RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 22 Juin 2011
(n° 8 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/09408
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Juin 2009 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - Section Activités Diverses - RG n° 08/03870
APPELANT
Monsieur [P] [F]
[Adresse 2]
[Localité 5]
comparant en personne, assisté de Me Didier MARUANI, avocat au barreau de PARIS, C0493
INTIMÉ
Syndicat des copropriétaires de la Tour Chéops, [Adresse 3], représenté par son syndic le cabinet LOISELET et DAIGREMONT
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Virginie FAMCHON, avocat au barreau de PARIS, A0147
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mai 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Geneviève LAMBLING, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Geneviève LAMBLING, Présidente
Madame Anne DESMURE, Conseillère
Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
- signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Evelyne MUDRY, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M.[P] [F] a été engagé par le syndicat des copropriétaires de la tour Chéops à [Localité 6], représenté par son syndic alors en exercice, en qualité d'agent de sécurité IGH (Immeuble de grande hauteur) à compter du 7 janvier 1992.
La convention collective applicable est celle nationale du travail des gardiens, concierges et employés d'immeubles.
Dans le dernier état des relations contractuelles, M.[P] [F] percevait une rémunération moyenne mensuelle brute de 1 613 euros.
Des difficultés sont survenues entre les parties à compter de l'année 2007.
M.[P] [F] a fait l'objet d'un avertissement le 23 mai 2008 pour avoir refusé de participer à une formation obligatoire et adopté un comportement insultant à l'encontre de son employeur.
Il a été convoqué par lettre recommandée du 22 juillet 2008 à un entretien préalable qui s'est tenu le 31 juillet 2008, à la suite duquel il a été licencié par lettre recommandée du 5 août 2008 et dispensé d'effectuer son préavis qui lui a été payé.
Contestant son licenciement et l'exécution de son contrat de travail, M. [P] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de demandes en paiement de créances salariales et indemnitaires dont il a été débouté par jugement du 29 juin 2009, le syndicat des copropriétaires de la tour Kéops à [Localité 6] étant débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Régulièrement appelant, M.[P] [F] demande à la cour, dans ses conclusions déposées et soutenues lors de l'audience du 30 mai 2011 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, d'infirmer cette décision et, statuant à nouveau, de condamner le syndicat des copropriétaires de la tour Chéops à [Localité 6], représenté par son syndic, le cabinet Loiselet et Daigremont, à lui verser les sommes de :
- 58 085, 64 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2 534, 48 euros à titre de rappel de salaires de juillet et août 2008,
- 253, 44 euros, montant des congés payés incidents,
- 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses écritures soutenues dans les mêmes conditions, le syndicat des copropriétaires de la tour Chéops à [Localité 6], représenté par son syndic, le cabinet Loiselet et Daigremont, conclut au débouté, à la confirmation de la décision déférée et sollicite une indemnité de procédure de 3 000 euros.
MOTIFS
Sur le licenciement
L'article 1232-1 du code du travail dispose que: ' Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions prévues par le présent chapitre. Il est justifié par une cause réelle et sérieuse'.
Et l'article L 1235-1 du même code qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, le doute, s'il subsiste, profitant au salarié.
Ainsi, l'administration de la preuve est l'oeuvre commune de chacune des parties mais il incombe à l'employeur d'alléguer les faits précis, objectifs et vérifiables sur lesquels il fonde le licenciement.
La lettre de licenciement du 5 août 2008 est rédigée dans ces termes :
'(...) Pour des raisons à la fois liées à la réglementation (arrêté du Ministère de l'intérieur du 2 mai 2005) et au problème d'effectif au sein du personnel IGH de la tour Chéops, nous avons organisé en 2007 une formation obligatoire devant vous permettre d'accéder au niveau 2 d'agent SSIAP (service de sécurité incendie et d'assistance aux personnes), nouvelle qualification requise pour les agents de sécurité des ensembles régis par la réglementation IGH à compter du 1er janvier 2009.
Votre manque de collaboration n'ayant pas permis de vous faire participer à la session de formation du 11 au 25 juin 2007 (refus d'envoyer vos documents justificatifs conformément à notre courrier RAR du 3 mai 200), , nous avons du organiser à nouveau une session en fin d'année 2007. Du fait de votre souhait de partir en congés du 29 octobre au 3 décembre 2007, le démarrage de cette formation a été reporté à 2008 avec un premier module dédié au secourisme du travail les 17 mars et 7 avril 2008, dates qui vous ont été communiquées par courrier en date du 19 février 2008.
Toutefois, votre refus d'effectuer intégralement ce premier module ne vous a pas permis de suivre la formation dans son intégralité et par conséquent de vous voir délivrer le titre d'agent SSIAP 2.
En conséquence, nous vous avons informé de l'impossibilité dans laquelle nous étions, au regard de la réglementation, de vous maintenir au sein du service de sécurité de la tour CHEOPS. Nous vous avons donc proposé par courrier recommandé en date du 27 mai 2008 d'occuper à compter du 1er juillet 2008 le poste d'employé d'immeuble sans modification de votre rémunération.
Devant l'absence de réponse de votre part, nous avons renouvelé notre proposition par courrier recommandé en date du 3 juillet 2008 en vous laissant un délai supplémentaire de 15 jours pour y répondre. Parallèlement, nous vous avons demandé de ne plus vous rendre à votre poste d'agent IGH puisque votre qualification ne vous permettait plus d'accéder aux équipements de sécurité récemment mis en place conformément à la nouvelle réglementation.
A ce jour, nous avons constaté, y compris lors de notre entretien, que non seulement vous persistez à refuser de répondre à notre proposition mais qu'en outre vous ne vous présentez plus sur le lieu de travail depuis le 2 juillet 2008.
En conséquence, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, nous avons décidé de vous notifier votre licenciement. Nous vous informons également que nous avons décidé de vous dispenser d'effectuer votre préavis de 2 mois qui vous sera néanmoins payé.....'.
Au soutien de son appel, M.[P] [F], tout en reconnaissant avoir fait preuve 'd'une certaine rigidité vis à vis de son employeur dans la crainte de ne pas voir ses droits respectés', soutient que ce dernier a répondu tardivement à ses demandes le 13 mai 2008 soit bien après la session de formation, que son licenciement n'est pas lié à son absence à cette session de formation, déjà sanctionnée par un avertissement mais à son refus d'accepter une modification substantielle de son contrat de travail à compter du 1er juillet 2008, dès lors qu'il ne pouvait plus, selon l'intimé, occuper le poste qui était le sien à défaut d'être titulaire du nouveau diplôme à compter de cette date et son absence à son poste de travail à compter du 2 juillet 2008.
Il fait valoir que la lettre de licenciement est contradictoire puisque l'intimé ne pouvait à la fois lui demander de ne plus se rendre à son poste d'agent IGH à compter du début du mois de juillet 2008 et lui reprocher son absence à son poste de travail, qu'il résulte d'ailleurs de la copie du cahier de main courante de l'immeuble qu'il s'est présenté à son poste d'agent de sécurité et a accompli ses fonctions jusqu'au jour de la notification de son licenciement soit le 6 août 2008, que la modification de ses fonctions contractuelles ne pouvait lui être imposée sans son accord.
Il ajoute qu'il n'y avait pas sur place de nouvel équipement de sécurité nécessitant une quelconque formation, que si l'arrêté du 2 mai 2005 prévoit l'obtention d'un nouveau diplôme pour pouvoir exercer les fonctions qui étaient contractuellement les siennes, il stipule également un délai soit jusqu'au 1er janvier 2009, que l'employeur ne pouvait ainsi arguer de ces dispositions pour estimer qu'il n'avait plus au 1er juillet 2008 la capacité d'accomplir ses fonctions.
Le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic, oppose avoir été contraint de procéder au licenciement de M.[P] [F] car celui-ci ne s'est pas présenté pendant plusieurs semaines au poste d'agent de nettoyage qui lui avait été proposé puisqu'il n'était plus apte à exercer ses fonctions d'agent de sécurité incendie en vertu de la nouvelle réglementation et des nouveaux équipements de sécurité mis en place, qu'il a tout mis en oeuvre pour permettre au salarié d'obtenir la nouvelle qualification requise en vertu du décret du 2 mai 2005, qu'en 2007, celui-ci a refusé de suivre cette formation diplômante, qu'en 2008, il s'est présenté le premier jour mais a refusé de la poursuivre, que de nouveaux équipements de sécurité ont été mise en place au sein de la tour Chéops conformément aux recommandations préfectorales en juin 2008, que c'est sans la moindre preuve que l'appelant soutient que la mise aux normes avait été réalisée en février 2007, que dans ces conditions, M.[P] [F] ne pouvait être maintenu dans ses fonctions antérieures.
L'appelant a été licencié, par lettre recommandée avec avis de réception du 5 août 2008, pour ne plus s'être présenté sur 'le lieu de travail depuis le 2 juillet 2008".
Ce 'lieu de travail' doit s'entendre comme le nouveau poste d'employé d'immeuble qui lui avait été proposé, comme le rappelle la lettre de licenciement, par lettres recommandées des 27 mai et 3 juillet 2008, puisque son refus de suivre la formation obligatoire qui lui aurait permis d'accéder au niveau 2 d'agent SSIAP, avait déjà été sanctionné par un avertissement.
Ce nouveau poste d'employé d'immeuble s'analysait, comme le rappelle le salarié, en une modification de son contrat de travail qui nécessitait son accord et son absence dans ces nouvelles fonctions ne pouvait donc justifier son licenciement, étant observé que contrairement à ce que soutient l'intimé, M. [P] [F] conteste formellement avoir occupé ce nouveau poste et, bien au contraire, produit une copie du 'cahier de mains courantes' (pièce 8) duquel il résulte qu'il a continué à assurer jusqu'à son licenciement ses fonctions d'agent de sécurité.
C'est dès lors en vain que le syndicat des copropriétaires maintient dans ses écritures qu'en refusant d'effectuer les fonctions d'agent de nettoyage, M. [P] [F] a manqué à ses obligations contractuelles.
Confronté au refus du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail, l'employeur peut soit renoncer à cette modification soit licencier le salarié en raison du refus de cette modification dûment justifiée.
L'intimé fait valoir qu'il ne pouvait plus maintenir l'appelant à son poste de travail contractuel, sa qualification, en l'absence de formation complémentaire, ne lui permettant plus d'accéder aux équipements de sécurité mis en place conformément à la nouvelle réglementation.
Cependant, l' arrêté du 2 mai 2005 prévoit en son article 15 intitulé dispositions transitoires que les agents, chefs d'équipes, chefs des services de sécurité incendie ont jusqu'au 1er janvier 2009 pour répondre aux obligations dudit arrêté en ce qui concerne le recyclage, l'obtention du diplôme de secourisme et de la qualification HOBO pour les agents et les chefs d'équipe.
Dès lors, et comme l'invoque l'appelant, titulaire du certificat d'aptitude d'agent de sécurité des services permanents des immeubles de grande hauteur, 1er degré, l'employeur ne pouvait lui imposer dès le 1er juillet 2008 une modification de son contrat de travail, motif pris de ce qu'il ne pouvait pas occuper le poste d'employé d'immeuble qualifié.
Il en résulte que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et que le jugement déféré sera infirmé.
Sur les conséquences
M.[P] [F] est fondé à solliciter le paiement de ses salaires du 2 juillet au 6 août 2008, date de son licenciement, étant rappelé qu'il a continué à exercer ses fonctions contractuelles jusqu'à cette date.
En se fondant sur la moyenne de ses derniers salaires soit 1 613 euros , le syndicat des copropriétaires sera condamné à lui verser non pas la somme de 2 534, 48 euros sollicitée mais celle de 1 990 euros ainsi que celle de 199 euros au titre des congés payés incidents.
Il sollicite la somme de 58 085, 64 euros à titre de dommages-intérêts soit 36 mois de salaire.
L'employeur employant moins de onze salariés, il peut prétendre, en application de l'article L 1253-5 du code du travail, à une indemnité en fonction du préjudice subi.
Agé de 54 ans au moment de son licenciement, il avait 16 ans et demi d'ancienneté et fait état des difficultés rencontrées pour retrouver un nouvel emploi sans cependant en justifier ni donner d' élément sur sa situation actuelle.
En considération de ces éléments, son licenciement lui a nécessairement causé un préjudice matériel et moral que la cour estime devoir fixer à la somme de 16 200 euros.
Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
L'équité appelle d'allouer à M.[P] [F] la somme de 1 500 euros sollicitée et de débouter le syndicat des copropriétaires de ce même chef, qui supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M.[P] [F],
Condamne le syndicat des copropriétaires de la tour Chéops, représenté par son syndic, le cabinet Loiselet et Daigremont, à payer à M.[P] [F] les sommes de :
- 1 990 euros à titre de rappel de salaires,
- 199 euros, montant des congés payés incidents,
- 16 200 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L 1235-5 du code du travail,
- 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute le syndicat des copropriétaires de la tour Chéops, représenté par son syndic, le cabinet Loiselet et Daigremont de sa demande d'indemnité de procédure et le condamne aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,