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21/06/2011 | FRANCE | N°09/01282

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 21 juin 2011, 09/01282


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 21 juin 2011

(n° 5 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/01282



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 03 Octobre 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 07/03932





APPELANT

Monsieur [C] [H]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 5] (CANADA) M2H 1G6

comparant en personne, assisté de

Me Alain FLEURY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0035





INTIMÉE

SARL LOUIS BERGER INTERNATIONAL (LBI)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Hervé DUVAL, a...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 21 juin 2011

(n° 5 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/01282

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 03 Octobre 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 07/03932

APPELANT

Monsieur [C] [H]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 5] (CANADA) M2H 1G6

comparant en personne, assisté de Me Alain FLEURY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0035

INTIMÉE

SARL LOUIS BERGER INTERNATIONAL (LBI)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Hervé DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : R297

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 septembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Aleth TRAPET, conseiller, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Brigitte BOITAUD, présidente

Monsieur Philippe LABREGERE, conseiller

Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

- signé par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente et par M. Polycarpe GARCIA, Greffier présent lors du prononcé.

LA COUR,

Statuant sur l'appel formé par [C] [H] d'un jugement contradictoire du Conseil de Prud'hommes de Paris en date du 3 octobre 2008 l'ayant débouté de sa demande ;

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 27 septembre 2010 de [C] [H] appelant, qui sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société de droit français LOUIS BERGER INTERNATIONAL à lui verser

31050 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 23 janvier au 12 avril 2007

34500 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

6555 euros au titre des congés payés y afférents

34500 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

207000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

180000 euros en réparation du préjudice résultant du manquement de l'employeur à ses obligations,

avec capitalisation des intérêts,

15000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du de société LOUIS BERGER INTERNATIONAL intimée qui sollicite de la Cour la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'appelant à lui verser 15000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu la lettre du 4 janvier 2011 du médiateur, nommé par ordonnance du 8 octobre 2010 après plaidoiries informant la cour qu'il n'avait pu rapprocher les parties ;

SUR CE, LA COUR

Considérant qu'il est constant que la société de droit américain LOUIS BERGER INTERNATIONAL INC a embauché par contrat de travail [C] [H] à compter du 15 octobre 1997 en qualité de "civil hydraulic ingeneer" ; que le contrat de travail relevait des lois du New Jersey en raison du siège social de la société ; qu'il a été affecté dans les bureaux parisiens de la société ; que le 19 juin 1998 il a été conclu entre l'appelant et la société de droit français LOUIS BERGER INTERNATIONAL un contrat lui attribuant l'exécution de deux missions à Sarajevo (Bosnie) puis à Cluj(Roumanie) aux termes desquelles il était employé en qualité de chef de projet ; que le contrat a pris fin le 31 décembre 2001 à l'expiration du marché confié à la société ; que deux nouveaux contrats ont été conclus successivement entre les parties les 25 avril et 4 juin 2002, l'appelant étant chargé, dans le premier, de fonctions d'assistance dans la mise en oeuvre d'un projet d'assainissement et de drainage de la ville de Paphos (Chypre) et dans le second, de fonctions de "long term expert infrastructure"; que par contrat du 13 janvier 2003 [U] [H] a été chargé de suivre en qualité de chef de projet la mise en oeuvre d'un projet PHARE de construction d'infrastructures financé par la Commission européenne à Bucarest (Roumanie), la mission ayant une durée approximative de 25 mois ; qu'il était assujetti à la convention collective SYNTEC ; qu'à la fin de l'année 2005 les travaux n'étant pas terminés, un nouveau financement auprès de la Commission a été sollicité ; que l'appelant a quitté la Roumanie le 22 décembre 2006 ; que la société lui a délivré un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte en date du 23 janvier 2007;

Que l'appelant a saisi le Conseil de Prud'hommes le 10 avril 2007 en vue d'obtenir des rappels de salaire et de contester la légitimité de la rupture de sa relation de travail;

Considérant que [C] [H] expose qu'il a été employé sans interruption durant neuf années par la société LOUIS BERGER INTERNATIONAL ; qu'après la fermeture du bureau Phare de Bucarest, il est resté dans l'expectative et n'a reçu aucune information sur le sort de son contrat ; qu'ayant été employé à durée indéterminée, il a fait l'objet d'un licenciement abusif ; que son salaire ne lui a plus été versé à compter du 23 janvier 2007; que les documents de rupture lui ont été adressés le 12 avril 2007 ; que le contrat n'a fait l'objet d'aucune rupture amiable ; que le projet PHARE s'est poursuivi postérieurement au 15 décembre 2006 ; que son adjoint a pris sa place ; que sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait à 11500 € ; qu'un rappel de salaire lui est dû pour la période du 23 janvier au 12 avril 2007; que relevant de la convention collective SYNTEC, la société n'a pas respecté l'obligation d'information à l'égard du régime de retraite auquel il était soumis ; qu'il n'a pu adhérer à la Caisse française des Expatriés ; qu'il ne pourra bénéficier d'une pension de retraite pour les années durant lesquelles il a travaillé pour le compte de la société ;

Considérant que la société LOUIS BERGER INTERNATIONAL soutient que les parties ont, d'un commun accord, mis fin au contrat de travail ; que l'appelant avait manifesté sa volonté claire et non équivoque de cesser la relation de travail, indiquant qu'il souhaitait partir à la retraite ; qu'il a pris l'initiative de la rupture ; que l'attestation ASSEDIC fait état d'une fin de chantier comme motif justifiant la rupture du contrat de travail ; que la mission de l'appelant, qui était exclusivement limitée à l'exécution du marché passé entre la société et les autorités roumaines et financée par la Commission Européenne , avait pris fin ; qu'il n'était titulaire d'aucun droit sur les travaux réalisés ultérieurement pas la société et qui n'ont pas été financés par la Commission ; que la société n'a commis aucun manquement à ses obligations ; que l'appelant a exécuté toutes ses missions à l'étranger ; que les conditions nécessaires à la mise en oeuvre de l'article 66 de la convention SYNTEC n'étaient pas remplies ; qu'il n'existait aucune confusion d'intérêts entre la société mère et la société intimée ;

Considérant en application des articles L1242-2, L1242-7, L1243-1 et D1242-1 du code du travail que le contrat de travail en date du 13 janvier 2003 aux termes duquel l'appelant était employé en qualité de chef de mission affecté à Bucarest dans le cadre d'une mission intitulée "management and supervision support for the construction of local and regional infrastructures projects" et évaluée en principe à 25 mois, s'analyse en un contrat de chantier; que, bien que selon l'article 1, il soit qualifié de contrat à durée indéterminée, tant les autres dispositions du contrat que la commune intention des parties font apparaître qu'il était conclu pour une durée déterminée ; qu'en effet il s'inscrit bien dans le cadre d'activités de coopération, d'assistance technique, d'ingénierie et de recherche à l'étranger, secteur pour lequel il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de l'emploi ; que selon les articles 2 et 7, le contrat prenait effet au jour du départ de l'appelant pour la Roumanie et se terminait avec la fin de la mission ; qu'il était fixé une durée indicative de la mission de l'ordre de 25 mois ; que la société ne produit aucun élément de preuve de nature à établir que l'appelant avait accepté qu'il soit mis fin à son contrat ; que les feuilles de temps produites font apparaître qu'il est resté sur place jusqu'au 28 décembre 2006 date à laquelle il a quitté Bucarest pour rejoindre son domicile à Toronto ; que si, dans son courriel du 9 novembre 2006, l'appelant indiquait que le dîner de fêtes Phare 2000 était organisé le 15 décembre 2006 pour célébrer la réalisation réussie du contrat de services du programme Phare mais aussi la cessation de ses fonctions et la prise de sa retraite, il apparaît que l'intention de l'appelant était manifestement équivoque ; qu'en effet, une semaine auparavant, par courriel en date du 31 octobre 2006, il faisait savoir à son employeur qu'il était prêt à participer à une mission à court terme à partir d'avril 2007, susceptible d'être exécutée à [Localité 3] ; qu'en outre la société ne peut sans contradiction affirmer que l'appelant avait donné son consentement à la rupture de son contrat de travail et soutenir par ailleurs que la mission de celui-ci avait pris fin, ce qui entraînait nécessairement la cessation de la relation contractuelle sans qu'il soit besoin de recueillir un consentement quelconque de l'appelant ; que selon l'article 7 du contrat le contrat ne se terminait qu'avec la fin de la mission "management and supervision support for the construction of local and regional infrastructures projects" en Roumanie, telle qu'elle résultait du contrat entre la société et le client et des avenants éventuels ; qu'à la date retenue par la société comme la fin de la mission, soit le 15 décembre 2006, le chantier n'était pas terminé ; qu'il résulte des écritures de la société qu'à cette date elle n'avait pas encore délivré aux autorités roumaines les certificats d'achèvement des travaux pour trois des projets couverts par le contrat ; qu'un avenant au contrat a été conclu le 15 décembre 2006, prévoyant la poursuite de la mission prévue au contrat initial, aux frais de la société; que l'article 3 de l'avenant souligne que l'ingénieur expert choisi par la société, [M] [S], avait les mêmes pouvoirs que ceux résultant du contrat initial ; que l'extension de la mission au 30 juillet 2007 a été confirmée par [M] [S] lui-même par courriel du 22 février 2007 ; que les modalités de prise en charge financière de celle-ci sont sans conséquence sur le contrat de mission de l'appelant, celles-ci ne constituant pas une condition du contrat de travail ; qu'aux protestations adressées par l'appelant le 22 février 2007 à la société, celle-ci s'est bornée à lui répondre que son contrat s'était achevé le 15 décembre 2006 ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le contrat de chantier a été rompu avant son terme, sans que l'appelant ait donné son accord, et en l'absence de toute faute grave ou de force majeure ; que cette rupture anticipée doit être fixée en réalité à la date du 23 janvier 2007, conformément à l'article L1234-19 du code du travail, date de délivrance du certificat de travail et dernier jour rémunéré ;

