Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRET DU 25 MAI 2011
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/22122
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Octobre 2009 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 09/00024
APPELANTES
Madame [T] [D] épouse [B]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Madame [C] [L] épouse [W]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentées par la SCP MIREILLE GARNIER, avoués à la Cour
assistées de Me Isabelle de KERDANIEL, avocat au barreau de PARIS, toque : L 193
INTIMEE
SOCIETE CREDIT LYONNAIS
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour
assistée de Me Nicole POIRIER plaidant pour la SCP POIRIER SCHRIMPF & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R 228
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 mars 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame BARTHOLIN, Présidente chargée du rapport et Madame DEGRELLE-CROISSANT, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame BARTHOLIN, Présidente
Madame IMBAUD-CONTENT, Conseiller
Madame DEGRELLE-CROISSANT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame BASTIN.
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame BARTHOLIN, Présidente, et par Madame BASTIN, greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Faits et procédure :
Suivant acte sous seing privé en date du 30 mai 2002 enregistré à la recette des impôts le 13 septembre 2002, Madame [D] épouse [B], Madame [Y] divorcée [O] , Madame [L] épouse [W] et Messieurs [F] et [A] [O] , aux droits desquels se trouve Madame [C] [L], épouse [W] et Madame [T] [D] épouse [B] depuis le 31 janvier 2007 , ont donné à bail en renouvellement à la société Crédit Lyonnais pour neuf années à compter du 1° avril 2000 moyennant un loyer de 42 685, 72€ en principal ht et hc divers locaux commerciaux dépendant d'un immeuble situé [Adresse 2] se composant de :
-tout le rez de chaussée , moins loge , vestibule d'entrée et courettes , une boutique en façade sur les rues précitées, avec accès sur la rue [Adresse 2] et sanitaires,
-au premier étage, un logement avec accès par l'escalier principal de l'immeuble composé d'une entrée, WC, un local froid, une pièce à office de salle à manger avec coin cuisine, un débarras;
-au sous sol, par accès direct par la boutique : la salle des coffres, par accès principal de l'immeuble , une ancienne fosse à usage de chaufferie pour chauffage central, une cave supplémentaire à usage de chaufferie, gaz .
Par acte d'huissier du 23 septembre 2008, les bailleresses ont donné congé avec offre de renouvellement du bail à compter du 1° avril 2008 moyennant un loyer de 110 000€ ;
Par lettre du 4 décembre 2008, la société locataire a accepté le principe du renouvellement et proposé un loyer de 62 000€ .
Après échange de mémoires et après avoir saisi la commission départementale de conciliation, , les bailleresses, soutenant que le loyer devait être fixé suivant les règles applicables aux locaux à usage de bureaux ont fait assigner la société locataire devant le juge des loyers en demandant la fixation du prix du loyer du bail renouvelé au montant de 110 000€ par an, demandant subsidiairement la désignation d'un expert ;
La locataire a répliqué que les dispositions de l'article R 145-11 du code de commerce étaient inapplicables en l'absence de clause de destination alors que les locaux ne sont pas à usage exclusif de bureaux,
Par jugement du 5 octobre 2009, le tribunal de grande instance de Creteil a :
-dit que les dispositions de l'article R 145-11 du code de commerce sont inapplicables en l'espèce, et débouté Madame [B] et Madame [W] de leur demande ,
-fixé à 62 999, 99€ par an en principal le loyer du bail renouvelé à compter du 1° avril 2009;
-dit que les intérêts au taux légal seront dus sur les rappels de loyer à compter du 1° avril 2009 et au fur et à mesure de leur exigibilité ;
-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ,
Mesdames [T] [D] épouse [B] et [C] [L] épouse [W] ont interjeté appel de cette décision ; elles demandent à la cour de débouter la société Crédit Lyonnais de ses demandes, d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de dire et juger que le procès- verbal de transaction conclu le 30 mai 2002 concomitamment à la signature du bail et ayant comme tel autorité de chose jugée entre les parties, est indissociable de l'acte de renouvellement avec les conséquences qui en découlent,
Elles demandent de dire et juger qu'en tout état de cause, il s'évince de la commune intention des parties, qu'elles avaient convenu de restreindre à la seule activité bancaire les activités commerciales précédemment autorisées et ce tant en raison de l'activité effectivement exploitée depuis des décennies par le Crédit Lyonnais qu'en cas de cession ou sous location,
De dire et juger que cette destination a pour conséquence la fixation du loyer du bail renouvelé conformément aux dispositions de l'article R 145-11 du code de commerce et la jurisprudence qui en découle ,
De fixer à 110 000€ en principal le montant du loyer annuel dû en renouvellement à compter du 1° avril 2009,
De dire que les intérêts au taux légal seront dus sur tout rappel de loyer à compter de chaque échéance avec capitalisation des intérêts,
A titre subsidiaire, de dire que les intérêts seront dus au taux légal avec capitalisation à compter de l'assignation du 9 juin 2009,
Subsidiairement, ordonner une mesure d'expertise afin d'évaluer la valeur locative des locaux,
Dans cette hypothèse, fixer le montant du loyer à titre provisionnel à la somme de 62 999, 99€ ,
En tout état de cause, condamner la société Crédit Lyonnais à payer à Mesdames [B] et [W] la somme de 10 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la scp Mireille Garnier avoué .
La société Crédit Lyonnais demande à la cour de confirmer le jugement déféré, en ce qu'il a dit et jugé que le loyer devait être fixé par application de la règle du plafonnement et le fixer à la somme de 63 000, 96€ par an ht et hc au lieu de 62 999, 99€ , de dire et juger que les compléments de loyers porteront intérêts à compter de l'arrêt à intervenir , de débouter Mesdames [B] et [W] de toutes leurs demandes et à titre infiniment subsidiaire, de dire et juger que la valeur locative ne saurait excéder la somme de 63 270€ par an ht et hc à la date du 1° avril 2009 et que les compléments de loyers ne porteront intérêts à compter de l'arrêt à intervenir ,
En tout état de cause, elle demande de condamner Mesdames [B] et [W] à lui payer la somme de 10 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens dont droit de recouvrement au profit de la scp Hardouin avoué .
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures signifiées le 8 mars 2011 pour Mesdames [B] et [W] et le 8 mars 2011 également pour la société Crédit Lyonnais . Leurs moyens seront examinés au cours de la discussion .
MOTIFS
Mesdames [B] et [W] font valoir que la décision des premiers juges méconnaît l'objet et la portée des conventions des parties et le principe d'interprétation qui régit les conventions ;
Qu'il y lieu de rechercher la commune intention des parties lesquelles ont signé un accord en vue de mettre fin aux instances en cours en précisant à cette occasion les modalités de renouvellement du bail ;
Que même si toutes les clauses du procès verbal de transaction n'ont pas été transposées de façon explicite dans le nouveau bail, il n'en demeure pas moins que la commune intention des parties en mettant fin au litige qui les opposaient a bien été d'apporter une novation explicite à leurs relations impliquant la destination des lieux ;
Que les stipulations de l'ancien bail, en l'absence de toute précision sur la destination des lieux, autorisaient manifestement la cession ou sous location en vue de l'exploitation d'un commerce différent de l'activité d'agence bancaire .
Que le bail exclut désormais toute faculté pour le Crédit Lyonnais de céder son droit au bail en vue d'une autre activité que celle d'agence bancaire et qu'il en est de même pour la sous location,
Que même en s'attachant au seul bail renouvelé, il reste qu'en considération de la qualité de la société bénéficiaire du bail, de son objet social et des restrictions apportées désormais à la cession et la sous location, le bail ne peut implicitement mais nécessairement que concerner l'exploitation d'une agence bancaire ;
Sur ce,
Par acte du 16 juin 1999, les consorts [B] [O] et [W] aux droits desquels se trouvent aujourd'hui les bailleresses ont fait signifier congé avec offre de renouvellement moyennant un loyer de 260 000 francs à compter du 1° avril 2000 ;
Par mémoire subséquent du 25 juin 1999 , les bailleurs, ayant saisi le juge des loyers du tribunal de grande instance de Créteil, ont demandé à voir appliquer les dispositions de l'article 23-9 du décret du 30 septembre 1953 devenu l'article R 145-11 du code de commerce à la fixation du prix du loyer et voir déplafonner le prix du loyer du bail renouvelé , la société Crédit lyonnais plaidant au contraire le plafonnement ;
Le juge des loyers retenant que le bail du 16 avril 1991 ne comportait aucune clause de destination mais contenait une clause autorisant la société Crédit Lyonnais à céder son bail ou sous louer tout ou partie des locaux 'à toute personne de bonne vie et moeurs quelque soit le commerce et l'industrie qu'elle proposera d'y exercer à la condition toutefois que le commerce et l'industrie ne puisse donner lieu à de mauvaises odeurs, ou bruits, notamment de boucherie, charcuterie, poissonnerie, marchand de vins et fumisterie -tôlerie ' a estimé que cette clause était incompatible avec la notion d'usage exclusif de bureaux, même si c'est la seule activité de la société Crédit Lyonnais ;
Il a donc été jugé par décision du 31 mars 2000 que le prix du loyer du bail renouvelé le 1° avril 2000 devait être fixé en fonction de la variation de l'indice insee du coût de la construction ;
Après avoir relevé appel de cette décision, les bailleurs ont exercé leur droit d'option et délivré congé avec refus de renouvellement et paiement d'une indemnité d'éviction par acte des 9 et 13 février 2001 ;
Un expert a été désigné par ordonnance de référé du 5 juin 2001 en la personne de Madame [Z] [U] pour donner tous éléments permettant de fixer l'indemnité d'éviction, sa mission étant ensuite par ordonnance du 4 décembre 2001 étendue à l'évaluation de l'indemnité d'occupation .
Après que l'expert ait organisé un premier rendez vous, les parties ainsi qu'il résulte de leur procès verbal de transaction du 30 mai 2002 ont convenu de se rapprocher et de convenir de renouveler le bail pour une durée de neuf années à compter du 1° avril 2000, de fixer le montant du loyer du bail renouvelé à la somme de 42 685, 72€ ;
La transaction prévoit en son article 3 que l'activité autorisée est celle de banque et ses activités annexes, que le Crédit lyonnais aura la faculté de sous louer tout ou partie des locaux, que le bail est renouvelé aux clauses et conditions du bail antérieur à l'exception de la clause 4° concernant la cession ou sous location , le preneur ayant la faculté de sous louer tout ou partie des locaux à une société exerçant une activité bancaire et /ou des activités annexes de banque , à l'exclusion de tout autre.
Les parties vont signer le même jour un acte de renouvellement du bail intitulé encore ' nouveau bail' ;
Or, cette convention fait désormais la loi des parties et prévaut, s'agissant de définir les caractéristiques du bail et les droits et obligations des parties sur le procès-verbal de transaction emportant accord, nécessairement préalable, des parties pour le renouvellement du bail après l'exercice du repentir par les bailleresses ;
Il n'y a lieu à interprétation et à la recherche de la commune intention des parties que si une convention contient des dispositions obscures ou ambiguës ;
Le fait que les parties n'ont pas repris dans ladite convention la clause de destination contenue dans leur accord préalable n'autorise pas, dans le silence de la convention, une interprétation et à dire ce que les parties n'ont pas exprimé, en retenant qu'elles ont nécessairement entendu restreindre l'usage des locaux à celui du commerce de banque et ses annexes ;
La circonstance extérieure à la convention que le bail de locaux annexes est à usage exclusif d'agence bancaire est au surplus sans portée sur la convention de bail qui lie les parties, s'agissant de locaux distincts et dissociables ;
La circonstance encore que deux avenants de révision de 1994 et 1997 ont précisé que l'activité exercée dans les locaux est celle de banque et activités annexes ne constitue que le constat de l'utilisation effective des locaux .
Le fait que la convention de bail comporte une clause de cession en faveur du seul successeur dans le fonds de commerce est une clause usuelle qui ne permet pas de déduire que les lieux ne sont destinés qu'à un usage de banque et le fait encore que la convention de bail n'autorise la sous location que pour des activités bancaires ne saurait suppléer la clause destination qui se distingue de celle concernant l'activité exercée et permet seule de retenir que les parties ont entendu restreindre les locaux à usage de bureaux ;
La destination des locaux à usage exclusif de bureaux ne peut davantage être considérée comme étant la suite naturelle que l'usage, l'équité ou la loi donne au bail, s'agissant de locaux qui s'étendent sur tout le rez de chaussée de l'immeuble, le premier étage et le sous sol et alors que les parties sont libres de donner à leur convention la destination qui convient dans le respect des lois et règlements .
Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé qu'il n'y avait pas lieu, faute par les parties d'avoir convenu de donner aux locaux une destination à usage exclusif de bureaux, à application des dispositions de l'article R 145-11 du code de commerce pour la détermination du prix du bail renouvelé ;
La société Crédit Lyonnais convient que le prix du bail renouvelé au 1° avril 2009 s'élève à la somme de 63 000, 96€ et non à celle de 62 999, 99€ les intérêts dus sur les rappels éventuels de loyers à compter du 1° avril 2009 sont dus à compter de chaque échéance ainsi qu'il a été exactement jugé ;
Les bailleresses sui succombent en leur recours supporteront les dépens d'appel .en outre de ceux de première instance
Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile .
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a fixé le prix du loyer à la somme de 62 999, 99€ .
Dit que le loyer du bail renouvelé à compter du 1° avril 2009 s'établit à la somme de 63 000, 96€ par an ht et hc .
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamne Mesdames [B] et [W] aux dépens d'appel avec droit de recouvrement au profit de la scp Patricia Hardouin avoué .
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,