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07/06/2011 | FRANCE | N°10/04113

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 07 juin 2011, 10/04113


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRET DU 07 JUIN 2011

(no 366 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/04113

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 Décembre 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG no 2008084230

APPELANTE

Société BANK OF INDUSTRY AND MINE agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux

1655 Firouzeh Tower - Above Park Way Junction

Valia

sr Street - PO BOX 15875 - 4456 TEHERAN

.IRAN

représentée par la SCP SCP MONIN D AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour

assistée de ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRET DU 07 JUIN 2011

(no 366 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/04113

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 Décembre 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG no 2008084230

APPELANTE

Société BANK OF INDUSTRY AND MINE agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux

1655 Firouzeh Tower - Above Park Way Junction

Valiasr Street - PO BOX 15875 - 4456 TEHERAN

.IRAN

représentée par la SCP SCP MONIN D AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour

assistée de Me Bertrand CHAMBREUIL, avocat au barreau de PARIS, toque : B0230

INTIMEE ET APPELANTE INCIDENTE

Société NATURAL GAS STORAGE COMPANY prise en la personne de ses représentants légaux

159 avenue Nejatollahi - 2ème Etage

TEHERAN IRAN

représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour

assistée de Me Jean-louis LAGARDE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0127

INTIMEES

S.A. SOFREGAZ prise en la personne de ses représentants légaux

62 rue de Courcelles

75008 PARIS

représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU ET PELIT-JUMEL, avoués à la Cour

assistée de Me Jean ROUCHE de la SELARL FLEURY MARES DELVOLVE ROUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0035

S.A. NATIXIS NOUVELLE DENOMINATION DE NATEXIS BANQUES POPULAIRES prise en la personne de ses représentants légaux

30 rue Pierre MENDES FRANCE

75013 PARIS

représentée par Me Francois TEYTAUD, avoué à la Cour

assistée de Me Vincent HUG DE LARAUZE substituant Me Didier MALKA et plaidant pour le cabinet WEIL GOTSHAL et MANGES, avocats au barreau de PARIS, toque : L 0132

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Mai 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Joëlle BOURQUARD, Président de chambre

Madame Martine TAILLANDIER-THOMAS, Conseillère

Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Joëlle BOURQUARD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.

Le 6 mars 2002, la société SOFREGAZ a conclu un contrat de conversion en stockage souterrain du champ gazier de Yort-E-Shah avec la société de droit iranien NIOC PEDEC qui l'a cédé en mai 2004 à la société de droit iranien NIGC, laquelle l'a cédé à son tour, en octobre 2007, à la société de droit iranien NGSC.

Un avenant au contrat a été conclu le 20 décembre 2004.

Le 14 mars 2005, la BANK OF INDUSTRY AND MINE, banque iranienne, a ouvert, à la demande de la société NIGC, une lettre de crédit auprès de la banque française NATEXIS BANQUES POPULAIRES au profit de la société SOFREGAZ.

Le 20 octobre 2005, la BANK OF INDUSTRY AND MINE a émis une garantie de restitution d'avance no84180156 au profit de la société NIGC qui a été contre-garantie (no240 C 2012 6046) par la banque NATEXIS BANQUES POPULAIRES.

Le 12 novembre 2005, la BANK OF INDUSTRY AND MINE a émis une garantie de bonne fin no84180060 au profit de la société NIGC qui a été contre-garantie (no240 C 2012 4097) par la banque NATEXIS BANQUES POPULAIRES.

Le 26 août 2008, la société NGSC a résilié le contrat du 6 mars 2002 et appelé les garanties auprès de la BANK OF INDUSTRY AND MINE, laquelle a appelé à son tour, le 29 août 2008, les contre-garanties auprès de la banque NATIXIS, nouvelle dénomination de la banque NATEXIS BANQUES POPULAIRES.

La société SOFREGAZ estimant ces appels en garanties et contre-garanties manifestement irréguliers et abusifs, a fait assigner la société NGSC, la BANK OF INDUSTRY AND MINE et la banque NATIXIS devant le président du tribunal de commerce de Paris statuant en référé.

Par ordonnance du 10 décembre 2009, la juridiction ainsi saisie s'est déclarée compétente, a fait interdiction à la banque NATIXIS d'exécuter les contre-garanties no240 C 2012 4097 et no240 C 2012 6046 jusqu'à ce qu'une décision soit rendue sur le fond du litige par la tribunal arbitral, débouté la société SOFREGAZ de ses demandes plus amples, condamné conjointement la BANK OF INDUSTRY AND MINE et la société NGSC à payer à la société SOFREGAZ la somme de 10 000 euros et à la banque NATIXIS celle de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Appelante de cette décision, la BANK OF INDUSTRY AND MINE, aux termes de ses conclusions déposées le 22 avril 2011, demande à la cour de :

dire et juger que les contre-garanties émises par la banque NATIXIS, comme les garanties de premier rang émises par elle-même, sont régies par le droit iranien,

dire et juger que la société SOFREGAZ ne démontre pas que les appels en paiement tant des garanties de premier rang que des contre-garanties soient irréguliers, manifestement abusifs ou frauduleux au regard du droit iranien applicable auxdits engagements,

dire et juger en conséquence n'y avoir lieu à référé,

en tout état de cause, dire et juger qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait eu pertinemment conscience qu'une irrégularité formelle, dont elle conteste au demeurant l'existence, ait pu affecter l'appel en paiement des garanties de premier rang qu'elle avait émises au bénéfice de la société NIGC,

dire et juger que la société SOFREGAZ ne rapporte pas la preuve du caractère manifestement abusif et frauduleux de l'appel en paiement des garanties de premier rang qu'elle a émises ,

dire et juger qu'il n'a pas été démontré que l'appel en paiement des contre-garanties émises par la banque NATIXIS serait manifestement abusif ou frauduleux,

dire et juger qu'aucun des éléments versés aux débats ne permet de soutenir qu'il y aurait eu collusion frauduleuse entre la société NIGC et elle-même,

en toute hypothèse, dire et juger que seules les juridictions iraniennes sont compétentes pour rendre une décision concernant la fond du litige relatif à l'exécution des contre-garanties émises par NATIXIS,

En conséquence,

infirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

débouter la société SOFREGAZ et, en tant que de besoin, la banque NATIXIS de l'intégralité de leurs prétentions dirigées contre elle ,

condamner la société SOFREGAZ à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la banque NATIXIS à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société SOFREGAZ aux entiers dépens.

La société SOFREGAZ, par conclusions déposées le 15 avril 2011, demande à la cour de :

déclarer irrecevable et subsidiairement mal fondée la BANK OF INDUSTRY AND MINE en son exception d'incompétence,

confirmer l'ordonnance entreprise,

En conséquence

dire et juger qu'est irrégulier et manifestement frauduleux l'appel par la Société d'Ingénierie et de Développement du Gaz d'Iran (SIDGI) des garanties émises par la BANK OF INDUSTRY AND MINE sous les no8418060 et 84180156 au profit de NGSC ainsi que l'appel par la BANK OF INDUSTRY AND MINE des contres-garanties émises par NATIXIS sous le no240 C 2012 4097 et sous le no240 C 2012 6046,

interdire à la banque NATIXIS de verser une quelconque somme d'argent à la BANK OF INDUSTRY AND MINE au titre des contre-garanties no240 C 2012 4097 et sous le no240 C 2012 6046,

Et par voie de conséquence :

interdire à la BANK OF INDUSTRY AND MINE de verser une quelconque somme d'argent à la Société d'Ingénierie et de Développement du Gaz d'Iran (SIDGI) et/ou à NIGC et/ou NGSC au titre des garanties no84180060 et 84180156,

lui donner acte de ce qu'elle offre de rembourser à la société NGCS la somme de 1 712 290 USD correspondant à sa part sur le solde de l'acompte, objet de la garantie de restitution d'acompte, en contrepartie de la restitution de l'original de la lettre de garantie no84180156,

condamner la la BANK OF INDUSTRY AND MINE et la société NGSC à lui payer la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

les condamner aux entiers dépens.

Par conclusions déposées le 26 avril 2011, la société NGSC demande à la cour de :

constater que la BANK OF INDUSTRY AND MINE a souscrit un engagement inconditionnel de payer,

constater que la banque NATIXIS a souscrit un engagement inconditionnel de payer,

constater que la société SIDGI intervenait pour son compte,

dire et juger que la société SOFREGAZ ne justifie pas d'un appel « manifestement abusif » ou « manifestement frauduleux » ou même d'un appel abusif des garanties de bonne fin et de restitution d'acompte délivrées par la BANK OF INDUSTRY AND MINE,

dire et juger que la société SOFREGAZ ne justifie pas d'un appel « manifestement abusif » ou « manifestement frauduleux » ou même d'un appel abusif des deux contre-garanties délivrées par la banque NATIXIS en faveur de la BANK OF INDUSTRY AND MINE,

dire dans ces conditions n'y avoir lieu à référé,

infirmer l'ordonnance entreprise,

débouter, en conséquence, la société SOFREGAZ et la banque NATIXIS en tous leurs moyens, faits et prétentions,

condamner la société SOFREGAZ à lui payer une somme de 15 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société NATIXIS à lui payer une somme de 15 000 euros sur le même fondement,

condamner la société SOFREGAZ et la banque NATIXIS, solidairement, en tous les dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions déposées le 26 avril 2011, la banque NATIXIS demande à la cour de :

à titre principal, sur le fondement de la réglementation communautaire en vigueur portant des mesures restrictives à l'encontre de l'Iran, lui interdire d'effectuer un quelconque paiement au profit de la BANK OF INDUSTRY AND MINE au titre des contre-garanties no240 C 2012 4097 et no240 C 2012 6046,

à titre subsidiaire, sur le fondement des conditions de mise en oeuvre des contre-garanties qu'elle a émises, lui interdire d'effectuer un quelconque paiement au titre des contre-garanties no240 C 2012 4097 et no240 C 2012 6046, sauf à ce que la BANK OF INDUSTRY AND MINE, dans la cadre de la présente procédure, justifie de l'existence d'un appel de la garantie de bonne fin et/ou de la garantie de restitution d'acompte régulièrement effectué par la société NIGC et de tout paiement effectué par elle entre les mains de cette dernière au titre de la garantie de bonne fin et/ou de la garantie de restitution d'acompte et précise les coordonnées exactes du compte CARPA de son avocat sur lequel elle pourra effectuer le paiement de toutes sommes dues, le cas échéant, au titre de ses contre-garanties no240 C 2012 4097 et no240 C 2012 6046,

dans l'hypothèse où la cour ordonnerait la paiement par elle-même des sommes appelées par la BANK OF INDUSTRY AND MINE au titre des contre-garanties no240 C 2012 4097 et no240 C 2012 6046, mentionner expressément dans le dispositif de la décision à intervenir les coordonnées du compte CARPA de l'avocat la BANK OF INDUSTRY AND MINE sur lequel elle pourra effectuer le paiement de toutes sommes dues, le cas échéant, au titre de ses contre-garanties no240 C 2012 4097 et no240 C 2012 6046 et lui donner acte de ce que tout paiement qui serait effectué par elle sur ce compte selon les termes de l'ordonnance à intervenir, sera libératoire vis-à-vis de la BANK OF INDUSTRY AND MINE,

à titre infiniment subsidiaire, s'agissant de l'appréciation du caractère abusif ou frauduleux de l'appel des garanties émises par la BANK OF INDUSTRY AND MINE et/ou des contre-garanties émises par elle-même, lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice,

condamner la partie succombante à lui payer une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

SUR CE, LA COUR

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

Considérant que l'ordonnance de clôture a été rendue le 26 avril 2011 ; que la société NGSC a fait déposer le 2 mai suivant des conclusions récapitulatives et afin de révocation de cette ordonnance ; que le rejet de ces conclusions a été demandé par la banque NATIXIS, par écritures déposées le 3 mai, comme étant tardives ;

Considérant qu'aux termes des articles 783, 784 et 910 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune conclusion ne peut être déposée après l'ordonnance de clôture et celle-ci ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; que la société NGSC, qui sollicite le rabat de l'ordonnance de clôture au motif que des erreurs de dactylographie se seraient glissées dans ses dernières conclusions, ne justifie ce faisant d'aucune cause grave permettant de faire droit à sa demande ; que celle-ci sera rejetée et ses conclusions récapitulatives déposées le 2 mai seront écartées des débats ;

Sur le principal :

Considérant que selon l'article 873 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que la compétence du juge des référés pour statuer sur la demande de la société SOFREGAZ tendant à voir interdire à la BANK OF INDUSTRY AND MINE et à la banque NATIXIS de verser une quelconque somme au titre des garanties et des contre-garanties qu'elles ont accordées dans le cadre du contrat du 6 mars 2002, déniée en première instance par la société NGSC au profit de la juridiction arbitrale prévue par celui-ci, n'est plus contestée en appel ;

Considérant que la garantie de bonne fin no84180060 et la garantie de restitution d'avance no84180156 ne mentionnent pas la loi qui leur est applicable ; que les contre-garanties sont, en revanche, expressément soumises au droit iranien ; que la BANK OF INDUSTRY AND MINE qui revendique l'application de celui-ci tant aux garanties qu'aux contre-garanties ne conclut pas, cependant, au vu de son contenu sur le bien fondé de la demande de la société SOFREGAZ ; qu'elle n'en précise ni encore moins n'en établit la teneur alors que cette charge de la preuve lui incombe ; que faute de démontrer que les dispositions du droit iranien aboutiraient à un résultat différent de celui auquel conduisent les règles du droit français, il y a lieu d'appliquer celui-ci dont la vocation est subsidiaire ;

Considérant qu'aux termes des garanties no84180060 et no84180156 et des contre-garanties no240 C 2012 4097 et no240 C 2012 6046, la BANK OF INDUSTRY AND MINE et la banque NATIXIS se sont engagées à verser à première demande les montants couverts par celles-ci ; que leurs engagements ont, en conséquence, un caractère indépendant tant à l'égard du contrat de base liant le donneur d'ordre, la société SOFREGAZ, au bénéficiaire, la société NGSC, qu'entre eux ; que le donneur d'ordre ne peut s'opposer au paiement des garanties que si l'appel de celles-ci est manifestement frauduleux ou abusif de la part du bénéficiaire et des contre-garanties que s'il y a eu collusion de celui-ci avec le garant, ce qui suppose à tout le moins que ce dernier ait eu connaissance du caractère manifestement abusif de l'appel en garantie ;

Considérant que pour s'opposer au paiement des garanties et contre-garanties, la société SOFREGAZ fait valoir que les appels des garanties du 26 août 2008 seraient irréguliers au motif qu'ils ont été émis non pas par les sociétés NIGC ou NGSC mais par la société de droit iranien SIDGI qui n'est ni son co-contractant, ni bénéficiaire des garanties ; que, cependant, l'irrégularité ainsi alléguée, alors que la BANK OF INDUSTRY AND MINE et la société NGSC soutiennent de leur côté que la société SIDGI était valablement habilitée à agir pour le compte des sociétés NIGC et NGSC, n'est pas de nature à faire interdire le paiement des garanties en l'absence de fraude ou d'abus du bénéficiaire ; que la société SOFREGAZ ne soutient ni ne démontre que l'appel des garanties par la société SIDGI constituerait une fraude ou un abus manifeste de la part de la société NGSC qui confirme que lesdites garanties ont bien joué à son profit ; qu'elle se contente de prétendre que l'appel des contre-garanties par la BANK OF INDUSTRY AND MINE serait manifestement frauduleux dès lors qu'elle a dissimulé à la banque NATIXIS que l'appel des garanties était irrégulier ; que c'est à tort, cependant, qu'elle a été suivie en ce raisonnement par le premier juge ; que l'appel manifestement abusif ou frauduleux des contre-garanties suppose, en effet, que l'appel des garanties l'ait été lui-même ; que l'irrégularité des appels en garantie, à supposer même établie, ne peut en tout état de cause être invoquée par la société SOFREGAZ pour faire obstacle au paiement tant des garanties que des contre-garanties ;

Considérant que la société SOFREGAZ soutient ensuite que l'appel des garanties est manifestement abusif et frauduleux dès lors qu'en ne prorogeant pas la lettre de crédit à sa dernière échéance du 30 avril 2008, la société NGSC a délibérément violé son obligation de couvrir le paiement du prix et supprimé par conséquent la condition de validité des garanties de bonne fin et de restitution, que la phase 1 du projet a mis en évidence de graves difficultés géologiques rendant très risquée la réalisation des phases 2 et 3 dans les conditions techniques initiales, que de nombreuses réunions ont eu lieu à Téhéran pour résoudre ce problème avant l'appel en garantie, que la société NGSC a refusé toutes les solutions qu'elle lui a proposées, que la situation politique de l'Iran et l'embargo décrété tant par la Conseil de Sécurité des Nations Unies que par le Conseil de l'Union Européenne a conduit par ailleurs ses banques partenaires à se montrer très réticentes pour émettre des garanties sur ce projet dans ses phases 2 et 3, que l'appel des garanties et contre-garanties est intervenu alors qu'une facture restait impayée pour un montant de 1 286 339,06 USD du fait de la société NGSC et que celle-ci, de mauvaise foi, tente de percevoir des sommes qui ne lui sont pas dues ;

Mais considérant que le contrat de base comportait trois phases dont seule la première a été réalisée ; que la société NGC reprochant à la société SOFREGAZ un retard injustifié dans la réalisation et l'achèvement du projet a résilié la convention ; qu'il n'appartient pas à la cour de se livrer à un examen du comportement des parties dans l'exécution de celle-ci ; que seule la mauvaise foi du bénéficiaire dans l'exécution de la garantie autonome est de nature à constituer la fraude ou l'abus manifeste ; que le donneur d'ordre doit démontrer, en conséquence, que le bénéficiaire savait lorsqu'il a appelé la garantie qu'il n'avait aucun droit à celle-ci ; qu'en l'espèce, en soutenant qu'aucune somme ne serait due à la société NGSC, au titre des garanties de bonne fin et de restitution d'acompte, motifs pris d'une invalidation de celles-ci du fait de l'absence de prorogation par la société iranienne de la lettre de crédit, du non paiement d'une facture due à sa co-contractante française et de son refus de poursuivre le projet, et en invitant ainsi la cour à se livrer à une interprétation des clauses du contrat et de son avenant, de la lettre de crédit, des garanties et des contre-garanties et à une appréciation du respect de ses obligations contractuelles par la société NGSC, la société SOFREGAZ fait elle-même la démonstration que l'abus ou la fraude qu'elle reproche à cette dernière lors de l'appel des garanties et, par conséquent, l'existence d'un trouble illicite ne sont pas manifestes, et ce d'autant plus, qu'en offrant de rembourser à la société NGSC un solde d'acompte, elle reconnaît que la bénéficiaire n'est pas dépourvue de tout droit à l'une au moins de ces garanties ; qu'il n'y a pas lieu, en conséquence, à statuer en référé sur ses demandes tendant à voir interdire le paiement des garanties et contre-garanties ;

Considérant qu'il n'appartient pas non plus à la cour, statuant en référé et qui n'est saisie d'aucune demande en condamnation à paiement provisionnel dirigée par la BANK OF INDUSTRY AND MINE contre la banque NATIXIS, d'interdire à cette dernière, qui plus est sur sa propre demande, de procéder au paiement des contre-garanties au motif que la banque et la société iraniennes ne démontreraient pas, conformément au paragraphe 3 de l'article 29 du Règlement (UE) no961/2010 du 25 octobre 2010 concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran, abrogeant le Règlement (CE) no423/2007 et d'application immédiate, que leur demande n'est pas interdite par le paragraphe 1 ; que rien ne justifie que l'exigence de cette preuve soit cantonnée à la présente instance ; que la BANK OF INDUSTRY AND MINE est en droit de justifier de la conformité de sa demande à cette réglementation à tout moment ; qu'elle ne saurait en être privée pour l'avenir ;

Considérant que la banque NATIXIS ne saurait non plus exiger de l'appelante qu'elle justifie, toujours dans le cadre de la présente procédure, de la régularité de l'appel des garanties et du paiement de celles-ci alors que les contre-garanties qu'elle a émises énoncent expressément, selon la traduction libre versée aux débats, qu'elle s'engage à lui rembourser immédiatement et à première demande adressée par câble ou télex, tout montant qu'elle serait amenée à payer en vertu de la garantie et ce, malgré toute contestation existant entre les sociétés SOFREGAZ et NIGC et « sans qu'aucune preuve ou procédure administrative ou judiciaire préalable ne soit exigée à l'appui de (sa) demande » ; qu'elle doit, en conséquence, payer la contre-garantie dès que celle-ci est appelée par la banque garante sans pouvoir exiger de cette dernière la preuve préalable tant de la régularité de l'appel des garanties que du paiement de celles-ci ;

Considérant, enfin, que les demandes de la banque NATIXIS, formées pour la cas où la cour ordonnerait le paiement, sont sans objet puisque la cour n'est saisie d'aucune prétention en ce sens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, en conséquence, à référé sur les demandes de la banque intimée ;

Considérant que la société SOFREGAZ et la banque NATIXIS qui succombent supporteront les dépens de première instance et d'appel et verseront à chacune des sociétés NGSC et BANK OF INDUSTRY AND MINE la somme précisée au dispositif du présent arrêt au titre des frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture et écarte des débats les conclusions récapitulatives déposées le 2 mai 2011 par la société NGSC ;

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf du chef de la compétence ;

Statuant à nouveau :

Dit n'y avoir lieu à statuer en référé sur les demandes de la société SOFREGAZ et la banque NATIXIS ;

Condamne la société SOFREGAZ et la banque NATIXIS à verser à chacune des sociétés NGSC et BANK OF INDUSTRY AND MINE la somme de 10 000 (dix mille) euros au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société SOFREGAZ et la banque NATIXIS aux dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit des avoués concernés en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 10/04113
Date de la décision : 07/06/2011
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2011-06-07;10.04113 ?
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