Considérant en application de l'article L1243-4 du code du travail qu'il résulte des pièces versées aux débats et, en particulier, du courriel d'[M] [S], que le contrat de chantier a pris fin le 30 juillet 2007 ; que la rupture anticipée du contrat de travail ne donne pas lieu à l'attribution d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mais ouvre droit à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations que l'appelant aurait perçues jusqu'au terme du contrat ;

Considérant que l'appelant percevait à la date de la rupture de son contrat de travail, outre un salaire de base de 4000 €, une indemnité de logement de 1200 €, un forfait mensuel de 1800€ pour ses déplacements et une indemnité de sujétion de 4000 € soit la somme totale de 11000 €; qu'il convient d'évaluer le préjudice subi par celui-ci du fait de la rupture anticipée à la somme de 74000 € ;

Considérant en application des articles L1222-1 du code du travail et 1134 alinéa 3 du code civil qu'en raison de la nature du contrat de chantier conclu, consistant en un contrat d'expatriation , l'appelant n'était plus soumis au régime français obligatoire de sécurité sociale et la société n'était plus tenue de verser les cotisations sociales correspondantes sauf en matière d'assurance chômage ; qu'elle s'est d'ailleurs acquittée de cette dernière obligation ; que l'affiliation volontaire auprès de la Caisse des Français à l'Etranger était facultative ; que l'appelant ne peut soutenir que le défaut de délivrance d'ordre de mission conforme aux dispositions de l'article 66 de la convention collective l'a privé des informations qui lui auraient permis de s'affilier volontairement dans les délais auprès de la CFE ; qu'en effet il pouvait facilement déduire de la lecture des bulletins de paye qui lui étaient régulièrement délivrés que l'intimée ne s'acquittait pas du versement des cotisations sociales dues par l'employeur et qu'en conséquence il n'était pas affilié à un régime de retraite ; qu'il résultait des derniers contrats conclus et notamment de l'article 13-1, intitulé "maladie-hospitalisation-rapatriement sanitaire-retraite" du contrat en date du 13 janvier 2003 que la société ne prenait en charge que les cotisations d'adhésion à un organisme couvrant les risques maladie, hospitalisation, et assistance sanitaire ; qu'il convient en conséquence de débouter l'appelant de ce chef de demande ;

Considérant qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'appelant les frais qu'il a dû exposer devant le conseil de prud'hommes et en cause d'appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris ;

STATUANT A NOUVEAU

CONDAMNE la société LOUIS BERGER INTERNATIONAL à verser à [C] [H] 74000 euros en réparation du préjudice résultant de la rupture anticipée du contrat de chantier ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil;

DEBOUTE [C] [H] du surplus de sa demande ;

CONDAMNE la société LOUIS BERGER INTERNATIONAL à verser à [C] [H] 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

LA CONDAMNE aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 09/01282
Date de la décision : 21/06/2011

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°09/01282 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-21;09.01282 ?
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