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16/06/2011 | FRANCE | N°09/06664

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 1, 16 juin 2011, 09/06664


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 1



ARRÊT DU 16 JUIN 2011



(n° 233, 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 09/06664





Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 juin 2005 - Tribunal de grande instance de Bobigny - RG 2002/00557

Arrêt du 15 novembre 2006 - Cour d'Appel de Paris - 2ème chambre - Section A - RG n° 2005/17522

Arrêt du 9 j

uillet 2008 - Cour de Cassation - Pourvoi n° E 07'11.601 - Arrêt n° 782 FS-D





DEMANDEURS À LA SAISINE



Madame [C] [F] [M] [O] veuve [R]

née le [Date naissance 3] 1923 à [Local...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 16 JUIN 2011

(n° 233, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/06664

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 juin 2005 - Tribunal de grande instance de Bobigny - RG 2002/00557

Arrêt du 15 novembre 2006 - Cour d'Appel de Paris - 2ème chambre - Section A - RG n° 2005/17522

Arrêt du 9 juillet 2008 - Cour de Cassation - Pourvoi n° E 07'11.601 - Arrêt n° 782 FS-D

DEMANDEURS À LA SAISINE

Madame [C] [F] [M] [O] veuve [R]

née le [Date naissance 3] 1923 à [Localité 18] (Ardennes)

de nationalité française

retraitée

demeurant [Adresse 9]

Monsieur [J] [K] [R]

né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 20] (94)

de nationalité française

profession : commerçant

demeurant [Adresse 2]

Monsieur [N] [W] [R]

né le [Date naissance 8] 1949 à [Localité 20] (94)

de nationalité française

profession : gérant de sociétés

demeurant [Adresse 13]

représentés par la SCP BAUFUME GALLAND VIGNES, avoués à la Cour

assistés de Maître Pierre REYNAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1685

DÉFENDEURS À LA SAISINE

Monsieur [N] [U]

né le [Date naissance 7] 1947 à [Localité 17]

de nationalité française

profession : chauffeur

demeurant [Adresse 15]

Monsieur [P] [U]

né le [Date naissance 5] 1952 au [Localité 19] (93)

de nationalité française

profession : chauffeur

demeurant [Adresse 10]

représentés par Maître François TEYTAUD, avoué à la Cour

assistés de la SCP MARIE et GUERINEAU (Maître Aline MARIE), avocats au barreau de BOBIGNY, toque : 185

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 5 mai 2011, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Lysiane LIAUZUN, présidente

Madame Christine BARBEROT, conseillère

Madame Anne-Marie LEMARINIER, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier :

lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Christiane BOUDET

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Lysiane LIAUZUN, présidente, et par Madame Christiane BOUDET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

Par acte authentique du 20 janvier 1972, [A] [U], décédé et aux droits duquel viennent désormais ses fils Messieurs [N] et [P] [U] (les consorts [U]), a vendu un pavillon sis [Adresse 13], décédé le [Date décès 6] 2003 et aux droits duquel viennent aujourd'hui ses deux fils Messieurs [N] et [J] [R] (les consorts [R]), et son épouse Mme [C] [O], veuve [R] (les consorts [R]).

Courant 1972, les époux [R] et leur fils M. [N] [R] ont respectivement constitué la SARL Carrosserie [R] et la SARL Tip Top Auto Plus, exerçant toutes deux sur le terrain voisin sis [Adresse 12], l'acte de vente du pavillon ayant mentionné que le propriétaire de cette parcelle était inconnu.

Estimant être propriétaires de ce terrain par voie de succession, celui-ci appartenant à leur père, et faisant valoir que leurs démarches amiables sont restées vaines, les consorts [U] ont, par acte du 21 mai 2001, sommé les consorts [R] de libérer les lieux, puis, par acte du 17 janvier 2002, ont fait assigner les sociétés Tip Top Auto Plus et Carrosseries [R] devant le Tribunal de grande instance de Bobigny en constatation de leur droit de propriété et de l'occupation sans droit ni titre du terrain par les sociétés, devant alors être expulsées et condamnées solidairement, d'une part, à la restitution du terrain nu, en faisant démolir au préalable les constructions édifiées dessus, d'autre part à leur payer la somme de 763 € par mois d'indemnité d'occupation à compter de la sommation de quitter les lieux.

Par acte du 30 octobre 2003, les consorts [U] ont fait assigner M. [V] ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société Tip Top Auto Plus puis, par acte du 4 mai 2004, ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de cette société. Par acte du 16 avril 2004, les consorts [U] ont également fait assigner M. [D] ès-qualités de représentant des créanciers de la société Tip Top Auto Plus. Les instances ont été jointes.

Par jugement du 30 juin 2005, le Tribunal de grande instance de Bobigny a :

- dit les consorts [U] propriétaires du terrain [Adresse 12], cadastré section AC, numéro [Cadastre 14], pour 2 ares, 37 centiares,

- ordonné l'expulsion des sociétés Tip Top Auto Plus et Carrosserie [R],

- condamné celles-ci à verser aux consorts [U], à compter du jugement, une indemnité mensuelle d'occupation de 753 €,

- mis hors de cause M. [V] et M. [D] ès-qualités,

- rejeté comme infondées toutes autres demandes plus amples ou contraires,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné les consorts [R] ainsi que les sociétés Tip Top Auto Plus et Carrosserie [R] aux dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

Les consorts [R], les sociétés Carrosserie [R] et Tip Top Auto Plus, ainsi que M. [V], commissaire à l'exécution du plan de la société Tip Top Auto Plus, ont interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 15 novembre 2006, la Cour d'appel de Paris a :

- confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- ordonné la publication de l'arrêt au bureau des hypothèque compétent,

- condamné les appelants aux dépens, pouvant être recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer aux consorts [U] la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les appelants ont formé un pourvoi devant la Cour de cassation, laquelle a, par arrêt du 9 juillet 2008 :

- cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt du 15 novembre 2006,

- remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt, et, pour être fait droit, renvoyé les parties devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée,

- condamné les consorts [U] aux dépens,

- vu l'article 700 du code de procédure civile, condamné les consorts [U] à payer aux consorts [R] la somme de 2 500 €,

- rejeté la demande des consorts [U],

- dit que sur les diligences du procureur général près de la Cour de cassation, l'arrêt serait transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.

Pour statuer en ce sens, la Cour de cassation relève que la Cour d'appel a retenu que la possession trentenaire depuis 1950 et en tout cas depuis 1970 de l'auteur des consorts [U] est établie par des actes positifs tels le paiement des taxes foncières de 1970 à 2000 afférentes à cette parcelle, les actions en justice engagées contre les occupants et traduisant la volonté de se comporter en propriétaire, un acte notarié établissant la notoriété prescriptive au profit de [A] [U], outre le reconnaissance de cette qualité de propriétaire par les époux [R], et qu'en statuant ainsi , sans relever d'actes matériels de nature à caractériser la possession, la Cour d'Appel a violé l'article 2229 du code civil.

Les sociétés Carrosseries [R] et Tip Top Auto Plus ont entre temps été dissoutes et liquidées.

Par dernières conclusions signifiées le 5 avril 2011, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de leurs moyens, les consorts [R], appelants, prient la Cour de :

- les recevoir en leur appel,

- les y disant bien fondés, infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- à titre principal, dire les prétentions des consorts [U] irrecevables, et subsidiairement mal fondées,

- dire que [E] [R], décédé le [Date décès 6] 2003 et Mme [C] [O], veuve [E] [R], son épouse, ont prescrit le droit de propriété de la parcelle de terrain litigieuse,

en conséquence,

- débouter les consorts [U] de l'intégralité de leurs prétentions,

- ordonner la transcription du dispositif de l'arrêt à la conservation des hypothèques, relativement au titre de propriété résultant de la prescription acquisitive trentenaire, et ce indivisément de chaque appelant,

- concernant la parcelle de terrain litigieuse, et ce à raison des droits respectifs des héritiers et légataires tels que désignés à l'attestation dressée le 19 janvier 2004 par M. [Z], notaire,

- ordonner au conservateur des hypothèque la radiation de toute inscription ou mention d'un titre quelconque de propriété de Messieurs [A], [N] et [P] [U],

- condamner in solidum les consorts [U] aux entiers dépens ainsi qu'à leur payer à chacun la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 4 novembre 2010, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de leurs moyens, les consorts [U] prient la Cour de :

à titre principal,

- confirmer qu'ils sont propriétaires légitimes du terrain litigieux,

- déclarer irrecevables les demandes présentées par les consorts [R],

- dire que les sociétés Tip Top Auto Plus, Carrosserie [R] et tout occupant de leur fait, occupent le terrains sans aucun droit ni titre,

- en conséquence,

- débouter les consorts [R] de toutes leurs demandes présentes et à venir,

- ordonner l'expulsion du terrain des sociétés occupantes,

- condamner solidairement celles-ci a :

* restituer le terrain nu et démolir toutes les constructions qu'elles ont fait édifier, et ce sous astreinte de 153 € par jour de retard,

* leur verser, jusqu'à complète libération des lieux, la somme de 753 € par mois à titre d'indemnité d'occupation, à compter du 21 mai 2011, date de la sommation d'avoir à libérer les lieux,

à titre subsidiaire,

- si, par extraordinaire, la Cour reconnaissait les consorts [R] propriétaires du terrain, condamner ces derniers, solidairement, à leur verser une somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil,

dans tous les cas,

- condamner les sociétés occupantes ainsi que les consorts [R] aux entiers dépens ainsi qu'à leur payer la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 26 avril 2011, les consorts [U], visant les articles 15, 16, 780 et 783 du code de procédure civile, l'injonction de conclure délivrée aux appelants pour le 2 décembre 2010 et l'ordonnance de clôture du 7 avril 2011, demandent à la Cour de révoquer l'ordonnance de clôture, de recevoir leur nouvelle communication de pièces et de rejeter des débats les conclusions et pièces signifiées le 5 avril 2011 par les consorts [R].

SUR CE, LA COUR :

SUR L'INCIDENT

Considérant, certes, que les consorts [R], qui avaient reçu injonction de conclure pour le 2 décembre 2010, n'ont signifié leurs conclusions que le 5 avril 2011 alors que la clôture était fixée au 7 avril ;

Qu'il sera toutefois observé que les consorts [U] n'ont communiqué des pièces pour la première fois devant la Cour, nonobstant une sommation de communiquer, que le 14 mars 2011 et que les consorts [R] ont pu légitimement attendre de connaître les pièces dont les consorts [U] entendaient se prévaloir avant de conclure ;

Que le délai de 48 heures précédant l'ordonnance de clôture étant suffisant pour que les consorts [U], qui avaient conclu le 4 novembre 2010, aient pu prendre connaissance des conclusions des consorts [R] et être à même de présenter leurs observations, le principe du contradictoire étant donc respecté, leur demande de rejet des débats des conclusions et pièces communiquées par les consorts [R] le 5 avril 2011 sera rejeté ;

Considérant que les consorts [U], sommés de communiquer leurs pièces, ont communiqué le 14 mars 2011 les seules pièces invoquées pour la première fois devant la Cour, les pièces préalablement communiquées en première instance n'ayant pas à nouveau été communiquées ;

Que pour satisfaire à la sommation des consorts [R], ils ont procédé à une nouvelle communication de l'ensemble de leurs pièces par bordereau signifié le 26 avril 2011, donc postérieurement à l'ordonnance de clôture ;

Que les consorts [R] ne contestant pas avoir eu finalement connaissance de l'ensemble des pièces des consorts [U] avant l'ordonnance de clôture, faisant état de certaines de ces pièces dans leurs propres écritures, il n'y a pas lieu de révoquer l'ordonnance de clôture du 7 avril 2011 pour inclure dans les débats le bordereau signifié le 26 avril 2011, étant observé que toutes les pièces mentionnées sur ce bordereau ont déjà été communiquées, que ce soit devant la Cour le 14 mars 2011 ou en première instance et qu'elles sont énumérées sur la liste annexée aux conclusions signifiées le 4 novembre 2010, le principe du contradictoire étant donc respecté ;

Qu'il s'ensuit que la nouvelle communication de pièces des époux [U] selon bordereau signifié le 26 avril 2011, postérieurement à l'ordonnance de clôture, sera rejetée des débats ;

SUR LA RECEVABILITÉ DE L'ACTION DES CONSORTS [U]

Considérant que les consorts [U] justifient de leur qualité à agir en tant qu'héritiers de [A] [U] par la production du certificat d'hérédité établi le 5 juillet 1999 par le maire de la commune de [Localité 16] (Seine et Marne) aux termes duquel [A] [U] est décédé le [Date décès 4] 1999 en laissant pour seuls héritiers ses fils [N] [U] et [P] [U] ;

Qu'ils sont recevables à agir en revendication du droit de propriété de leur auteur sur la parcelle litigieuse même en l'absence d'occupation personnelle, la preuve de la précarité du titre de l'occupant relevant du fond ;

SUR LE FOND

Considérant que selon l'article 2229 ancien du code civil, applicable en l'espèce, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ;

Que la prescription acquisitive suppose l'accomplissement d'actes matériels d'usage ou de jouissance de la chose, manifestant l'exercice d'une possession réelle, étant précisé, d'une part, que si l'on a commencé à posséder pour autrui, on est toujours présumé posséder au même titre s'il n'y a preuve contraire et que le détenteur précaire ne peut prescrire que si le titre de sa possession se trouve interverti, notamment par la contradiction opposée au droit du propriétaire ;

Considérant que dans l'acte authentique du 20 janvier 1972 aux termes duquel [A] [U] et son épouse ont vendu à [E] [R] et à son épouse le bien immobilier sis [Adresse 13], le terrain voisin côté droit, qui est celui sis au [Adresse 11], est désigné comme appartenant à un inconnu ;

Que selon l'acte authentique de notoriété prescriptive établi le 9 décembre 2000 par Me [X], notaire, sur les déclarations de trois témoins :

- [A] [U] a pris possession en 1950 du terrain jouxtant le sien, portant le n° [Adresse 11], qui était à l'abandon, y réalisant des aménagements pour l'exercice de son activité professionnelle, lors de la rénovation du cadastre,

- il a été inscrit à la matrice cadastrale en qualité d'usufruitier, la nue-propriété étant au nom d'un certain M. [G], que s'en étant inquiété de nombreuses années plus tard, il lui a été répondu par courrier du 27 novembre 1992 que la parcelle est non publiée au fichier de la conservation des hypothèques, que l'origine de l'inscription est inconnue et qu'elle remonte peut-être au premier paiement des taxes foncières payées par lui et que par jugement du 6 mai 1999, définitif, le tribunal administratif de Paris a enjoint au chef de centre des impôts fonciers de Noisy le Sec de rectifier les documents cadastraux de la commune de Neuilly sur Marne en ce qui concerne le terrain litigieux en supprimant la mention « M. [U] - Usufruitier »,

- il a acquitté régulièrement les impôts fonciers de ce terrain pendant plus de trente ans et a présenté les avis d'imposition en tant qu'usufruitier de 1970 à 1999, l'avis d'imposition de 2000 ayant été établi à son nom en tant que propriétaire,

- que la possession du terrain par celui-ci a eu lieu à titre de propriétaire d'une façon continue, paisible, publique et non équivoque et que par suite sont réunies les conditions exigées par l'article 2229 du code civil pour acquérir la propriété par la prescription trentenaire et qu'il doit être considéré comme propriétaire de la parcelle ;

Considérant que les consorts [R] conteste cet acte, faisant valoir qu'à supposer que M. [A] [U] ait commencé à prescrire en 1950, ce qu'ils contestent, cette possession a pris fin au moment de l'installation des époux [E] [R] en 1972, date à compter de laquelle ces derniers ont pris possession du terrain et commencé à prescrire ;

Sur l'action principale en revendication des consorts [I]

Considérant qu'il est suffisamment établi par les témoignages recueillis par le notaire lors de l'établissement de l'acte de notoriété du 9 décembre 2000 que [A] [U] a pris matériellement possession du terrain litigieux à des fins professionnelles en 1950, ce qui est corroboré par le fait qu'il a été désigné en qualité d'usufruitier à la matrice cadastrale et qu'il a payé les impôts fonciers à partir de 1970 ;

Considérant qu'il n'est pas contesté qu'en 1972, donc avant que [A] [U] n'ait acquis la propriété de la parcelle litigieuse par prescription acquisitive, [E] [R], auquel il a vendu l'immeuble sis sur la parcelle voisine, a également pris possession du terrain litigieux sur lequel il a fait construire des ateliers exploités par les sociétés Carrosseries [R] et Tip Top Auto Plus sans aucune protestation de [A] [U] qui n'a pas soumis l'occupation de [E] [R] à la conclusion d'un bail ou d'un autre contrat dont il résulterait qu'il avait l'intention de conserver la possession légale utile pour prescrire en se comportant comme le propriétaire du terrain, le paiement par lui des impôts fonciers et les actions engagées à l'encontre des occupants du terrain à compter de seulement 1996 étant insuffisantes à établir l'usucapion ;

Que le document portant la date du 20 janvier 1972 interprété par les consorts [U] comme constituant une promesse de vente par [A] [U] à [E] [R] du terrain litigieux n'a pas date certaine, ayant été établi sur un papier commercial à entête de la société carrosserie [R] laquelle ne sera constituée que le 26 juillet 1972, étant observé que la signature apposée sur ce document n'est manifestement pas celle de [A] [U], étant très différente de celles apposées par lui en 1979 sur l'autorisation de construire et en 1988 sur sa carte d'identité, le document du 20 janvier 1972 n'ayant donc aucune valeur probante ;

Que la suppression par le tribunal administratif par jugement du 8 avril 1999 de la mention de la qualité d'usufruitier de [A] [U] n'est pas de nature à établir sa qualité de propriétaire, étant observé qu'il est seulement précisé dans le jugement que la qualité d'usufruitier de [A] [U] n'est établie par aucun acte ni décision judiciaire ;

Qu'enfin, l'autorisation donnée par [A] [U], se disant propriétaire du terrain litigieux, à [E] [R] en 1979 en vue de l'obtention par ce dernier d'un permis de construire, acte isolé, ne caractérise pas la possession continue et non équivoque exigée pour prescrire ;

Qu'il n'est rapporté la preuve d'aucun acte matériel de possession entre 1979 et le 14 septembre 1996, date du premier constat d'huissier effectué à la requête de [A] [U] qui ne revendique dans cet acte que la qualité d'usufruitier et non celle de propriétaire, étant observé que si la possession légale d'un fonds immobilier, quand elle a été acquise au moyen d'actes matériels de détention, peut se conserver par la seule intention du possesseur, c'est à la condition que la possession ait été exercée dans toutes les occasions comme en tous les moments où elle devait l'être, sans intervalles anormaux assez prolongés pour constituer des lacunes et rendre la possession discontinue ;

Que faute pour les consorts [U] de rapporter la preuve d'actes matériels, non équivoques, de possession à titre de propriétaire, ceux-ci seront déboutés de leurs demandes, le jugement entrepris étant infirmé en toutes ses dispositions ;

Sur la demande reconventionnelle des consorts [R]

Considérant qu'il est constant que [E] [R] n'occupait pas personnellement matériellement le terrain sis [Adresse 11], ce terrain ayant été occupé jusqu'à leur liquidation par les sociétés Carrosseries [R] et Tip Top Auto Plus, lesquelles, bien que constituées par [E] [R] pour la première et par [N] [R] pour la seconde, ont des personnalités distinctes de celle de [E] [R], les consorts [R] ne justifiant pas par ailleurs que lesdites sociétés auraient possédé pour le compte de [E] [R] ;

Qu'il sera en outre observé que la nature de l'occupation du terrain litigieux par les sociétés Carrosseries [R] et Tip Top Auto Plus était pour le moins équivoque dès lors qu'il n'est pas contesté que [A] [U] a continué à entreposer du matériel sur le terrain et qu'il n'est pas rapporté la preuve du prêt à usage allégué par les consorts [R] ;

Qu'enfin, [E] [R] a produit en 1979 au titre des pièces accompagnant sa demande de permis de construire un document faisant état de la qualité de propriétaire de [A] [U], ce dont il résulte que lui-même ne possédait pas à cette date à titre de propriétaire ;

Que les consorts [R], qui ne rapportent pas la preuve d'une possession par [E] [R] conforme aux dispositions de l'article 2229 ancien du code civil seront donc déboutés de leur demande aux fins de prescription acquisitive ;

Considérant que les parties succombant en toutes leurs demandes, chacune d'elle conservera la charge de ses dépens et les frais non répétibles qu'elles ont exposés ;

PAR CES MOTIFS :

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement et par mise à disposition,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Déboute les parties de toutes leurs demandes,

Dit que chacune d'elle conservera les dépens exposés par elle tant en première instance qu'en appel, y compris ceux de la décision cassée.

La Greffière,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 09/06664
Date de la décision : 16/06/2011

Références :

Cour d'appel de Paris G1, arrêt n°09/06664 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-16;09.06664 ?
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