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21/06/2011 | FRANCE | N°09/04562

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 21 juin 2011, 09/04562


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRET DU 21 Juin 2011



(n°3, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/04562



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Janvier 2009 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY RG n° 07/04669





APPELANT

Monsieur [T] [N]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Carine LOPEZ, avocat au barreau de CLERMONT FE

RRAND







INTIMÉE

SA AIR FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03









COMPOSITION DE LA COUR :



En a...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRET DU 21 Juin 2011

(n°3, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/04562

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Janvier 2009 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY RG n° 07/04669

APPELANT

Monsieur [T] [N]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Carine LOPEZ, avocat au barreau de CLERMONT FERRAND

INTIMÉE

SA AIR FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Mars 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Présidente et Madame Michèle MARTINEZ, conseillère, chargées d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente

Madame Michèle MARTINEZ, conseillère

Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseillère

GREFFIÈRE : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Présidente et par Mademoiselle Céline MASBOU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA COUR,

En vue d'une diminution progressive des effectifs des Officiers Mécaniciens Navigants (OMN) corrélative à la réduction de la flotte d'avions requérant un pilotage à trois, la société Air France a mis en place suivant procès-verbal du 10 décembre 1982 une nouvelle filière d'Ingénieurs Navigants (IN) en vue de la reconversion des OMN en pilote avec une reprise spécifique de séniorité, après s'être engagée par lettre du 5 novembre 1982 auprès du syndicat national des officiers mécaniciens de l'aviation civile (SNOMAC) à garantir aux OMN leur droit de partir à la retraite entre 50 et 60 ans.

Le 12 mai 1993 était signé un accord sur la fin de carrière des OMN, le 9 juin 1998 un avenant à cette convention, le 31 mai 1999 un accord pluriannuel (APOMN), le 18 décembre 2002 un second accord pluriannuel (APOMN II).

En mai 2007, la société Air France engageait une procédure d'information et de consultation des représentants du personnel sur un dernier plan de départs volontaires dans la perspective de l'arrêt définitif de l'exploitation des B747 pilotés à trois en janvier 2008 entraînant la suppression de 89 postes d'officiers mécaniciens navigants.

Le comité d'établissement de l'établissement Opérations Aériennes d'Air France rendait un avis favorable à ce plan de départs volontaires le 12 juin 2007.

Cinq officiers mécaniciens navigants refusaient leur départ volontaire dans le cadre de ce plan, dont M. [N].

M. [N] avait été engagé par la société Air France le 23 octobre 1986 en qualité de mécanicien navigant (OMN) soumis au règlement du Personnel navigant Technique (RPNT).

Par lettre du 24 mars 1988, Air France garantissait à M. [N] le droit de poursuivre l'exercice de son métier jusqu'à 60 ans.

Il percevait en dernier lieu une rémunération moyenne brute de 12.385,26 €.

Par courrier du 14 juin 2007, Air France-KLM demandait à M. [N] dans le cadre du projet de départs volontaires précité d'opter dans le délai d'un mois, soit pour un reclassement définitif dans un emploi au sol, soit pour un départ volontaire indemnisé, étant précisé qu'un défaut de réponse emporterait un reclassement au sol dont il serait informé alors plus précisément des modalités.

Par lettre du 10 juillet 2007, M. [N] répondait que faute d'informations suffisantes, notamment sur un reclassement au sol, il ne pouvait formuler un choix. Il s'étonnait que ne figure pas parmi les choix offerts, la possibilité de poursuivre une activité de navigant professionnel, comme prévu par l'APOMN II. Il s'étonnait de ne pas avoir été informé par ailleurs du montant de l'indemnité de départ volontaire et invoquait le caractère discriminatoire au regard d'un critère d'âge de la proposition adressée par ailleurs par le SNOMAC.

Par lettre du 27 juillet 2007, Air France-KLM accordait au salarié un délai supplémentaire de dix jours, en lui précisant que les fonctions de navigants envisagées par l'APOMN II n'ayant pas été créées, seuls des postes au sol étaient en conséquence envisageables.

Par courrier du 8 août 2007, le conseil des cinq officiers mécaniciens n'ayant pas encore opté, Maître [O] [N], faisait valoir l'absence d'informations quant aux mesures de reclassement envisagées et au montant de l'indemnité de départ volontaire.

Par courrier du 24 août 2007, Air France-KLM indiquait à M. [N] qu'elle considérait qu'il avait opté pour un reclassement au sol et l'invitait à postuler sur quatre postes ('Ground Instructor' à Vilgénis ; formateur radiotéléphonie à Vilgeris ; adjoint 'qualité-sécurité' à Roissy ; 'expert sûreté frêt' à Roissy), en lui donnant un délai d'un mois pour exprimer son choix. Elle lui proposait également un reclassement en attente au service mobilité à Roissy en lui indiquant qu'en cas de refus de telles propositions elle engagerait une procédure de licenciement dans les conditions de l'APOMN Phase II.

Par courrier du 27 avril 2007 Air France adressait à Maître [N] un 'projet amendé de plans de départs volontaires d'OMN B747 classique phase 2007-2008", daté de mai 2007.

Par courrier du 23 septembre 2007, Maître [N] agissant pour les cinq salariés concernés rappelait à Air France-KLM que la société était tenue de formuler des propositions de vrai reclassement, qu'elle n'effectuait des propositions d'emplois que sur un niveau de reclassement C04 et aucun sur des postes de navigants.

Le 3 octobre 2007 Air France-KLM convoquait M. [N] à un entretien préalable à son licenciement et le licenciait par courrier du 19 octobre 2007 aux motifs économiques suivants :

'Depuis 1982, Air France a engagé un processus de gestion prévisionnelle des emplois et compétences spécifiques aux emplois d'officier mécanicien navigant (OMN) afin d'anticiper les conséquences prévisibles des mutations technologiques des équipements.

Ce processus a été accompagné depuis 2003 de plusieurs plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) afin de gérer la fin progressive d'exploitation des Boeing 747 Classique conçus pour des équipages à 3.

Le 5ème PSE intervenant sur la période 2007-2008 est la phase finale de ce processus, l'arrêt définitif d'exploitation des derniers Boeing 747 Classique devant intervenir au plus tard en janvier 2008.

Conformément aux dispositions des livre IV et III du Code du travail, le Comité d'Etablissement Opérations Aériennes a été consulté sur le projet général d'arrêt d'exploitation des B747 Classique, la fin du métier d'Officier Mécanicien Navigant (OMN) ainsi que sur le projet de plan de départs volontaires des OMN.

Vous n'avez pas souhaité nous transmettre votre formulaire de positionnement dans les délais impartis. Nous vous avons, en conséquence, transmis par courrier différentes propositions de reclassement au sein du personnel au sol conformément aux dispositions du plan de départs volontaires.

Par courrier en date du 23 septembre, votre conseil, Maître [N], nous a informés de votre refus de toutes ces propositions.

[Nous n'avons] aucun autre poste correspondant à vos compétences et qualifications à vous proposer,...'

Le 27 décembre 2007 M. [N] saisissait comme les quatre autres officiers Mécaniciens Navigants ayant refusé leur reclassement sur un poste au sol, le Conseil de Prud'hommes de Bobigny, lequel rendant le jugement dont appel, en déboutant M. [N] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, pour non respect des critères d'ordre des licenciements, pour discrimination en raison de l'âge et pour violation de la clause contractuelle de garantie d'emploi, pour préjudice moral.

M. [N] demande à la Cour de :

- déclarer nul le plan de sauvegarde de l'emploi ayant conduit à son licenciement et nul en conséquence son licenciement,

- condamner la société Air France-KLM au paiement des sommes suivantes portant intérêts légaux capitalisables :

* 297.246, 24 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ; subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 302.943,46 € à titre de dommages et intérêts pour violation de sa garantie d'emploi,

* 230.626,31 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination ; subsidiairement 205.855,49 € au titre de l'indemnité de licenciement prévue à l'APOMN II sous déduction de la somme allouée,

* 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

ainsi que la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, aux moyens essentiels que :

* quatre-vingt-neuf officiers mécaniciens navigants étaient concernés par la suppression de leur emploi ; Air France KLM a affirmé avant même la mise en place du plan de départs volontaires que 'des licenciements pour motif économique étaient susceptibles de concerner la totalité de la population OMN, soit 89 salariés';

* l'initiative des départs volontaires relève d'Air France ; ces ruptures ont donc constitué des licenciements au regard de la convention N° 158 de l'OIT, Air France-KLM était donc tenue d'élaborer un plan de reclassement s'intégrant au plan de sauvegarde de l'emploi conformément à l'article L 1233-61, le nombre de salariés à prendre en compte n'étant pas le nombre d'ONM en définitive licenciés mais le nombre de salariés concernés par le projet de départs volontaires du fait de la suppression de quatre vingt neuf emplois,

* Air France-KLM a cru devoir présenter d'un côté un plan de départs volontaires des OMN et de l'autre un PSE dans le cadre de l'exploitation des B747 classiques alors que les mesures de ces 'deux plans' étaient constituées pour l'essentiel d'un seul et même accord d'entreprise, au demeurant curieusement non encore négocié lors de l'initiation de la procédure de consultation et d'information des représentants du personnel ; la société Air France-KLM ne peut opposer le fait qu'elle ait proposé des mesures individuelles de reclassement ni que le plan de sauvegarde de l'emploi ait fait l'objet d'un accord collectif ;

* la société Air France-KLM devait prévoir dans un plan de sauvegarde pour licenciement, des mesures propres à assurer le reclassement des salariés dans l'entreprise ou le groupe ; son obligation doit s'apprécier en fonction des moyens dont elle disposait, aux termes de l'article L1233-3 du code du Travail en sa rédaction antérieure à la loi du 25 juin 2008, les dispositions du chapitre III du code du Travail relatif au licenciement pour motif économique sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes définies par la loi, et donc aux ruptures amiables ; peu importe en conséquence la nature juridique de l'acte final de rupture (mise à la retraite ou départ volontaire) ; Air France-KLM au regard du projet de départs volontaires des OMN emportant la suppression de 89 emplois devait mettre en place un PSE intégrant un plan de reclassement ; du fait de la suppression de 89 emplois pour motif économique, les départs volontaires ne pouvaient pas intervenir dans le cadre d'accords de gestion prévisionnelle des emplois,

* le plan de sauvegarde de l'emploi établi par Air France est totalement insuffisant puisqu'il consista seulement en un accord d'établissement (accord pluriannuel OMN Phase II), un avenant du 11 mai 2007 et un 'projet amendé de plan de départs volontaires d'OMN/B747 Classique Phase 2007-2008", sans comprendre des mesures concrètes propres à éviter ou limiter le nombre de rupture des contrats de travail, une liste des emplois susceptibles d'être proposés réellement avec précision de leur nombre et de leur nature et leur localisation, seuls des engagements abstraits y figurant,

* l'appartenance d'Air France-KLM à un groupe n'a pas été prise en compte ; la permutation du personnel navigant de KLM n'a pas été envisagée,

* aucune recherche externe de reclassement n'a été prévue vers d'autres compagnies, filiales ou non, et notamment au sein des entreprises bénéficiaires du rachat des B 747-200,

* Air France-KLM n'a pas prévu des mesures de reclassement satisfaisant aux exigences de l'article L1233-62 du code du Travail ; la société ne pouvait se dispenser d'établir un plan de reclassement, 89 ruptures étant envisagées ; aucun seuil ne conditionne l'obligation d'établir un plan de reclassement,

* en définitive, seuls 4 postes au sol ont été présentés au sein du seul établissement français de la compagnie Air France-KLM, sans que celle-ci utilise les moyens dont elle dispose pour procéder au reclassement des navigants,

* la seule mesure concrète a été de favoriser les départs volontaires de l'entreprise,

Air France-KLM a choisi la voie de l'indemnisation conditionnée à des départs volontaires plutôt qu'une recherche sérieuse de reclassement,

* les navigants âgés de plus de 58 ans dont lui-même, ont été de surcroît exclus de l'indemnité conventionnelle spécifique intégrée au PSE ; les salariés âgés ne bénéficiaient donc d'aucune mesure ; Air France-KLM a tenté de lui imposer un départ 'volontaire' sans contrepartie,

* l'accord pluriannuel OMN Phase II prévoit une indemnité de licenciement dont le montant est défini par tranches d'âge avec une majoration en cas de départ volontaire dont sont exclus les OMN de 58 ans et plus ;

* la garantie contractuelle d'emploi dont il bénéficie lui donne droit à une indemnité équivalente aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme de la période garantie, son préjudice étant distinct de celui couvert par l'indemnité de licenciement, soit jusqu'à son soixantième anniversaire ; les changements économiques invoqués par la compagnie ne sont pas libératoires pour celle-ci ;

Vu les conclusions du 8 mars 2011 au soutien de ses observations orales de la société Air France-KLM qui demande à la Cour de confirmer le jugement déféré et de condamner l'appelant au paiement de la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, aux moyens essentiels que :

* la compagnie a anticipé la fin du métier d'OMN dès 1982 en procédant à la signature d'accords collectifs destinés à permettre une réduction progressive des effectifs OMN parallèle à la réduction de la flotte d'avions requérant un pilotage à trois, sans licenciement économique, et à compter de 1993 des accords avec le SNOMAC sur la fin de carrière des OMN, en dernier lieu avec l'APOMN phase II du 18 décembre 2002,

* le plan de départs volontaires d'OMN B 747 classique - phase 2007/2008- s'inscrit dans la lignée des accords et plans précédents auxquels il renvoie ; il a été soumis à l'inspection du travail sans donner lieu à constat de carence et a reçu un avis favorable du comité d'établissement ; 84 OMN ont accepté un départ volontaire,

* il n'y a pas identité au regard des dispositions des articles L1233-61 et 62 et de l'article L 1235-10 du code du Travail entre le PSE et le plan de reclassement ; l'obligation de reclassement ne procède pas du plan de sauvegarde de l'emploi mais du contrat de travail lui-même et la recherche de reclassement constitue un préalable au licenciement économique qu'il soit individuel ou collectif, qu'il y ait plan de sauvegarde de l'emploi ou non,

* l'obligation de présenter un plan de reclassement comportant des offres précises de postes n'existe pas lorsque l'entreprise ou le groupe n'ont pas la possibilité de proposer un plan de reclassement interne ; en effet cette obligation s'apprécie au regard des moyens dont dispose l'entreprise,

* cette obligation n'existe pas non plus lorsque le plan de réduction des effectifs au moyen de départs volontaires exclut tout licenciement ; de même lorsque le nombre de licenciement est inférieur à 10 sur une même période de 30 jours,

* elle n'avait donc pas l'obligation de présenter un plan de reclassement ; les 89 salariés concernés avaient l'assurance de conserver un emploi puisqu'ils pouvaient opter pour un reclassement au sol garanti ou un départ volontaire ; elle n'avait pas l'obligation de proposer un reclassement aux salariés volontaires aux départs ; les autres salariés n'étaient susceptibles d'être licenciés qu'en cas de refus d'une modification de leur contrat de travail ; en vertu de l'article L 1233-25 du code du Travail seul le refus par plus de dix salariés d'une modification de leur contrat aurait entraîné pour elle l'obligation de mise en oeuvre d'un plan de reclassement ; en l'espèce seuls cinq salariés ont refusé ;

* par suite, il ne peut lui être fait grief d'une prétendue insuffisance dudit plan,

* elle a satisfait à son obligation de reclassement puisqu'elle a mené une démarche d'adaptation des OMN à l'évolution de leur emploi en amont (reconversion des OPM en OPL ; filière d'ingénieur, navigants ouverte aux OMN ; fixation d'un quota de postes de pilotes réservés à ces ingénieurs dès mars 1982) ; au 1er octobre 1993, 132 OMN avaient bénéficié d'une reconversion ; l'appelant n'a pas choisi de bénéficier d'une reconversion sur un poste de pilote et la compagnie n'était pas tenue de lui permettre une telle formation de base, et puisque d'autre part, elle a fait à M. [N] des propositions écrites et précises pour cinq postes ; l'appelant a opposé un refus de principe à son reclassement au sol, principe pourtant prévu par accords collectifs ; elle n'avait pas possibilité de lui proposer des postes de même catégorie du fait de la disparition pure et simple des emplois d'OMN,

* le licenciement de M. [N] repose sur une cause économique incontestable, la suppression des postes d'OMN en conséquence de la mutation technologique résultant de l'introduction et de la généralisation de l'équipage à deux pilotes ; les organisations syndicales représentatives des OMN ont elle-même reconnu le caractère inéluctable de la disparition de leur profession, avec l'arrêt à terme de la flotte B 747 Classique et de la flotte suprasonique Concorde,

* l'appelant a été rempli de ses droits au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ; en percevant la somme de 149.281 € à ce titre ; la loi autorise des différences de traitement en fonction de l'âge en vertu de l'article L 1133-2 du code du Travail issu de la transposition de la directive 2000/78/IE lorsqu'elles sont justifiées par un but légitime et appropriées en but poursuivi ; il est possible ainsi de prévoir une différence d'indemnisation en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur en fonction de l'âge ; le salarié a bénéficié d'une indemnité supérieure à l'indemnité légale, ce qui prive de toute portée sa critique du dispositif mis en place par voie conventionnelle dans le cadre du plan de départ volontaire ; l'article R 423-1 du code de l'aviation civile distingue la situation des navigants au regard de l'indemnité de licenciement selon qu'ils bénéficient ou non d'un droit à pension à jouissance immédiate ; l'indemnité est plafonnée à 12 mois de salaires par le code, à 16 mois par le règlement des PNT, maintenant depuis le 6 mai 2006 par la convention d'entreprise du PNT, avec modulation en fonction des droits du navigant à pension retraite ; l'APOMN II prévoit un système qui varie en fonction de l'âge et l'ancienneté administrative PNT à l'indemnité de licenciement est majorée en cas de départ volontaire ; l'appelant n'a pas été exclu du bénéfice du départ volontaire ; le traitement différencié répond aux différences de situation des salariés au regard de leurs droits acquis à la retraite,

* le licenciement n'a pas été prononcé en violation d'une garantie d'emploi au regard d'un courrier-type du 4 février 19873 ; il ne s'agit pas d'une garantie contractuelle ni d'une garantie d'emploi ; les OMN bénéficiaient en application du code de l'aviation civile et du RPNT d'un régime particulier leur permettant de percevoir une retraite à taux plein dès 50 ans outre une indemnité de départ à la retraite équivalent à l'indemnité de mise à la retraite. Seuls ces avantages étaient garantis sans constituer une limitation pour la société de son droit de rompre le contrat de travail ; en tout état de cause les dommages et intérêts qui seraient alloués ne peuvent se cumuler avec les allocations chômage,

SUR QUOI,

Attendu que par son courrier du 14 juin 2007 la société Air France-KLM, si elle a invoqué une cause économique, à savoir la sortie de flotte des derniers 747 Classique à fin janvier 2008 et la cessation du métier d'officier mécanicien navigant assortie d'un plan de sauvegarde de l'emploi, n'a proposé qu'une option à M. [N] entre un départ volontaire accompagné en janvier 2008 ou la poursuite de son activité sur un poste au sol, sans évoquer son licenciement en cas de refus d'une modification substantielle de son contrat de travail ; que les dispositions de l'article L 1233-25 du code du Travail ne sont donc pas applicables en l'espèce, et partant le seuil de 10 refus emportant application des dispositions relatives au licenciement collectif pour motif économique ;

Attendu que le licenciement de M. [N] est motivé sur la phase finale du processus de gestion prévisionnelle des emplois et compétence spécifique aux officiers mécaniciens navigants, engagée depuis 1982 et la non transmission dans les délais impartis de son formulaire de 'positionnement' au regard de l'option proposée et de son refus par l'intermédiaire de son conseil de propositions de reclassement au sein du personnel au sol ;

que ce licenciement cependant relève de la décision d'Air France-KLM de supprimer 89 emplois d'officiers mécaniciens navigants dans le cadre de cette phase finale ;

que la proposition faite à 89 salariés par l'employeur du fait de la suppression de leur emploi s'inscrit dans un processus de grand licenciement économique collectif, peu important le nombre de salariés acceptant en définitive un départ volontaire accompagné ;

que ce fait a été intégré par la société Air France-KLM elle-même, laquelle d'une part a qualifié son 'projet amendé de plan de départs volontaires d'OMN B 747 Classique-Phase 2007-2008-', de '5ème PSE' élaboré après consultation du comité d'établissement opérations aériennes le 22 février 2007 sur le projet général d'arrêt d'exploitation des B 747 Classique 'dans la mesure où il est de nature à effectuer la structure des effectifs et les conditions d'emploi des OMN', d'autre part, indiqué dans son projet que 'les licenciements pour motifs économiques sont susceptibles de concerner la totalité de la population OMN soit 89 salariés' , et enfin, prévu le licenciement économique des salariés à 52 ans en cas de refus de reclassement au sol ;

que pour autant, bien que de nombreux salariés soient concernés Air France-KLM n'a pas intégré dans son plan de sauvegarde de l'emploi un plan de reclassement des 89 salariés concernés, aucune précision n'étant donnée sur les postes de reclassement au sein de l'établissement, de l'entreprise ou du groupe, seul le maintien d'un niveau minimum 'C04" étant précisé ;

Or attendu qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article L1233-3 du code du Travail en sa rédaction antérieure à la loi du 25 juin 2008 sur la rupture conventionnelle, l'ensemble des dispositions légales sur le licenciement économique est applicable à toute rupture du contrat de travail pour motif économique, en conséquence quel que soit le mode de rupture ;

qu'aux termes de l'article L 1233-61 du code du Travail, dans les entreprises de cinquante salariés et plus lorsque le projet de licenciement économique concerne dix salariés ou plus, comme en l'espèce, dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre ; que ce plan intègre un plan de reclassement des salariés dont le licenciement ne pouvait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion particulièrement difficile ;

qu'au regard du nombre de salariés concernés les accords et décisions relatives à la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences des officiers mécaniciens navigants mis en place depuis 1982 et en définitive l'accord pluriannuel OMN Phase II du 18 décembre 2002 et son avenant du 11 mai 2007 ne pouvaient exonérer l'employeur de la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi intégrant un plan de reclassement ;

qu'en l'espèce, le 'projet amendé de départs volontaires d'OMN B747 classique-Phase 2007-2008" ne prévoit qu'une option entre un départ volontaire et un reclassement au sein du personnel au sol au niveau minimum C04 sans prévoir aucune mesure de nature à éviter les départs volontaires et les licenciements ou à en limiter le nombre ; que le reclassement interne au sol évoqué ne comporte aucune indication sur le nombre, la localisation, la nature des emplois pouvant être proposés au sein de l'établissement, de la compagnie, du groupe dans les filiales permettant la permutation de navigants ; que ledit projet ne satisfait donc pas aux dispositions de l'article L 1233-62 exposant les mesures requises en vue du reclassement interne des salariés concernés ;

Et attendu enfin qu'aux termes de l'article L 1235-10 du code du Travail, la procédure collective de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des salariés prévus à l'article L 1233-61 et s'intégrant au plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas présenté aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés ; que la validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou l'unité économique et sociale du groupe ;

qu'en l'espèce Air France-KLM, qui a décidé la suppression de 89 emplois d'OMN, n'a proposé aucun modalité de reclassement à la mesure de ses moyens et de deux de son groupe, seul le reclassement au sein du personnel au sol de l'établissement 'opérations aériennes' des navigants concernés avec maintien du niveau C04 étant prévu sans autre précision ;

qu'en conséquence le cinquième plan de sauvegarde de l'emploi, qualifié comme tel par Air France-KLM, concernant les OMN est nul comme n'intégrant pas de plan de reclassement et insuffisant ;

que partant le licenciement de M. [N] qui résulte de son refus de l'option restreinte que comporte ce plan indigent, quant au respect de l'obligation de reclassement de l'employeur est nul ;

Attendu qu'au regard du caractère inéluctable du licenciement du fait de l'option limitée de reclassement proposée au salarié, des conséquences financières de la perte de l'emploi du navigant d'un âge avancé (plus de 58 ans) après une longue carrière, le préjudice subi du fait de la nullité du licenciement doit être réparé par l'allocation de la somme de 250.000 € ;

Attendu que M. [N] au contraire ne rapporte pas la preuve d'une faute distincte de celle commise dans l'exercice du droit du licenciement par la société Air France-KLM ; que sa demande d'indemnisation complémentaire pour préjudice moral n'est pas fondée ;

Attendu sur la garantie d'emploi, que le code de l'aviation civile reconnaît aux officiers mécaniciens navigants le bénéfice du droit de percevoir une retraite à taux plein dès 50 ans outre une indemnité de départ à la retraite équivalent à l'indemnité de mise à la retraite ; que par courrier du 5 novembre 1982 au syndicat SNOMAC, Air France confirmait donner l'assurance aux OMN présentement en service qu'ils poursuivraient, leur carrière dans l'exercice de leur métier conformément aux dispositions réglementaires et conventionnelles alors en vigueur et notamment celles permettant aux navigants d'interrompre leur carrière à leur discrétion entre 50 et 60 ans ;

qu'un accord intervenait le 10 décembre 1982 entre Air France, d'une part, le syndicat national des Pilotes de ligne et le syndicat national des Officiers Mécaniciens de l'Aviation Civile, d'autre part, sur 'l'évolution de la filière officier mécanicien navigant' ;

que par lettre du 24 mars 1988 reprenant les termes d'un courrier circulaire du 14 février 1983 adressé alors aux OMN, M. [N] était informé qu''en complément de l'accord intervenu le 10 décembre 1982 relatif à l'évolution de la filière Officier Mécanicien Navigant entre la compagnie Nationale Air France et les organisations professionnelles du PNT, et compte tenu des dispositions réglementaires et conventionnelles actuellement en vigueur, la direction de la compagnie lui reconnaît un droit à poursuivre à sa discrétion et jusqu'à son soixantième anniversaire sa carrière dans l'exercice de son métier, 'que' la reconnaissance de ce droit, complétant son contrat de travail conclu avec votre compagnie le 27 novembre 1986 n'avait pas pour effet de limiter le champ d'application d'autres dispositions réglementaires régissant votre situation personnelle et administrative d'Officier Mécanicien Navigant, telles que celles par exemple relatives à la démission, l'amortissement, la discipline, 'que' le maintien du bénéfice de cette garantie de carrière était uniquement subordonné à l'exercice effectif des privilèges liés à la possession de la licence d'officier mécanicien navigant/ingénieur navigant' ;

que ce courrier du 24 mars 1988 qui vient 'compléter' le contrat de travail de l'Officier Mécanicien Navigant et qui selon la pièce produite est signé par l'intéressé constitue un avenant à son contrat de travail et a un caractère contractuel contrairement à ce que soutient Air France-KLM, mais non d'un engagement unilatéral nonobstant le caractère collectif de la démarche alors de la compagnie ; que pour autant, ce courrier dans le contexte des dispositions en vigueur sur l'âge de la retraite à 50 ans, a pour seule portée de reconnaître au salarié le droit de continuer à travailler au-delà de 50 ans sans possibilité pour la compagnie de le mettre à la retraite à 50 ans mais ne peut s'analyser comme établissant une limitation de l'exercice par l'employeur de son droit de licencier, notamment pour une cause économique ;

qu'au demeurant, en vertu de l'article L1231-4 du code du Travail l'employeur comme le salarié ne peut renoncer par avance au droit de se prévaloir des règles afférentes au licenciement ;

que la demande n'est pas fondée ;

Attendu sur la discrimination alléguée, que la cause du non versement de l'indemnité spécifique avantageuse en cas de départ volontaire est en l'espèce le choix du salarié de ne pas opter pour un départ volontaire accompagné mais non son âge ;

que M. [N] ne se trouve donc pas dans une situation identique à celle des 84 officiers mécaniciens navigants ayant accepté une telle rupture ;

que l'indemnité majorée constitue une mesure d'accompagnement du salarié candidat au départ ;

que le caractère évolutif du montant de cette indemnité au regard de l'âge procède dans le cas des OMN ayant accepté un départ volontaire de raisons objectives et étrangères à toute discrimination puisqu'indemnisant pour les plus jeunes, leur préjudice de carrière et de leurs droits à retraite ultérieurs, ce qui constitue un objectif social réel et pertinent ;

que peu importe le fait qu'au regard de son ancienneté l'appelant ne puisse bénéficier d'une retraite complémentaire à plein temps sa situation étant de ce fait objectivement différente de celle de salariés ayant plus d'ancienneté ;

Et attendu quant aux différences de traitement, au titre de l'APOMN II constatés entre les salariés licenciés, au regard notamment de leur âge de moins de 56 ans et au plus fort de plus de 58 ans, aucun élément ne vient caractériser, en l'espèce, que l'âge soit l'élément fondant cette inégalité en impliquant une discrimination au sens de l'article L 1132-1 du code du Travail ou de la directive 2000/77 du 27 novembre 2000 ; que les salariés plus jeunes licenciés du fait de la suppression du métier d'OMN subissent un préjudice de carrière et une minoration dans leur acquisition de droits à pension retraite comme ci-dessus déjà constaté ;

qu'en l'espèce, M. [N] devait percevoir une indemnité de 149.281 €, plus avantageuse que celle prévue à l'APOMN II, comme correspondant à celle définie par le code de l'aviation civile sur la base d'un mois de salaire mensuel minimum garanti par année de service dans l'entreprise dans la limite de douze mois ; qu'il a perçu la somme de 140.479,91 € ; qu'il lui reste dû la différence, soit 8.801,09 € ;

Attendu sur les intérêts moratoires, que les intérêts légaux courent dans les conditions de l'article 1153-1 du code civil et doivent être capitalisés dans celles de l'article 1154 de ce code ;

PAR CES MOTIFS,

Infirmant partiellement le jugement déféré,

Condamne la société Air-France KLM à payer à M. [N] la somme de 250.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul portant intérêts légaux à compter du présent arrêt, et la somme de 8.801,09 € à titre de solde d'indemnité de licenciement,

Dit que les intérêts porteront les mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

Rejette les autres demandes indemnitaires,

Condamne la société Air France-KLM aux dépens,

Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile, la condamne à payer à M. [N] la somme de 1.500 €.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 09/04562
Date de la décision : 21/06/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-21;09.04562 ?
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