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16/06/2011 | FRANCE | N°08/20412

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 3, 16 juin 2011, 08/20412


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 3



ARRÊT DU 16 JUIN 2011



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/20412



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Septembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 05/05636





APPELANTE :



- Madame [N] [U] [O] épouse [K]



demeurant [Adresse 8]



représentée par la SCP

CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assistée de Me Christine HEUSELE, plaidant pour la SCP TOURAUT & ASSOCIES, avocat au barreau de MEAUX





INTIMÉE PROVOQUÉE :



- S.A.R.L. [K] prise en la pers...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 3

ARRÊT DU 16 JUIN 2011

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/20412

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Septembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 05/05636

APPELANTE :

- Madame [N] [U] [O] épouse [K]

demeurant [Adresse 8]

représentée par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assistée de Me Christine HEUSELE, plaidant pour la SCP TOURAUT & ASSOCIES, avocat au barreau de MEAUX

INTIMÉE PROVOQUÉE :

- S.A.R.L. [K] prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 8]

représentée par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assistée de Me Christine HEUSELE, plaidant pour la SCP TOURAUT & ASSOCIES, avocat au barreau de MEAUX

INTIMÉES :

- Madame [L] [T] - [D]

demeurant [Adresse 9]

- Madame [A] [P] [H] [T] épouse [F]

demeurant [Adresse 8]

toutes représentées par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour

assistées de Me Florian DE MASCUREAU, plaidant pour la SEP LACHAUD LEPANY MANDEVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : W 06

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Mai 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle REGHI, conseillère, entendue en son rapport et Madame Michèle TIMBERT, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle REGHI, faisant fonction de présidente en remplacement de Madame Nicole PAPAZIAN, en application de l'ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Paris du 1er avril 2011

Madame Michèle TIMBERT, conseillère

Madame Marie KERMINA, conseillère, en remplacement de Madame [I] [C] en application de l'ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Paris du 1er avril 2011

qui en ont délibéré

Greffière

lors des débats et du prononcé : Mademoiselle Béatrice PIERRE-GABRIEL

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle REGHI, faisant fonction de présidente et par Mademoiselle Béatrice PIERRE-GABRIEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

************************

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [L] [T] est propriétaire de terres agricoles cadastrées section ZH n° [Cadastre 3], propriétaire en indivision avec sa soeur, Mme [A] [T], depuis le décès de leur mère, de la parcelle cadastrée ZE n° [Cadastre 5] et propriétaire de la parcelle cadastrée ZH n°[Cadastre 1]1 ; elle est titulaire d'un bail rural sur des parcelles cadastrées sections YC n° [Cadastre 4] et [Cadastre 6] et YA n° [Cadastre 3] et n° [Cadastre 2].

Une convention a été signée le 23 janvier 1993 entre Mme [T] et M. [F] [K] aux termes de laquelle Mme [T] cède ses droits de culture à M. [K] pour les parcelles cadastrées ZH[Cadastre 1], ZH[Cadastre 3] et ZE [Cadastre 5]. Par ailleurs, Mme [T] indique avoir conclu avec la société [K] un contrat d'entreprise de travaux agricoles pour l'ensemble des parcelles.

En 2004, Mme [N] [O], épouse de M. [F] [K] et mère du gérant de la société [K] formait une demande de subvention pour les parcelles YC et YA, tandis que Mme [T] formait également cette demande de subvention pour ces mêmes parcelles. En 2005, l'office national interprofessionnel des céréales relevait l'existence d'une double demande de subvention pour les parcelles ZH [Cadastre 1] et [Cadastre 3] et ZE [Cadastre 5] et, constatant que, sur ces parcelles, aucune surface en jachère n'avait été laissée, contrairement aux dispositions prévues dans le cadre de la politique agricole commune, refusait l'octroi d'une subvention et prévoyait des pénalités.

Par acte du 17 novembre 2005, Mme [T] a fait assigner Mme [O] et la société [K] en dommages et intérêts et en expulsion devant le tribunal de grande instance de Meaux qui, par jugement du 11 septembre 2008, assorti de l'exécution provisoire, a :

- déclaré recevables les interventions volontaires de Mme [A] [T] et de Mme [E], mère de Mmes [T],

- déclaré Mme [O] occupante sans droit ni titre,

- ordonné son expulsion des parcelles cadastrées ZH[Cadastre 1], ZH[Cadastre 3] et ZE [Cadastre 5] à [Adresse 8], sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification du jugement,

- débouté Mmes [L] et [A] [T] et Mme [E] du surplus de leurs demandes,

- condamné Mme [O] au paiement de la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par déclaration du 27 octobre 2008, Mme [O] a fait appel du jugement.

Dans ses dernières conclusions, signifiées le 9 mars 2011, Mme [O] et la société [K] demandent :

- la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré que la convention signée le 29 janvier 1993 doit être qualifiée de bail rural et en ce qu'il a débouté les intimées de leurs demandes contre la société [K],

- de dire Mme [O] titulaire d'un bail rural portant notamment sur les parcelles ZH[Cadastre 1], ZH[Cadastre 3] et ZE [Cadastre 5],

- l'infirmation du jugement en ce qu'il a ordonné son expulsion,

- d'ordonner sa réintégration et l'expulsion de Mme [T],

- la condamnation de Mmes [T] au paiement de la somme de 18 000 € au titre des pertes de récoltes des années 2008 à 2011, sauf à parfaire,

- le débouté des demandes de Mmes [T],

- leur condamnation au paiement de la somme de 7 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés par la SCP Calarn Delaunay, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions, signifiées le 28 avril 2011, Mmes [T] demandent :

- la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de Mme [T] et les interventions et demandes de Mme [A] [T] et de Mme [E], en ce qu'il a déclaré Mme [O] occupante sans droit ni titre et ordonné son expulsion et en ce qu'il a condamné Mme [O] au titre des frais irrépétibles et aux dépens, l'infirmation pour le surplus,

- le débouté des demandes de la société [K] et de Mme [O],

- la condamnation solidaire de la société [K] et de Mme [O] au paiement à Mme [T] de la somme de 15 512,50 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte d'exploitation, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, de la somme de

10 431 € en réparation de la perte des aides PAC pour l'année 2005, avec les mêmes intérêts et de la somme de 15 165,18 € en restitution des pénalités qui lui ont été infligées pour les années 2004 et 2005 et des aides PAC non versées de 2004 à 2009, avec les mêmes intérêts, outre la garantie de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle par l'ONIC,

- leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 7 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés par la SCP Bernabe Chardin Cheviller, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 28 avril 2011.

CELA EXPOSE, LA COUR

Sur l'existence d'un bail entre Mme [T] et Mme [O] pour les parcelles cadastrées ZH[Cadastre 1], ZH[Cadastre 3] et ZE [Cadastre 5] à [Adresse 8]

Considérant que, selon convention conclue le 29 janvier 1993, Mme [T] a cédé ses droits de culture à M. [K] pour les parcelles ZH1, ZH2 et ZE [Cadastre 5] ; que c'est par des motifs pertinents que les premiers juges, relevant que la mise à disposition portait sur des biens à vocation agricole et était faite à titre onéreux, en contrepartie d'un loyer annuel, ont conclu que cette convention répondait aux conditions posées par l'article L411-[Cadastre 1] du code rural et constituait, dès lors, un bail rural ; que cette qualification n'est d'ailleurs pas contestée par Mmes [T] ;

Considérant, en revanche, que Mme [T] conteste qu'après le retrait de M. [K], une cession de ce bail ait pu être faite avec son autorisation à Mme [O], épouse de M. [K] ;

Considérant qu'en application de l'article L411-35, alinéa 1er, du code rural, le preneur a le droit de céder son bail à son conjoint ; que, pour ce qui concerne une cession, l'autorisation, tacite ou non, du seul usufruitier est nécessaire ;

Considérant que les premiers juges relèvent exactement qu'à compter de 2001 et jusqu'en 2003, les factures de loyers établies par Mme [T] ont été libellées au nom de Mme [K] (Mme [O]) agricultrice ; que les parcelles ont fait l'objet d'une déclaration d'exploitation à la MSA par Mme [O] ; qu'en revanche, Mme [T] ne les a pas, quant à elle, mentionnées sur sa propre déclaration à la MSA ;

Considérant qu'en 2004, des échanges de courriers ont eu lieu entre Mme [T] et la société [K], constituant une mise au point, selon Mme [T], aux termes desquels un accord serait intervenu pour que la société [K] continue à l'avenir à réaliser les travaux de culture sur les trois parcelles litigieuses pour le compte de Mme [T] ; que Mme [T] soutient qu'il est ainsi démontré qu'elle n'a jamais accepté la prétendue cession ;

