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28/06/2011 | FRANCE | N°10/15041

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1- chambre 3, 28 juin 2011, 10/15041


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1- Chambre 3

ARRET DU 28 JUIN 2011

(no 423, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 15041

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Juillet 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 10/ 01116

APPELANT

Monsieur Jean X...
...
75014 PARIS

représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Micheline SZWEC-GELLER, avocat au barreau

de PARIS, toque : D0684

INTIME

Monsieur Bruno Z...
...
75006 PARIS

représenté par la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT, avoués à...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1- Chambre 3

ARRET DU 28 JUIN 2011

(no 423, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 15041

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Juillet 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 10/ 01116

APPELANT

Monsieur Jean X...
...
75014 PARIS

représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Micheline SZWEC-GELLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0684

INTIME

Monsieur Bruno Z...
...
75006 PARIS

représenté par la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT, avoués à la Cour
assisté de Me Christian CHARRIERE-BOURNAZEL, avocat au barreau de PARIS, toque C 1357

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Mai 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Joëlle BOURQUARD, Président de chambre
Madame Martine TAILLANDIER-THOMAS, Conseillère
Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET

MINISTERE PUBLIC :
L'affaire a été communiquée au Parquet Général qui a donné son avis

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Joëlle BOURQUARD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.

Par acte du 12 janvier 2010, M. Jean X... a fait assigner M. Bruno Z... sur le fondement de l'article 1382 du code civil devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'obtenir le paiement d'une somme de 100. 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral subi par lui à raison de la diffusion auprès de son employeur de la lettre du 9 janvier 2009 que M. Z... lui avait adressée en réponse à ses propres courriers dénonçant un dysfonctionnement de la cour administrative d'appel de Paris.

Par ordonnance du 8 juillet 2010, le juge de la mise en état, recevant le déclinatoire de compétence élevé par le Préfet de Paris et faisant droit à l'exception d'incompétence soulevée par M. Z..., a dit que le tribunal de grande instance n'était pas compétent pour connaître du litige dont il était saisi et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir.

M. X... a interjeté appel de cette ordonnance du juge de la mise en état le 2 août 2010.

M. X..., par conclusions du 20 décembre2010, a déposé une question prioritaire de constitutionnalité et demandé à la cour d'appel de la transmettre à la Cour de Cassation. La cour d'appel, par arrêt du 8 mars 2011, a dit n'y avoir lieu à transmission à la Cour de cassation de cette question.

Il a, par conclusions du 28 janvier 2011, souhaité voir infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état, déclarer irrecevable le déclinatoire de compétence du préfet de Paris, constater la voie de fait que ce dernier a commise et déclarer en conséquence la juridiction judiciaire compétente pour connaître de ses demandes et condamner M. Z... à lui verser la somme de 1. 500 euros au titre des frais irrépétibles.

M Z..., aux termes d'écritures en date du 4 janvier 2011, sollicite de la cour qu'elle confirme l'ordonnance entreprise et condamne M. X... à lui payer la somme de 1. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Procureur Général près la cour d'appel de Paris, par conclusions du 1er février 2011, conclut à la confirmation de l'ordonnance et au bien-fondé du déclinatoire de compétence déposé par le Préfet de Paris.

SUR CE, LA COUR

Considérant que M. X... soutient que le déclinatoire de compétence du préfet est irrecevable en raison de l'impossibilité d'identifier l'administration au nom de laquelle intervient le Préfet, deux administrations étant en cause, la Cour administrative de Paris et le Conseil d ‘ Etat ;

Considérant qu'il oppose l'exception du recours parallèle et que M. Z... ne pouvait présenter une exception à titre personnel et sous couvert du déclinatoire de compétence du Préfet ;

Considérant qu'il ajoute que " nul ne plaide par procureur " et que le Préfet ne peut se substituer à M. Z... ;

Considérant qu'il invoque aussi les dispositions de l'article 59 du code de procédure civile ;

Considérant qu'il estime que le déclinatoire de compétence du fait de son irrégularité constitue par lui-même une voie de fait et que le Préfet a engagé sa responsabilité ;

Considérant qu'il conteste la décision du juge de la mise en état dès lors que tout fonctionnaire est responsable de sa faute personnelle sur le fondement de l'article 1382 du code civil ce qui relève de la compétence judiciaire conformément à l'article 15 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen ; qu'il estime que M. Z... en demandant au président de l'université de Paris Ouest Nanterre de vérifier ses aptitudes à enseigner a commis une faute personnelle lourde ; que cela constitue à la fois une faute non détachable du service mais aussi une faute personnelle détachable du service ; qu'il précise qu'aucun chef de juridiction ne peut s'adresser à l'administration où travaille un justiciable pour lui faire connaître les procédures contentieuses initiées par ce dernier ; qu'il indique que le critère de distinction entre faute de service et faute personnelle tient au degré de gravité de la faute et qu'en l'espèce, la faute est d ‘ une gravité qui implique qu'elle n'est pas faute de service ;

Considérant que M. X... reproche à l'ordonnance son manque de motivation sur ce point ;

Considérant que M. Z... expose que c'est uniquement en qualité de président de la cour administrative de Paris et donc comme agent de l'administration qu'il a agi et que dès lors, seule la juridiction administrative est compétente pour connaître de ses agissements ; qu'il ajoute que si son adversaire a des doutes sur l'impartialité des juges administratifs, il peut recourir aux procédures de récusation ou de suspicion légitime ;

Considérant que le préfet indique que la communication opérée par M. Z... était suscitée par le souci d'assurer le bon fonctionnement de son service et n'est donc pas sans rapport avec les nécessités de l'exercice de ses fonctions ; qu'il en conclut que la juridiction administrative est seule compétente ;

Considérant que le Procureur général rappelle que la notion de faute personnelle est interprétée de manière stricte, qu'il s'agit d'une faute commise avec une intention malveillante ou d'une extrême gravité révélant un comportement de l'agent incompatible avec l'exercice de ses fonctions ; qu'il estime que tel n'est pas le cas en l'espèce ce qui implique la compétence de la juridiction administrative ;

Sur le déclinatoire de compétence déposé par le Préfet :

Considérant que le Préfet de Paris a transmis au Procureur de la République puis au procureur général un mémoire visant la loi du 16-24 août 1790 et le décret-loi du 16 fructidor an III en sa qualité de représentant de l'Etat susceptible d'être mis en cause à raison d'un acte reproché à un agent public, M. Z... alors que celui-ci était Président de la Cour administrative de Paris ;

Considérant que ce déclinatoire répond aux conditions de l'article 6 de l'ordonnance du 1er juin 1828 relative aux conflits d'attribution entre les tribunaux et l'autorité administrative ;

Considérant que M. X... recherche la responsabilité de M. Z..., agent public, alors qu'il était président de la Cour administrative de Paris ; que le Préfet peut agir dans la présente procédure sans avoir à préciser s'il agit au titre de l'ancienne qualité de M. Z... ou de la nouvelle à savoir membre du conseil d'Etat ; que celui-ci reste agent public et en tout état de cause, les faits visés concernent la période où il était à la Cour administrative ; que le moyen est inopérant ;

Considérant que le Préfet ne peut se voir opposer l'adage selon lequel " Nul ne plaide par procureur " ; qu'en effet, il n'agit pas aux lieu et place de M. Z... mais au nom de l'Etat susceptible d'être tenu des agissements d'un agent public ; que, de la même façon, M. X... ne peut soulever une exception de recours parallèle, les deux parties agissent distinctement et n'ont pas les mêmes intérêts à défendre ;

Considérant enfin que le Préfet de Paris est parfaitement identifiable sur le mémoire déposé et le moyen relatif à l'article 59 du code de procédure civile doit être écarté ;

Considérant que les moyens d'irrecevabilité soulevés par M. X... à l'encontre du Préfet sont rejetés ;

Considérant de ce fait que l'existence d'une voie de fait commise par ce dernier et soutenue par M. X... n'est pas plus sérieuse ; que ce dernier reproche à celui-ci d ‘ avoir violé l'article 3 de la loi du 6 janvier 1978 et 10 de ce même texte aux motifs qu'il aurait consulté les fichiers nominatifs des juridictions administratives et porté atteinte à sa vie privée ;

Considérant que ces faits ne sont pas démontrés par l'intéressé alors que le Préfet s'est borné dans son exposé et pour les besoins de sa démonstration de reprendre les énonciations de la lettre de M. Z... ;

Sur la compétence :

Considérant que le juge judiciaire n'est pas compétent pour connaître de l'action en réparation de la faute d'un agent public si elle n'est pas détachable de ses fonctions ; que la faute personnelle de l'agent est celle qui est commise avec une intention malveillante ou celle qui est d'une particulière gravité, généralement commise en dehors de l'exercice de ses fonctions ou si elle est commise dans l'exercice de ses fonctions, révèle un comportement de l'agent totalement incompatible avec l'exercice de celles-ci ;

Considérant que par lettre du 9 janvier 2009, M. Z... a écrit à M. X... en réponse au courrier de ce dernier se plaignant d'une " grave violation de ses droits élémentaires " dans les termes suivants : "... la condamnation prononcée collégialement le 29 décembre 2008 par la 1ère chambre de la Cour à une amende pour recours abusif de 2. 500 euros ne me paraît pas relever de cette catégorie tant il est choquant que vous, maître de conférences en droit public au sein de l'UFR de sciences juridiques, administratives et politiques de l'université Paris X Nanterre, ayez eu l'audace de faire appel du jugement en date du 14 mai 2008 par lequel une formation collégiale du tribunal administratif de Paris vous avait condamné à une amende de 2. 000 euros pour l'avoir saisie d'un recours en annulation du courrier du président de l'université de Paris X vous demandant d'acquitter la somme de 3. 500 euros qu'un arrêt définitif du Conseil d ‘ Etat avait mis à votre charge au bénéfice de cet établissement sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative. de manière particulièrement limpide, ce jugement vous avait pourtant exposé que ce courrier, que le président de l'université avait compétence liée pour vous adresser, ne constituait pas une décision attaquable mais seulement une mesure d'exécution d'une décision de justice revêtue de l'autorité absolue de la chose jugée. De manière non moins claire et bien qu'ils n'y fussent pas tenus, les premiers juges ont motivé l'amende qu'ils vous ont infligée... Voilà qui était clair et cette évocation des efforts considérables imposés à la justice administrative pour maîtriser dignement la croissance exceptionnellement rapide de son contentieux eut suffi à dissuader d'insister tout autre qu'un quérulent invétéré comme vous, dont 41 jugements du tribunal administratif, 16 arrêts de notre cour (dont deux assortis d'amendes pour recours abusif) et 13 arrêts au conseil d ‘ Etat portent le nom... Quant au fait que la présidente de séance ait usé du pouvoir que lui attribue l'article R732-1 du code de justice administrative de vous retirer la parole, estimant que vous n'étiez pas en mesure de discuter de votre cause " avec la modération ou la clarté requises " il ne saurait davantage être regardé comme une atteinte insupportable à vos droits essentiels... Vous me demandez d'enquêter aux fins d'envisager des poursuites disciplinaires contre Mme C.... Cette enquête a été faite et ne débouche que sur le constat du parfait fonctionnement de la juridiction " ;

Considérant que le dernier paragraphe indiquait " Je n'ai pas le souvenir d'avoir été votre condisciple à la faculté, mais vous avez raison d'évoquer mon attachement au respect de la justice et de l'Etat de droit ; celui-ci implique de la part des citoyens et au premier chef des hauts fonctionnaires qu'ils aient d'abord conscience de leurs obligations et pas seulement de leurs droits ; c'est pourquoi j'adresse copie de la présente lettre à la présidente de l'université Paris X afin qu'elle apprécie de son côté si vos distractions contentieuses et les dérives juridiques que vous y manifestez n'impliqueraient pas des lacunes dans votre aptitude à remplir vos tâches d'enseignement ou à tout le moins dans la manière dont vous y satisfaites. " ;

Considérant que M. Z... a agi dans l'exercice de sa fonction de Président de la Cour administrative d'appel répondant à un courrier de justiciable ; que la faute éventuelle commise par ce dernier se rattache à l'exercice de ses fonctions ; qu'elle ne porte pas atteinte à une liberté ou à un droit fondamental non susceptible de se rattacher à l'exercice légitime de la puissance publique ;

Considérant que la diffusion de ce courrier à la présidente de l'université de Paris X dont les décisions avaient déjà fait l'objet de recours de la part de M. X... et qui n'ignorait donc pas l'appétence de ce dernier pour la procédure, nonobstant le caractère éventuellement maladroit ou inapproprié d'une telle transmission et les termes éventuellement déplaisants ou excessifs de ce courrier pour M. X..., ne peut constituer une faute d'une gravité telle qu'elle justifie que son examen relève de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;

Considérant de même que l'intention de nuire de M. Z... à l'égard de M. X... n'est pas rapportée ; que celui-ci entendait veiller au bon fonctionnement de sa cour et éviter pour l'avenir toute perturbation en informant la présidente de l'université du recours effectué par M. X... ;

Considérant dès lors qu'il convient de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Considérant que l'équité commande de faire droit à la demande de M. Z... sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer la somme visée au dispositif au paiement de laquelle M. X... est condamné ;

Considérant que ce dernier succombant ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doit supporter les entiers dépens de l'instance ;

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Condamne M. X... à payer à M. Z... la somme de 1. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. X... aux dépens qui seront recouvrés par la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1- chambre 3
Numéro d'arrêt : 10/15041
Date de la décision : 28/06/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

ARRET du 08 mars 2012, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 8 mars 2012, 11-24.638, Publié au bulletin

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2011-06-28;10.15041 ?
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