Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 09 JUIN 2011
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/12079 (Jonction avec RG : 10/12081)
Décision déférée à la Cour : Recours en annulation d'une décision rendue le 19 février 2010 par la Commission arbitrale des journalistes composée de Monsieur [I] [L], président, Mesdames [W] [K] et [Y] [F], et Messieurs [A] [O] et [T] [D], arbitres - RG n° 10/00585
DEMANDERESSE AU RECOURS (APPELANTE) :
S.A.S. L'YONNE RÉPUBLICAINE
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par la SCP ROBLIN CHAIX de LAVARENNE, avoués à la Cour
assistée de Me Anne LAURENT, avocat au barreau de CLERMONT FERRAND,
DÉFENDEUR AU RECOURS (INTIME) :
Monsieur [S] [P]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Chantal-Rodene BODIN-CASALIS, avoués à la Cour
assisté de Me Audrey LEGUAY, avocat au barreau de PARIS, du cabinet GRUMBACH & Associés, substituant Me Roger KOSKAS, toque : K 137
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 mai 2011, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :
Monsieur MATET, président
Madame GUIHAL, conseillère
Madame DALLERY, conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame PATE
ARRET :- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur MATET, président et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.
La société coopérative de production ouvrière L'YONNE RÉPUBLICAINE, en difficulté financière, a cédé la majorité de son capital au groupe CENTRE FRANCE. Parallèlement à ce rachat intervenu en janvier 2009, L'YONNE RÉPUBLICAINE a notifié à l'ensemble des journalistes la possibilité de faire jouer la clause de cession. Plusieurs d'entre eux dont M.[S] [P] lui ont notifié leur décision de démissionner en sollicitant le bénéfice des dispositions de l'article L 7112-5 du code du travail, puis ont saisi la commission arbitrale des journalistes dans le cadre de l'article L 7112-4 du code du travail pour déterminer l'indemnité due par application du premier alinéa de cet article en raison d'une ancienneté supérieure à quinze années.
Suivant décision rendue le 19 février 2010, la commission arbitrale des journalistes composée de Mmes [K], [F], MM.[O], [D] et Guérin, président, a fixé à 100 000€ le montant de l'indemnité due à M.[S] [P] par la SAS L'YONNE RÉPUBLICAINE, et, compte tenu du paiement déjà intervenu, l'a condamnée à payer la somme de 40 005€ avec intérêts au taux légal à compter de la notification à L'YONNE RÉPUBLICAINE de la saisine de la commission, et a alloué à M.[S] [P] la somme de 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La SAS L'YONNE RÉPUBLICAINE a formé d'une part un appel, d'autre part un recours en annulation de la décision de la commission arbitrale des journalistes. Aux termes de ses conclusions du 11 mars 2011, la SAS L'YONNE RÉPUBLICAINE prie la cour d'accueillir son appel et fait valoir que la disposition législative prévoyant que la décision de la commission arbitrale des journalistes ne peut être frappée d'appel est contraire à l'article 1482 du code de procédure civile qui dispose que la sentence arbitrale est susceptible d'appel sauf renonciation des parties dans la convention d'arbitrage, ainsi qu'aux principes constitutionnels qui font que tout plaideur a droit de voir sa cause entendue en appel.
La SAS L'YONNE RÉPUBLICAINE demande, en tout état de cause, de dire son recours en annulation fondé. Elle soutient que la décision entreprise n'est pas motivée en ce qui concerne l'octroi de l'indemnité alors qu'elle avait déposé un mémoire auquel la commission arbitrale n'a pas répondu. Elle articule essentiellement que la décision querellée viole la règle d'ordre public de la motivation, laquelle est un élément essentiel de la décision. Enfin, la SAS L'YONNE RÉPUBLICAINE demande à la cour après annulation de la décision de la commission arbitrale de fixer à 59 995€ l'indemnité de licenciement due à M.[S] [P], ordonner la restitution des sommes versées au delà de ce montant, faisant valoir que la démarche des différents journalistes constitue un abus de droit qui doit être sanctionné.
Suivant conclusions signifiées le 16 mars 2011 et déposées le 17 mars 2011 M.[S] [P] sollicite de dire irrecevable l'appel et de rejeter le recours en annulation comme infondé et de condamner la SAS L'YONNE RÉPUBLICAINE à lui payer la somme de 6000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur quoi,
Considérant qu'il convient pour une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 10/12079 et 10/12081 ;
Considérant qu'après le rachat de L'YONNE RÉPUBLICAINE par le groupe CENTRE FRANCE, M.[S] [P] a notifié à son employeur sa volonté de rompre son contrat de travail au sein du journal en invoquant la clause de cession prévue par l'article L 7112-5 du code du travail puis a saisi la commission arbitrale des journalistes pour déterminer l'indemnité qui lui est due par application de l'article L 7112-4 du code du travail ;
Sur l'appel
Considérant que selon l'alinéa 1er de l'article L7112-4 du code du travail applicable aux journalistes, lorsque l'ancienneté excède quinze années, une commission arbitrale est saisie pour déterminer l'indemnité due en raison de la rupture du contrat de travail et d'après le dernier alinéa de cet article la décision de la commission arbitrale est obligatoire et ne peut être frappée d'appel ;
Considérant que la constitutionnalité d'une disposition législative ne peut être soulevée que dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité, et que d'ailleurs, la SAS L'YONNE RÉPUBLICAINE a soumis précédemment une telle question à la cour qui y a répondu ; qu'en conséquence, le moyen présenté à nouveau est dépourvu de pertinence ; qu'enfin, la SAS L'YONNE RÉPUBLICAINE prétend à tort que n'ayant pas renoncé à l'appel, l'impossibilité d'interjeter appel serait contraire à l'article 1482 du code de procédure civile, alors que l'article L7112-4 du code du travail dispose expressément que la décision de la commission arbitrale des journalistes ne peut être frappée d'appel ; qu'en conséquence, l'appel de la SAS L'YONNE RÉPUBLICAINE est irrecevable ;
Sur le recours
Considérant que la SAS L'YONNE RÉPUBLICAINE fait valoir que la décision de la commission arbitrale des journalistes ne respecte pas les dispositions des articles 1471 alinéa 2 , 1480 et 1484 5° du code de procédure civile [ devenus les articles 1482 alinéa 2 et 1492 6° du code de procédure civile] car elle n'est pas motivée en ce qui concerne le bien fondé de l'octroi de l'indemnité de licenciement alors qu'elle avait déposé un mémoire exposant qu'elle n'avait demandé le départ d'aucun journaliste et que la restructuration du journal commandait que sa 'force vive' constituée par le travail des journalistes soit maintenue et précise que tous les journalistes à l'exception de Mme [J] étaient susceptibles de bénéficier d'une pension de retraite ; qu'un débat a eu lieu devant la commission arbitrale des journalistes 'concernant le montant de l'indemnité pour certains journalistes déjà bénéficiaires et pour d'autres sur le point d'être bénéficiaires d'une pension de retraite, ce qui leur aurait ouvert droit normalement à l'indemnité de départ à la retraite qui, elle, dépend de la durée de présence et en tout état de cause, est limitée à cinq mois de salaire après trente ans et plus d'ancienneté' ; que la décision de la commission arbitrale des journalistes ne comporte aucune motivation et ne répond pas aux observations qu'elle a formulées à l'appui de sa contestation ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif et une violation d'une règle d'ordre public concernant l'obligation de motivation et une violation des règles du procès équitable garanti par l'article 6 de la CEDH ;
Considérant que d'après le 5e alinéa de l'article L7112-4 du code du travail, en cas de faute grave ou de fautes répétées, l'indemnité peut être réduite dans une proportion qui est arbitrée par la commission ou même supprimée ;
Considérant que dès lors que la SAS L'YONNE RÉPUBLICAINE n'avait contesté ni la cause de la rupture du contrat de travail ni l'ancienneté du salarié, articulé ni faute grave ni fautes répétées, la commission arbitrale des journalistes n'avait d'obligation ni de suivre la SAS L'YONNE RÉPUBLICAINE dans le détail de son argumentation ni de consacrer un motif particulier à tous les arguments soulevés, sa décision rappelant les circonstances de l'affaire et les débats ; que le moyen d'annulation est donc infondé, la recourante tentant en réalité d'obtenir une révision de la décision de la commission arbitrale des journalistes, interdite au juge du recours en annulation ; que, par suite, le recours en annulation est rejeté ;
Sur les autres demandes
Considérant qu'il convient de condamner la SAS L'YONNE RÉPUBLICAINE à payer à M.[S] [P] la somme de 2 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
Ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 10/12079 et 10/12081,
Déclare irrecevable l'appel formé par la SAS L'YONNE RÉPUBLICAINE,
Rejette le recours en annulation de la décision de la commission arbitrale des journalistes du 19 février 2010,
Condamne la SAS L'YONNE RÉPUBLICAINE à payer à M.[S] [P] la somme de 2 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS L'YONNE RÉPUBLICAINE aux dépens et admet Me BODIN CASALIS, avoué, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT