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28/06/2011 | FRANCE | N°08/11354

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 28 juin 2011, 08/11354


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 28 Juin 2011



(n°76, 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/11354



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 25 septembre 2008 par le conseil de prud'hommes de Créteil formation paritaire section encadrement RG n° 07/02551





APPELANTE



Mme [P] [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparante en personne, assi

stée de Me Jean-Yves FELTESSE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0028







INTIMÉE



SA ANNE CAROLE IMMOBILIER

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Pierre QUEUDOT, avocat au barreau...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 28 Juin 2011

(n°76, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/11354

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 25 septembre 2008 par le conseil de prud'hommes de Créteil formation paritaire section encadrement RG n° 07/02551

APPELANTE

Mme [P] [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparante en personne, assistée de Me Jean-Yves FELTESSE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0028

INTIMÉE

SA ANNE CAROLE IMMOBILIER

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Pierre QUEUDOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1641

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 février 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente

Madame Michèle MARTINEZ, conseillère

Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseillère

GREFFIER : Monsieur Eddy VITALIS, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Présidente et par Mademoiselle Céline MASBOU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA COUR,

Statuant d'une part sur l'appel régulièrement formé par Mme [U] le 28 octobre 2008 contre le jugement rendu le 25 septembre 2008 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL - section encadrement - qui l'a déboutée de sa demande en annulation de deux avertissements lui ayant été notifiés les 10 novembre et 17 décembre 2007 par son employeur la société ANNE CAROLE IMMOBILIER, et l'a condamnée à payer à celui-ci la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et d'autre part, sur ses demandes nouvelles en cours d'appel au titre de son licenciement d'une prime d'ancienneté d'allocation DIF et ses primes de résultat,

Vu les conclusions du 22 février 2010 au soutien de ses observations orales de Mme [U] qui demande à la cour d'annuler les avertissements litigieux, de lui donner acte de ce qu'elle se désiste de ses demandes à caractère salarial précitées, de débouter la société ANNE CAROLE IMMOBILIER de sa demande de sursis à statuer et de condamner la société ANNE CAROLE IMMOBILIER à lui payer avec intérêts légaux les sommes de 607,28 €, à titre de rappel salaires au titre de sa mise à pied, 6.211,60 € à titre d'indemnité conventionnelle, 76.000 € à titre d'indemnité de préavis, 9.317,14 € à titre d'indemnité de préavis, 931 € au titre des congés payés incidents, 13.000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, d'ordonner à l'intimée de lui remettre une attestation ASSEDIC conforme, et condamner l'intimé à lui payer la somme de 6.000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les conclusions du 7 septembre 2010 au soutien de ses observations orales de la société ANNE CAROLE IMMOBILIER qui demande à la cour, d'une part de confirmer ce jugement déféré, de condamner Mme [U] à lui payer la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et à lui payer 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et d'autre part, sur le licenciement, d'ordonner le sursis à statuer en raison d'une procédure pénale en cours pour menaces de mort ; subsidiairement, débouter Mme [U] de toutes ses demandes ; plus subsidiairement, de fixer les indemnités qui seraient dues sur une base mensuelle de 1.522,14 € ; en tout état de cause de condamner l'appelante à lui payer la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'arrêt de cette chambre de la cour en date du 9 novembre 2010 sur les demandes des parties sur la désignation d'un médiateur ;

Vu l'absence de médiation à ce jour,

Mme [U] a été engagée le 18 février 2000 à effet du 21 février 2000 par la société ANNE CAROLE IMMOBILIER exploitant une agence immobilière à [Localité 5] en qualité de VRP Exclusif, rémunérée à la commission à hauteur de 12% des commissions hors taxes de la société sur chaque affaire trouvée ou vendue et de 25 % sur chaque affaire trouvée et vendue, et ce compris le remboursement forfaitaire des frais

professionnels et le 13ème mois équivalent à 1/12ème de la rémunération annuelle garantie à la salariée. Ses commissions devaient être régularisées par semestre civil les 30 juin et 31 décembre entre celles dues et les avances versées.

Le 10 novembre 2007 la société ANNE CAROLE IMMOBILIER adressait à Mme [U] une lettre d'avertissement dans deux affaires pour ne pas ne pas avoir tenu compte de remarques relatives à la baisse sans avenant d'un prix de vente d'un appartement pour l'une (Mme [S]), ne pas avoir le pouvoir de tous les associés d'une SCI pour mettre en vente un appartement, dans l'autre, (mandat SCI LEALTE), obligeant ainsi la société à les retirer de la vente.

Par lettre du 28 novembre 2007, Mme [U] contestait point par point ces avertissements.

Par lettre du 17 décembre 2007, la société ANNE CAROLE IMMOBILIER adressait à Mme [U] une seconde lettre d'avertissement maintenant les griefs précédents et l'accusant d'avoir alors qu'elle était en arrêt maladie et avait repris ses fonctions le 20 novembre 2007 rajouté sur son agenda informatique le terme 'tel Mme [Z] pour AG de la SCI', à la date du 7 novembre 'pour faire croire qu'elle avait prévu de contacter Mme [Z] en vue de convoquer une nouvelle assemblée générale de la SCI LEALTE ..., [cette] 'manipulation étant destinée à faire croire que l'avertissement du 20 novembre 2007 sur [ce] dossier n'était pas motivé'.

Mme [U] saisissait la juridiction prud'homale le 21 décembre 2007.

Du 3 au 20 avril 2008, Mme [U] devait s'absenter pour maladie. Par courrier du 4 avril 2008 de son conseil, Mme [U] se plaignait de violences morales alors qu'elle était enceinte et d'avoir été évincée d'un dossier [K] ainsi que de l'absence de solutions commerciales dans un dossier [J].

Le 4 avril 2008 la société ANNE CAROLE IMMOBILIER convoquait pour le 14 avril Mme [U] à un entretien préalable à son licenciement en la mettant à pied jusqu'au 18 avril au motif d'une agression sur la gérante, [C] [M].

Mme [U] était licenciée par lettre du 17 avril 2008 de Mme [C] [M], pour fautes graves, aux motifs suivants :

'...

1)... les faits s'étant produits le 3 avril 2008 vers 10 heures 45' soit :

- m'avoir jeté au visage le mandat de ventes du dossier [K] ayant provoqué une griffure, le tout en m'insultant, m'accusant de vous faire 'tapiner' et d'être un 'monstre' pour vous mettre dans cet état alors que vous êtes enceinte, dans le but de me culpabiliser.

- m'avoir menacée sur un ton hystérique en disant que cette affaire n'en resterait pas là.

- lorsque je vous demandais de vous calmer, m'avoir pris les deux bras en me secouant violemment plusieurs fois.

- m'avoir frappée au bras.

2) lors de l'entretien préalable du 14 avril 2008 m'avoir accusée si des témoignages devaient être produits quant à votre agression du 3 avril 2008 d'en solliciter des faux.

3) avoir indiqué à votre avocat une fausse version des faits concernant les dossiers [K] et [J] pour lesquels il m'a écrit le 4 avril 2008 m'accusant de violences morales à votre égard, ce que je conteste..... En effet, selon nos règles internes que vous maîtrisez compte tenu de votre ancienneté, le dossier des clients [K] devait être attribué à votre collègue M. [H] qui les a trouvés le 20 mars 2008 en leur qualité de vendeurs par son travail de pige puis leur a laissé un message sur leur répondeur pour qu'ils le contactent, ce qu'ils firent le 22 mars où ils étaient en congés.

.... Malgré la confraternité de M. [H], vous avez le 25 mars 2008 alors que vous saviez qu'il rentrait de congés le lendemain, contracté les clients [K] (que vous aviez suivis comme prospects antérieurs dans un dossier précédent sur lequel vous n'aviez d'ailleurs pas concrétisé avec eux, les supprimant même dans notre base de données ...) pour un rendez-vous avec vous le samedi 29 mars 2008..... afin de vous approprier la rentrée du mandat de vente.

Le 3 avril 2008 juste après vous avoir rappelé calmement et sans insultes contrairement à ce que vous avez prétendu à votre avocat, nos règles internes ci-dessus, vous avez adopté un comportement agressif.

Quand au dossier de la vente [J]/SARL PERENNE, dont nous avons parlé le 3 avril 2008, il a été perdu une première fois de votre fait, dès lors que vous n'avez assuré aucun suivi de ce dossier, et contrairement à ce que m'a écrit votre avocat, ce n'est contrairement pas l'acquéreur la société PERENNE qui peut s'en trouver mécontente car votre absence totale de suivi lui a permis de se libérer.

Alors que nous avons perdu l'honoraire de 40.000 euros sur ce dossier qui aurait dû aboutir si vous l'aviez suivi, aucun avertissement ne vous a été notifié le concernant.

Contrairement à ce que vous avez prétendu à votre avocat, la société SMBI, nouveau candidat acquéreur du bien de Madame [J] n'a manifesté à ce jour aucun mécontentement et est toujours enregistrée sur notre base de données acquéreurs.

.....

...Au lieu de proposer à la société SMBI la solution que nous vous avons suggérée d'une reprise du permis de construire qu'avait obtenu la société PERENNE, susceptible d'amener Madame [J] à accepter une baisse de prix du mandat et donc de consigner l'offre de la société SMBI, vous vous êtes contentée d'adresser à cette société un courrier en lui indiquant d'avoir à formuler une offre au prix du mandat soit 1.250.000 euros.'

Mme [U] saisissait la juridiction prud'homale le 30 avril 2008.

Par jugement rendu le 12 juin 2008 sur plainte de Mme [M] le tribunal de police de NOGENT SUR MARNE déclarait Mme [U] non coupable des faits reprochés et déboutait Mme [M] de sa demande de dommages-intérêts.

Le 26 septembre 2008 Mme [U] saisissait la formation de référé du conseil de prud'hommes de CRETEIL aux fins de paiement par la société ANNE CAROLE IMMOBILIER d'une commission d'une vente OIKINE qui lui était alors réglée.

Le 8 juillet 2008 et 2 avril 2009 Mme [M] et la société ANNE CAROLE IMMOBILIER déposait plainte avec constitution de partie civile contre Mme [U] pour menaces de mort.

SUR QUOI

Sur le sursis à statuer

Attendu que l'objet de la plainte pénale avec constitution de partie civile dont se prévaut la société intimée mais sans apporter la preuve de son dépôt relève des faits distincts de l'exécution et de la rupture du contrat de travail et postérieurs à cette dernière ;

Que la demande de sursis à statuer n'est ni fondée ni justifiée ;

Sur les demandes salariales

Attendu que Mme [U] s'est désistée de ses demandes en paiement à titre de prime d'ancienneté, d'allocation DIF et des primes de résultat ;

Sur les sanctions des 10 novembre et 17 décembre 2007

Attendu que la société ANNE CAROLE IMMOBILIER fait grief dans son courrier d'avertissement à Mme [U], en premier lieu, d'avoir commercialisé un bien de M. et Mme [S] à un prix inférieur à celui retenu lors de la signature de leur mandat de vente initial, le prix proposé passant sans avenant préalable de 1.370.000 euros, à 1.065.000 euros puis à 1.165.000 euros et enfin à 1.200.000 euros après une négociation avec M. [L] et sa compagne à 1.130.000 euros ; que Mme [M] a constaté à son retour de congé le 6 novembre 2007 que malgré sa demande de retrait du bien à la vente, celui-ci est toujours présenté en vitrine et sur internet au prix de 1.200.000 euros ;

Que l'intimée fait valoir que le seul avenant de baisse de prix obtenu par Mme [U] n'a été obtenu que le 27 novembre 2007 postérieurement à l'avertissement ;

que Mme [U] a donc violé la loi HOGUET du 2 janvier 1970 et son décret d'application du 20 juillet 1972 ;

Mais attendu que Mme [U] disposait à la date de l'avertissement non seulement d'un mandat de vente mais également d'un accord express de M. et Mme [S] vendeurs ;

Ce dont M. [S] atteste le 27 novembre 2007 en précisant avoir demandé à trois reprises à Mme [U] de modifier le prix de vente, avoir reçu les projets avenants à ce titre, les avoir régularisés mais avoir tardé à les remettre à l'agence ;

Qu'il s'évince de ces éléments, que les époux [S] ont donné leur accord à Mme [U] pour baisser le prix de mise en vente de leur bien mais que M. [S] n'a pas fait diligence immédiate pour faire retour des avenants correspondants ;

Que le défaut de diligences à la date de l'avertissement n'étant pas imputable à Mme [U], aucune faute à ce titre ne justifiait une sanction disciplinaire ;

Attendu que la société ANNE CAROLE IMMOBILIER fait également grief à Mme [U] d'avoir dans un dossier SCI LEALTE accepté un mandat de vente d'un bien de cette société le 6 octobre 2007 sans détenir le procès-verbal de son assemblée générale habilitant la gérante, Mme [W] [Z], à vendre cet actif ; l'agence étant en conséquence dans l'obligation de retirer ce produit à la vente ; que cependant Mme [U], produit les statuts de la SCI LEALTE en date du 3 mars 2006, lesquels, s'ils imposent en leur article 15 une autorisation préalable mais seulement de l'assemblée générale ordinaire des associés pour vendre les immeubles de la SCI, donne pouvoir à la gérance de faire tous actes de gestion ; que confiée à une agence un mandat pour rechercher un acquéreur n'emporte pas vente du bien en l'absence d'une promesse de vente ;

Que de surcroît, l'assemblée générale des actionnaires a donné pouvoir à Mme [W] [Z] le 6 novembre 2007, antérieurement à l'avertissement le mandat en cause ; que Mme [W] [Z] était associée majoritaire avec 64 parts sur 100 ; que seule une associée minoritaire avec 9 parts s'étant abstenue, l'autorisation donnée à Mme [W] [Z] a été décidée à la majorité de 91 parts sur 100 ;

Que le grief n'est pas sérieux ;

Et attendu que pour autant la société ANNE CAROLE IMMOBILIER l'a maintenu comme motif de son second avertissement du 17 décembre 2007 comme celui concernant le mandat de vente [S] nonobstant la justification de la salariée d'une remise d'avenants sur le prix par la salariée ; que le procès d'intention selon lequel la salariée a rajouté la mention sur son agenda à la date du 7 novembre 2007 de téléphoner à Mme [Z] concernant l'assemblée générale de la SCI LEALTE 'pour faire croire' avoir contacté Mme [Z] n'est étayé par aucun élément ; que l'agenda manuscrit de la salarié comporte la même mention ; que le procès-verbal de l'assemblée générale a été déposé dans la boîte de l'agence par Mme [Z] dès le 11 novembre ; que ce dernier grief énoncé plus d'un mois après n'est pas sérieux ;

Attendu en conséquence, qu'il doit être fait droit aux demandes d'annulation des avertissements notifiés les 10 novembre et 17 décembre 2007 à Mme [U] ;

Sur le licenciement

Attendu que Mme [U] ne se prévaut pas d'un état de grossesse à la date du licenciement ;

Attendu que la salariée a été licenciée pour fautes graves aux motifs en premier lieu, d'avoir provoqué une griffure au visage de Mme [M] le 3 avril 2008 en lui jetant un mandat de vente [K], en l'accusant de lui faire 'tapiner' et d'être un 'monstre' alors qu'elle était enceinte dans le but de la culpabiliser, de l'avoir menacée de ne pas en rester là, de lui avoir pris les deux bras en la secouant violemment plusieurs fois, de l'avoir frappée aux bras ; en deuxième lieu, d'avoir envisagé lors de l'entretien préalable au licenciement que les témoignages qu'elle produisait seraient des faux ; en troisième lieu, d'avoir fait intervenir son conseil en lui donnant une fausse version des faits sur deux dossiers [K] et [J], après s'être approprié le premier qui revenait à M. [H] et n'avoir pas assuré le suivi du second avant de se contenter, malgré la préconisation de l'agence de faire envisager une reprise de permis de construire par l'acquéreur, le candidat, la société SMBI, afin d'amener la propriétaire, Mme [J], à accepter une baisse de prix, d'indiquer à la société d'avoir à présenter une offre au prix initial ;

Attendu sur le premier grief, que la société ANNE CAROLE IMMOBILIER nonobstant la plainte pénale qu'elle a formulé ne rapporte pas la preuve de violences de Mme [U] à l'encontre de Mme [M] ; que le dossier d'enquête comme le jugement du tribunal de police produits aux débats révèlent que si Mme [M] présentait des 'contusions' lors de l'examen médical consécutif, le jour même, à l'entretien qu'elle a eu avec Mme [U] le 3 avril 2007, aucune griffure n'était cependant constatée ; que le moyen tiré du doute, le tribunal ayant motivé sa décision d'absence de culpabilité sur le constat d'aucune certitude quant à l'existence des violences physiques dénoncées, ne peut prospérer, seule la preuve des faits pouvant être rapportée au titre d'une faute grave ;

que le jugement du tribunal de police ne fait état que de 'débordements verbaux' ;

que lors de l'enquête de police le 29 avril 2008 Mme [U] a reconnu s'être vraiment énervée, avoir vidé son sac, crié, insulté Mme [M] mais avoir été surprise de sa réaction après 8 ans de collaboration, Mme [M] lui ayant reproché d'avoir traité un dossier ne lui étant pas affecté, refusé de lui faire ce grief par écrit et dit qu'elle était directrice de l'agence et faisait ce qu'elle voulait ;

qu'un tel énervement s'il est en conséquence réel ne peut fonder un licenciement puisque unique et venant en défense à des reproches professionnels après 8 années de collaboration dans un moment de forte tension du fait de l'engagement antérieur d'une procédure prud'homale par la salariée ; que la société ANNE CAROLE IMMOBILIER ne rapporte pas par ailleurs la preuve de l'attitude de Mme [M] elle-même ;

que le grief ne peut fonder une faute grave ;

Attendu que sur le deuxième grief, que les propos de la salariée au cours de l'entretien préalable sur l'impossibilité d'attestations à son encontre, sauf à considérer qu'ils seraient dans le cas contraire des faux, ne constituent pas un abus des droits de la défense s'une salariée dont le licenciement pour fautes graves est envisagé et ne peuvent fonder cette sanction ;

Attendu sur le troisième grief, que l'intervention d'un conseil en défense d'une salariée ne peut constituer non plus un motif de licenciement ; que la négation par la société ANNE CAROLE IMMOBILIER de la thèse de ce conseil ne constitue pas en soi la preuve du caractère mensonger des faits énoncés; que Mme [U] produit pour sa part des attestations de collègues et d'une cliente faisant état des entraves dont faisait l'objet dans son travail Mme [U] ;

qu'il s'évince par ailleurs des explications des parties et de l'attestation de Mme [K] produite que les époux [K] étaient des prospects de longue date de Mme [U] ; que si M. [H] a eu un contact avec ces clients et si Mme [U] a reconnu avoir récupéré le mandat donné par ceux-ci, la preuve d'une faute de Mme [U] n'est pas dans ce contexte établie, alors qu'est manifeste la volonté de la directrice de l'agence de privilégier son collègue, M. [H], malgré ces circonstances ;

que concernant le dossier [J], la société ANNE CAROLE IMMOBILIER se contente d'affirmer que Mme [U] disposait d'une marge de négociation qu'elle n'a pas utilisée ;

que pendant l'appelante produit une attestation de Mme [J] qui vient d'montrer qu'en réalité ce fut l'agence qui, concernant les négociations avec la société PERENNE, avait refusé de réduire le montant de la commission et que la lenteur du dossier avait été imputable au notaire chargé de réaliser la vente et que concernant la vente à la société SMBI, ce fut à nouveau Mme [M] qui refusé de réduire la commission d'agence, le travail de Mme [U] ne portant pas à critique ;

que le grief n'est pas fondé ;

Attendu en conséquence qu'il ressort de l'ensemble des motifs qui précèdent que le licenciement pour fautes graves de Mme [U] sur le fondement des griefs énoncés dans la lettre de rupture ne procède pas d'une cause réelle et sérieuse au sens de l'article L 1235-5 du code du Travail ;

Attendu que Mme [U] intègre à juste titre dans l'assiette de calcul de ses indemnités de rupture, l'ensemble des commissions qu'elle devait percevoir au titre des douze derniers mois au cours desquels elle a effectivement travaillé, notamment en exécution de son droit de suite ; que le salaire de base brut mensuel moyen à prendre en compte s'élève à 3.166 € ;

qu'au regard des dispositions afférentes de la convention collective de l'immobilier il lui est dû 9.567 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre l'incidence des congés payés selon la règle du dixième, 6.211,60 € au titre de l'indemnité de licenciement ;

qu'elle doit percevoir en outre son salaire au titre de la période de la mise à pied notifiée à son encontre, soit la somme de 607,28 € retenue à ce titre sur sa fiche de paie ;

Attendu que Mme [U] au regard des circonstances de la rupture et du fait de la perte de son emploi n'a paiement retrouver un travail avant mai 2009 ;qu'au regard des dispositions de l'article L 1235-4 du code du Travail applicable en l'espèce, elle doit être indemnisée au regard des éléments que révèlent les pièces qu'elle fournit par la somme de 35.000 € à titre dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

Attendu que Mme [U] a été licenciée alors qu'elle venait de faire l'objet de deux sanctions disciplinaires injustifiées ; qu'elle produit des attestations de collègues selon lesquelles la gérante Mme [M], se 'méfiait d'elle', vu son ancienneté et son chiffre d'affaires, l'empêchait de travailler avec une autre collègue, avait à son encontre des propos dévalorisants, (attestation de Mme [V]), limitait son champ d'action depuis son retour de congé maternité en redistribuant ses dossiers, recherchait à connaître son emploi du temps alors qu'elle avait son agenda sous ses yeux, lui faisait comprendre que sa période de présence dans l'entreprise devenait trop importante (attestation de mme [X]) ; qu'un témoin qualifie même l'attitude de Mme [M] à l'égard de Mme [U] de harcèlement (attestation de M. [R]) ;

que la société ANNE CAROLE IMMOBILIER n'apporte aucune critique sérieuse sur les attestations produites qui décrivent des faits précis et présentent tout garantie, peu important qu'elles soient antérieures à la procédure de licenciement ou contemporaines ; que de même l'énoncé a posteriori sur 'des libertés de comportement' de Mme [U] depuis août 2006, telles des absences les 22 et 27 juin 2007, ou après son licenciement concernant ses réclamations au titre de l'attestation Assedic qui lui avait été remise n'exonère pas l'employeur de ses manquements à l'exécution de bonne foi du contrat de travail ;

que du fait du comportement de son employeur Mme [U] a subi un préjudice qu'il convient de réparer sur le fondement de l'article 1134 du code civil mais non de l'article 1382 de ce code comme débattu à l'audience ;

qu'au vu des circonstances et de la persistance du comportement de l'employeur, Mme [U] justifie d'un préjudice dont l'indemnisation doit être fixée à 5.000 € ;

Sur les intérêts légaux

Attendu que les intérêts légaux courent dans les conditions de l'article 1153 et 1153-1 du code civil selon le caractère indemnitaire ou non de la créance ;

Sur l'attestation Assedic

Attendu sur la remise d'une attestation Assedic, que Mme [U] a perçu une aide au retour à l'emploi inférieure au montant de l'allocation qu'elle devait recevoir au regard de sa rémunération réelle, à savoir le montant des commissions intégrant celles au titre de son droit de suite jusqu'à la signature des ventes négociées par elle ;

que la société ANNE CAROLE IMMOBILIER doit remettre à Mme [U] une attestation rectificative pour un juste calcul de ses droits mais non pas complémentaire ;

Sur la demande reconventionnelle

Attendu au regard des motifs de fait et de droit qui précèdent qu'aucun abus de procédure ne peut être imputé à Mme [U] ;

PAR CES MOTIFS,

Infirmant le jugement déféré,

Constate le désistement de Mme [U] au titre de ses demandes de prime d'ancienneté, d'indemnité DIF et de prime de résultat,

Déclare la Cour dessaisie de ces demandes,

Annule les avertissements notifiés à Mme [U] par la société ANNE CAROLE IMMOBILIER les 10 novembre et 17 décembre 2007,

Déboute la société ANNE CAROLE IMMOBILIER de sa demande de sursis à statuer suite aux demandes nouvelles de Mme [U] fondées sur son licenciement,

Condamne la société ANNE CAROLE IMMOBILIER à payer à Mme [U] les sommes suivantes :

- 607,28 € au titre de retenue de salaire afférente à se mise à pied,

- 9.317,14 € à titre d'indemnité de préavis,

- 931,71 € au titre des congés payés incidents,

- 6.211,60 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 35.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,

Ordonne à la société ANNE CAROLE IMMOBILIER de remettre à Mme [U] une attestation conforme au présent arrêt quant à l'intégralité des commissions dues à la salariée ;

Déboute la société ANNE CAROLE IMMOBILIER de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif,

La condamne aux dépens,

Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile , la condamne à payer à Mme [U] la somme de 3.000 € et rejette sa demande à ce titre.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 08/11354
Date de la décision : 28/06/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°08/11354 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-28;08.11354 ?
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