COUR D'APPEL DE PARISPôle 1 - Chambre 5
ORDONNANCE DU 25 MAI 2011
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/06213
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mars 2011Juge de l'exécution de PARIS - RG No 10/81155
Nature de la décision : Rendue par défaut
NOUS, Joëlle BOURQUARD, Président de chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.
Vu l'assignation en référé délivrée à la requête de :
SA ROMAK SA GENEVA société de droit suisse112, rue des Eaux-Vives12050 GENEVE - SUISSE
représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Courassistée de Me Christophe AYELA de la SELAS MAYER BROWN, avocats au barreau de PARIS, toque : L 09
DEMANDERESSE
à
ETAT DE LA RÉPUBLIQUE D'OUZBEKISTANBureau administratif Yzbekskaya St no 43700163 TACHKENT-REPUBLIQUE D'OUZBEKISTAN
représenté par Me Francois TEYTAUD, avoué à la Courassisté de Me Clotilde NORMAND de la SCP BAKER et MC KENZIE, avocats au barreau de PARIS, toque : P 445
UZDONTASHKENT City SHAXRISABZ Street 36100060 REPUBLIQUE D'OUZBEKISTAN
non comparante ni représentée
DÉFENDEURS
POUR DÉNONCIATION :
SA HSBC FRANCE39 rue Bassano75008 PARIS
Et après avoir entendu les conseils des parties lors des débats de l'audience publique du 04 Mai 2011 :
La société ROMAK SA GENEVA, société de droit suisse, est appelante du jugement rendu le 18 mars 2011 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris qui l'a notamment déboutée de sa demande tendant à dire qu'UZDON serait une émanation de l'Etat d'OUZBEKISTAN et à ce titre débiteur de sa dette envers elle et prononcé la nullité de la saisie attribution pratiquée par elle le 30 novembre 2009 sur le compte ouvert dans les livres d'HSBC au préjudice de la République d'OUZBEKISTAN et ordonné sa main levée, la condamnant à payer à la République d'OUZBEKISTAN une indemnité de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle a assigné l'Etat d'OUZBEKISTAN et UZDON TASHKENT devant le délégataire du premier président afin d'obtenir qu'il soit sursis à l'exécution de cette décision et que l'Etat d'OUZBEKISTAN soit condamné à lui verser une indemnité de 60 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle rappelle au soutien de sa requête qu'elle a conclu en juillet 1996 avec l'Etat d'OUZBEKISTAN, via son entité UZDON, un contrat d'approvisionnement de blé à moudre aux termes duquel elle s'est engagée à livrer 50 000 tonnes métriques de blé, qu'ayant satisfait à son obligation et n'ayant pas obtenu paiement du prix convenu, elle a finalement obtenu par sentence arbitrale devenue définitive selon arrêt de la High court of Justice du 28 janvier 1999, dont elle a obtenu l'exequatur selon arrêt définitif de la cour d'appel de Paris du 7 octobre 2005, la condamnation de la société UZDON à lui payer notamment la somme de 10 510 629, 12 $ US et en vertu de ces décisions, elle a procédé le 30 novembre 2009 à la saisie attribution des fonds sur les comptes bancaires ouverts par l'Etat d'OUZBEKISTAN dans les livres de la société HSBC.
Elle estime essentiellement qu'UZDON constitue à l'évidence une émanation de l'Etat d'OUZBEKISTAN comme en étant la propriété, n'ayant aucune autonomie ni aucun patrimoine propre et qu'en toute hypothèse, l'Etat d'OUZBEKISTAN est responsable de ses dettes et elle soutient par ailleurs que l'Etat d'OUZBEKISTAN n'est pas fondé à invoquer son immunité d'exécution, les biens figurant sur ses comptes en vertu du critère d'affectation des biens (les sommes portées à ce compte étant pour partie affectées au remboursement d'un prêt consenti par une société de droit japonais) et que de plus, il a expressément, par acte juridique, renoncé au bénéfice de cette immunité. Elle en déduit que le jugement dont appel a des chances sérieuses de réformation justifiant qu'il soit sursis à son exécution.Elle précise que le jugement ne pouvait estimer qu'UZDON avait des capitaux propres en se fondant sur des éléments datant de 2001 alors qu'il n'était pas justifié de cette circonstance à la date de la convention et des livraisons, que de même, le jugement ne pouvait retenir des statuts d'UZDON dont il n'est pas établi qu'ils aient existé en 1996.
L'Etat d'OUZBEKISTAN s'oppose à cette demande en l'absence de moyen sérieux de réformation ou d'annulation du jugement et demande la condamnation de la requérante à lui verser une indemnité de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.Il relève que la requérante se contente de reprendre les moyens exposés dans ses conclusions de première instance sans expliquer en quoi la motivation du jugement serait critiquable ; il estime que le jugement a exactement retenu qu'UZDON n'était pas une émanation de l'Etat d'OUZBEKISTAN même s'il a retenu qu'elle serait fonctionnellement et financièrement dépendante de la société Uzkhleboprodukt, qu'il relève en effet des statuts et du fonctionnement effectif des sociétés UZDON et Uzkhleboprodukt dont la première est la filiale à 8, 4 % que ces deux sociétés privées bénéficient d'une indépendance fonctionnelle et que si le jugement a estimé qu'UZDON ne disposait pas d'une indépendance patrimoniale vis-à-vis de la société mère alors qu'elle a agi en qualité de commissionnaire à l'achat, ce qui justifie qu'elle reçoive commettant le financement des marchandises, son patrimoine, en tant que commissionnaire ne se confond pas avec celui du commettant ainsi que le retient le jugement.
A titre subsidiaire, l'Etat d'OUZBEKISTAN soutient qu'il bénéficie d'une immunité d'exécution à laquelle il n'a nullement renoncé, que le compte faisant l'objet de la saisie n'est en effet pas saisissable à défaut d'être non seulement affecté à la même activité économique et commerciale que celle qui donne lieu à la demande en justice et qu'il ne saurait être tiré de sa renonciation spéciale du privilège de juridiction et d'exécution à l'égard du Crédit Commercial de France dans le cadre du protocole de nantissement, une renonciation générale.
Régulièrement assignées, UZDON et la société HSBC FRANCE SA ne se sont ni présentées ni fait représenter à l'audience.
SUR CE,
Considérant qu'aux termes de l'article 31 du décret du 31 juillet 1992 le premier président peut accorder un sursis à l'exécution des mesures prises par le juge de l'exécution s'il existe des motifs sérieux d'annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour ;
Considérant qu'en l'espèce, étant préalablement relevé que l'assignation en référé suspension reprend les prétentions de la demanderesse en première instance sans caractériser de motifs sérieux de réformation ou d'annulation du jugement dont appel, que la requérante au soutien de ses prétentions développées oralement s'est fondée sur les pièces 13, 14, 15, 24, 25, 26, 27, 29, 31, 58, 61 pour estimer que le jugement avait à tort déduit (page 9), en se fondant sur éléments datant de 2001, qu'UZDON avait des capitaux propres alors que cette circonstance n'était pas avérée à l'époque où elle a contracté sa dette, que de même, le jugement ne pouvait se fonder sur les statuts d' UZDON dont l'existence en 1996 n'est pas établie ;
Mais considérant que le jugement, particulièrement motivé, a pu utilement se fonder sur les statuts de la société UZDON dès lors que par principe ils précèdent ou suivent directement la création d'une société et que la société ROMAK SA GENEVA ne démontrait pas leur inexistence à la date de passation du marché ; que le jugement a procédé minutieusement à l'analyse de chaque pièce pour assoir sa décision, qu'il a notamment analysé les pièces invoqués par la requérante : lettre du 12 septembre 2003 (pièce 61), lettres du 27 mars 1997 (pièce 58), des 20 mars et 27 mars 1997 (pièces 18 - 31) et l'ensemble des écrits échangés entre les parties ; que contrairement à ce que soutient la requérante, le jugement, pour écarter le fait qu'UZDON serait une émanation de l'Etat, retient un faisceau d'indices complémentaires et non seulement la statistique étatique de 2001 et les statuts d'UZDON ;
Que dès lors que le jugement écarte le concept d'émanation de l'Etat et ne se donc prononce pas sur l'immunité, l'argumentation des parties sur cette question est sans incidence sur la demande de sursis à exécution ;
Et considérant qu'il résulte de ce qui précède que la motivation du jugement ne révèle à priori pas de motifs sérieux moyens d'annulation ou de réformation justifiant qu'il soit sursis à exécution ; que la demande sera en conséquence rejetée ;
Considérant que l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile ; que la requérante doit supporter les dépens ;
PAR CES MOTIFS
Rejetons la demande de sursis à exécution,
Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamnons la société ROMAK SA GENEVA aux dépens de la présente procédure.
ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
La GreffièreLa Présidente