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08/06/2011 | FRANCE | N°08/11607

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 08 juin 2011, 08/11607


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9





ARRÊT DU 08 Juin 2011



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/11607



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Septembre 2008 par le Conseil de Prud'hommes d'EVRY - Section Encadrement - RG n° 05/01488





APPELANT

Monsieur [E] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Pascal P

ETRUS, avocat au barreau de MELUN





INTIMÉES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ESSONNE (CPAM 91)

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 5]

représenté par Me Guy VIALA, avocat au barreau d...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 08 Juin 2011

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/11607

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Septembre 2008 par le Conseil de Prud'hommes d'EVRY - Section Encadrement - RG n° 05/01488

APPELANT

Monsieur [E] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Pascal PETRUS, avocat au barreau de MELUN

INTIMÉES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ESSONNE (CPAM 91)

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 5]

représenté par Me Guy VIALA, avocat au barreau de l'ESSONNE

Monsieur le Directeur de la Mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale (anciennement DRASSIF)

Service juridique

[Adresse 2]

[Localité 3]

régulièrement avisé - non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Mai 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Geneviève LAMBLING, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Geneviève LAMBLING, Présidente

Madame Anne DESMURE, Conseillère

Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

- signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [E] [V] a été engagé le 3 novembre 1966 par la Caisse Primaire Centrale d'Assurance Maladie de la Région parisienne en qualité de rédacteur de contentieux, puis devenu cadre, a intégré, à la suite de la départementalisation de cet organisme, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de l'Essonne au mois de décembre 1982.

La convention collective nationale de travail du personnel des organismes de sécurité sociale était applicable.

Dans le dernier état des relations contractuelles, il était cadre niveau 5A et percevait une rémunération mensuelle brute de 1 923, 39 euros.

Par lettre du 18 mars 1996, la direction des services fiscaux de Seine et Marne a informé la CPAM de l'Essonne de ce qu'elle avait déposé plainte le 5 février précédent à l'encontre de M.[E] [V] pour falsification et usage de faux documents administratifs en vue de commettre une escroquerie au détriment du trésor public.

M. [E] [V] a été condamné pour ces faits commis dans le cadre de ses fonctions par jugement du tribunal correctionnel d'Evry du 7 février 2000.

Mis à pied à titre conservatoire par lettre remise en main propre le 27 mars 1996, il a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 mai 1996 et a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 10 mars 2003 afin de contester son licenciement.

Il a été débouté de ses demandes par jugement du 23 septembre 2008.

Régulièrement appelant, il demande à la cour, dans ses conclusions déposées et soutenues lors de l'audience du 3 mai 2011 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, d'infirmer cette décision, de dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et :

- condamner la CPAM de l'Essonne à lui payer les sommes de :

11 540,36 euros au titre du délai congé,

1 154,04 euros à titre des congés payés incidents,

25 004,11 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

2 628,64 euros à titre de rappel de salaire pendant la période de mise à pied,

262,86 euros, montant des congés payés incidents,

58 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

avec intérêts au taux légal à compter du 7 mai 1996 sur les salaires et congés payés afférents et de la saisine du conseil de prud'hommes sur les autres sommes et capitalisation des intérêts,

- ordonner à l'intimée de lui remettre les bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée au pôle emploi, sous astreinte de 100 euros par jour et par document,

- condamner l'intimée à lui verser une indemnité de procédure de 4 000 euros.

Dans ses écritures soutenues dans les mêmes conditions auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la CPAM de l'Essonne conclut au débouté, à la confirmation de la décision déférée et à l'allocation de la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur le licenciement

M. [E] [V] a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 mai 1996, le directeur de la CPAM de l'Essonne rappelant intégralement dans cette lettre les conclusions du conseil de discipline réuni le 2 mai 1996, en application de l'article 48 de la convention collective nationale de travail des organismes de sécurité sociale soit :

'Considérant les griefs retenus par la Direction de la CPAM de l'Essonne à l'encontre de Monsieur [V] [E]: falsification et usage de faux documents administratifs,

Considérant que ce comportement est constitutif d'une faute grave,

Le Conseil de Discipline Régional suit, à la majorité, la demande de licenciement pour faute grave telle que proposée par la Direction de la CPAM de l'Essonne à l'encontre de Monsieur [V] [E]'.

Cette lettre précise également que la période de mise à pied conservatoire du 28 mars au 5 mai 1996 ne donnera pas lieu à rémunération.

Au soutien de son appel, M.[E] [V] expose qu'il n'a pas été régulièrement convoqué à un entretien préalable, l'employeur ne produisant pas l'accusé réception de la lettre datée du 27 mars 1996, que le procès-verbal de cet entretien daté du 10 avril 1996 n'est ni daté ni signé, que par lettre simple du 15 avril 1996, il a été convoqué devant le conseil de discipline sans que l'objet de sa convocation ne lui soit précisé puis convoqué à nouveau, toujours par lettre simple, du 23 avril pour le 2 mai, qu'il s'est présenté à cette date devant le conseil de discipline, qu'il a, alors, été informé de la mesure de licenciement entreprise, que le conseil de discipline s'est réuni le 2 mai, en violation de l'article 48 b) de la convention collective qui impose au directeur de demander sa convocation dans un délai maximum de 5 jours ouvrés à compter de l'entretien préalable, le conseil de discipline devant, par ailleurs, être convoqué dans le délai de huit jours à compter de la demande de convocation et se réunir dans les 15 jours de la réception de la demande, qu'aucun de ces délais n'a été respecté, que le conseil de discipline était irrégulièrement composé au regard des articles 49, 50 et 51 de cette même convention, s'est irrégulièrement prononcé, sa décision évoquant une majorité de voix sans autre précision alors que l'article 53 de la convention collective impose la majorité absolue, a refusé de lui communiquer son dossier, en violation de l'article 52 alinéa 4.

Il ajoute que le délai entre l'entretien préalable et la sanction, qui ne peut excéder un mois n'a pas été respecté et que la lettre de licenciement ne contient qu'un simple rappel des conclusions du conseil de discipline et non pas un exposé des faits précis, concrets et objectifs permettant au juge d'apprécier leur réalité et leur sérieux.

La CPAM de l'Essonne réplique que les faits fautifs reprochés à M. [E] [V] soit la falsification et l'usage de faux documents administratifs ne sont pas contestés, ont donné lieu à une condamnation définitive du 7 février 2000 du tribunal correctionnel d'Evry, que la qualité de cadre du salarié renforçait leur gravité, que la mise à pied à titre conservatoire lui a été notifiée par lettre remise en main propre sur laquelle il a apposé sa signature, qu'il a été convoqué, conformément à l'article 48 de la convention collective, à un entretien préalable à la suite duquel un procès-verbal a été rédigé le 10 avril 1996, que le conseil de discipline a été saisi et s'est réuni à deux reprises, le salarié ne s'étant pas présenté le 23 avril, ce qui a repoussé l'examen de sa situation au 2 mai, date à laquelle il a émis l'avis qu'un licenciement pour faute grave était justifié.

Elle soutient ainsi que la procédure prévue par l'article 48 de la convention collective a été régulièrement observée, que la nature même de la sanction disciplinaire demandait l'intervention du conseil de discipline, que la procédure devant cette instance est de la seule responsabilité du secrétaire de ce conseil à charge pour la partie lésée de contester sa régularité, le conseil de discipline ne rendant que des avis qui ne lient pas l'employeur, que la lettre de licenciement obéit aux exigences de l'article 48 précité puisque la sanction est motivée et rappelle les conclusions du conseil de discipline.

L'article 48 de la convention collective énonce qu'aucune des sanctions disciplinaires au sens de l'article L 122-40 du code du travail ne peut être infligée au salarié sans que celui-ci soit informé dans le même temps et par écrit des griefs retenus contre lui, décrit, sans préjudice des dispositions spécifiques du code du travail, la procédure qui doit être suivie, laquelle prévoit notamment la consultation du conseil de discipline.

Il résulte, par ailleurs, des dispositions combinées des articles 49 à 53 de cette convention que le conseil de discipline doit être composé de deux administrateurs, de deux agents de direction et pour les représentants du personnel de quatre cadres, s'il s'agit d'un agent des cadres, comme l'était M. [E] [V], ne peut comprendre que des personnes étrangères à l'organisme auquel appartient l'agent en cause, est convoqué en respectant les délais prévus à l'article 48 et doit rédigé des conclusions motivées qui doivent être adoptées à la majorité absolue des membres présents.

Le conseil de discipline, qui n'a pas été convoqué dans les délais impartis par la convention collective, était composé le 2 mai 1996 de deux administrateurs de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Paris, de deux agents de direction, l'un de la Caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne et l'autre de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Paris et de cinq -au lieu de quatre- représentants syndicaux sans autre précision que leur appartenance syndicale et, partant, sans mention de leur qualité de cadre et de leur organisme d'origine.

Son avis suivant lequel le comportement de l'appelant était constitutif d'une faute grave à par ailleurs été pris 'à la majorité' alors qu'il devait l'être à la majorité absolue, l'irrégularité de sa composition ayant une incidence directe non seulement sur la parité mais également sur les règles de majorité.

La consultation d'un organisme chargé en vertu d'une disposition conventionnelle de donner un avis sur une mesure disciplinaire envisagée par l'employeur constitue, comme l'invoque l'appelant, une garantie de fond, peu important, comme le soutient l'employeur, que le conseil de discipline ne rende que des avis.

Dès lors que la réunion du conseil de discipline était obligatoire et que sa composition était irrégulière, ce que ne dément pas la CPAM de l'Essonne, le licenciement prononcé à l'encontre de M.[E] [V] alors que l'avis du conseil de discipline n'avait pas été donné selon une procédure régulière est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera, en conséquence, infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les conséquences

M. [E] [V], qui avait trente ans d'ancienneté dans un organisme employant plus de onze salariés, est fondé à solliciter, sur la base d' une moyenne mensuelle brute de rémunération de 1 923,39 euros, les sommes non contestées et dûment justifiées de :

Rappel de salaire pendant la mise à pied ( 27 mars au 7 mai 1996) : 2 628,64 euros

Congés payés efférents : 262,86 euros

Indemnité de délai congé (six mois de salaire en application de l'article 54 de la convention collective) : 11 540, 35 euros

Congés payés incidents : 1 154, 04 euros

Indemnité conventionnelle de licenciement (la moitié du dernier salaire mensuel par année d'ancienneté avec un maximum de 13 mois) : 25 004, 11 euros

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation soit le 11 mars 2003 et capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du code civil.

Il sollicite la somme de 58 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail, arguant de son ancienneté, s'être trouvé dans l'impossibilité alors qu'il était âgé de 58 ans, de trouver un emploi stable et que la rupture du contrat de travail est intervenue alors qu'il était proche de la date à partir de laquelle il pouvait être admis à faire valoir ses droits à la retraite.

En considération de ces éléments, son préjudice sera réparée par la somme de 12 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les autres demandes

Il sera ordonné à la CPAM de l'Essonne de remettre à l'appelant des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation pôle emploi conformes au présent arrêt, sans qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte.

L'équité appelle d'allouer à M.[E] [V] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter la CPAM de l'Essonne, qui supportera les dépens de première instance et d'appel, de ce même chef.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

DIT que le conseil de discipline a rendu son avis selon une procédure irrégulière, ce qui rend le licenciement de M.[E] [V] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la CPAM de l'Essonne à payer à M.[E] [V] les sommes de :

2 628,64 euros à titre de rappel de salaire pendant la période de mise à pied,

262,86 euros, montant des congés payés efférents 11 540,35 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

1 154,04 euros, montant desCongés payés incidents 25 004,11 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation soit le 11 mars 2003 et capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du code civil,

12 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt;

ORDONNE à la CPAM de l'Essonne de lui remettre des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt, sans qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte,

ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

CONDAMNE la CPAM de l'Essonne à verser à M.[E] [V] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la CPAM de l'Essonne de ce même chef et la condamne aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 08/11607
Date de la décision : 08/06/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°08/11607 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-08;08.11607 ?
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