Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 26 MAI 2011
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/16939
Décision déférée à la Cour : la déclaration du greffier en chef du tribunal de grande instance de Sens du 1er mars 2010 qui a constaté le caractère exécutoire en France du jugement rendu le 13 octobre 2009 par le tribunal de Varsovie, section III affaires familiales et des mineurs
DEMANDEUR AU RECOURS :
Monsieur [G] [N] né le [Date naissance 5] 1954 à [Localité 7] (Algérie)
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avoués à la Cour
assisté de Me Gérard GENESTE, avocat au barreau de SENS
DÉFENDERESSE AU RECOURS :
Madame [V] [P] [L] née le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 9] (Pologne)
[Adresse 3]
00-39 WARSZAWA
[Localité 8]
(POLOGNE)
représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour
assistée de Me Véronique CHAUVEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B 759
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 avril 2011, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :
Monsieur MATET, président
Madame GUIHAL, conseillère
Madame DALLERY, conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame PATE
MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Madame ROUCHEREAU, avocat général
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur MATET, président et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.
Vu la déclaration du greffier en chef du tribunal de grande instance de Sens qui a constaté le caractère exécutoire en France du jugement rendu le 13 octobre 2009 par le tribunal de Varsovie, section III affaires familiales et des mineurs ;
Vu le recours et les conclusions du 21 mars 2011 de M.[G] [N], de nationalité française, qui prie la cour d'annuler et subsidiairement réformer la décision du greffier en chef, débouter Mme [V] [P] [L] de toutes ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 1 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions du 5 avril 2011 de Mme [V] [P] [L], de nationalité polonaise, qui sollicite le rejet du recours et la condamnation de M.[G] [N] à lui payer les sommes de 5000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et de 2500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Sur quoi,
Considérant que selon l'article 33 du règlement n°44/2001 du conseil du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, les décisions rendues dans un Etat membre sont reconnues dans les autres Etats membres sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure et en cas de contestation, toute partie intéressée qui invoque la reconnaissance à titre principal peut faire constater, selon les procédures prévues aux sections II et III du présent chapitre, que la décision doit être reconnue ;
Qu'en vertu de l'article 45 paragraphe 1 la juridiction saisie d'un recours prévu à l'article 43 ou 44 ne peut refuser ou révoquer une déclaration constatant la force exécutoire que pour l'un des motifs prévus aux articles 34 et 35, la décision étrangère ne pouvant en aucun cas faire l'objet d'une révision au fond ;
Que selon l'article 34 du règlement CE n°44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale,
'Une décision n'est pas reconnue si :
1) La reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'Etat membre requis;
2) l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent n'a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile, de telle manière qu'il puisse se défendre, à moins qu'il n'ait pas exercé de recours à l'encontre de la décision alors qu'il était en mesure de le faire ;
3 ) elle est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l'Etat membre requis,
4 ) Elle est inconciliable avec une décision rendue antérieurement dans un autre Etat membre ou dans un Etat tiers entre les mêmes parties dans un litige ayant le même objet et la même cause, lorsque la décision rendue antérieurement réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l'Etat membre requis.'
Considérant que, selon jugement du 13 octobre 2009, le tribunal de Varsovie centre, section III Affaires familiales et des mineurs a dit essentiellement que M.[G] [N] est le père de [C] [L] née le [Date naissance 4] 2007 à [Localité 8], fille de Mme [V] [P] [L], n'a pas attribué le nom de famille du père à [C] [L], et a ordonné à M.[G] [N] de verser à titre de pension alimentaire pour la mineure la somme de 1800 zlotys par mois à compter du 1er février 2008, payée d'avance avant le 10 de chaque mois, en main de la mère de l'enfant, avec les intérêts légaux en cas de manquement aux délais de paiement et de lui verser la somme de 6 000 zlotys avec intérêts légaux à compter du 5 mai 2008 à titre de dépenses liées à la grossesse et à l'accouchement, a ordonné à M.[G] [N] de verser pour le Trésor de l'Etat la somme de 1410 zlotys à titre des taxes judiciaires et celle de 2070 zlotys à titre de remboursement des frais de procédure, et à Mme [V] [L] le somme de 1200 zlotys à titre de remboursement des frais d'avocat ; que le jugement a été signifié à M.[G] [N] en même temps que la déclaration constatant son caractère exécutoire ;
Considérant que M.[G] [N] fait valoir que la déclaration du greffier en chef a été rendue en violation du règlement CE n°44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 car l'état et la capacité des personnes physiques sont exclus de son champ d'application et que le règlement CE 2201/2003 relatif à la compétence, à la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale exclut la reconnaissance des décisions relatives à l'établissement et la contestation de la filiation ; que, certes, la décision polonaise porte sur une question relative à l'état des personnes, laquelle est exclue du champ d'application du Règlement CE 44/2001, mais Mme [V] [P] [L] a indiqué expressément dans ses écritures à propos du jugement polonais qu'elle 'devait impérativement le rendre exécutoire par le biais d'une requête afin de pouvoir obtenir le paiement de la pension due pour [C]' ; que dès lors qu'elle ne sollicite pas la reconnaissance de la décision étrangère relative à la filiation paternelle de sa fille, que ce chef du jugement polonais est dissociable de celui de la question des obligations alimentaires, et qu'aucune disposition du règlement CE n°44/2001 ne lie le sort d'une obligation alimentaire accessoire à celui de la demande principale, la régularité du jugement doit être examinée au regard du dit règlement ;
Considérant que M.[G] [N] fait valoir que Mme [V] [P] [L] a saisi à tort le tribunal de Varsovie alors que, selon l'article 5-2 du règlement CE n°44/2001, une personne domiciliée sur le territoire d'un autre Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre en matière d'obligation alimentaire, devant le tribunal du lieu où le créancier d'aliments a son domicile ou sa résidence habituelle ou s'il s'agit d'une demande accessoire à une action relative à l'état des personnes, devant le tribunal compétent selon la loi du for pour en connaître, sauf si cette compétence est uniquement fondée sur la nationalité d'une des parties ; que cependant le contrôle de la compétence des juridictions de l'Etat membre d'origine est interdit au juge de l'exequatur, hormis les cas de violation des dispositions visées à l'article 35 point 1 à savoir les sections 3, 4, 6 du chapitre II et l'article 72 du Règlement, non visés en l'espèce;
Considérant que M.[G] [N] soutient que le jugement polonais contrevient à l'ordre public français au motif que la procédure devant le tribunal polonais s'est déroulée sans qu'il se voit signifier 'un acte de procédure ou un jugement portant ou non injonction de faire ou de ne pas faire, voire de payer quoi que ce soit' ; mais considérant que M.[G] [N] reconnaît qu'il a eu connaissance de l'acte introductif d'instance qui lui a été remis le 5 mai 2008 par la voie consulaire alors qu'il était en Italie ; que d'ailleurs M.[G] [N] a, le 22 décembre 2008, donné pouvoir à un avocat de le 'représenter dans toutes les étapes de la procédure judiciaire en recherche de paternité et en paiement d'aliments entamée par [M] [L]' ; qu'il a été invité à se présenter à trois reprises devant le délégué du Président du tribunal de Florence saisi par le tribunal de Varsovie, en vue de recueillir son accord sur un prélèvement sanguin, et que le juge italien relate dans une note du 14 février 2009 adressée au tribunal polonais que M.[G] [N] ne s'est pas présenté, arguant la première fois de ses vacances, la seconde fois d'une intervention chirurgicale justifiée par un certificat médical, et la troisième fois, par l'entremise de son 'mandataire judiciaire', d'une demande de révision déposée au tribunal de Varsovie ; qu'il a donc été en mesure d'assurer sa défense devant le tribunal polonais qui a rendu son jugement 18 mois après que l'acte introductif d'instance lui a été notifié ; qu'enfin, ont été produits des documents de nature à servir d'équivalents à la motivation défaillante, à savoir outre les documents sus-évoqués, des pièces sur les revenus des deux parties en vue de la fixation de l'obligation alimentaire ; que, par suite, aucun motif de non reconnaissance de la décision polonaise n'existant au sens de l'article 34, il convient de rejeter le recours contre la déclaration constatant le caractère exécutoire des dispositions pécuniaires du jugement du tribunal de Varsovie ;
Considérant que Mme [V] [P] [L] demande la condamnation de M.[G] [N] à lui verser des dommages et intérêts pour recours abusif et en compensation du préjudice subi du fait qu'il n'a pas payé la pension alimentaire et a laissé à l'abandon l'enfant ; que d'une part Mme [V] [P] [L] n'établit pas de circonstances particulières ayant fait dégénérer en abus le recours de M.[G] [N] et d'autre part, s'agissant d'une procédure d'exequatur de la décision polonaise, le juge de l'Etat requis qui accorde l'exequatur ne peut rien ajouter à la décision étrangère ; que Mme [V] [P] [L] est donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;
Qu'il convient de condamner M.[G] [N] qui succombe à payer à Mme [V] [P] [L] la somme de 2500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Par ces motifs,
Rejette le recours contre la déclaration du greffier en chef du tribunal de grande instance de Sens constatant le caractère exécutoire en France des dispositions pécuniaires du jugement rendu le 13 octobre 2009 par le tribunal de Varsovie, section III affaires familiales et des mineurs,
Condamne M.[G] [N] à payer à Mme [V] [P] [L] la somme de 2500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de dommages et intérêts formée par Mme [V] [P] [L] et rejette toute autre demande,
Condamne M.[G] [N] aux dépens et admet la SCP HARDOUIN, avoué, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT