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26/05/2011 | FRANCE | N°10/04196

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 26 mai 2011, 10/04196


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 2



ARRET DU 26 MAI 2011



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/04196



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Janvier 2010 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/10389





APPELANTS



FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT DE L'ENVIRONNEMENT DES TRANSPORTS ET DES SERVICES

agissan

t en la personne de son Secrétaire Général en exercice

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par la SCP OUDINOT-FLAURAUD, avoués à la Cour

assistée de Me Samuel GAILLARD, avocat ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRET DU 26 MAI 2011

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/04196

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Janvier 2010 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/10389

APPELANTS

FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT DE L'ENVIRONNEMENT DES TRANSPORTS ET DES SERVICES

agissant en la personne de son Secrétaire Général en exercice

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par la SCP OUDINOT-FLAURAUD, avoués à la Cour

assistée de Me Samuel GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0318

COMITE D'ETABLISSEMENT DE BRINK'S SECURITY SECURITE D'[Localité 5] SUD agissant en la personne de son secrétaire Général en exercice

c/o M.[W] [V] [K]

[Adresse 4]

[Localité 6]

représenté par la SCP OUDINOT-FLAURAUD, avoués à la Cour

assisté de Me Samuel GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0318

INTIMEES

Société ICTS FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par la SCP GAULTIER - KISTNER, avoués à la Cour

assistée de Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN, avocat au barreau de LYON, toque : 741

S.A.S BRINK'S SECURITY SERVICES prise en la personne de son Président

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Pascale BETTINGER, avoué à la Cour

assistée de Me Elodie CHRISTOPHE, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 avril 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine TAILLANDIER, Président

Madame Catherine BÉZIO, Conseiller

Madame Martine CANTAT, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Catherine BÉZIO, Conseiller, en remplacement de Madame Catherine TAILLANDIER, Président empêché

- signé par Madame Catherine BÉZIO, Conseiller, en remplacement de Madame Catherine TAILLANDIER, Président empêché et par Madame FOULON, Greffier présent lors du prononcé.

*******

Statuant sur l'appel formé par la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT DE L'ENVIRONNEMENT DES TRANSPORTS ET DES SERVICES et du COMITE D'ETABLISSEMENT DE BRINK'S SECURITY SERVICES D'[Localité 5] SUD à l'encontre d'un jugement rendu le 5 janvier 2010 par le Tribunal de Grande Instance de Paris qui a :

- Condamné ICTS FRANCE à payer à la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT DE L'ENVIRONNEMENT DES TRANSPORTS ET DES SERVICES la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale ;

- Condamné ICTS FRANCE à payer à la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT DE L'ENVIRONNEMENT DES TRANSPORTS ET DES SERVICES la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 28 avril 2011 de la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT DE L'ENVIRONNEMENT DES TRANSPORTS ET DES SERVICES et du COMITE D'ETABLISSEMENT DE BRINK'S SECURITY SERVICES D'[Localité 5] SUD, appelants, qui demande à la Cour de:

- Infirmer le Jugement rendu le 5 janvier 2010 par le Tribunal de Grande Instance de Paris en ce qu'il a débouté la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT DE L'ENVIRONNEMENT DES TRANSPORTS ET DES SERVICES et du COMITE D'ETABLISSEMENT DE BRINK'S SECURITY SERVICES D'[Localité 5] SUD de leurs demandes relatives à l'application des dispositions de l'article L1224-1du code du travail et du transfert des institutions représentatives du personne, et ce qu'il a limité le montant des dommages-intérêts pour discrimination syndicale à la somme de 10.000 euros et celle de l'article 700 à 3.000 euros ;

- Condamner la société ICTS FRANCE au paiement de la somme de 30.000 euros au profit de la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT DE L'ENVIRONNEMENT DES TRANSPORTS ET DES SERVICES, pour discrimination syndicale ;

- Dire que le transfert de chacun des marchés IFBS et IFP d'[Localité 5] Sud de BRINK'S SECURITY SERVICES vers ICTS FRANCE entraîne l'application des dispositions de l'article L1224-1 du code du travail ;

- Dire que les institutions représentatives du personnel existantes au sein de l'établissement [Localité 5] Sud, regroupant les marchés IFBS et IFP ont été transférées de la société BRINK'S SECURITY SERVICES vers ICTS FRANCE ;

- Condamner ICTS FRANCE au profit de la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT DE L'ENVIRONNEMENT DES TRANSPORTS ET DES SERVICES et du COMITE D'ETABLISSEMENT DE BRINK'S SECURITY SERVICES D'[Localité 5] SUD au paiement de la somme de 6.069,70 euros au titre des frais de première instance, et de 2.500 euros au titre des frais d'appel soit une somme totale de 8.569,70 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner ICTS FRANCE au dépens

- Autoriser la SCP OUDINOT FLAURAUD, avoué, à se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 28 avril 2011 de la SA, ICTS FRANCE, intimé, qui demande à la Cour de :

- Infirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 5 janvier 2010 en ce qu'il a condamné la concluante au paiement des sommes de 10.000 euros à titre de dommages intérêts pour discrimination syndicale et 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le confirmer pour le surplus ;

- Débouter, en conséquence, la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT DE L'ENVIRONNEMENT DES TRANSPORTS ET DES SERVICES et du COMITE D'ETABLISSEMENT DE BRINK'S SECURITY SERVICES D'[Localité 5] SUD de l'ensemble des demandes qu'ils formulent,

- Dire, à tout le moins, que le COMITE D'ETABLISSEMENT DE BRINK'S SECURITY SERVICES D'[Localité 5] SUD n'a pas d'intérêt à agir au titre d'une prétendue discrimination syndicale ;

- Condamner, en tout état de cause, les appelants au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 28 avril 2011 de la SAS, BRINK'S SECURITY SERVICES, intimé, qui demande à la Cour de :

- Dire que l'article L1224-1 du code du travail n'avait pas à s'appliquer ne l'espèce ;

- Dire que la SAS, BRINK'S SECURITY SERVICES a fait une parfaite application des dispositions de l'accord du 5 mars 2002 ;

- Dire que la SAS, BRINK'S SECURITY SERVICES n'a été à l'origine d'aucune discrimination syndicale ;

- Dire que les institutions représentatives du personnel n'avaient pas à être transférées ;

- Débouter la fédération Force Ouvrière de ses demandes ;

- La Condamner à 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR

Considérant qu'il est constant que la société Aéroport de Paris (ci-après ADP) sous-traite la sécurité sur les sites dont elle a la charge et notamment aux sociétés ICTS et BRINK'S SECURITY SERVICES (ci-après BRINK'S) dont l'activité principale est la surveillance des sites et des personnes et la sécurité aéroportuaire ; qu'elles dépendent toutes deux de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité ;

Considérant qu'en 2008 ADP a procédé au renouvellement de plusieurs marchés de sous-traitance de la sûreté aéroportuaire de ses deux plateformes de [Localité 6] Charles de Gaulle et [Localité 6] [Localité 5] ; que cette procédure s'est achevée en le 22 janvier 2009 par un changement complet des différents prestataires ; que s'agissant d'[Localité 5] Sud, les activités alors exercées par la Brinks ont été transférées à ICTS qui ne détenait, jusqu'à lors, aucun marché sur ce site ;

Considérant que les sociétés BRINK'S et ICTS dépendent de l'accord de branche du 5 mars 2002 concernant les entreprises de prévention et de sécurité relatif à la reprise de personnel et prévoyant un taux de reprise des salariés du prestataire évincé par la nouveau prestataire de 85% minimum ; que dans le cas particulier des transferts de marché ADP, les entreprises sous-traitantes ont conclu un accord le 22 janvier 2009 augmentant ce taux de reprise à 92,5% ;

Sur la discrimination syndicale

Considérant que d'après les articles L1132-1 et L1134-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement, de reclassement, d'affectation ou de mutation en raison d'activités syndicales ; qu'il incombe au demandeur d'apporter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et qu'il appartient alors au défendeur "de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

Considérant qu'à titre liminaire, il convient d'indiquer qu'en premier lieu le COMITE D'ETABLISSEMENT DE BRINK'S SECURITY SERVICES D'[Localité 5] SUD ne justifie d'aucun intérêt à agir dans la mesure où l'objet du litige apparaît étranger aux attributions que les articles L2323-1 et suivants du code du travail lui confient ;

Qu'en second lieu, la société ICTS ne peut valablement soutenir que la procédure de transfert prévue par l'accord du 22 janvier 2009 ne serait pas soumis à l'article L1132-1 du code du travail précité, dans la mesure où les entretiens d'évaluation effectués par la société ICTS en vu du transfert des salariés BRINK'S s'apparente à un entretien de recrutement car il y avait moins de place que de candidats et que selon une attestation d'une salariée en charge de ces évaluations produites par la société ICTS, ces entretiens avaient pour but de "vérifier les contraintes horaires des agents, connaître leur motivation et leur expliquer le fonctionnement de la société (planning, paye...) [...] Suite aux entretiens, nous avons eu des débriefings avec la responsable des ressources humaines afin d'évoquer chaque agent et leur motivation" ; que par conséquent, la procédure de transfert doit être étudiée au regard de l'article L1132-1 du code du travail;

Considérant qu'en l'espèce le transfert des salariés de la société BRINK'S vers la société ICTS pour le site d'[Localité 5] Sud a été effectué le 16 mars 2009 ; qu'au vu des pièces produites par les appelants, sur les 162 salariés transférables - 160 transférables immédiatement - 13 salariés n'ont pas été retenus, soit six élus Force Ouvrière en les personnes de M. [K], M. [E], M. [U], M. [D], Mme [X], Mme [RZ], une élue CGT, Mme [Y] et ainsi que six autres salariés sympathisants syndicaux, qui auraient pris part à de nombreuses grèves, dont celle du 29 janvier 2009 pour cinq d'entre eux ; qu'ils font également observer que concernant les septs membres du comité d'établissement, seuls deux ont été transférés : le "candidat libre" en la personne de M. [A] et Mme [G] qui après son élection n'aurait jamais participé à aucune réunion ; que cela représente un taux de transfert de 40% pour le syndicat FO et 16,6% pour les membres du comité d'établissement, à comparer avec les 92,5% obligatoire de salariés transférés ; qu'enfin, les appelants versent différentes attestations des membres FO du comité d'établissement ainsi que des correspondances échangées avec ICTS dont il ressort que les salariés en cause avaient tous fait acte de candidature et que la société ICTS n'a justifié son refus de les transférer que par un courrier type contenant notamment la phrase suivante : "Malgré l'intérêt de votre parcours, il est apparu que d'autres profils nous ont semblé plus adaptés à nos attentes" ;

Qu'ainsi ces différents éléments non sérieusement contestables, laissent supposer l'existence d'une discrimination d'ordre syndical ;

Considérant que la société ICTS quant à elle, rapporte notamment en premier lieu qu'elle n'avait pas connaissance des personnes ayant une activité syndicale au moment des évaluations et l'étaye par la production de deux mails en date du 2 et 13 mars 2009 entre la directrice des ressources humaines de la société ICTS, Madame [IU] [B], et un responsable des ressources humaines Brink's, Monsieur [P] [J] ; que dans le premier mail, la DRH ICTS demandait la liste des salariés protégés et pouvant faire l'objet du transfert, liste qui fut ensuite communiquée dans le second mail ; qu'elle produit également les attestations de deux délégués syndicaux central ICTS, Monsieur [N] [O] et Monsieur [L] [Z] rapportant qu'ils n'ont jamais fait l'objet de discrimination syndicale de la part de la DRH ICTS, Madame [IU] [B] ; qu'elle verse des attestations de salariés expliquant qu'aucune des personnes de la société ICTS n'a eu accès au site auparavant géré par la société BRINK'S avant le transfert et qu'ils ne pouvaient par conséquent avoir lu les panneaux d'affichage où apparaissaient les noms des élus syndicaux ;

Qu'en second lieu, la société ICTS produit en cause d'appel les fiches d'évaluation établies lors du transfert et qui comporte des notes manuscrites selon lesquelles :

- Monsieur [K] se serait montré agressif - "tape sur la table"- , aurait eu une tenue négligée - "pas rasé, cheveux longs négligés, veste militaire sale" - et des problèmes de compétence ;

- Monsieur [H] se serait plaint des uniformes ICTS, de la salle de repos tout en ayant un regard fuyant ;

- Madame [X] aurait eu une attitude très familière : "chewing gum ; tutoyement" et aurait "dénigre[r] ICTS avant même de connaître la société" ;

- Monsieur [U] aurait des problèmes de polyvalence : "ne peut effectuer de palpation";

- Monsieur [D] aurait donné toute satisfaction lors de l'entretien mais étant coordinateur, l'accord ne permettait pas de lui proposer un poste d'opérateur ;

- Monsieur [E] aurait été très familier - "tutoyement" - et la personne en charge de de l'évaluation aurait émis des réserves quant à ses qualités opérationnelles ainsi qu'à sa volonté de rejoindre la société ICTS ;

Considérant que ces fiches d'évaluations, dont le contenu n'est par ailleurs corroboré par aucune autre pièce, ne comportent pas de critères objectifs ou de grille d'évaluation permettant de comprendre les motivations de la société ICTS d'accepter ou de refuser le transfert d'un salarié au profit d'un autre ; que par ailleurs la société ICTS ne produit ni les fiches d'évaluation de salariés repris ni un compte rendu des réunions des ressources humaines, ayant lieu après les entretiens d'évaluation, qui auraient permis à la Cour de comparer les profils des salariés transférées avec ceux se disant victimes de discrimination syndicale ; qu'enfin, il n'est pas sérieusement établi que la société ICTS n'avait pas connaissance des personnes faisant l'objet d'un mandat syndicale au sein de la société BRINK'S dans la mesure où par exemple, Monsieur [K], salarié non repris,"négocie[ les accords au niveau de la branche professionnelle. Il est donc connu de toutes les sociétés travaillant dans la sécurité aéroportuaire et en particulier de Madame [IU] [B], qui participait en sa compagnie à la négociation du 10/12/08 comme le prouve la feuille d'émargement.", d'après le procès-verbal n°10/34 du 2 août 2010 de l'inspection du travail, non contesté ;

Qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la société ICTS ne produit aucun élément convaincant venant établir que sa décision de ne pas reprendre ces salariés était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que par conséquent, il convient de confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 5 janvier 2010 en ce que cette juridiction a condamné la SA ICTS FRANCE à payer à la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT DE L'ENVIRONNEMENT DES TRANSPORTS ET DES SERVICES une indemnité dont le montant, fixé à 10 000 € a été justement évalué par le tribunal ;

Sur l'application des dispositions de l'article L1224-1 du code du travail

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L1224-1 du code du travail que lorsqu'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds , mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; que ce texte s'applique à tout transfert d'une entité économique correspondant à un ensemble organisé de personnes et d'éléments permettant la poursuite d'une activité économique qui poursuit un objectif économique propre ;

Considérant que les appelants, pour dire l'article L1224-1 du code du travail applicable en l'espèce font valoir, en premier lieu, que les éléments corporels utilisés par la société BRINK'S et ICTS pour la réalisation de leurs prestations sur le site d'[Localité 5] Sud sont mis à disposition par ADP à savoir, les systèmes de détections et de scan des bagages pour l'activité IFBS - "bagages de soute" - dont le prix unitaire serait compris entre 380.000 euros et 2,3 millions d'euros, le site d'[Localité 5] Sud en comptant 10 ; que pour l'activité IFP - "contrôle des salariés et du personnel de vol en zone réservé" - il s'agit de portiques à rayons X ou de portiques pour une personne d'un prix unitaire en 2003 entre 6.000 euros et 38.000 euros, que par ailleurs un dispositif de contrôle biométrique aurait été mis en place par ADP en 2002 et 2003 pour un coût de plus de 3 millions d'euros ; que néanmoins pour l'activité IFP, ces chiffres n'individualisent pas les montants suivant les différents sites gérés par ADP ;

Qu'en deuxième lieu, ils exposent qu'à l'exception du chef d'agence, tous les cadres et responsables ont vu leur contrat transféré vers la société ICTS, soit 23 coordinateurs, 5 chefs d'équipe et 3 superviseurs sur 164 salariés, qu'il en est ainsi de responsable de l'encadrement à l'image de la gestionnaire RH qui ne s'occupait pourtant qu'à 50% du site d'[Localité 5] Sud ; qu'à cet égard, ils indiquent que l'organigramme fourni par les intimés daterait car plusieurs personnes y figurant seraient inconnues du représentant du personnel et du Comité d'établissement ; qu'en tout état de cause, le Chef d'agence, au moment du transfert, n'était pas la personne indiquée par l'organigramme ;

Qu'en dernier lieu, s'il est vrai que l'activité fret d'[Localité 5] Sud est resté réservée à la société BRINK'S, cela ne doit pas faire obstacle aux dispositions de l'article L1224-1 du code du travail puisque cela ne concernerait qu'une dizaine de salariés ;

Considérant qu'au contraire, la société ICTS répond tout d'abord que la société BRINK'S ne lui a transféré aucun équipement dans le cadre de ce service et que par conséquent, elle utilise son propre logiciel de planification, ses propres moyens de communication internes (talkie walkie, téléphones), ses propres magnétomètres - dont une vingtaine seraient nécessaires - avec un prix unitaire de 200 euros, ses propres véhicules, badges aéroportuaires et uniformes ; que les seuls éléments matériels mis à sa disposition l'ont été par le donneur d'ordre, ADP ;

Qu'ensuite, l'ensemble du personnel nécessaire à l'exploitation de l'activité considérée n'a pas été concerné par le transfert comme l'indique la liste de salariés dit "transversaux" et composée du chef d'agence Monsieur [DH] [R], du plannificateur, Monsieur [I] [S], du responsable RH, Monsieur [P] [J], du responsable Qualité Sûreté ([Localité 5] et [Localité 7]), Monsieur [FM] [F], du responsable planning ([Localité 5] Sud et Ouest) et du chargé de recrutement [C] [M] ; que cette liste est néanmoins contestée par les appelants car Monsieur [F] et Madame [T] ne seraient pas connus des responsables du personnel ni des délégués syndicaux ;

Qu'enfin, l'entité économique n'aurait pas conservé son identité dans la mesure où le périmètre d'activité de la société ICTS et de la société BRINK'S ne serait pas identique du fait de l'intervention de cette dernière sur l'activité fret d'[Localité 5] Sud, dont n'a pas à connaître la société ICTS ;

Considérant que certes la seule perte d'un marché au profit d'un concurrent ne peut entraîner automatiquement le transfert de tous les contrats de travail ; qu' il n'en demeure pas moins - au vu des éléments produits aux débats par les parties - que la prestation de contrôle des personnes et des bagages au sein du site d'[Localité 5] Sud était identique d'un prestataire à l'autre, peu important que l'activité du contrôle du fret, minime quant au nombre de salariés en cause, ne soit pas reprise ;

Que tout le personnel composé des agents de sécurité, des coordinateurs, des chefs d'équipes et des superviseurs spécialement et exclusivement affecté de manière incontestable à l'activité de surveillance du site [Localité 5] SUD a bien été transféré dans sa totalité ;

Considérant qu'en outre, le transfert des moyens d'exploitation nécessaires à la poursuite de l'activité de l'entité peut être indirect ; qu'en l'espèce, les divers portiques de sécurité et scanners sont mis à la disposition des prestataires de services successifs par le donneur d'ordre ADP ; que le coût de ce matériel est bien supérieur à celui des éléments apportés par le prestataire entrant ; qu'en l'absence de ces portiques de sécurité et divers scanners, les sociétés BRINK'S que ICTS ne pourraient exercer l'activité de sécurité et de contrôle des bagages et des personnes sur le site d'[Localité 5] Sud ; qu'étant donné son coût important et son caractère indispensable, ce matériel représente des éléments d'exploitations nécessaires et significatifs caractérisant un transfert de moyens d'exploitation, peu important que d'autres matériels aient été apportés par le nouvel exploitant ;

Qu'ainsi la reprise du personnel et de son encadrement, le transfert indirect du matériel indispensable à ce type d'activité, la maintien du périmètre de l'activité de sécurité du site d'[Localité 5] Sud caractérisent un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels permettant l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre ;

Considérant que les éléments d'une entité économique autonome, conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise étant en l'espèce réunis, il convient de faire application de l'article L1224-1 du code du travail au transfert de marché IFBS et IFP d'[Localité 5] Sud de la SAS BRINK'S SECURITY SERVICES vers la SA ICTS et non pas des dispositions de l'accord du 22 janvier 2009 et par conséquent d'infirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris sur ce point ;

Sur le transfert des institutions représentatives du personnel

Considérant que la loi du 28 octobre 1982, insérée dans le code du travail énoncé qu'en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, telle que mentionnée à l'article L1224-1, le mandat des institutions représentatives du personnel de l'entreprise ayant fait l'objet de la modification subsiste lorsque cette entreprise conserve son autonomie et reste un établissement distinct ;

Considérant que la directive 77/187/CEE sur la pérennité des institutions représentative du personnel et la protection de leurs membres en cas de transfert d'entreprise a été transposée par la loi du 28 octobre 1982 ; que cette loi a prévu le maintien des mandats des délégués syndicaux, des délégués du personnel, du comité d'entreprise et du comité central d'entreprise mais sans s'intéresser au cas des membres du CHSCT ; que les membres du CHSCT étant des institutions représentatives du personnel au sens de la directive précitée, il convient, pour étudier le transfert des membres du CHSCT, de faire application des dispositions du code du travail ,issues de la loi du 28 octobre 1982;

Considérant qu'en l'espèce, comme dit précédemment dans les développements relatifs à l'application des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail la société ICTS FRANCE, a conservé le périmètre d'activité de contrôle des bagages et des personnes, autrefois dévolu à la société BRINK'S ; qu'il ressort, d'ailleurs des lettres envoyées aux salariés convoqués aux entretiens par ICTS France, qu'il est décidé de "maintenir le périmètre actuel", -peu important, que l'activité de contrôle du fret, minime, ne soit pas reprise ;

Qu'elle exerce cette activité dans les mêmes locaux que son prédécesseur, avec le même matériel mis à sa disposition par le donneur d'ordre ADP ; que le personnel et son encadrement a été conservé dans sa quasi-intégralité ;

Considérant qu'ainsi l'établissement [Localité 5] Sud a conservé son autonomie et est resté un établissement distinct, que par conséquent, il y a lieu d'infirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris sur ce point et de constater le transfert des institutions représentatives du personnel existantes au sein de l'établissement [Localité 5] Sud de la société BRINK'S, vers la société ICTS ;

Considérant que les circonstances de l'espèce conduisent à condamner la société ICTS FRANCE, SA à verser à la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT DE L'ENVIRONNEMENT DES TRANSPORTS ET DES SERVICES et au COMITE D'ETABLISSEMENT DE BRINK'S SECURITY SERVICES D'[Localité 5] SUD la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ; que la condamnation prononcée de ce chef par les premiers juges sera confirmée;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en ce que le tribunal a condamné la Société ICTS France SA au paiement de la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale et de la somme de 3000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Dit que les dispositions de l'article L1224-1 du code du travail sont applicables au transfert des marchés IFBS et IFP du site d'[Localité 5] Sud de la SAS BRINK'S SECURITY SERVICES vers la société ICTS France SA ;

Constate le transfert des institutions représentatives du personnel existantes au sein de l'établissement [Localité 5] Sud de la SAS BRINK'S SECURITY SERVICES vers la société ICTS France SA ;

Condamne la société ICTS FRANCE, SA à verser à la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT DE L'ENVIRONNEMENT DES TRANSPORTS ET DES SERVICES et au COMITE D'ETABLISSEMENT DE BRINK'S SECURITY SERVICES D'[Localité 5] SUD la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens de première instance et d'appel ;

Déboute les parties de toute demande plus ample ou contraire ;

Autorise la SCP OUDINOT-FLAURAUD, avoués, à recouvrer les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure Civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 10/04196
Date de la décision : 26/05/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°10/04196 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-05-26;10.04196 ?
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