RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 21 Juin 2011
(n° 8 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/07250
Décision déférée à la cour : jugement rendu le par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 03/02631
APPELANT
Monsieur [K] [O]
[Adresse 2]
[Localité 3]
comparant en personne, assisté de Me RIVOIRE, avocat au barreau de VALENCE
INTIMÉE
Madame [E] [R] exerçant sous l'enseigne DFCS STRATEGIES
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Philippe TREF, avocat au barreau de VAL DE MARNE, toque : PC 57 substitué par Me Catherine LOUINET, avocat au barreau de VAL DE MARNE, toque : PC 215
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Mai 2011, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, présidente
Monsieur Philippe LABREGERE, conseiller
Mme Marie-Aleth TRAPET, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
- signé par Madame Brigitte BOITAUD, président et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [K] [O] est entré au service de Madame [E] [R], exerçant sous l'enseigne DFCS STRATÉGIES le 1er juin 2001, en qualité de consultant.
Un avenant à son contrat de travail a été signé le 1er juillet 2002 par lequel la durée de son travail était réduite à 125 heures.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 18 novembre 2002, [K] [O] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement envisagé à son encontre pour motif économique.
[E] [R] a proposé à son unique salarié, le 18 décembre 2002, la régularisation d'un protocole d'accord prévoyant une rupture 'négociée' du contrat de travail au 31 décembre 2002 pour motif économique.
[K] [O] a dénoncé le protocole d'accord par courrier des 13 et 20 janvier 2003. Le 8 février 2003, il a saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande tendant à la nullité du protocole d'accord et au paiement des indemnités de rupture. Lors de l'audience du bureau de conciliation en date du 3 juin 2003, il a été fait injonction à l'employeur, de remettre à [K] [O] une lettre de licenciement.
C'est dans ces conditions que [E] [R] a adressé à [K] [O], le 17 juin 2003, une lettre recommandée avec avis de réception rédigée en ces termes :
'Faisant suite à notre entretien du 22 novembre 2002, nous sommes au regret de vous informer que nous avons pris la décision de procéder à votre licenciement, avec prise d'effet au 18 décembre 2002.
Les raisons de cette décision sont les suivantes : suppression de votre poste, compte tenu de la cessation d'activité de l'entreprise.
Le préavis ne sera pas effectué.
Nous vous informons que vous avez la possibilité de bénéficier des mesures d'accès au retour à l'emploi (PARE anticipé) [...]'
Par jugement du 28 avril 2004, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté [K] [O] de l'intégralité de ses demandes, estimant fondée la mesure de licenciement pour motif économique prononcée à son encontre.
[K] [O] a interjeté appel de cette décision. Il reproche aux premiers juges de n'avoir pas tiré les conséquences du constat qu'ils avaient fait de la nullité de la convention signée le 18 décembre 2002.
[K] [O] estime que l'injonction faite à [E] [R] par la juridiction prud'homale de procéder au licenciement de Monsieur [O] en lui adressant une lettre de notification, du fait de la nullité de la transaction signée, était légitime, c'est à tort qu'elle a considéré que le licenciement devait prendre effet au 18 décembre 2002, date de l'accord dont la nullité a été prononcée. Le salarié demande à la cour de fixer la date de rupture des relations contractuelles au 17 juin 2003, date d'envoi de la lettre de licenciement.
[K] [O] soutient que la rupture ainsi prononcée est abusive, à raison d'une motivation insuffisante de la lettre de licenciement, du fait que [E] [R] ne justifie pas que la cessation - non contestée - de son activité reposait bien sur un motif économique et en l'état de l'absence de tout effort de reclassement de la part de l'employeur.
[K] [O] sollicite également la condamnation de [E] [R] à lui régler les salaires sur la période du 18 décembre 2002 au 17 juin 2003, ainsi que la remise sous astreinte des bulletins de salaire sur cette période, et la régularisation de sa situation auprès des caisses de retraite, estimant que son absence de travail n'est due qu'à l'attitude fautive de son employeur.
Enfin, [K] [O] réclame 2 287 € au titre des congés payés et 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
[E] [R] conclut pour sa part à la confirmation du jugement entrepris. Elle reconnaît la nullité des protocoles d'accord passés avec son salarié. S'agissant de la demande nouvelle formée devant la cour et tendant au paiement des congés payés, elle soutient que [K] [O] ne rapporte pas la preuve de ce qu'il aurait travaillé en août 2002.
Pour les prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions visées par le greffier et reprises oralement à l'audience du 3 mai 2011.
SUR QUOI, LA COUR
Sur la nullité de la transaction
Considérant que les parties ne remettent pas en cause le constat fait par le conseil de prud'hommes de Paris de la nullité de la convention signée entre elles le 18 décembre 2002, en l'absence préalable de notification du licenciement dont elle aurait réglé les conséquences ;
Considérant que [K] [O] fait valoir à juste raison qu'une transaction annulée ne peut produire aucun effet, singulièrement en matière de rupture des relations contractuelles de travail ; que, par ailleurs, un licenciement ne peut avoir d'effet rétroactif ; que le licenciement doit dans ces conditions prendre effet au 17 juin 2003, date d'envoi de la lettre de licenciement, comme le demande le salarié ;
Sur le licenciement pour motif économique
[E] [R] soutient que la cessation d'activité constitue un motif économique de licenciement et que tout reclassement de [K] [O] s'avérait impossible dès lors qu'il était l'unique salarié de l'entreprise, de sorte que le licenciement prononcé repose sur une cause réelle et sérieuse.
Pour contester la réalité et le sérieux de la mesure prononcée à son encontre, [K] [O] fait valoir qu'il appartient à tout le moins à l'employeur de justifier que la cessation d'activité alléguée - et non contestée - résulte de difficultés économiques ou plus généralement de circonstances indépendantes de la volonté de l'employeur, ce dont ne fait nullement état la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il estime que cette preuve n'est pas rapportée.
Le salarié considère par ailleurs que l'absence de mention des tentatives de reclassement prive l'employeur, réputé avoir manqué à cette obligation, de la possibilité d'établir qu'il aurait recherché à le reclasser. Il soutient que la circonstance qu'il ait été l'unique salarié de [E] [R] ne dispensait pas son employeur de rechercher effectivement un reclassement de son salarié, au besoin en proposant ses services à des sociétés du même secteur d'activité.
Considérant que la lettre de licenciement invoquait la cessation définitive de l'activité de l'entreprise - au demeurant intervenue six mois plus tôt, compte tenu du retard avec lequel la lettre de licenciement a été adressée à [K] [O] - laquelle constitue en soi l'énoncé d'un motif économique au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail ;
Considérant que la réalité des difficultés économiques résulte des documents fiscaux versés aux débats, qui établissent l'importance du déficit généré par l'activité professionnelle de [E] [R], laquelle ne pouvait envisager de poursuivre une activité, alors qu'il est justifié qu'elle ne dispose plus d'autres revenus que des prestations sociales à hauteur de 841,81 € par mois ;
Considérant qu'il y a lieu de considérer comme suffisamment motivée la lettre de licenciement notifiée à [K] [O] et de la dire conforme aux exigences de l'article L. 1233-16 du code du travail ;
Considérant que, si l'employeur est tenu d'adresser au salarié dont le licenciement est envisagé des offres de reclassement précises, concrètes et personnalisées, ses efforts de reclassement atteignent leur limite naturelle en l'absence de tout poste disponible ; que le fait incontesté que [K] [O] ait été le seul salarié de l'entreprise suffit à établir l'impossibilité de lui proposer un reclassement au sein de l'entreprise ; qu'il ne peut dès lors être reproché à [E] [R] de n'avoir pas formulé de proposition écrite de reclassement, aucune obligation ne lui étant faite de trouver un reclassement externe pour le salarié dont le licenciement est envisagé ;
Considérant que le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a jugé bien fondé le licenciement prononcé pour motif économique à l'encontre de [K] [O] et a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts fondée sur l'article 1235-5 du code du travail ;
Considérant qu'il y a lieu de préciser que ce licenciement a pris effet le 17 juin 2003 ; que dans ces conditions, [K] [O] est bien fondé à solliciter le paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement dès lors qu'il bénéficiait d'une ancienneté supérieure à deux années à la date de son licenciement ; que [E] [R] est condamnée à lui verser une indemnité de licenciement correspondant à un tiers de mois par année de présence, soit la somme de 1 590,80 € à raison de ses deux ans d'ancienneté ;
Sur la demande de rappel de salaire
[K] [O] indique qu' il n'a été pris en charge au titre de l'allocation chômage par les ASSEDIC qu'à la date du 10 mars 2003, faute d'avoir reçu une lettre de licenciement après la radiation - à défaut de successeur - de l'établissement de [E] [R] le 18 décembre 2002, en l'absence de lettre de licenciement matérialisant la rupture des relations de travail.
[K] [O] sollicite le paiement de ses salaires entre le 18 décembre 2002 et le 17 juin 2003, date de la rupture de son contrat de travail, au motif que durant toute cette période, il se serait tenu à la disposition de son employeur.
Considérant que [K] [O] ne peut soutenir qu'il est resté à la disposition de son employeur alors qu'il avait une connaissance incontestable de la cessation d'activité de [E] [R] ; qu'au surplus, il a été rémunéré durant les trois mois de préavis qu'il a été dispensé d'effectuer ; qu'en l'absence de toute fourniture de travail, il sera débouté de sa demande de rappel de salaire ;
Considérant qu'en revanche, le retard de notification à [K] [O] de sa lettre de licenciement lui a causé un préjudice que la cour évalue à la somme de 1 500 € ;
Sur la demande de congés payés
[K] [O] soutient qu'il bénéficiait au 30 septembre 2002, de 22,5 jours de congés payés, lesquels ont été mentionnés comme pris au cours du mois d'octobre 2002, alors même qu'il n'a pas pris de congés payés sur cette période, ce dont attesterait la fiche de paie de ce mois.
[E] [R] sollicite le débouté de cette demande en indiquant que les congés payés ont été pris par [K] [O] en août 2002, du fait de la fermeture durant tout ce mois du centre de formation DAVIEL où DFC STRATÉGIE exerçait son activité.
Considérant que [K] [O] ne conteste pas la fermeture de l'établissement en août 2002 ; qu'il ne justifie pas n'avoir pas pris ses congés payés pour la période considérée ; que la seule mention, sur le bulletin d'octobre 2002, de jours pris sur ce mois, ne permet pas à [K] [O] de demander le paiement de congés payés précédemment pris ; que le jugement est encore confirmé sur ce point ;
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement entrepris ;
Y AJOUTANT,
CONDAMNE Madame [E] [R] à payer à Monsieur [K] [O] une somme de 1 590,80 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi qu'une somme de 1 500 € à titre de dommages-intérêts ;
DÉBOUTE [K] [O] du surplus de ses demandes nouvelles ;
CONDAMNE Madame [E] [R] à payer à Monsieur [K] [O] une somme de 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame [E] [R] aux dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE