RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 28 Juin 2011
(n° 6 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/04465
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Janvier 2009 par le conseil de prud'hommes de EVRY section encadrement RG n° F 08/00097
APPELANTE
SOCIETE MEDIA SATURN FRANCE
[Adresse 7]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Pascal GASTEBOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : R188 substitué par Me Raphaël ROULEAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : B 0879
INTIMÉE
Madame [H] [X]
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Me Pascale RAYROUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C 275
PARTIE INTERVENANTE :
POLE EMPLOI BOURGOGNE
[Adresse 2]
[Localité 3], représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 Mai 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Monsieur Philippe LABREGERE, Conseiller
Mme Marie-Aleth TRAPET, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
- signé par Madame Brigitte BOITAUD, président et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.
LA COUR,
Statuant sur l'appel formé par la société MEDIA SATURN FRANCE d'un jugement contradictoire du Conseil de Prud'hommes d'Evry en date du 27 janvier 2009 l'ayant condamnée à verser à [H] [X]
11034,75 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
1103,47 euros au titre des congés payés y afférents
2758,68 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
24000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
20428,82 euros au titre de la clause de non concurrence
2042,82 euros au titre des congés payés
1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
ordonné la remise de bulletins de paye et d'un certificat de travail conformes, le remboursement des indemnités de chômage dans la limite d'un mois et débouté la salariée du surplus de sa demande ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 10 mai 2011 de la société MEDIA SATURN FRANCE appelante et la note en délibéré du 13 mai 2011, qui sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'intimée à lui verser 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 10 mai 2011 de [H] [X] intimée qui sollicite de la Cour la réformation du jugement entrepris et la condamnation de l'appelante à lui verser
3300 euros à titre de rappel de rémunération variable
330 euros au titre des congés payés
3102,60 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire
310,26 euros au titre des congés payés
11034,75 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
1103,47 euros au titre des congés payés y afférents
2758,68 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
34714,31 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
20428,25 euros au titre de la clause de non concurrence
2042,82 euros au titre des congés payés
5000 euros à titre de dommages et intérêts pour non paiement de la contrepartie de la clause de non concurrence
la remise de bulletins de paye et d'un certificat de travail et d'une attestation ASSEDIC conformes sous astreinte de 100 euros par jour de retard
la capitalisation des intérêts
5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les dernières écritures en date du 10 mai 2011 du POLE EMPLOI BOURGOGNE intervenant volontaire qui sollicite de la Cour la condamnation de l'appelante à lui rembourser la somme de 13118,56 euros au titre de 182 allocations journalières de chômage et à lui verser 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
SUR CE LA COUR
Considérant qu'il est constant qu'[H] [K] épouse [X] a été embauchée par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 août 2003 en qualité de responsable recrutement et intégration par la société appelante moyennant le versement d'un salaire brut de 3300 € et une prime garantie au titre des douze premiers mois de 3300 € ; qu'elle était assujettie à la convention collective des commerces et services de l'électronique, de l'audiovisuel et des services ménagers ; que l'entreprise employait de façon habituelle au moins onze salariés ;
Qu'[H] [X] a été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 janvier 2006 à un entretien le 2 février 2006 en vue de son licenciement avec mise à pied à titre conservatoire ; qu'à l'issue de cet entretien, son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 février 2006 ;
Que les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont une fouille du bureau de son supérieur hiérarchique, la prise en photocopie de documents, une absence de démarches conduisant à un refus de prise en charge financière du coût de formation d'une salariée bénéficiaire d'un contrat de professionalisation ;
Que l'intimée a saisi le Conseil de Prud'hommes le 4 octobre 2006 en vue de faire constater l'illégitimité du licenciement ;
Considérant que la société MEDIA SATURN FRANCE expose que le poste d'[H] [X] n'a pas été supprimé ; que les faits qui lui sont reprochés sont constitutifs de faute grave ; qu'ils consistent en un manquement délibéré à l'obligation de réserve et de loyauté inhérente au contrat de travail ; que la salariée n'a pas fait preuve de diligence en n'assurant pas le suivi d'un contrat de professionnalisation ; que ces obligations étaient renforcées en raison de son statut de cadre ; que la motivation du jugement doit être rejetée ; que l'intimée ne communique aucun élément permettant de s'assurer qu'elle a recherché un emploi ; qu'elle n'a jamais réclamé le paiement de la contrepartie financière à la clause de non concurrence ; que le rappel de prime n'est pas dû ; qu'il n'était garanti que pour la première année ; que la rémunération variable a été intégrée au salaire de base ;
Considérant qu'[H] [X] soutient que la réorganisation au sein de l'entreprise conduisait à la modification de ses responsabilités ; qu'aucune information ne lui a été communiquée sur les nouvelles fonctions susceptibles de lui être confiées ; qu'elle n'est jamais entrée dans le bureau de son employeur à l'heure alléguée et dément avoir procédé à la fouille de celui-ci ; qu'il ne lui avait jamais été interdit d'y pénétrer ; qu'elle nie avoir effectué des photocopies ; qu'elle n'a commis aucun détournement ; qu'elle n'a jamais refusé de fournir des explications ; que les pièces n'étaient pas des documents confidentiels; qu'elle conteste le défaut de suivi du contrat de professionnalisation ; que la moyenne de ses salaires doit être fixée à 3678,25 € ; que la société devait définir postérieurement à la première année le quantum de sa rémunération variable ; qu'elle a subi un grave préjudice car elle est restée inscrite aux ASSEDIC durant près de deux années ; que la société ne lui pas versé l'indemnité constituant la contrepartie à la clause de non concurrence ;
Considérant que le POLE EMPLOI BOURGOGNE fait valoir qu'il a versé des indemnités journalières de chômage du 31 mars 2006 au 28 septembre 2006 dont il demande le remboursement ;
Considérant en application de l'article L1234-1 du code du travail sur les premiers griefs qu'il résulte des pièces versées aux débats qu'[H] [X] avait coutume de se rendre dans le bureau de [M] [R], directeur des ressources humaines, pour avoir accès à des documents qui y étaient classés et qu'elle était en droit de consulter en raison de ses fonctions de responsable du recrutement et de l'intégration ; que cette habitude était également suivie par les gérants comme le rappelle le courrier du directeur en date du 7 mars 2006 ; qu'il régnait entre [M] [R] et l'intimée une certaine liberté de comportement en raison de leur passé commun au sein d'une autre entreprise ; que l'intimée n'a nullement agi subrepticement, le bureau de [M] [R] étant séparé de celui des autres salariés par une simple paroi en verre ; que d'ailleurs plusieurs témoins ont pu relater les gestes accomplis par elle ; que les documents qu'il lui est reproché d'avoir reproduits consistent en douze feuilles plastiques destinées à être projetées sur écran, dites "slides", relatives au thème "développement RH Opérationnel Magasins" ; que ces documents avaient fait l'objet d'une projection lors d'une présentation du sujet au cours d'une réunion organisée les 17 et 18 janvier 2006 ; qu'aucun élément de preuve ne démontre que l'intimée ait également photocopié le tableau de janvier 2006 relatif à l'organisation du travail des directeurs d'établissements ; qu'en effet le courriel en date du 24 janvier 2006, sur lequel la société s'appuie pour démontrer la faute alléguée de l'intimée, ne reprend que les énonciations figurant dans les neuf premières fiches et concernant les fonctions du nouveau responsable du développement RH opérationnel ; que la description de ces nouvelles fonctions affectait bien les responsabilités attribuées jusque là à l'intimée selon le contrat de travail en matière de politique de recrutement, d'intégration et de suivi, de gestion des processus d'évaluation ; que l'intimée n'a procédé à aucune divulgation des informations contenues dans les fiches ; que, se fondant sur leur contenu, elle a demandé à son supérieur hiérarchique direct des clarifications sur les conditions de poursuite de son contrat de travail; que les termes du courriel sont suffisamment précis pour démontrer qu'il a été élaboré à partir des "slides" utilisés lors de la réunion organisée les 17 et 18 janvier 2006; que néanmoins l'obligation de loyauté à laquelle la société était tenue en vertu du contrat de travail devait la conduire à fournir à l'intimée toutes les clarifications nécessaires sur les répercussions sur ses fonctions de la création du poste de responsable du développement RH opérationnel magasins, préalablement à la présentation de ce poste et de son nouveau titulaire, jusque là responsable emploi et formation, lors de la réunion des directeurs de magasins ; que la simple reproduction par photocopie desdits "slides" ne constitue donc pas en soi, compte tenu des circonstances de l'espèce, un fait fautif justifiant la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire de licenciement ;
Considérant, sur le grief relatif au défaut de suivi du contrat de professionnalisation de [E] [B], qu'il résulte du courrier du 30 janvier 2006 de l'AGEFOS PME Alsace que le défaut de réponse à son précédent courrier du 2 décembre 2005 relatif à la conclusion du contrat de professionnalisation dans lequel l'intimée était désignée tuteur, n'était susceptible d'entraîner un refus de financement que si aucune précision n'était apportée à sa première demande ; qu'il n'est nullement démontré par l'appelante que l'omission imputée à l'intimée soit volontaire ni qu'aucune réponse n'ait été apportée à ce courrier ; qu'au demeurant, l'intimée étant mise à pied dès le 26 janvier 2006, elle n'était plus en mesure d'apporter les clarifications sollicitées ni de mener à bien ledit contrat ; que la société n'établit pas non plus qu'elle ait dû prendre en charge le financement de la formation de [E] [B] ; que de tels faits ne constituent tout au plus qu'une simple insuffisance professionnelle quel que soit le statut de l'intimée ;
Considérant en conséquence que le licenciement de l'intimée est bien dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Considérant qu'il résulte des termes de l'article 6 du contrat de travail qu'au delà de la première année durant laquelle l'intimée pouvait prétendre à une prime d'un montant garanti, celle-ci devait être fixée par avenant définissant le montant et les modalités de celle-ci ; qu'en l'absence d'élément démontrant que le principe du versement d'une prime variable était acquis et d'accord des parties sur la détermination de ladite prime, il convient de débouter l'intimée de sa demande ;
Considérant que la rémunération mensuelle brute moyenne de l'intimée doit être évaluée à la somme de 3678,25 € ;
Considérant qu'il n'existe pas de contestation sur le montant du rappel de salaire dû en raison de la mise à pied conservatoire dépourvue d'objet ;
Considérant que les premiers juges ont exactement évalué l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés ainsi que l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
Considérant en application de l'article L1235-3 du code du travail que l'intimée était âgée de près de 36 ans et bénéficiait d'une ancienneté plus de deux années au sein de l'entreprise à la date de son licenciement ; que les relevés produits font apparaître qu'elle s'est trouvée sans emploi jusqu'en mars 2008 ; que les premiers juges ont exactement évalué l'indemnité due sur le fondement des dispositions légales précitées ;
Considérant que la société ne fournit aucune explication aux raisons pour lesquelles elle aurait, dans un même courrier recommandé en date du 17 février 2005, adressé à la fois la lettre de licenciement et la lettre libérant l'intimée de son obligation de non concurrence, alors qu'elle pouvait faire figurer cette dernière mesure dans la lettre de licenciement ; que puisqu'elle a fait un tel choix il lui appartenait de l'individualiser par l'envoi d'un courrier recommandé séparé ; que l'écrit produit par l'appelante n'ayant pas date certaine et aux termes de l'article 12 du contrat de travail la renonciation ne pouvant avoir effet que si elle est survenue dans les quinze jours suivant la date de cessation effective de l'activité, l'appelante est réputée ne pas avoir renoncé à l'obligation de non concurrence ; qu'elle ne démontre pas que l'intimée n'ait pas respecté cette obligation ; que compte tenu des dispositions contractuelles précitées évaluant l'indemnité due à 40 % de la rémunération mensuelle brute moyenne perçue au cours des douze mois précédant la rupture, elle est redevable de la somme de 17655 € et de 1765,50 € au titre des congés payés ;
Considérant que l'intimée ne démontre pas l'existence d'un préjudice résultant du défaut de paiement de la contrepartie financière de la clause de non concurrence ;
Considérant qu'il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
Considérant qu'il convient de confirmer l'obligation à la charge de la société de remettre des bulletins de paye, un certificat de travail et une attestation POLE EMPLOI conformes au présent arrêt ;
Considérant en application de l'article L 1235-4 alinéa 1 et 2 du code du travail que le remboursement des allocations de chômage dans la limite de six mois d'indemnités peut être ordonné au profit du Pôle Emploi, lorsque le salarié a plus de deux années d'ancienneté au sein de l'entreprise et que celle-ci occupe habituellement plus de dix salariés ;
Considérant que les conditions étant réunies en l'espèce, il convient d'ordonner le remboursement par la société des allocations versées à l'intimée par le Pôle Emploi de Bourgogne et s'élevant à la somme de 13118,56 € ;
Considérant qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de la seule intimée les frais qu'elle a dû exposer en cause d'appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
REFORME le jugement entrepris ;
CONDAMNE la société MEDIA SATURN FRANCE à verser à [H] [K] épouse [X]
3102,60 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire
310,26 euros au titre des congés payés
17655 euros au titre de la clause de non concurrence
1765,5 euros au titre des congés payés ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil;
CONDAMNE la société MEDIA SATURN FRANCE à verser au POLE EMPLOI BOURGOGNE, à titre de remboursement des allocations journalières de chômage, la somme de
13118,56 euros ;
CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris ;
Y AJOUTANT
CONDAMNE la société MEDIA SATURN FRANCE à verser à [H] [K] épouse [X] 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société MEDIA SATURN FRANCE aux dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE