COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 31 MAI 2011
(no 191, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 17907
Décision déférée à la Cour : jugement du 1er juillet 2009- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 07/ 140671
APPELANTS
Madame Martine X...... 45240 MARCILLY EN VILLETTE représentée par la SCP REGNIER-BEQUET-MOISAN, avoués à la Cour assistée de Me Jacques LEBLOND de la SCP LEBLOND CONSTANTIN et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0088
Monsieur Sébastien X...... 45240 MARCILLY EN VILLETTE représenté par la SCP REGNIER-BEQUET-MOISAN, avoués à la Cour assisté de Me Jacques LEBLOND de la SCP LEBLOND CONSTANTIN et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0088
Monsieur Cédric Florian Willy X......... 57340 SUISSE et encore C/ O Maître ZOROME,... 75005 PARIS représenté par la SCP REGNIER-BEQUET-MOISAN, avoués à la Cour assisté de Me Nathalie ZOROMÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : D 312
Madame Anne-Marie X......... 57340 SUISSE et encore C/ O Maître ZOROME,... 75005 PARIS représentée par la SCP REGNIER-BEQUET-MOISAN, avoués à la Cour assistée de Me Nathalie ZOROMÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : D 312
INTIMEE
SCP JACQUES Z...- JULIEN A...- CAROLINE B... prise en la personne de ses représentants légaux...... 45240 LA FERTE SAINT AUBIN représentée par la SCP ARNAUDY ET BAECHLIN, avoués à la Cour assistée de Me Marie-Eva BIRRIEN, avocat au barreau de PARIS, toque : P 499 SCP INTERBARREAUX PETIT-RONZEAU et Associés
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 mars 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre chargé du rapport, en présence de Madame Dominique GUEGUEN, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire-prononcé publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, président et par Mme Noëlle KLEIN, greffier à qui la minute de l'arrêt a été remise par le magistrat signataire.
La Cour,
Considérant que Juliette X..., veuve D..., est décédée le 12 mars 1996 après avoir rédigé, le 1er juillet 1987, un testament olographe qui a été déposé au rang des minutes de M. Christian E..., notaire, par procès-verbal de description et de dépôt en date du 22 mars 1996 ; qu'aux termes de ce testament, Juliette X... a légué à Mme Jeanne F..., épouse X..., l'usufruit de l'universalité des meubles et immeubles, à MM. Jean-Jacques et Michel X... la nue-propriété des meubles et immeubles et, à titre particulier, la somme de 10. 000 francs à MM. Jean-Jacques et Michel X..., à Mme Anne-Marie G..., épouse X..., et à M. Cédric X... ; Que Michel X... est décédé le 1er février 1989, laissant pour lui succéder Sébastien X..., son fils, héritier de la totalité de la succession, sauf les droits de Mme Martine X..., conjoint survivant ; que M. Christian E... a dressé l'inventaire de la succession et dressé l'acte de notoriété le 4 novembre 1996 ; Que Jean-Jacques X... est décédé le 13 février 1997, laissant pour lui succéder M. Cédric X..., son fils, et Mme Anne-Marie X..., sa veuve ; Que Jeanne F..., épouse X..., est décédée le 7 décembre 1997, laissant pour lui succéder M. Sébastien X..., par représentation de Michel X..., et Cédric X..., par représentation de Jean-Jacques X... ; Que les héritiers ont consenti à l'exécution du testament et fait délivrance des legs le 6 juin 2000 devant M. E... ; que la délivrance des legs a été enregistrée à la recette des impôts le 26 juin 2000 et que le notaire a établi une déclaration provisoire de succession qu'il a déposée à la recette des impôts de Paris, 18ème arrondissement, l'actif de la succession étant estimé à 1. 303. 458, 47 francs ; qu'un acompte de 805. 122, 18 francs a été versé au comptable des impôts le 30 juin 2000 ; Que le notaire a établi un projet de déclaration définitive le 16 décembre 2002 ; que ce projet a été adressé le 18 octobre 2002 à une étude notariale suisse, notaire de Mme Anne-Marie X... et de M. Cédric X..., son fils, alors mineur, avec la précision qu'il y avait lieu de faire retour du pouvoir régularisé afin que la déclaration soit déposée ; que la lettre d'accompagnement, visant les trois successions Juliette D..., née X..., Jeanne X..., née F..., et Jean-Jacques X..., énonce les formalités accomplies et qu'elle contient diverses informations relatives à la législation française sur les successions et notamment, sur les formalités rendues nécessaires par les décès successifs et la minorité de M. Cédric X... ; Que M. E... est décédé et qu'à l'effet du 12 juin 2003, M. Julien A..., notaire, a été nommé en ses lieu place gérant de la S. C. P., devenue la S. C. P. Z..., A... et B... ; Qu'en l'absence de déclaration de succession de Juliette D..., née X..., l'administration a procédé à une taxation d'office ; Que reprochant à la S. C. P. Z..., A... et B... de n'avoir pas procédé à la déclaration de succession complète et d'avoir manqué à son obligation d'information, MM. Sébastien X... et Cédric X... et Mmes Martine X... et Anne-Marie X..., qui ont été exposés à une procédure de taxation d'office, ont saisi le Tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 1er juillet 2009, les a déboutés de leurs demandes et condamnés aux dépens ;
Considérant qu'appelants de ce jugement, Mme Anne-Marie X... et M. Cédric X..., qui en poursuivent l'infirmation, demandent que la S. C. P. Z..., A... et B... soit condamnée à verser à M. Cédric X... la somme de 165. 938 euros au titre du redressement fiscal et à Mme Anne-Marie X... la somme de 123. 096 euros au titre du redressement fiscal et la somme de 40. 000 euros au titre des frais d'avocat, outre une somme de 5. 000 euros, chacun en réparation de son préjudice moral ; Qu'au soutien de leurs prétentions, Mme Anne-Marie X... et M. Cédric X... soutiennent que le notaire a commis une double faute en ne rédigeant pas une déclaration complète de la succession de Juliette X... et en s'abstenant de les informer sur les conséquences du défaut de déclaration ; que, s'agissant des préjudices, ils font valoir que, si la déclaration de succession avait été réalisée, la prescription triennale se serait appliquée et que, par voie de conséquence, les contrôles de l'administration n'auraient pas eu lieu alors qu'en fait, la situation s'est trouvée soumise à la prescription décennale ; qu'ils ajoutent que, par la seule faute du notaire, ils ont dû acquitter des droits, une taxation d'office et des intérêts de retard, ainsi que des frais d'avocat dont ils fournissent le détail en précisant que la jurisprudence retenue par les premiers juges n'est pas applicable aux faits de la cause ;
Considérant qu'également appelants du jugement, Mme Martine X... et M. Sébastien X... demandent que la S. C. P. Z..., A... et B... soit condamnée à payer à M. Sébastien X... la somme de 304. 495 euros et à Mme Martine X... la somme de 6. 728 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2007, date de l'assignation introductive d'instance ; Qu'à ces fins, Mme Martine X... et M. Sébastien X..., qui développent une argumentation comparable à celle de Mme Anne-Marie X... et M. Cédric X..., soulignent la faute commise par les successeurs de M. E... en faisant observer qu'en l'espèce, la S. C. P. Z..., A... et B... avait une obligation de résultat et que toutes les sommes qu'ils sont redevables envers l'administration, en principal, majorations et intérêts de retard, même celles qui n'ont pas encore été payées, sont la conséquence directe du défaut de dépôt de déclaration de succession et, partant, de la faute de la S. C. P. notariale ; Qu'à titre subsidiaire, les appelants demandent que la S. C. P. Z..., A... et B... soit condamnée à les garantir de toutes sommes qu'ils pourraient être amenés à devoir à l'administration en sus des droits qu'ils auraient dû payer si le notaire n'avait pas commis de faute, à savoir : au titre de l'excédent des sommes perçues sur les droits par l'administration concernant M. Sébastien X..., soit 183. 667 euros et au titre des pénalités et majorations, pour Mme Martine X... 6. 728 euros et pour M. Sébastien X... 120. 828 euros ; Qu'invoquant la résistance abusive de la S. C. P. Z..., A... et B..., Mme Martine X... et M. Sébastien X... sollicitent une somme de 50. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Considérant que la S. C. P. Z..., A... et B... conclut à la confirmation du jugement aux motifs que, d'une part, il n'est nullement démontré que l'absence de dépôt de déclaration de la succession de Juliette X... soit imputable à M. E... qui n'a pas reçu les pouvoirs permettant de le faire et que, d'autre part, le préjudice allégué est inexistant, faute par les consorts X... de justifier d'un quelconque payement au profit de l'administration fiscale ; qu'elle fait encore valoir que le payement de droits de succession n'est pas constitutif d'un préjudice indemnisable et que les consorts X... ne démontrent pas l'existence d'un préjudice consécutif à la taxation d'office, et que le payement d'intérêts de retard, contrepartie des sommes conservées par les héritiers, n'est pas plus constitutif d'un préjudice ; qu'elle ajoute que, pareillement, la majoration des droits ne préjudicie pas aux consorts X... dès lors qu'ils ne démontrent pas que le dépôt tardif de la déclaration était imputable à M. E... et qu'ils auraient pu éviter la procédure de redressement avant l'expiration du délai de prescription triennale ; Que la S. C. P. Z..., A... et B... s'oppose également aux demandes d'indemnisation des frais d'avocat, de préjudice moral ou d'une prétendue résistance abusive ;
Sur la faute reprochée au notaire :
Considérant qu'il n'est pas contesté que la déclaration de succession de Juliette X..., veuve D..., n'a pas été déposée et que l'administration fiscale a procédé à la taxation d'office en réclamant, en droits et accessoires, à M. Cédric X... la somme de 165. 938 euros, à Mme Anne-Marie X... la somme de 123. 000 euros, à M. Sébastien X... la somme de 262. 314 euros et à Mme Martine X... la somme de 269. 042 euros ; Considérant que, comme l'ont énoncé les premiers juges en des motifs pertinents qu'il convient d'approuver, il appartenait à la S. C. P. Z..., A... et B... de traiter le dossier relatif à la succession de Juliette X..., veuve D..., à la suite du décès de M. E... et ce, dès le 12 juin 2003 ; que, même si M. A..., désigné aux lieu et place de M. E..., ne disposait pas de toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de sa tâche et, notamment, à l'établissement et au dépôt de la déclaration de succession, il était tenu de prendre l'attache des héritiers et, à tout le moins, de les informer des sanctions encourues en cas de défaut de déclaration ou de dépôt tardif de la déclaration ;
Sur les divers chefs de préjudice :
Considérant que les droits de succession sont réclamés à chacun des héritiers en vertu de la loi et en fonction du montant qu'il a reçu de la succession de sorte qu'ils ne sauraient être regardés comme résultant de la faute commise par le notaire ; Qu'en outre, les appelants ne démontrent aucunement que l'administration fiscale n'aurait procédé à aucune rectification si le notaire avait déposé la déclaration dans le délai légal de sorte qu'ils auraient échappé à tout contrôle ; Considérant que les intérêts de retard sont destinés à réparer le préjudice subi par le Trésor Public au cours de la période pendant laquelle il a été privé des droits de succession dus en principal ; que cette somme peut être constitutive d'un préjudice indemnisable dès lors que l'héritier qui paye des droits majorés démontre que la somme dont il s'agit dépasse le profit qu'il a tiré, pendant la période considérée, de la disposition et de la jouissance de la somme correspondant aux droits ; Qu'en l'espèce, les droits de retard se sont élevés, pour M. Cédric X... à 40. 634 euros pour des droits de 165. 938 euros, pour M. Sébastien X... à la somme de 64. 234 euros pour des droits de 262. 314 euros, pour Mme Anne-Marie X... à la somme de 30. 145 euros pour des droits de 123. 096 euros et pour Mme Martine X... à la somme de 6. 722 euros pour des droits de 21. 528 euros et ce, en vertu d'avis de recouvrement en date du 8 décembre 2006 alors qu'ils disposaient des sommes susdites depuis la fin de l'année 2002 ; Que les intérêts de retard compensent donc le profit retiré de la disposition des sommes correspondant aux droits et qu'à ce titre, les héritiers n'ont subi aucun préjudice indemnisable ; Considérant que les consorts X... n'ont donné aucune suite aux mises en demeure du 7 mai 2004 ; qu'ils ont donc été taxés d'une majoration de 40 % alors que, dans le cas inverse, ils auraient payé une majoration de 10 % ; que cette taxation majorée de 40 % est consécutive, non pas à la faute du notaire, mais à la négligence des consorts X... ; Qu'en revanche, la faute du notaire a fait perdre aux consorts X... la chance de déposer la déclaration de succession à temps ou avec un retard moindre de sorte qu'ils ont subi une majoration de droits de 10 % à laquelle ils auraient pu échapper en d'autres circonstances ; Que cette perte de chance sera réparée, en fonction du montant de la majoration, par une indemnité de 5. 000 euros au profit de Mme et MM. Anne-Marie, Sébastien et Cédric X... et par une indemnité de 2. 000 euros au profit de Mme Martine X... ; Qu'il convient, en conséquence, et sans qu'il y ait lieu d'exiger la preuve du payement de la majoration réclamée, d'infirmer le jugement frappé d'appel et de condamner la S. C. P. Z..., A... et B... à payer à MM. Cédric et Sébastien X... et à Mme Anne-Marie X..., chacun la somme de 5. 000 euros et à Mme Martine X... la somme de 2. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Sur les autres demandes :
Considérant que Mme Martine X... et M. Sébastien X... n'administrent pas la preuve d'une prétendue résistance abusive qui serait imputable à la S. C. P. Z..., A... et B... ; qu'ils seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts supplémentaires ; Considérant que, s'il est exact qu'à l'occasion de la procédure de redressement, Mme Anne-Marie X... a eu recours aux services d'un avocat, il n'est aucunement démontré que cette circonstance soit liée à la faute du notaire ; que Mme X... sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts présentée à ce titre ; Considérant que Mme Anne-Marie X... et M. Cédric X... ne démontrent pas la réalité du préjudice moral qu'ils allèguent ; qu'il y a donc lieu de les débouter de leur demande indemnitaire ; Et considérant que chacune des parties sollicite une indemnité en invoquant les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que, succombant partiellement en ses prétentions et supportant les dépens, la S. C. P. Z..., A... et B... sera déboutée de sa réclamation ; qu'en revanche, elle sera condamnée à payer à Mmes et MM. X... les frais qui, non compris dans les dépens d'appel seront arrêtés, en équité, à la somme de 5. 000 euros pour Mme Martine X... et M. Sébastien X... et à une somme identique pour Mme Anne-Marie et M. Cédric X... ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu le 1er juillet 2009 par le Tribunal de grande instance de Paris ;
Faisant droit à nouveau :
Condamne la S. C. P. Z..., A... et B... à payer à payer à MM. Cédric et Sébastien X... et à Mme Anne-Marie X..., chacun la somme de 5. 000 euros et à Mme Martine X... la somme de 2. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Déboute Mmes Anne-Marie X... et Martine X... ainsi que MM. Cédric X... et Sébastien X... de leurs demandes de dommages et intérêts accessoires ;
Déboute la S. C. P. Z..., A... et B... de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamne, par application de ce texte, à payer à Mme Martine X... et à M. Sébastien X... la somme de 5. 000 euros et à Mme Anne-Marie X... et à M. Cédric X... également une somme de 5. 000 euros ;
Condamne la S. C. P. Z..., A... et B... aux dépens de première instance et d'appel et dit que les dépens d'appel seront recouvrés par les avoués des appelants conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT