Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRÊT DU 22 JUIN 2011
(n° 168 , 04 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/20719
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Juge de la Mise en Etat du 23 Septembre 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/00324
APPELANTE
La société LA REDOUTE, SA
Agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Francois TEYTAUD, avoué à la Cour
assistée de Me André BERTRAND, avocat au barreau de Paris, toque : L207
INTIMÉS
Monsieur [L] [B]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 4] (CHINE)
représenté par la SCP MONIN D AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour
assisté de Me Bruno METRAL, avocat au barreau de Lyon
plaidant pour la SCP BALAS & METRAL AVOCATS
La société FAIR WIND INDUSTRY LIMITED
Prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 5]
[Localité 6] (CHINE)
dont le domicile est élu en la SCP MONIN D AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour
assisté de Me Bruno METRAL, avocat au barreau de Lyon
plaidant pour la SCP BALAS & METRAL AVOCATS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 Mai 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Didier PIMOULLE, Président
Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère
Madame Anne-Marie GABER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Melle Aurélie GESLIN
ARRÊT :- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Mademoiselle Aurélie GESLIN, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
***
LA COUR,
Vu l'appel relevé par la s.a. La Redoute de l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre, 3ème section, n° de RG :09/324), rendue le 23 septembre 2009 ;
Vu les dernières conclusions de l'appelante (14 décembre 2010) ;
Vu les dernières conclusions (3 mai 2011) de la société Fair Wind Industry et de M. [L] [B], intimés ;
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 3 mai 2011 ;
* *
SUR QUOI,
Considérant que M. [B], titulaire de deux modèles communautaires portant sur un sac et une parka, et la société Fair Wind Industry, sise à [Localité 6], qui avait été en relations commerciales avec la société La Redoute au sujet de la distribution en France de ces deux modèles, estimant que cette société, avait commis à leur encontre des actes caractérisant la contrefaçon de leurs droits sur ces modèles, un abus de dépendance économique et une brusque rupture de relations commerciales établies, l'ont assignée en réparation de leur préjudice devant le tribunal de grande instance de Paris ;
Que la société La Redoute a saisi le juge de la mise en état d'une exception d'incompétence tirée de l'absence, selon elle, de connexité entre, d'une part, les actes de contrefaçon allégués à son encontre et, d'autre part, les faits qui lui sont reprochés sur le fondement des articles L.420-2 et L.442-6 du code de commerce, ces derniers relevant de la compétence des juridictions de Hong Kong, lieu de réalisation du dommage ;
Que le juge de la mise en état, par la décision déférée, a déclaré le tribunal de grande instance de Paris compétent pour connaître de l'ensemble du litige ; qu'il s'est ainsi prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond ;
Considérant que les parties ont été invitées par la cour à présenter leurs observations sur la voie de recours utile au regard de l'articulation des dispositions des articles 80 et 776 du code de procédure civile ; que la société La Redoute conclut à la recevabilité de l'appel tandis que M. [B] et la société Fair wind s'en rapportent à justice sur ce point ;
Considérant, aux termes de l'article 80 du code de procédure civile, que « lorsque le juge se prononce sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision ne peut être attaquée que par la voie du contredit » ; que ces dispositions, communes à toutes les juridictions puisqu'elles figurent au livre premier de ce code, ne comportent aucune distinction fondée sur la nature de la juridiction qui prononce la décision ;
Considérant que l'article 776 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 applicable en la cause, pose en principe, dans son alinéa 2, que les ordonnances du juge de la mise en état ne peuvent être frappées d'appel qu'avec le jugement statuant sur le fond mais prévoit qu'elles sont toutefois susceptibles d'appel dans certains cas, notamment lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure (alinéa 4, 2°) ; que l'appel ainsi ouvert par exception au principe suppose l'absence d'un autre recours spécifique ;
Considérant que l'article 776 du code de procédure civile ne déroge pas à l'article 80 du même code ; que, tout au contraire, c'est ce dernier, qui, en instituant une procédure spéciale pour attaquer les décisions qui tranchent une question de compétence sans aborder le fond, caractérisée par la recherche de la rapidité et de l'efficacité, déroge aux règles applicables à l'appel, voie de recours ordinaire instaurée par les articles 542 et suivants du code de procédure civile ;
Que, si l'article 776 comporte une disposition spéciale qui déroge à une règle générale, et qui est donc d'interprétation stricte, c'est celle qui ouvre immédiatement l'appel contre les ordonnances du juge de la mise en état alors que le même article pose le principe inverse en vertu duquel ces ordonnances ne peuvent être frappées d'appel qu'avec le jugement statuant sur le fond ;
Considérant en effet que ce texte, à la différence de la version du même article issue du décret n°98-1231 du 28 décembre 1998, ne contient pas de disposition excluant le contredit mais ne reprend pas non plus celle, contenue dans sa rédaction issue du décret n° 2004-836 du 20 août 2004, qui prévoyait au contraire expressément que « les ordonnances du juge de la mise en état [...] peuvent être frappées de contredit lorsqu'elles statuent sur la compétence [...] », que cet allégement rédactionnel ne peut s'expliquer que parce que le législateur, qui avait déjà renoncé en 2004 à l'exclusion du contredit prévue en 1998, a estimé surabondant de répéter spécialement dans l'article 776 les dispositions d'application générale de l'article 80 du même code rappelées ci-dessus auxquelles il ne déroge pas ;
Considérant, par ailleurs, que les décisions rendues par le juge de la mise en état en vertu de la compétence exclusive qui lui est reconnue, postérieurement à sa désignation et jusqu'à son dessaisissement par l'ordonnance de clôture, par l'article 771du code de procédure civile, ne sauraient être soumises à un régime de recours distinct de celui applicable aux décisions prononcées par la formation de jugement dont il est l'émanation ; qu'en outre la nature du recours ouvert contre la décision du juge se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige ne saurait dépendre de l'option ouverte au président, par application de l'article 762 du code de procédure civile, de renvoyer l'affaire à l'audience ou à la mise en état ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ordonnance déférée, par laquelle le juge de la mise en état s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, ne pouvait, par application de l'article 80 du code de procédure civile, être attaquée que par la voie du contredit ; qu'il suit de là que l'appel doit être déclaré irrecevable ;
* *
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARE l'appel irrecevable,
CONDAMNE la société La Redoute aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,