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16/06/2011 | FRANCE | N°07/15401

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 16 juin 2011, 07/15401


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 16 JUIN 2011



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 07/15401



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mai 2007 -Tribunal de Grande Instance de FONTAINEBLEAU - RG n° 05/00687





APPELANTES



Société Civile Immobilière ÉLYSÉE prise en la personne de son mandataire ad hoc Monsieur [G] [R]
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Société Civile Immobilière MONTAIGNE prise en la personne de son mandataire ad hoc Monsieur [G] [R]

[Adresse 2]

[Localité 7]



S.C.I. RICHELIEU prise...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 16 JUIN 2011

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/15401

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mai 2007 -Tribunal de Grande Instance de FONTAINEBLEAU - RG n° 05/00687

APPELANTES

Société Civile Immobilière ÉLYSÉE prise en la personne de son mandataire ad hoc Monsieur [G] [R]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Société Civile Immobilière MONTAIGNE prise en la personne de son mandataire ad hoc Monsieur [G] [R]

[Adresse 2]

[Localité 7]

S.C.I. RICHELIEU prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 7]

toutes trois représentées par la SCP MENARD - SCELLE-MILLET, avoué à la Cour

toutes trois assistées de Me Daniel RICHARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D169

INTIMÉES

SOCIÉTÉ GÉNÉRALE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 4]

[Localité 5]

S.A. SOGEFIMUR prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 4]

[Localité 5]

toutes deux représentées par la SCP HARDOUIN, avoué à la Cour

assistées de Me Julien FISZLEIBER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0283

S.E.L.A.R.L. ARCHIBALD es qualité de mandataire liquidateur de la SCI ELYSEE et de la SCI MONTAIGNE prise en la personne de son gérant Maître [H]

[Adresse 3]

[Localité 6]

assignée selon les dispositions de l'art. 658 du Code de Procédure Civile et défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Octobre 2010, en audience publique, et les avocats ne s'y étant pas opposés devant Madame Marie-Claude APELLE, Présidente de chambre.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Claude APELLE, président

Mme Marie-Josèphe JACOMET, conseiller

Mme Caroline FEVRE, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Nathalie METIER

Mme [P] [M] a préalablement été entendue en son rapport,

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile comme elles ont été avisées des dates de prorogation du délibéré.

- signé par Mme Marie-Claude APELLE, présidente et par M. Sébastien PARESY, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

****

Les sociétés civiles immobilières Élysées, Montaigne et Richelieu, en liquidation judiciaire, représentées par M. [G] [R], leur mandataire ad hoc, sont appelantes d'un jugement rendu le 23 mai 2007 par le tribunal de grande instance de Fontainebleau, qui a: dit que l'action reprise par M. [R], en tant que mandataire ad hoc des sociétés civiles immobilières Élysées et Montaigne est recevable ; dit que l'action de la société civile immobilière Richelieu est prescrite ; débouté les sociétés civiles immobilières Élysées et Montaigne de leurs demandes tendant à voir écarter des débats un article de presse du 24 mai 2002 faisant état de poursuites pénales intentées à l'encontre de M. [R] et les écritures de la Société générale et de la société Sogéfimur faisant état desdites poursuites; débouté M. [R] ès qualités et la société civile immobilière Richelieu de leurs demandes de dommages-intérêts ; débouté M. [R] ès qualités et la société civile immobilière Richelieu de leurs autres demandes ; débouté la Société générale de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ; condamné la société civile immobilière Richelieu à payer à la Société générale la somme de huit mille euros (8.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; condamné M. [R] ès qualités et la société civile immobilière Richelieu aux dépens.

I.- Faits et rapports contractuels constants. Rappel des procédures antérieures:

À l'automne 1991, la société civile immobilière Richelieu (ci-après, la S.C.I. Richelieu), dont M. [G] [R] était le gérant, propriétaire d'un ensemble immobilier à [Adresse 9], a entrepris une opération de promotion immobilière pour y édifier un centre d'affaires.

L'opération devait comporter la réalisation d'un rez-de-chaussée, de trois étages de bureaux, de combles abritant le système de climatisation/chauffage et un emplacement pour l'archivage et d'un parking en sous-sol.

Pour financer les travaux de réalisation des deuxième et troisième étages, la S.C.I. Richelieu s'est adressée à la Société générale, le financement des autres parties de l'immeuble (rez-de-chaussée, premier étage, combles et sous-sol) étant assuré par deux autres partenaires (la Société Nancéienne & Varin-Bernier et la société Unitherm) et par des fonds propres.

Il a été fait le choix de recourir à une autorisation de découvert consentie par la Société générale à la S.C.I. Richelieu jusqu'à l'achèvement des locaux et, après celui-ci, à l'acquisition des deuxième et troisième étages par la société Sogéfimur, filiale de la Société générale spécialisée dans le crédit immobilier, suivie de leur location, dans le cadre de contrats de crédit-bail, aux sociétés civiles immobilières Élysées (ci-après, la S.C.I. Élysées) et Montaigne (la S.C.I. Montaigne).

C'est ainsi que, le 11 février 1992, la Société générale a accordé à la S.C.I. Richelieu une autorisation de découvert en compte-courant, qui a fonctionné jusqu'au 21 juin 1994.

Suivant acte authentique du 19 octobre 1992, la société Sogefimur a consenti à la S.C.I. Élysées un crédit-bail immobilier de trois millions cent soixante-cinq mille francs (3.165.000 francs) en principal, remboursable sur quinze années, portant sur le deuxième étage.

Suivant acte authentique du 20 juin 1994, la société Sogefimur a consenti à la S.C.I. Richelieu un contrat de crédit-bail immobilier de quatre millions cent mille francs (4.100.000 F) francs, remboursable sur quinze ans, portant sur le troisième étage.

À titre de garanties, les S.C.I. Élysées et Richelieu ont consenti à la société Sogéfimur une délégation des loyers à percevoir, tandis que M. [R] et Mme [J] [K], son épouse, se sont portés cautions à hauteur de trois millions cinq cent mille francs (3.500.000 f) et ont consenti à un nantissement de leurs parts sociales.

En raison des difficultés rencontrées par les deux crédit-preneurs du fait de la crise immobilière générale des années 1990 et de la crise spécifique de l'immobilier de bureaux sur [Localité 8], le crédit-bailleur et les deux crédit-preneurs se sont rapprochés et ont convenu de l'allongement de la durée de remboursement. C'est dans ces conditions que, le 1er janvier 1996, deux avenants aux contrats de crédit-bail ont été signés, allongeant de cinq ans la durée des contrats de crédit-bail et réduisant corrélativement la charge locative annuelle.

À compter du deuxième trimestre 1997, la S.C.I. Montaigne n'a plus payé les loyers ; la S.C.I. Élysées a cessé de régler les siens à partir du premier trimestre 1998.

Des négociations entre les parties n'ont pas abouti.

Par courrier recommandé avec d'avis de réception du 8 février 2001, la société Sogéfimur a mis en demeure les S.C.I. Élysées et Montaigne de régler les loyers impayés.

Le 2 mars 2001, elle leur a fait délivrer des commandements de payer visant la clause résolutoire.

Saisi par la société Sogefimur, le juge des référés du tribunal de grande instance de Fontainebleau a, par ordonnance du 17 juillet 2001, constaté l'acquisition de la clause résolutoire stipulée à chacun des contrats, condamné la S.C.I. Élysées à payer à la société Sogéfimur, à titre de provision sur arriérés de loyers, charges et intérêts de retard, la somme d'un million quatre cent cinquante-neuf mille sept cent quarante-deux francs (1.459.742 F) et la S.C.I. Montaigne, au même titre, celle d'un million deux soixante-et-onze mille huit cent dix-huit francs (1.271.818 F), accordé à ces sociétés des délais de paiement et ordonné leur expulsion des locaux.

Diverses difficultés, tenant notamment à des questions de règlement de copropriété et aux contrats de sous-location consentis par les crédits-preneurs, sont survenues dans l'exécution de la décision d'expulsion. La société Sogéfimur a pu récupérer la totalité des deuxième et troisième étages au 15 juillet 2002.

Par jugement en date du 8 septembre 2004, le tribunal de grande instance de Fontainebleau a condamné M. [R], en qualité de caution des S.C.I. Élysées et Montaigne, à payer à la société Sogefimur les sommes de soixante seize mille deux cent vingt quatre euros et cinquante et un centimes (76.224,51 €) et cent cinquante deux mille quatre cent quarante neuf euros et deux centimes (152.449,02 €).

Par arrêt du 5 mai 2006, la cour d'appel de Paris a confirmé ce jugement.

Par jugement du tribunal de grande instance de Fontainebleau du 19 novembre 2004, les S.C.I. Montaigne et Élysées ont été placées en redressement judiciaire.

Par jugement du 13 juillet 2005, le même tribunal a prononcé la conversion en liquidation judiciaire du redressement judiciaire de chacune de ces sociétés, la S.e.l.a.r.l. Archibald étant désignée comme liquidateur judiciaire de ces sociétés

Par arrêt du 26 janvier 2006, la Cour d'appel a confirmé ce jugement.

En vertu d'ordonnances du 15 juin 2006, la créance de la société Sogefimur a été admise, s'agissant du passif de la S.C.I. Élysées à hauteur de sept cent trente huit mille huit cent quarante trois euros et trente centimes - 738.843, 30 € - et, en ce qui concerne le passif de la S.C.I. Montaigne, à hauteur de neuf cent soixante mille trois cent soixante six euros et quatre vingt six centimes (960.366,86 €).

Par arrêt du 2 octobre 2007, la Cour a rejeté les créances déclarées par la Sogéfimur au titre du compte courant locataire et d'intérêts non contractuels et a fixé par voie de conséquence les créances de la société Sogefimur aux sommes de trois cent soixante sept mille huit cent dix euros et quinze centimes (367.810,15 €) s'agissant du passif de la S.C.I. Élysées, et de quatre cent quinze mille sept cent quatre vingt neuf euros et trente cinq centimes (415.789,35 €) pour le passif de la S.C.I. Montaigne.

Suivant exploits d'huissiers de justice des 13 et 17 mai 2005, les S.C.I. Élysées, Montaigne et Richelieu, ont assigné en dommages intérêts la Société générale, la société Sogefimur, et la S.e.a.r.l. Archibald.

M. [R], désigné en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Elysées et Montaigne par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Fontainebleau, est intervenu volontairement à l'instance le 17 octobre 2006.

Cette procédure a abouti au jugement déféré.

II.- Demandes des parties :

A.- M. [R], mandataire ad hoc des S.C.I. Elysées et Montaigne et la S.C.I. Richelieu :

Par conclusions du 6 octobre 2009, valant conclusions récapitulatives conformément aux dispositions de l'article 954, alinéa 2, du Code de procédure civile,

M. [R], en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Élysées et Montaigne et la S.C.I. Richelieu demandent à la Cour : de révoquer l'ordonnance de clôture en date du 1er octobre 2009 et subsidiairement rejeter des débats les conclusions signifiées par la société Sogefimur et la Société Générale le 28 septembre 2009 et les pièces 21 et 22 communiquées à la même date ; de constater que la production de la pièce n° 8 des intimées porte indûment atteinte à la considération des S.C.I. Elysées, Montaigne et Richelieu, en mettant déloyalement en cause la probité de leur gérant ; en conséquence, d'ordonner le retrait de cette pièce conformément à l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ; de condamner en conséquence la société Sogefimur et la société Générale à leur verser la somme de sept mille cinq cents euros (7.500 €) de dommages-intérêts en réparation du dommage subi de ce fait ; de rejeter la demande des intimées tendant au retrait d'un courrier de M. [R] non couvert par un engagement de confidentialité ; de dire que le financement par découvert en compte courant consenti par la Société générale à la S.C.I. Richelieu pour la réalisation des travaux de construction était manifestement inadapté et que cet établissement bancaire a donc manqué à ses obligations contractuelles d'information et de prudence ainsi qu'à son devoir de mise en garde ; de constater que l'action en réparation du dommages causé par ce financement inadapté n'a pu commencer à se prescrire avant la clôture dudit compte courant le 31 août 2001 en raison de l'indivisibilité du compte ; en conséquence, d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de condamner la Société générale à payer à la S.C.I. Richelieu la somme de cent vingt et un mille cent neuf euros et cinquante sept centimes (121.109,57 €) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier subi de ce chef et celle de quatre cent cinquante mille euros (450.000 € ) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel distinct lié à la perte de ses lots dans le centre d'affaires, qu'elle a dû ensuite céder pour apurer le passif généré par un crédit inadapté ; de constater l'intervention régulière de M. [R] dans la procédure,

désigné en qualité de mandataire ad hoc des sociétés Élysées et Montaigne aux fins de la présente action par ordonnances du 19 juillet 2005, postérieurement aux jugements du 13 juillet 2005 prononçant leurs liquidations judiciaires et la régularité de l'appel interjeté en cette qualité ; de débouter la Société générale et la société Sogéfimur de leur fin de non-recevoir ; de dire que la Société générale et la société Sogéfimur ont engagé leur responsabilité solidaire envers les S.C.I. Élysées et Montaigne en exécutant de mauvaise foi des crédits manifestement inadaptés, en refusant de mettre en 'uvre les solutions amiables ensuite trouvées et en augmentant anormalement leurs créances ; de constater que les sociétés intimées ne justifient pas s'être acquittées, à l'égard d'emprunteurs non avertis, de leur devoir de mise en garde sur les risques de l'endettement nés de l'octroi de ces crédits ; de constater que le préjudice matériel subi par les S.C.I. Élysée et Montaigne de ce chef doit être évalué à la perte de la propriété projetée des immeubles en cause, ainsi que du chiffre d'affaires dont elles ont été privées par les man'uvres de la Société générale et de la Sogéfimur, qui laissent ces locaux vacants depuis huit ans ; en conséquence, de condamner les sociétés intimées à payer aux S.C.I. Élysées et Montaigne la somme de quatre cent quarante-et-un mille huit cent trente-huit euros et cinquante-trois centimes (441.838,53 €) au titre de leur préjudice financier et de six cent cinquante-trois mille euros (653.000 €) au titre de leur préjudice matériel ; de condamner en outre ces sociétés, in solidum, à leur payer en réparation du dommages causé par le refus d'exécuter de bonne foi leurs obligations et de l'abus de droit constitué par des déclarations de créances indûment majorées par la Sogefimur, la somme de vingt-cinq mille euros (25.000 €) à titre de dommages-intérêts ; de condamner les sociétés intimées à payer à la S.C.I. Richelieu la somme de huit mille euros (8.000 €) et à M. [R] es qualités celle de quinze mille euros (15.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; de condamner la Société générale et la société Sogéfimur aux dépens.

B.- La Société générale et la société Sogéfimur :

Par conclusions récapitulatives signifiées le 28 septembre 2009, valant conclusions récapitulatives conformément aux dispositions de l'article 954, alinéa 2, du Code de procédure civile, la Société Générale et la société Sogefimur demandent à la Cour de : confirmer le jugement entrepris ; constater que les demandes formées par la S.C.I. Richelieu à l'encontre de la société Sogefimur sont prescrites ; les accueillir en leur tierce opposition des ordonnances rendues le 19 juillet 2005 par le président du tribunal de grande instance de Fontainebleau ; réformer lesdites ordonnances en ce qu'elles ont désigné M. [R] en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Élysées et Montaigne pour poursuivre la procédure engagée à leur encontre ; constater en tout état de cause que M. [R] n'est pas intervenu en tant que partie à l'instance et n'a pas formé appel en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Élysées et Montaigne ; en conséquence, les accueillir en leur fin de non recevoir tirée de l'absence de qualité à agir de M. [R] et de l'absence de capacité à agir des S.C.I. Élysées et Montaigne du fait de leur état de liquidation judiciaire ; dire l'appel des S.C.I. Élysées et Montaigne prise en la personne de leur mandataire ad hoc irrecevable ; prononcer le retrait de la pièce n° 112 des appelantes en tout état, débouter les S.C.I. Richelieu, Élysées et Montaigne de l'ensemble de leurs demandes ; dire que l'action de la S.C.I. Richelieu a dégénéré en abus du droit d'agir en justice ; condamner

M. [R] ès qualités et la S.C.I. Richelieu à payer à la société Sogefimur la somme de mille cinq cents euros (1.500 €) à titre de dommages-intérêts en réparation du dommage causé par la communication aux débats de la pièce n° 112 et à la Société Générale la somme de dix mille euros (10.000 €) à titre de dommages-intérêts en application des articles 32-1 du Code de procédure civile et 1382 du Code civil ; prononcer, par application de l'article 41, alinéa 4, de la loi du 29 juillet 1881, la suppression des écritures des appelantes du passage suivant : «'Il aura fallu la persévérance et la ténacité de leur mandataire ad hoc pour faire échec à cet incroyable abus de droit, dégénérant en l'espèce en une véritable escroquerie au jugement'» ; condamner M. [R] et la S.C.I. Richelieu à payer à la société Sogefimur la somme de cinq mille euros ( 5.000 €) à titre de dommages-intérêts en réparation du dommage causé par cette allégation diffamatoire ; condamner M. [R] et la S.C.I. Richelieu à payer à la Société Générale la somme de dix mille euros (10.000 €) par en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

' ' '

La Cour se réfère aux écritures récapitulatives des parties pour le détail de leurs arguments.

SUR CE,

I.- Sur les tierces oppositions de la société Sogéfimur et de la Société générale tendant à voir rétracter les ordonnances rendues par le président du tribunal de grande instance de Fontainebleau le 19 juillet 2005 désignant M. [G] [R] en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Élysées et Montaigne, en liquidation judiciaire :

Considérant qu'en application combinée des articles 564 et 588 du Code civil, toute personne à laquelle on oppose une décision de justice peut former opposition à celle-ci par voie incidente pour la première fois devant dans la cour d'appel, mais à condition qu'elle n'ait pas eu connaissance de la décision en première instance ; qu'en effet, la contestation de la désignation d'un administrateur ad hoc, qui ne vise pas seulement à faire écarter les prétentions adverses, au sens de l'article 564 susvisé, mais à contester l'attribution d'une qualité pour agir en justice au nom d'une personne morale en liquidation judiciaire, s'analyse en une demande nouvelle ; qu'une solution inverse aboutirait à priver les S.C.I. Élysées et Montaigne du droit au double degré de juridiction, au profit de contradicteurs qui ont négligé d'agir en première instance ;

Or considérant qu'il est démontré par les énonciations du jugement entrepris que la société Sogéfimur et de la Société générale, qui l'admettent au demeurant dans leurs écritures récapitulatives [p. 10, bas de page], avaient parfaite connaissance en première instance de la désignation de M. [G] [R] comme administrateur ad hoc de la S.C.I. Élysées et de la S.C.I. Montaigne, en liquidation judiciaire, par deux ordonnances de M. le président du tribunal de grande instance de Fontainebleau et qu'elles n'ont pas contesté cette désignation, que ce soit par voie principale ou par voie incidente devant les premiers juges;

Qu'il s'ensuit que les tierces oppositions incidentes la société Sogéfimur et de la Société générale sont irrecevables ;

II.- Sur le moyen d'irrecevabilité soulevé par la société Sogéfimur et de la Société générale, tiré du défaut de qualité à agir des S.C.I. Élysées et Montaigne et de l'absence de capacité à agir de M. [G] [R] :

Considérant que le principe de dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire, et de ses organes lorsqu'il s'agit d'une personne morale, posé par les articles 1844-7 du Code civil et L. 622-9 du Code de commerce, ne fait pas obstacle au pouvoir du juge de désigner un mandataire ad hoc pour exercer une action autrement que par le truchement du liquidateur judiciaire ;

Considérant qu'aux termes des dispositifs des ordonnances susvisées, M. [G] [R] a été désigné en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Élysées et Montaigne pour engager la présente action et la suivre ; que ces ordonnances n'ont été ni rétractées, ni infirmées ;

Considérant qu'en application de l'article 480 du Code civil, cette désignation a autorité de chose jugée, de sorte que la société Sogéfimur et la Société générale ne peuvent contester ni la qualité à agir des société civiles, subsistant pour tout ce qui est en relation avec la défense de leurs intérêts, ni la capacité à agir de l'administrateur ad hoc régulièrement désigné ; que la qualité à agir des deux personnes morales, comme la capacité à agir de M. [R] en qualité de mandataire ad hoc, autorisaient celui-ci à engager l'action comme à former l'appel ; que la formule figurant dans les ordonnances, selon laquelle M. [R] doit agir «'en concertation'» avec le mandataire liquidateur est le rappel que celui-ci conserve ses fonctions légales, mais ne fait pas obstacle à l'exercice de ses pouvoirs par M. [R] si, comme en l'espèce, le mandataire-liquidateur, régulièrement informé, demeure inerte ; que, pour des motifs identiques, M. [R], en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Élysées et Montaigne ,avait qualité pour interjeter appel, ce qu'il a fait contrairement aux allégations des intimés ;

Considérant qu'en l'état de ces énonciations, il échet de débouter la société Sogéfimur et de la Société générale de leur moyen d'irrecevabilité de l'action comme de l'appel ;

III.- Sur la demande de M. [R] en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Élysées et Montaigne et de la S.CI. Richelieu tendant au rejet de la pièce n° 8 des appelants et à leurs condamnation à dommages-intérêts en réparation du dommage causé par cette production :

Considérant que l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 prévoit, dans la finalité de protéger l'honneur et la considération dus aux personnes, la suppression ou le retrait de pièces à caractère diffamatoire, peu important que la diffamation ne concerne pas une des parties au procès ;

Considérant que la pièce n° 8 des intimés présente un caractère diffamatoire à l'encontre de M. [G] [R], puisqu'elle consiste en un article de presse faisant état de sa mise en examen pour des faits délictueux précis, alors qu'il a depuis bénéficié d'une décision définitive de relaxe ;

Qu'il sera fait droit à la demande de rejet de la pièce ;

Considérant en revanche que M. [R] n'est pas partie en nom propre au procès et que les trois sociétés civiles appelantes ne sont pas diffamées par l'article produit, de sorte qu'elles doivent être déboutées de leur demande de dommages-intérêts ;

IV.- Sur la demande de la société Sogéfimur et de la Société générale tendant au retrait des débats de la pièce n° 112 de la communication de M. [G] [R] en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Élysées et Montaigne et la demande de dommages-intérêts corrélative :

Considérant que la pièce n° 122 consiste en une lettre écrite par M. [R], qui ne souhaitait pas à l'époque être assisté d'un conseil, à l'avocat de la banque, qu'il souhaitait rencontrer ; que M. [R] a mentionné qu'il souhaitait que cette demande d'entretien demeure confidentielle ;

Considérant qu'un courrier échangé entre une personne, morale ou physique, et un avocat qui n'est pas son conseil n'est pas couverte par le secret professionnel, que ce soit sur le plan pénal ou sur le plan déontologique ; qu'il est indifférent que M. [R] ait qualifié ce document émanant de lui-même de confidentiel, la confidentialité d'un document indifférent à la vie privée ne pouvant résulter que d'un texte législatif ou de règles ordinales, et non de la qualification que lui prête un particulier ;

Considérant que, quelque soit le caractère contestable au regard des usages sociaux de la production d'un document par son auteur qui s'était engagé à en conserver la confidentialité, cette production ne présente pas un caractère illicite, de sorte qu'elle ne peut être écartée des débats ;

Considérant qu'il s'ensuit que la société Sogéfimur et la Société générale doivent être déboutées de leurs demandes tendant au retrait des débats de la pièce n° 112 de la communication de M. [G] [R] en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Élysées et Montaigne et, par voie de conséquence, de leur demande de dommages-intérêts

au titre de cette production ;

V.- Sur la demande de la société Sogéfimur et de la Société générale tendant à voir supprimer des conclusions signifiées par M. [G] [I] en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Élysées et Montaigne un passage estimé diffamatoire des écritures des appelants et sur la demande de dommages-intérêts à ce titre :

Considérant qu'en application de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, la diffamation est l'allégation ou l'imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne à laquelle le fait est imputé ;

Considérant que le simple fait d'écrire qu'«'il aura fallu la persévérance et la ténacité de leur mandataire ac hoc pour faire échec à cet incroyable abus de droit, dégénérant en l'espèce en une véritable escroquerie au jugement'» peut être regrettable au regard de la correction qui doit empreindre le débat judiciaire, mais ne comporte pas l'imputation d'un fait précis, imputable à une personne physique ou morale déterminée, susceptible de caractériser l'infraction prévue et réprimée par l'article 313-1 du Code pénal;

Considérant qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu à ordonner la suppression du passage critiqué, qui n'est pas diffamatoire, et que sa production n'a pu causer un dommage ;

Considérant qu'il échet de débouter la société Sogéfimur et de la Société générale de ces chefs de demande ;

VI.- Sur la prescription de l'action de la S.C.I. Richelieu au titre du découvert en compte courant :

Considérant qu'en application de l'article L. 110-4 du Code de commerce, dans la rédaction applicable au litige, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non commerçants se prescrivent par dix ans ;

Considérant qu'il est démontré qu'il a été mis fin à l'autorisation de découvert consentie à la S.C.I. Richelieu le 21 juin 1994, d'où il suit que, tous autres arguments étant surabondants ou inopérants, la prescription était acquise les 13 et 17 mai 2005, dates de délivrance des assignations ;

VII.- Sur la demande en dommages-intérêts formée par M. [G] [R] en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Élysées et Montaigne, et la S.C.I. Richelieu:

Considérant que le crédit-bail immobilier constitue une opération parfaitement classique, au demeurant fréquemment utilisée en matière de commercialisation de locaux à destination industrielle ou commerciale, de sorte que sa proposition par une banque ne peut présenter un caractère fautif ;

Que l'argument des appelants, selon lesquels ils auraient préféré une solution leur permettant de conserver la propriété des deux étages est dépourvu de pertinence, un établissement financier, ni plus ni moins qu'une autre personne physique ou morale, n'étant pas contraint d'accepter un contrat qui ne lui agrée pas ; que les S.C.I. Élysées et Montaigne avaient toute possibilité de s'adresser à un autre établissement financier, ce qu'elles ont au demeurant fait pour d'autres parties de l'immeuble ;

Considérant qu'il ne peut être reproché à la Société générale et à la société Sogéfimur de n'avoir pas prévu l'importance et la durée du ralentissement immobilier des années 1990, notamment la perpétuation inaccoutumée d'une situation déprimée du secteur, pas plus qu'un risque de morosité persistante spécifique au marché de l'immobilier de bureaux sur [Localité 8] ' marché que les sociétés appelantes et leur dirigeant étaient mieux à même d'appréhender que quiconque ;

Considérant que le caractère inapproprié du mode de financement adopté n'est donc nullement établi ;

Considérant que les taux pratiqués par une banque sont légaux dès lors qu'ils n'excèdent pas le taux de l'usure ; qu'il appartenait aux appelantes de ne pas contracter avec les intimées si elles estimaient qu'elles pouvaient se procurer auprès d'autres établissements des financements moins onéreux ;

Considérant qu'il se déduit de ces constatations que les établissements financiers intimés n'ont pas failli à leur obligation de mise en garde ;

Considérant en outre qu'il est établi par les pièces produites aux débats que la société Sogéfimur a accepté de renégocier en cours d'exécution des conventions en raison des difficultés financières rencontrées par ses cocontractants, consentant à un allongement de la durée des contrats de crédit-bail pour réduire la charge annuelle des remboursements; qu'il ne peut donc être reproché à la société Sogéfimur un faute quelconque dans l'obligation d'exécuter de bonne foi les conventions ;

Considérant qu'en l'état de ces énonciations, il échet, confirmant le jugement entrepris, de débouter M. [G] [R] en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Élysées et Montaigne et la S.C.I. Richelieu de leur demande de dommages-intérêts ;

VIII.- Sur les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile:

Considérant qu'eu égard à la nature et aux circonstances de l'affaire il serait contraire à l'équité de laisser à la charge de la Société générale et de la société Sogéfimur les frais irrépétibles qu'elles ont exposés en première instance et en cause d'appel ; que les appelants seront condamnés, in solidum, à leur payer la somme de trois mille euros

(3.000 €) à ce titre ;

Considérant que M. [G] [R], en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Élysées et Montaigne, et la S.C.I. Richelieu, parties succombantes, doivent être déboutées de ce chef de demande ;

IX.- Sur les dépens :

Considérant que M. [G] [R] en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Élysées et Montaigne et la S.C.I. Richelieu, parties succombantes, doivent être condamnés, in solidum, aux dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

Déclare irrecevables les tierces oppositions incidentes formées en cause d'appel par la société Sogéfimur et de la Société générale aux ordonnances rendues par M. le président du Tribunal de grande instance de Fontainebleau le19 juillet 2005 désignant

M. [G] [R] en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Élysées et Montaigne.

Déboute la société Sogéfimur et la Société générale de leur moyen d'irrecevabilité de l'action comme de l'appel tiré du défaut de qualité à agir des S.C.I. Élysées et Montaigne et de l'absence de capacité à agir de M. [G] [R].

Ordonne le rejet de la pièce n° 8 communiquée par la Société générale et la société Sogéfimur.

Déboute M. [G] [R], en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Élysées et Montaigne, et la S.C.I. Richelieu de leur demande de dommages-intérêts au titre de cette production.

Déboute la société Sogéfimur et la Société générale de leur demande tendant au retrait des débats de la pièce n° 112 de la communication de M. [G] [R] en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Élysées et Montaigne.

Déboute la société Sogéfimur et de la Société générale de leur demande de dommages-intérêts pour violation de la confidentialité prêtée à la pièce n° 112 de la communication de M. [G] [R] en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Élysées et Montaigne.

Déboute la société Sogéfimur et la Société générale de leur demande tendant à voir supprimer des conclusions signifiées par M. [G] [R] en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Élysées et Montaigne et la S.C.I. Richelieu un passage estimé diffamatoire et de leur demande de dommages-intérêts à ce titre.

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- déclaré prescrite l'action de la S.C.I. Richelieu au titre du découvert en compte courant.

- débouté M. [G] [R], en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Élysées et Montaigne, et la S.C.I. Richelieu de leur demande de dommages-intérêts.

- condamné M. [G] [R] en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Élysées et Montaigne et la S.C.I. Richelieu, in solidum, aux dépens de première instance.

Réformant le jugement entrepris pour le surplus et y ajoutant,

Condamne M. [G] [R], en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Élysées et Montaigne, et la S.C.I. Richelieu à payer à la société Sogéfimur et de la Société générale la somme de trois mille euros (3.000 €) au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Déboute M. [G] [R], en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Élysées et Montaigne, et la S.C.I. Richelieu de leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne M. [G] [R], en qualité de mandataire ad hoc des S.C.I. Élysées et Montaigne, et la S.C.I. Richelieu, in solidum, aux dépens d'appel, avec bénéfice pour Me Hardouin, avoué, de recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante, dans les conditions prévues à l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 07/15401
Date de la décision : 16/06/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°07/15401 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-16;07.15401 ?
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