Considérant cependant qu'il résulte suffisamment de l'envoi des factures expressément libellées au nom de Mme [O] et mentionnant sa qualité d'agricultrice ainsi que des déclarations respectives des deux parties à la MSA que Mme [T] a, au moment de la prise de retraite de M. [K], tacitement accepté, à compter de 2001, la cession de bail sur les parcelles dont M. [K] était le preneur au bénéfice de Mme [O] ; que l'accord invoqué avec la société [K] n'est pas intervenu avec Mme [O], alors qu'elle avait, à cette date-là, la qualité de cessionnaire du bail, quand bien même elle avait également la qualité d'associée de la société [K] ; qu'il ne peut remettre en cause de manière rétroactive l'acceptation tacite de la cession ; que si cet accord témoigne alors de la volonté de Mme [T] de ne plus poursuivre le bail avec Mme [O], il ne peut en lui-même être opposable à cette dernière ; qu'une cession de bail exige, pour sa résiliation, les mêmes conditions que pour un bail, soit un congé donné deux mois avant chaque renouvellement annuel ou une résiliation pour l'une des causes prévues aux articles L411-30 et suivants du code rural ; qu'aucune de ces conditions n'est remplie, le courrier adressé par Mme [T] à Mme [O] le 25 novembre 2004 se plaçant seulement sur le terrain de la contestation de l'occupation des parcelles par Mme [O] et de l'interdiction de toute intrusion sur ces terres, ne constituant en aucune façon un congé ou une intention de résiliation ; que, dès lors, si Mme [T] établit qu'en 2004, elle contestait l'occupation des terres par Mme [O], elle n'établit pas, au vu des éléments susvisés, qu'en 2001 elle n'aurait pas tacitement accepté la cession de bail au profit de Mme [O] ; qu'en conséquence, celle-ci est fondée à demander sa réintégration dans les parcelles concernées, sans qu'il soit besoin d'examiner l'allégation de Mme [O] selon laquelle elle aurait procédé avec Mme [T] à des échanges de cultures ; que Mme [T] doit donc être déboutée de ses demandes de dommages et intérêts formées contre Mme [O] ;

Sur la demande de dommages et intérêts de Mme [O]

Considérant que Mme [O] fait valoir qu'elle a été privée de récoltes du fait de l'expulsion réalisée dans le cadre de l'exécution provisoire, pour les années 2009 à 2011;

Considérant toutefois qu'elle ne produit aucune pièce ni aucun élément quelconque concernant le type de cultures et leurs périodes ou le compte de dépenses et recettes des années précédentes, permettant de vérifier la nature et l'étendue du préjudice qu'elle invoque ; qu'elle se contente d'invoquer un calcul forfaitaire par hectare sans fournir aucune donnée concrète concernant les parcelles ; qu'elle ne fournit pas davantage d'indications sur la situation qui était la sienne durant les années considérées ; que, faute d'un quelconque élément probant sur la réalité du préjudice allégué, elle doit être déboutée de sa demande ;

Sur la demande de dommages et intérêts de Mme [T] formée contre la société Lelou

Considérant que Mme [T] fait valoir que, pour l'année 2005, la société [K] n' a pas respecté les instructions qu'elle lui avait données tendant à laisser en jachère 10% des terres, ce qui l'a privée des aides PAC pour cette année-là ;

Considérant toutefois qu'il ne résulte d'aucun des courriers échangés entre Mme [T] et la société [K] à la fin de l'année 2004 que Mme [T] ait donné des instructions en ce sens à la société [K] ; que Mme [T] précise alors que le gel de 10% des terres avait été respecté en 2004, que la société [K] ne pouvait ignorer, en qualité de professionnelle de l'agriculture, que l'obligation de gel des terres conditionnait le versement des aides et qu'en conséquence, elle n'avait plus, dans ses courriers adressés à la société [K], à évoquer la nécessité du gel mais seulement à indiquer la nature des céréales à ensemencer sur la superficie restante ;

Considérant cependant que c'est par des motifs pertinents que les premiers juges, constatant que la société [K] n'intervenait que comme prestataire de services pour effectuer les travaux demandés par Mme [T], ont rejeté la demande d'indemnisation ; qu'en effet, il résulte des échanges de courrier susvisés que la société [K] avait pour obligation de suivre les directives culturales données ; qu'il appartenait donc à Mme [T] seule, en sa qualité d'exploitante, de vérifier que les directives qu'elle donnait correspondaient aux obligations mises à sa charge dans le cadre de la politique agricole commune ; que sa demande doit donc être rejetée ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu à paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que Mmes [T] doivent être condamnées aux dépens de première instance et de l'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a déclaré recevables les interventions volontaires de Mme [A] [T] et de Mme [E], mère de Mmes [T],

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que Mme [O] est titulaire d'une cession de bail rural portant sur les parcelles ZH1, ZH2 et ZE [Cadastre 5] à [Localité 7]-[Localité 7] ;

Ordonne, en conséquence, sa réintégration sur les dites parcelles ;

Ordonne, en tant que de besoin, l'expulsion de Mme [L] [T] des dites parcelles ;

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes ;

Dit n'y avoir lieu à paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mmes [L] et [A] [T] aux dépens de première instance et de l'appel, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués en cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA CONSEILLÈRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 08/20412
Date de la décision : 16/06/2011

Références :

Cour d'appel de Paris G3, arrêt n°08/20412 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-16;08.20412 ?
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