurs in solidum au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Les appels ont été joints par ordonnance du 22 février 2011.

Par conclusions déposées le 3 mai 2011, la Fédération du commerce et de la distribution demande à la cour de constater l'existence d'une contestation sérieuse et l'absence de trouble manifestement illicite, de dire en conséquence qu'il n'y avait pas lieu à référé, d'infirmer l'ordonnance rendue et de condamner les syndicats à l'origine de l'assignation à lui verser solidairement la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le syndicat Commerce Inter-Départemental d'Ile-de-France CFDT, la syndicat des employés du commerce Ile-de-France CFTC, l'union syndicale CGT du Commerce, de la distribution et des services de Paris et le syndicat SUD commerces et services Ile-de-France, par conclusions déposées le 29 avril 2011, demandent à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, y ajoutant, d'enjoindre à la société MONOP'de cesser d'employer des salariés le dimanche au-delà de 13 heures sous astreinte de 6 000 euros par établissement et par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt, de condamner les sociétés MONOP', AVIDIS, TOUATIS et ZOVECO-DIS à leur verser la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

SUR CE, LA COUR

Considérant que la société MONOP'soutient que la preuve de l'accord des organisations syndicales, fondement de l'arrêté du 15 novembre 1990, n'est pas rapportée, que le contenu de cet accord est essentiel pour apprécier la légalité de l'arrêté, que celui-ci n'est pas applicable aux commerces multiples tels que le sien, que le préfet a commis un excès de pouvoirs en l'étendant aux commerces multiples, que la légalité et l'opposabilité de l'arrêté étant contestées et contestables, il ne peut y avoir de trouble manifestement illicite, qu'il existe, en outre, une contestation sérieuse tenant à la violation du droit européen, que l'application de l'arrêté conduit, en effet, à une véritable distorsion de concurrence prohibée par le droit européen et qu'enfin, la violation par elle-même de l'arrêté n'est pas démontrée ;

Considérant que la société AVIDIS fait valoir que la décision n'est pas conforme à l'article 455 du code de procédure civile en ce qu'elle ne répond pas aux moyens de droit qu'elle a invoqués, que les syndicats demandeurs ne défendent pas l'intérêt collectif mais celui de certains commerçants qui se prétendent lésés, que l'action est faite en vue de suppléer l'absence d'action des autorités et de créer des coûts dissuasifs pour l'ouverture le dimanche, qu'elle a pour objet de faire peser une contrainte sélective sur certaines enseignes, qu'il y a là un détournement de procédure, qu'il n'y a pas de texte autre que l'article L. 2132-3 du code du travail au titre de l'action pour intérêt collectif, qu'il ne contient pas de disposition sur l'opportunité des poursuites, que celle-ci ne peut être reconnue aux syndicats sans texte, que le préjudice porté à l'intérêt collectif des commerçants d'Ile-de-France n'est pas établi, que le droit commun de l'astreinte n'est pas applicable en l'espèce, que seule la violation flagrante d'un texte non susceptible d'interprétation peut constituer un trouble manifestement illicite, que la question de l'opposabilité de l'arrêté préfectoral du 15 novembre 1990 et de son application pose des difficultés, qu'en l'absence de preuve que l'accord servant de fondement à cet arrêté représente la volonté de la majorité des professionnels concernés, il y a lieu de poser une question préjudicielle à la juridiction administrative et que cet arrêté est, en outre, en conflit avec l'article L. 3132-13 du code du travail ;

Considérant que les sociétés TOUATIS et ZOVECO-DIS arguent de ce qu'il existe une contestation sérieuse sur la légalité ou tout le moins l'opposabilité à leur égard de l'arrêté du 15 novembre 1990, que celui-ci ne peut être appliqué qu'aux professions dont les représentants syndicaux ont signé l'accord du 8 juin 1990, que les commerces multiples ne l'ont pas signé et qu'en voulant l'étendre à une profession non signataire, le préfet a commis un excès de pouvoir ;

Considérant que la Fédération du commerce et de la distribution fait valoir qu'il n'y a pas de violation des règles légales et conventionnelles sur le repos hebdomadaire et le repos dominical et qu'il y a une contestation sérieuse liée à l'opposabilité de l'arrêté du 15 novembre 1990 aux sociétés appelantes car il s'appuie sur l'accord du 8 juin 1990 dont elle n'est pas signataire alors qu'elle représente les commerces à activités multiples, lesquels se distinguent des commerces spécialisés ;

Considérant que le syndicat Commerce Inter-Départemental d'Ile-de-France CFDT, le syndicat des employés du commerce Ile-de-France CFTC, l'union syndicale CGT du Commerce, de la distribution et des services de Paris et le syndicat SUD commerces et services Ile-de-France répondent que les commerces multiples entrent dans le champ d'application de l'arrêté préfectoral, que l'ouverture le dimanche après-midi viole le repos dominical des salariés, que leur action est engagée dans l'intérêt collectif de ces derniers, qu'il n'appartient pas au juge des référés de statuer sur la légalité d'un arrêté préfectoral, qu'il a déjà été validé par la cour administrative d'appel après examen de la régularité de l'accord sur la base duquel il a été rendu, qu'en 1990, la Fédération du commerce et de la distribution n'existait pas, qu'il a été signé par les deux organisations syndicales représentant les enseignes concernées et la majorité des établissements parisiens, que l'arrêté s'applique jusqu'à son abrogation, qu'il vise bien l'ensemble du secteur de l'alimentation générale, qu'il est applicable aux commerces multiples, qu'il n'a pas pour effet de faire échec à la loi relative au repos dominical, que les deux dispositifs se cumulent, l'arrêté préfectoral pour des raisons de réglementation de la concurrence et les dispositions du code du travail dans l'intérêt des salariés, et que la violation de repos dominical des salariés constitue un trouble manifestement illicite ;

Considérant qu'aux termes de l'article 809 alinéa 1erdu code de procédure civile, sur lesquels les syndicats fondent leur demande, la juridiction des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Considérant que le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit ;

Considérant, en l'espèce, que les syndicats font grief aux sociétés appelantes d'employer des salariés le dimanche après 13 heures et de pas respecter une journée de fermeture en violation d'une part :

- de l'arrêté préfectoral du 15 novembre 1990 portant réglementation de la fermeture hebdomadaire au public dans le département de Paris des établissements vendant au détail de l'alimentation générale, de l'épicerie, de la crémerie, des fromages, des fruits et légumes et des liquides à emporter, pris en application de l'article L. 221-17 devenu L. 3132-29 du code du travail selon lequel lorsqu'un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession et d'une zone géographique déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés, le préfet peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la zone géographique concernée pendant toute la durée de ce repos, et qui énonce en son article 2 que les établissements ou parties d'établissements vendant au détail, à poste fixe ou en ambulance (marchés couverts ou découverts), de l'alimentation générale, de l'épicerie, de la crémerie, des fromages, des fruits et légumes et des liquides à emporter seront totalement fermés au public soit le dimanche, soit le lundi toute la journée de 0 à 24 heures et en son article 3 qu'à défaut de choix, le commerçant est présumé avoir opté pour le lundi,

- de l'article L. 3132-3 du code du travail aux termes duquel dans l'intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche et de l'article L. 3132-13 selon lequel dans les commerces de détail alimentaire, le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de 13 heures ;

Considérant qu'en application de l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice et peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ;

Considérant que les dispositions légales et réglementaires susvisées, invoquées par les syndicats au soutien de leurs demandes, sont relatives au repos hebdomadaire des salariés ; que leur violation est de nature à causer un préjudice à ces derniers ; que l'action engagée par les syndicats l'est, en conséquence, dans l'intérêt collectif des salariés de la profession qu'ils représentent ; que quant bien même, ils soutiennent que l'article L. 3132-29 du code du travail a pour objet de garantir sur le fondement d'un accord professionnel une concurrence équilibrée entre les établissements ayant une activité commune, il ne saurait en être déduit pour autant que leur action a pour seul fondement la concurrence déloyale et pour seule finalité la défense de commerçants se prétendant lésés ; que l'absence de respect de ces dispositions qui figurent dans le titre du code du travail consacré au repos des salariés nuit, en effet, au premier chef à ces derniers ; qu'aucune disposition légale n'imposent, en outre, aux syndicats d'engager leur action à l'encontre de tous les auteurs de mêmes agissements ; que la référence à l'absence de reconnaissance légale à leur profit de l'opportunité des poursuites est sans objet dès lors que leur action n'est pas de nature pénale mais de nature civile ; que celle-ci doit par suite être déclarée recevable ;

Considérant que le principe de séparation des pouvoirs des autorités administratives et judiciaires interdit au juge civil de se prononcer sur la légalité d'un acte administratif ; qu'il lui appartient, cependant, lorsqu'il est saisi d'une contestation sur la légalité d'un tel acte, de se prononcer sur le caractère sérieux de cette contestation et, dans l'affirmative, de renvoyer au juge administratif l'appréciation de la légalité de l'acte ; que devant le juge des référés, si la contestation est sérieuse, le trouble manifestement illicite n'est pas caractérisé ;

Considérant, en l'espèce, que les appelantes invoquent l'existence d'une contestation sérieuse touchant à la légalité de l'arrêté préfectoral du 15 novembre 1990 et à son opposabilité à leur égard ;

Considérant que cet arrêté a été pris au vu de l'accord départemental sur la réglementation de la fermeture obligatoire et du repos hebdomadaire des salariés intervenu le 8 juin 2010 entre, d'une part les organisations patronales suivantes : le syndicat de l'épicerie française et de l'alimentation générale, la chambre syndicale du commerce en détail de fruits, légumes et primeurs de la région parisienne, le syndicat des crémiers fromagers de l'Ile-de-France, la chambre syndicale des épiciers détaillants de la région parisienne, le syndicat national des vins et boissons à emporter et l'union fédérale des marchés, et d'autre part les organisations syndicales salariales « ouvriers-employés-cadres » suivantes : la fédération nationale CFTC des syndicats de l'alimentaire, du spectacle et des prestations de services, FNSASPS-CFTC, la fédération générale des travailleurs de l'agriculture et de l'alimentation, des tabacs et allumettes et des secteurs connexes, FGTA-FO, et la fédération du personnel d'encadrement des industries et productions alimentaires des cuirs et services connexes FIPACCS-CGC ;

Considérant que les appelantes font valoir que les commerces multiples sont distincts des commerces spécialisés de vente au détail de produits alimentaires et qu'ils ne sont pas visés par cet arrêté, le Fédération du commerce et de la distribution, seule organisation syndicale représentative de cette profession des commerces multiples, n'étant pas signataire de l'accord ;

Mais considérant que l'arrêté préfectoral en ce qu'il vise en termes généraux les établissements ou parties d'établissements vendant au détail de l'alimentation générale concerne tous les établissements vendant au public des denrées alimentaires au détail ; que l'article L. 3132-9 du code du travail ayant pour objet de garantir sur le fondement d'un accord professionnel une concurrence équilibrée entre les établissements ayant une activité commune, les commerces multiples entrent dans le champs d'application dudit arrêté ; que les supermarchés exploités par les appelantes, dont l'activité prédominante est celle de la vente au détail de produits alimentaires, sont, en conséquence, soumis à ces dispositions ainsi que l'a d'ailleurs jugé dans une affaire similaire la cour administrative d'appel de Paris par arrêt en date du 22 janvier 2007 ; que, certes, n'a pas été signataire de l'accord la Fédération Nationale des Distributeurs de Produits Alimentaires et de Grande Consommation (FEDIPAC), devenue en 1988 la Fédération des Entreprises de Distribution, de Magasins à Prédominance Alimentaire et de Service (FEDIMAS) et en 1995 la Fédération des Entreprises du Commerce et de la Distribution (FCD), et dont peuvent faire partie, aux termes de ses statuts adoptés en 1995, les entreprises du commerce et de la distribution à prédominance alimentaire, ainsi que les entreprises du commerce et de la distribution qui ne relèvent pas de la convention nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, qu'elles aient une activité spécialisée alimentaire ou non alimentaire ; que cette absence de signature voire même de consultation à l'époque de cette organisation syndicale patronale est, cependant, indifférente dès lors qu'il n'est pas démontré que cet accord n'existerait pas ou n'exprimerait pas l'opinion de la majorité des membres de la profession, démonstration qui incombe aux appelantes qui contestent l'arrêté le visant, de telle sorte qu'elles ne sauraient faire grief aux syndicats intimés de ne pas le produire alors, en outre, qu'elles ne prouvent pas avoir été dans l'impossibilité de se le procurer notamment auprès de la Préfecture ; qu'il sera, au surplus, observé que si les appelantes devaient être considérées comme ne faisant pas partie de la profession des commerces de détail alimentaire, elles ne pourraient pas, en toute hypothèse, employer de salariés le dimanche en application de l'article L. 3132-3 du code du travail, puisque la dérogation de l'article L. 3132-13 sur le repos hebdomadaire pouvant être donné ce jour-là à partir de 13 heures ne s'applique qu'aux commerces de détail alimentaire ; qu'il n'existe pas, en conséquence, de contestation sérieuse du chef de de légalité et de l'opposabilité de l'arrêté ;

Considérant que les appelantes prétendent encore qu'il existerait un conflit entre cet arrêté et l'article L. 3132-1 du code du travail ; qu'elles font, ce faisant, une confusion entre la fermeture hebdomadaire obligatoire de leur commerce en application de l'arrêté préfectoral et l'interdiction d'employer des salariés le dimanche à partir de 13 heures, cette interdiction n'impliquant pas en soi la fermeture du commerce qu'un non salarié tel que le gérant peut continuer à faire fonctionner l'après-midi ;

Considérant qu'il ne peut être sérieusement soutenu, par ailleurs, que l'arrêté préfectoral aurait perdu sa légalité au motif que les règles de la représentativité des syndicats ont été modifiées par la loi du 20 août 2008 sauf à remettre en cause l'ensemble de la négociation collective antérieure à l'entrée en vigueur de celle-ci ;

Considérant, enfin, que la société MONOP'ne saurait prétendre ne pouvoir se voir opposer par les syndicats une réglementation susceptible d'éliminer l'effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises au sens du traité de l'Union Européenne sans se livrer à une démonstration plus approfondie de cette élimination notamment au regard de la réglementation applicable à ceux qu'elle qualifie de concurrents directs, tels que les stations service ;

Considérant que l'application des dispositions législatives et réglementaires susvisées à l'encontre des appelantes n'est pas dans, ces conditions, sérieusement contestable ;

Considérant que les sociétés TOUATIS et ZOVECO-DIS ne contestent pas employer des salariés le dimanche après 13 heures et ne pas fermer leur établissement soit le dimanche, soit le lundi ; que les syndicats versent, en outre, aux débats les pages de leurs sites Internet mentionnant que leurs magasins sont ouverts du lundi au samedi de 7 h à 23 h et le dimanche de 9 h à 20 h ; que le trouble manifestement illicite est ainsi démontré à leur encontre ;

Considérant que la société AVIDIS verse aux débats un procès-verbal de constat en date des dimanche 13 et lundi 14 février 2011 selon lequel le magasin FRANPRIX qu'elle exploite 3/ 9 rue de Meaux à Paris 19 ème était fermé le premier jour et ouvert le second avec apposition sur la vitrine d'une affichette « Votre magasin franprix sera fermé tous les dimanches la direction » ; que cette pièce est postérieure à l'ordonnance entreprise ; qu'elle ne conteste pas qu'au jour où le premier juge a statué, elle employait des salariés le dimanche après 13 heures et ne fermait pas son établissement soit le dimanche, soit le lundi ; que les syndicats produisent, en outre, des tickets de caisse délivrés après 13 heures les dimanches 1er août et 31 octobre 2010 et 16 janvier 2011 ainsi que des photographies de la devanture de son magasin sur laquelle il est inscrit « Ouverture 8h30 – 20h40 du lundi au samedi et dimanche 9h00- 18h40 » ; que la réalité des griefs allégués à son encontre et le trouble manifestement illicite sont ainsi démontrés ;

Considérant que s'agissant de la société MONOP'les syndicats produisent, outre un ticket de caisse en date du lundi 14 juin, un ticket arrivée caissier le dimanche 13 juin à 12h06 ainsi que le contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de Madame X... mentionnant qu'elle travaille de 8 heures à 15 heures le dimanche ; que l'appelante démontre, toutefois, que cette salariée a été licenciée le 1er juillet 2009 ; qu'en appel, les syndicats produisent les pages Internet du site Monoprix dont il résulte que des magasins MONOP'sont ouverts du lundi au samedi de 9 h à 22 h et le dimanche de 9 h à 13 heures ; qu'il n'est pas établi dès lors que l'appelante emploie des salariés le dimanche après 13h ; qu'il n'est pas contestable, en revanche, qu'elle ne respecte pas le jour de fermeture hebdomadaire obligatoire ; que le trouble manifestement illicite est établi de ce chef ;

Considérant qu'aux termes de l'article 33 de la loi du 9 juillet 1991, tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision ;

Considérant que les syndicats qui exercent une action en référé afin de faire cesser un trouble manifestement illicite porté à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent sont recevables à solliciter que les mesures ordonnées pour le faire cesser soient assorties d'une astreinte afin d'assurer la parfaite exécution de la décision et ce, sans qu'il puisse leur être opposé un prétendu enrichissement sans cause ;

Considérant, en conséquence, que le premier juge sera approuvé en ce qu'il a ordonné aux appelantes de cesser d'employer des salariés le dimanche au-delà de 13 heures et de faire le choix d'un jour de fermeture le lundi ou le dimanche, sous astreinte ;

Considérant, enfin, que l'obligation des appelantes à réparer le préjudice porté à l'intérêt collectif des salariés de la profession représentée par les syndicats du fait de l'absence de respect des dispositions sur le repos dominical et l'obligation de fermeture hebdomadaire destinées à les protéger n'est pas sérieusement contestable ; que l'ordonnance sera confirmée du chef des provisions accordées sur dommages et intérêts à hauteur de 500 euros pour chacune des appelantes ;

Considérant que les appelantes qui succombent supporteront les dépens d'appel et verseront aux syndicats intimés la somme complémentaire précisée au dispositif du présent arrêt au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour ;

PAR CES MOTIFS

Confirme, dans les limites des appels, l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Condamne les sociétés MONOP', AVIDIS, TOUATIS et ZOVECO-DIS à verser aux syndicat Commerce Inter-Départemental d'Ile-de-France CFDT, syndicat des employés du commerce Ile-de-France CFTC, union syndicale CGT du Commerce, de la distribution et des services de Paris et syndicat SUD commerces et services Ile-de-France la somme complémentaire de 2 500 (deux mille cinq cents) euros au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;

Condamne les sociétés MONOP', AVIDIS, TOUATIS et ZOVECO-DIS aux dépens d'appel dont distraction au profit des avoués concernés en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1- chambre 3
Numéro d'arrêt : 11/02872
Date de la décision : 28/06/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

ARRET du 17 octobre 2012, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 octobre 2012, 11-24.315, Publié au bulletin

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2011-06-28;11.02872 ?
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