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14/06/2011 | FRANCE | N°10/00978

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 14 juin 2011, 10/00978


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 14 JUIN 2011
(no 214, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 00978
Décision déférée à la Cour : sentence arbitrale en date du 20 novembre 2009, rendue par M. Z..., agissant en qualité d'arbitre unique désigné par le Bâtonnier du barreau de PARIS (no 721/ 192961)

DEMANDEUR AU RECOURS
Maître Dirk X...... 75002 PARIS représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour assisté de

Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P 125 SCP BAUDELOT COHEN-RICHELET POITVIN...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 14 JUIN 2011
(no 214, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 00978
Décision déférée à la Cour : sentence arbitrale en date du 20 novembre 2009, rendue par M. Z..., agissant en qualité d'arbitre unique désigné par le Bâtonnier du barreau de PARIS (no 721/ 192961)

DEMANDEUR AU RECOURS
Maître Dirk X...... 75002 PARIS représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour assisté de Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P 125 SCP BAUDELOT COHEN-RICHELET POITVIN, avocats au barreau de PARIS et de Me Christian DARGHAM, avocat au barreau de PARIS, toque : K 112 PUK CLIFFORD CHANCE EUROPE LLP, avocats au barreau de PARIS

DEFENDERESSE AU RECOURS
SOCIETE BRS et PARTNERS 88 avenue Niel 75017 PARIS représentée par Me Dominique OLIVIER, avoué à la Cour, en présence de son avoué à l'appel de la cause et autorisé par Monsieur le Président Monsieur Y... a présenté des observations orales en sa qualité de représentant légal de la société BRS et PARTNERS

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 avril 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame GUEGUEN, conseiller chargé du rapport, en présence de Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN

ARRET :
- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, président de chambre-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
**********
Aux termes d'un acte sous seing privé signé en juin 2003 mais à effet de Novembre 2002, M. Dirk X..., à l'époque avocat allemand et qui s'inscrira en 2008 au barreau de Paris, a exercé la profession d'avocat en qualité de collaborateur libéral de la Selarl BRS et Partners ci-après BRS, spécialisée en droit des affaires et fiscalité.
Le 14 janvier 2009, M. X... a notifié sa décision de mettre un terme au contrat de collaboration et il a quitté la Selarl le 14 Mars 2009 soit après avoir respecté un délai de prévenance de 2 mois, prévu dans son contrat à l'article 6 intitulé " Fin de la collaboration ".
Un litige est né entre les parties sur les conditions de départ de M. X..., non seulement au regard du délai de prévenance mais sur la reddition des comptes, M. X... se voyant reprocher d'avoir voulu détourner la clientèle, certains clients de BRS l'ayant suivi lorsqu'il a créé son propre cabinet ainsi que d'avoir désorganisé largement le cabinet : malgré la saisine par la Selarl BRS de la commission de collaboration de l'Ordre des avocats de Paris, aucune conciliation n'est intervenue, ce qui a conduit la Selarl Brs à initier le 27 mai 2009 la procédure d'arbitrage, un procès-verbal d'arbitrage étant signé par les parties le 2 juillet 2009.
Par sentence arbitrale en date du 20 novembre 2009, M. Z..., agissant en qualité d'arbitre unique désigné par le Bâtonnier du barreau de Paris a, au visa des dispositions de l'article 14-4 du Règlement Intérieur National ou RIN en matière de délais de prévenance, du pouvoir normatif du Conseil National des Barreaux ou CNB et de l'application immédiate des dispositions votées, en l'absence d'accord entre les parties pour modifier ce délai :- condamné M. X..., pour non respect du délai de prévenance de 5 mois qu'il devait compte tenu de son ancienneté lors de la rupture à payer à la Selarl BRS et Partners, à titre de dommages et intérêts la somme de 43 498 €, avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la sentence,- déclaré M. X... irrecevable en sa demande de sursis à statuer en raison de l'absence de justification de la saisine d'une autre juridiction,- déclaré M. X... recevable en ses demandes reconventionnelles et condamné la Selarl, au titre de la rémunération de mars 2009, à lui payer la somme de 3177, 10 € HT,- donné à M. X... l'acte requis,- liquidé à la somme de 3000 €, outre la TVA, le montant des frais d'arbitrage dont le règlement incombera à M. X..., chaque partie conservant la charge de ses dépens,- débouté les parties de toutes autres demandes.
CELA ETANT EXPOSE, la COUR :
Vu l'appel interjeté le 18 janvier 2010 par M. X...,
Vu les conclusions déposées le 31 janvier 2011 par l'appelant qui demande à titre principal l'infirmation de la sentence en ce qu'elle l'a condamné au profit de BRS, statuant à nouveau, le débouté de toutes les demandes de BRS, à titre subsidiaire, au cas où la cour retiendrait un délai de prévenance supérieur à 2 mois, le sursis à statuer tel que demandé, en tout état de cause la condamnation de Brs à lui payer une indemnité de procédure de 5000 € ainsi qu'à payer les entiers dépens,
Vu les conclusions déposées le 6 décembre 2010 par BRS qui demande la confirmation de la sentence sauf en ce qu'elle l'a condamnée à payer la somme de 3177, 10 € ht et en ce qu'elle lui a octroyé la somme de 43 498 €, statuant à nouveau, la condamnation de M. X... à lui payer la somme de 65 000 € au titre du délai de prévenance et du détournement de clientèle, à lui payer une indemnité de procédure de 3000 € ainsi qu'à payer les entiers dépens avec irrecevabilité des demandes reconventionnelles de M. X..., subsidiairement réouverture des débats concernant ces demandes.
SUR CE :
Sur la durée du délai de prévenance :
Considérant que l'appelant, s'agissant du délai de prévenance applicable et qu'il devait respecter, soutient qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir appliqué le délai de 2 mois qui était prévu dans son contrat et il conteste en conséquence l'analyse différente opérée par l'arbitre ; qu'il soutient notamment que si certes le CNB dispose d'un pouvoir normatif, c'est dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur comme rappelé par l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971, modifié par la loi du 11 février 2004, ce qui ne lui permet pas d'interdire aux parties à un contrat de collaboration de prévoir une durée du délai de prévenance plus favorable au collaborateur ; qu'en outre, une telle possibilité est expressément prévue par l'article 14-4 lui-même et ressort des autres dispositions du RIN ; qu'il ajoute qu'il est débiteur du délai de prévenance et que le texte doit s'interpréter en sa faveur ; que subsidiairement il fait valoir qu'il y aurait lieu à sursis à statuer en attendant la décision de la juridiction compétente sur la conformité de l'article 14-4 du RIN aux articles 1134 du code civil dès lors que la convention faisant la loi des parties, rien n'interdit une durée dudit délai qui soit plus favorable au collaborateur ; qu'il se réfère enfin à l'article 7 de la loi No 71-1130 du 31 décembre 1971 en son alinéa 2 qui énonce " l'avocat peut exercer sa profession en qualité de collaborateur libéral d'un avocat selon les modalités prévues par l'article 18 de la loi No 2005-882 du 2 août 2005, en faveur des petites et moyennes entreprises, lequel article 18 prévoit les mentions qui doivent figurer dans le contrat et décide, au III- 4o que celui-ci précise les conditions et les modalités de sa rupture, dont un délai de préavis " ;
Considérant que la Selarl intimée fait valoir que compte tenu de son ancienneté, M. X... était tenu d'effectuer un délai de prévenance de 5 mois, tel que prévu par l'article 14-4 du RIN qu'elle souligne le caractère d'ordre public, en raison du pouvoir normatif et réglementaire du CNB des dispositions de l'article 14-4 du RIN, sauf accord au moment de la rupture, ce qui n'était pas le cas dès lors qu'elle souhaitait bénéficier du délai de 5 mois pour prendre ses dispositions pour organiser la succession de M. X... ; que d'ailleurs le contrat signé précisait qu'il serait régi par le règlement intérieur ;
Considérant que l'arbitre, refusant pertinemment de surseoir à statuer en l'absence de justification de la saisine d'une autre juridiction, a essentiellement pris en compte la loi du 11 février 2004 qui confère au CNB le pouvoir d'unifier les règles et usages de la profession, donc un pouvoir normatif renforcé au regard de sa mission antérieure qui était d'harmoniser ainsi que l'article 38-1 inséré dans le décret du 27 novembre 1991 par l'effet du décret du 15 mai 2007 lequel précise que les décisions du CNB sont publiées au Journal Officiel pour en conclure que le délai de prévenance porté à 5 mois était d'application immédiate aux contrats en cours, avec certes la possibilité d'un meilleur accord, mais compte tenu de la raison d'être de l'allongement des délais de prévenance, à la condition que cet accord intervienne au moment de la rupture ; que constatant que tel n'avait pas été le cas en l'espèce dès lors que les parties n'avaient pas choisi, de manière éclairée, un meilleur accord, d'autant qu'en 2002, le délai de 5 mois n'existait pas et que le délai de 2 mois était le délai légal en vigueur à l'époque, se refusant, pour une obligation présentant un caractère de réciprocité et obligeant autant chaque partie, à faire application, comme invoqué par M. X..., des dispositions de l'article 1162 du code civil selon lesquelles le doute profite à celui qui a contracté l'obligation, l'arbitre a encore estimé que l'appelant aurait pu et dû attendre l'avis de la commission qui avait convoqué les parties pour le 17 mars 2009 ou recourir à la procédure du référé déontologique, son attitude se révélant fautive ne serait-ce que par la désorganisation causée au cabinet ;
Considérant que cette analyse est critiquable en ce qu'elle n'aborde pas explicitement la difficulté principale invoquée à juste raison par M. X..., lequel soutient que des dispositions entrées en vigueur postérieurement à la signature de son contrat ne peuvent avoir d'effet rétroactif sur celui-ci ; que la sentence refuse une application des conventions signées librement entre les parties en invoquant des textes ultérieurs mais sans justifier du fondement d'une telle rétroactivité ; que certes, elle soutient exactement qu'il y a lieu à application immédiate des normes définies par le Conseil National des Barreaux, publiées au Journal Officiel, auquel un pouvoir réglementaire est ainsi conféré, que ces normes prévoient toutefois la possibilité d'un meilleur accord des parties ; que l'article 14-4 prévoit ainsi : " sauf meilleur accord des parties, chaque partie peut mettre fin au contrat de collaboration en avisant l'autre au moins trois mois à l'avance. Ce délai est porté à 5 mois au delà de 5 ans de présence. " ; que s'agissant du meilleur accord, il ne peut s'apprécier en l'espèce qu'en 2002, seule date à prendre en considération pour rechercher l'existence d'un accord pleinement réciproque, époque à laquelle le délai de préavis allongé à 5 mois n'existait pas ce qui exclut d'autant plus d'envisager que les parties aient pu avoir à un moment quelconque la volonté de s'y référer ; qu'en conséquence la sentence sera infirmée en ce qu'elle a retenu que M. X... n'avait pas respecté ses obligations quant au préavis complémentaire de 3 mois qu'il restait devoir et que ce préjudice justifierait à lui seul l'octroi d'une somme de 21 000 € à titre de dommages et intérêts ;
Sur les circonstances du départ :
Considérant que la Selarl BRS a reproché à son collaborateur d'avoir unilatéralement décidé fin décembre 2008 c'est à dire lorsqu'il a signé le bail de ses nouveaux locaux d'ajouter son numéro de téléphone portable personnel sur la signature des mails envoyés aux clients dans le cadre des dossiers par elle confiés, alors qu'elle n'était pas encore informée du départ de son collaborateur, c'est à dire un démarchage et un détournement à son profit d'une partie de la clientèle avant son départ et au moment de son départ ;
Considérant que l'appelant considère qu'il s'agit d'accusations injustes à son encontre portant atteinte à sa réputation alors qu'il était dans l'obligation de démarrer son propre cabinet ; qu'il soutient que si les relations ont été convenables entre 2002 et mi-2005, le cabinet fonctionnant bien et atteignant une vingtaine de collaborateurs, une possibilité d'association ayant même été alors évoquée, il a constaté une évolution plus négative à compter de la mi-2005, puis au début de l'année 2009, le cabinet n'ayant plus que quelques collaborateurs, ce qui l'a conduit, étant alors âgé de 41 ans, à décider de s'installer à son compte ; qu'il conteste dès lors tout détournement de clientèle et observe que BRS, laquelle prétend que des clients l'ont informée que M. X... leur a proposé ses services avant la fin du délai de prévenance, voire avant d'avoir annoncé sa démission, en leur indiquant que BRS ne serait pas en état de reprendre les dossiers en cours, se contente d'affirmations mais ne rapporte aucune preuve de ses dires ; qu'en particulier, la seule pièce communiquée par BRS à ce propos, la lettre de Mme A..., une cliente, en date du 13 avril 2009, qui établirait selon l'intimée qu'il lui a fait une proposition de changer de cabinet et de le suivre dans son nouveau poste, date de plus d'un mois après les faits, le 12 mars 2009 et il existe une amitié notoire entre cette personne et M. B... associé au sein de BRS, ce qui rend cette attestation sans valeur ; qu'en revanche, il est en mesure de justifier qu'il a respecté les règles de succession dans les dossiers, notamment par les pièces versées Nos 11 à 23, qui sont les lettres d'usage et qu'il a fourni une liste loyale et non tronquée des dossiers en cours, mais seulement des dossiers actifs et non des dossiers de secrétariat juridique à jour en janvier 2009 et dans lesquels il n'avait plus de travail à accomplir lors de son départ, dossiers ne représentant d'ailleurs, contrairement aux dires de BRS, qu'une très faible partie de son chiffre d'affaires ; que certains clients ont souhaité continuer à travailler avec lui ; qu'enfin l'ajout de son numéro de téléphone portable dans sa signature électronique pour prétendument " court-circuiter " les contacts avec le cabinet n'est pas un argument crédible dès lors que ce procédé, au demeurant courant, lui était seulement demandé par les clients puisqu'il était leur seul interlocuteur ;
Considérant que l'appelant conteste encore avoir délibérément respecté un préavis court en laissant ses associés dans l'incertitude sur sa date de départ afin d'être en mesure de détourner la clientèle du cabinet, dès lors que quelques jours après sa lettre de démission, il a demandé à connaître le nombre de ses jours de congés pour les déduire du préavis de 2 mois prévu par le contrat, demande qu'il a été contraint de renouveler par un courriel du 26 janvier 2009 avant de recevoir le 28 janvier 2009 une réponse de M. Y... l'informant que cette précision lui serait communiquée ultérieurement ce qui n'a finalement jamais été fait ; qu'une discussion s'est alors ouverte sur la durée du délai de prévenance, avec un échange de mails à ce sujet, dans lesquels chacun a maintenu son interprétation ;
Considérant subsidiairement que l'appelant conteste l'indemnisation allouée à BRS par l'arbitre, telle que sollicitée par l'intimée, soit une somme de 43 998 € équivalant à 3 mois du chiffres d'affaires moyen généré par M. X... avec déduction de la rémunération de M. X... ; que ce calcul d'un " manque à gagner ", basé sur un chiffre d'affaires annuel moyen de 260 000 € HT est critiquable à plusieurs égards, comme fondé sur une perte de chiffre d'affaires sans application de la marge brute, les autres charges de loyers, secrétariat, matériel etc.. devant être déduites, sans aucune explication ni document justificatif comptable autre qu'un document édité par BRS et peu compréhensible sur le montant de base retenu pour le calcul de 520 000 € de chiffre d'affaires de M. X... pour les deux dernières années, enfin sans explication sur l'existence d'un lien de causalité entre la somme réclamée et le prétendu détournement de clientèle invoqué ni d'ailleurs sur les revenus qu'aurait pu engendrer ces clients ;
Considérant que la Selarl BRS, intimée, rappelle que M. X... avait tout particulièrement la charge du secrétariat juridique des clients de la Selarl, notamment à ce titre la rédaction des actes en matière de droit des sociétés avec les formalités auprès des greffes, qu'il bénéficiait compte tenu de son expérience et de son ancienneté d'une large autonomie dans la gestion des dossiers qui lui étaient confiés et de contacts directs avec la clientèle, ainsi que de la confiance des associés et donc d'une rétrocession d'honoraires significative de 84 000 € HT en 2008 ; qu'elle fait valoir que l'appelant aurait pu, dans un cabinet dans lequel, contrairement à ses dires, l'ambiance était excellente, devenir associé dès son inscription au barreau de Paris, mais qu'il ne l'a pas souhaité, préférant préparer son installation professionnelle au détriment des intérêts de la Selarl BRS ; qu'ainsi, vers la fin de 2008, les associés ont constaté une baisse de motivation importante de M. X... se traduisant par un rythme de travail beaucoup plus faible ; qu'il a notifié soudainement sa démission, entendu s'en tenir à un préavis de seulement 2 mois sans qu'aucun entretien n'ait eu lieu, ce qui l'a déjà placée dans une situation difficile pour le remplacer, ayant ensuite constaté qu'il ne lui facilitait pas la reprise des dossiers ayant décidé de s'installer à son compte avec pour base la clientèle confiée par le cabinet BRS ; qu'elle en a été informée par une cliente, ce qui résulte de la pièce 17 ce qui n'a pas empêché le départ précipité de M. X... le 12 mars 2009 qui a désorganisé son cabinet ; que l'appelant a en outre ajouté, donc mais seulement peu avant son départ, son numéro de portable, qu'il a fourni une liste des dossiers " en cours " volontairement tronquée, ne mentionnant pas certains dossiers pourtant non clos, que l'attestation de Mme A... qui est produite en pièce 8 est éloquente, qu'elle a subi un préjudice dès lors qu'il n'a agi que pour mieux réaliser un départ des dossiers vers son propre cabinet, sans même attendre la tenue de la commission de la collaboration ; qu'en particulier, il a ainsi pu prendre en charge pour ses clients l'ensemble des opérations de secrétariat juridique relatifs aux approbations des comptes arrêtés au 31 décembre 2008, celles-ci devant intervenir avant le 30 juin 2009, s'assurant un chiffre d'affaires non négligeable de manière détournée et indélicate ; qu'elle fait valoir que les pièces 28, 29, 31 et 32 par elle communiquées établissent la preuve de ses dires sur les dossiers en cours et non mentionnés ; que sur le préjudice subi par le cabinet, elle soutient que le collaborateur qui ne respecte pas ses obligations contractuelles doit le réparer intégralement et elle ne peut évidemment justifier du chiffre d'affaires que par des documents internes à la société, à partir de procédés extracomptables issus du logiciel de gestion de la société, lequel récapitule les temps saisis par M. X... lui-même et facturés aux clients ; qu'elle observe que l'appelant se garde d'indiquer à la cour le " bon " chiffre en fournissant des éléments contraires, telle sa déclaration de résultats pour 2009 ; qu'ainsi son manque à gagner s'élève à la somme de 44 000 € HT auquel elle ajoute une demande d'indemnisation de 21 000 € au titre du détournement de clientèle, soit une demande d'indemnisation à hauteur de la somme totale de 65 000 € ;
Considérant que l'intimée qui soutient que M. X... a délibérément et unilatéralement écourté le délai de prévenance de 5 mois dans le but d'accélérer l'installation de son cabinet, alors que, comme il a été ci-dessus statué, ledit délai ne s'imposait nullement à lui contractuellement, doit en conséquence être en mesure d'établir par des faits distincts et précis de quelle manière son collaborateur aurait commis des manquements à ses obligations, et notamment aurait détourné ou tenté de détourner une partie de la clientèle ;
Considérant que si l'arbitre a considéré devoir prendre connaissance du contenu de l'attestation de Mme A... en date du 13 avril 2009 sans l'écarter a priori au motif invoqué par l'appelant que du fait des liens privilégiés et notoires de cette personne avec l'un des associés du cabinet, il n'aurait pas commis l'imprudence, en cas d'intention malveillante de sa part, de se confier à elle, en revanche les termes qui sont utilisés par Mme A... traduisent de sa part une absence manifeste de neutralité et d'impartialité et ne correspondent pas à la réaction à laquelle on peut s'attendre de la part d'une simple cliente qui se préoccupe du suivi de son dossier ; qu'elle écrit notamment, textuellement, "... il a ajouté qu'il a été le seul de pouvoir faire ce travail chez vous et il m'invite à changer de cabinet et de le suivre dans son nouvelle poste. Vous avez travaillé sur des problèmes similaire pour nous ou les collaborateurs ont essayant de partir avec la clientèle, je voudrais vous tenir au courant de cette tentative de la part de Dirk " ; que le but essentiel de la lettre est de dénoncer M. X..., qu'elle est rédigée au surplus une fois le litige déjà cristallisé entre les parties, que cette seule pièce ne saurait à elle seule suffire à établir une volonté de démarchage organisé et prémédité de la part du collaborateur démissionnaire ; que par ailleurs, la lettre de démission envoyée par M. X..., pour courte qu'elle soit, est très claire et n'autorise pas l'intimée à prétendre qu'elle serait ambigüe en vue de cultiver le " flou " sur les intentions de son auteur quant à la durée du préavis ; que les mails échangés ultérieurement confirment plutôt l'embarras de l'intimée laquelle n'entend pas renoncer à un délai de 5 mois, dès lors qu'un préavis court la place à l'évidence davantage en difficulté ; que dès lors que M. X... n'est pas fautif pour avoir entendu maintenir l'application du préavis figurant à son contrat, il ne saurait lui être reproché de ne pas s'être manifesté de nouveau ou d'avoir eu en raison de son silence une attitude fautive ; qu'ainsi, en l'absence d'autres éléments de nature à établir la mise en place d'une stratégie déloyale de la part de M. X..., le seul fait qu'il ait persévéré dans les diverses démarches indispensables à son futur établissement professionnel ne saurait lui être reproché ; que les courriels échangés, produits notamment en pièces 25, 27, 28, 30, invoqués par l'intimée, ne sont pas de nature à démontrer la volonté de chercher à tronquer les listes des dossiers en cours mais seulement de pouvoir, seulement pour la clientèle qui le souhaite, la conserver ; que les autres éléments d'indélicatesse invoqués par l'intimée, comme l'indication dès que possible du téléphone personnel ou l'installation le jour de son départ d'un message d'absence sur la messagerie du cabinet ne sont sans doute pas d'une courtoisie exemplaire mais en aucun cas de nature à étayer sérieusement les graves accusations qui sont portées à l'encontre de M. X... et qui apparaissent dès lors particulièrement disproportionnées s'il ne s'agit que de déplorer une attitude manquant de souplesse ou de convivialité ; que la sentence sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a indemnisé la Selarl BRS et lui a alloué des dommages et intérêts, ainsi qu'en ses dispositions relatives aux frais d'arbitrage qui seront partagés entre les parties ;
Considérant que les parties ne développant pas pour le surplus d'argumentation contradictoire ou nouvelle sur des aspects plus secondaires du litige telle la désactivation de l'adresse e-mail sur le site internet du cabinet ou la transmission des dossiers, qui ont été résolus en première instance, la sentence sera confirmée pour le surplus de ses dispositions ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application en l'espèce en appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que les dépens d'appel seront supportés par moitié par chacune des parties ;
PAR CES MOTIFS :
Confirme la sentence déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de sursis à statuer, déclaré M. X... recevable en ses demandes reconventionnelles, condamné la Selarl BRS et Partners, anciennement la société Rödl et Partner, à payer à M. Dick X... la rémunération du mois de Mars 2009, donné à M. X... l'acte requis, laissé à chaque partie la charge de ses dépens,
L'infirme pour le surplus de ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déboute la Selarl BRS et Partners de toutes ses demandes,
Dit que les frais d'arbitrage seront supportés par moitié par chacune des parties,
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens d'appel seront supportés par moitié par chacune des parties et recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/00978
Date de la décision : 14/06/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

ARRET du 31 octobre 2012, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 31 octobre 2012, 11-25.677, Publié au bulletin

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2011-06-14;10.00978 ?
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