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23/05/2011 | FRANCE | N°08/14186

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 3, 23 mai 2011, 08/14186


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 3



ARRET DU 23 MAI 2011



(n° 11/182, 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/14186



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Juin 2008 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL, 4ème Chambre - RG n° 07/08502





APPELANTS



SA SA ALLIANZ IARD prise en la personne de ses représentants légaux
>dont le siège social est [Adresse 2]



Monsieur [U] [J]

demeurant [Adresse 3]



représentés par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU - PELIT-JUMEL, avoués à la Cour

assistés de Me Ghislain DECHEZLEP...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3

ARRET DU 23 MAI 2011

(n° 11/182, 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/14186

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Juin 2008 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL, 4ème Chambre - RG n° 07/08502

APPELANTS

SA SA ALLIANZ IARD prise en la personne de ses représentants légaux

dont le siège social est [Adresse 2]

Monsieur [U] [J]

demeurant [Adresse 3]

représentés par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU - PELIT-JUMEL, avoués à la Cour

assistés de Me Ghislain DECHEZLEPRÊTRE de la SELARL CABINET DECHEZLEPRETRE, avocat au barreau de PARIS,

INTIMÉS

Monsieur [I] [Y]

demeurant [Adresse 3]

Madame [C] [X] épouse [Y]

demeurant [Adresse 4]

Monsieur [E] [Y]

demeurant [Adresse 4]

Madame [M] [Y]

demeurant [Adresse 4]

Monsieur [S] [Y]

demeurant [Adresse 4]

Monsieur [V] [Y]

demeurant [Adresse 4]

représentés par la SCP ROBLIN CHAIX de LAVARENNE, avoués à la Cour

assistés de Me Alain TAMEGNON HAZOUME, avocat au barreau de PARIS,

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE

prise en la personne de ses représentants légaux

dont le siège social est [Adresse 1]

défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Avril 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Nathalie NEHER-SCHRAUB, Présidente, entendue en son rapport

Madame Régine BERTRAND-ROYER, Conseillère

Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Nadine ARRIGONI

ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie NEHER-SCHRAUB, présidente et par Mme Nadine ARRIGONI, greffière.

° ° °

Le 11 mai 2003, [I] [Y] qui était passager du véhicule conduit par [U] [J] assuré auprès des ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE a été victime d'un accident de la circulation. Son droit à indemnisation n'a jamais été contesté.

Par ordonnance du 22 août 2003, le juge des référés a ordonné une expertise médicale de [I] [Y] confiée au docteur [N] [D] et alloué à victime une provision à valoir sur son préjudice corporel.

Après avoir conclu dans ses rapports des 31 décembre 2003 et 3 février 2005 à l'absence de consolidation de l'état de santé de [I] [Y], l'expert a déposé son dernier rapport daté du 22 février 2007.

Par actes du 16 juillet 2007, [I] [Y] ainsi que sa mère [C] [Y] et ses quatre frères et soeur [E] [Y], [M] [Y], [S] [Y] et [V] [Y] ont assigné [U] [J], les ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE et la CPAM DU VAL-DE-MARNE pour obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement du 10 juin 2008, rectifié par jugement du 22 juillet 2008, le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CRÉTEIL, a, pour l'essentiel :

- dit que [U] [J] et les ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE doivent réparer l'entier préjudice subi par [I] [Y],

- donné acte à [I] [Y] de ce qu'il se réserve de former des demandes au titre de l'aménagement du logement,

- condamné in solidum [U] [J] et les ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE à verser à :

¿ [I] [Y] :

* la somme de 738'074,60 €

*une rente viagère et trimestrielle de 792 € au titre des médicaments à compter du 11 juin 2005,

* une rente viagère et trimestrielle de 619,91 € au titre de l'appareillage à compter du 11 mai 2008,

* une rente viagère et annuelle de 2641,66 € au titre d'un véhicule adapté payable à compter du 15 mai 2003,

* une rente viagère et trimestrielle de 11'330 € au titre de la tierce personne payable à compter du 11 mai 2008,

* une rente viagère et trimestrielle d'un montant de 3926,64 € au titre de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle payable à compter du 11 mai 2008,

* la somme de 10'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

¿ [C] [Y]:

* la somme de 324 € en réparation de son préjudice matériel,

* la somme de 15'000 € en réparation de son préjudice moral,

¿ [E] [Y], [M] [Y], [S] [Y] et [V] [Y] : la somme de 6'000 € chacun au titre de leur préjudice moral,

- condamné in solidum [U] [J] et les ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE aux dépens comprenant la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire.

[U] [J] et les ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE, ont relevé appel du jugement le 15 juillet 2008 et les consorts [Y] en ont fait de même le 14 mai 2009.

Les deux appels ont été joints par ordonnance du 2 septembre 2009.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 23 novembre 2010, les consorts [Y] font valoir que les indemnités allouées sont insuffisantes et demandent, en réparation de leurs préjudices, les montants mentionnés dans le tableau ci-dessous.

[U] [J] et la société ALLIANZ IARD, nouvelle dénomination des ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE, dans leurs dernières conclusions signifiées le 29 septembre 2010, soutiennent que certaines indemnités accordées sont excessives et offrent les sommes suivantes à payer en capital, en deniers ou quittances et après déduction des provisions versées :

DEMANDES

OFFRES

1) préjudice de [I] [Y] :

Préjudices patrimoniaux :

¿ temporaires :

- dépenses de santé actuelles :

* exposées par les organismes sociaux :

* demeurées à la charge de la victime :

- remplacement des lunettes 200 €

-examen médical d'aptitude à la conduite : 24,40 €

-forfait journalier : 1552,44 €

Total : 1776,84 €

- remplacement des lunettes : 200 €

-examen médical d'aptitude à la conduite : 24,40 €

-forfait journalier : rejet

Total : 224,40 €

- frais divers restés à la charge de la victime :

*frais de transport et de téléviseur : 189,50 €

*médecins-conseils : 4200 €

*frais de transport et de téléviseur : 189,50 €

*médecins-conseils: rejet

- perte de gains professionnels actuels :

22'999,90 €

9'403,32 €

¿ permanents :

- dépenses de santé futures :

* des organismes sociaux :

* à la charge de la victime :

-consommables : 53'970,38 €

-consommables spécifiques : 37'580,11 €

-appareillage : 40'350,44 €

-verticalisateur : 27'716,54 €

-consommables : 36'930,82 € -consommables spécifiques : 18'928,88 €

-appareillage : 28'189,54 €

-verticalisateur : rejet

- frais de logement adapté :

réservé

mémoire

- frais de véhicule adapté :

75'939,98 €

20'009,83 €

- tierce personne :

2'164'804,10 €

- avant consolidation : 17'730€

- après consolidation : 339'982,28 €

- perte de gains professionnels futurs :

100'000 €

perte de gains futures et incidence professionnelle : 100'000 €

- incidence professionnelle :

- 451'516,48 € en capital

- subsidiairement :

*du 11 mai 2005 au 11 mai 2008 : 46'300 € en capital

*à compter du 11 mai 2008: une rente trimestrielle de 3926,64 €

Préjudices extra-patrimoniaux :

¿ temporaires :

- déficit fonctionnel temporaire :

30'000 €

subsidiairement : 19'200 €

12'480 €

- souffrances :

10'000 €

10'000 €

- préjudice esthétique temporaire :

8'000 €

subsidiairement : 7'500 €

4000 €

¿ permanents :

- déficit fonctionnel permanent :

300'000 €

262'500 €

- préjudice d'agrément :

60'000 €

30'000 €

- préjudice esthétique :

22'500 €

18'000 €

- préjudice sexuel :

25'000 €

rejet

- préjudice d'établissement :

20'000 €

8'000 €

Art.700 du code de procédure civile :

15'000 €

rejet

2) préjudice des proches :

-[C] :

- frais divers : 324,20 €

- préjudice moral: 30'000 €

- préjudice extrapatrimonial exceptionnel : 20'000 €

- frais divers : 324,50 €

- préjudice moral : 15'000€

- [E] [Y], [M] [Y], [S] [Y] et [V] [Y] :

10'000 € chacun au titre du préjudice moral

6'000 € chacun

dépens :

à la charge de [U] [J] et de la société ALLIANZ IARD

à la charge des consorts [Y]

La CPAM DU VAL-DE-MARNE, assignée à personne habilitée, a fait savoir par courrier du 11 février 2009, qu'elle n'interviendra pas à l'instance et précisé le montant de sa créance, laquelle s'élève à la somme de 284'035,54 € composée uniquement de prestations en nature dont 190'808,05 € au titre des frais futurs.

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :

Sur le préjudice de [I] [Y]

Il ressort du rapport d'expertise médicale qu'à la suite de l'accident [I] [Y] a présenté une fracture ouverte du tiers moyen de l'humérus gauche, une atteinte plexique gauche (nerf musculo-cutané et brachial cutané interne gauche), une fracture dislocation D11- D12 , une paraplégie sensitivo-motrice complète de niveau D10 ; que l'ITT s'est étendue du 11 mai 2003 au 30 juin 2004, du 29 novembre au 10 décembre 2004 , du 19 au 25 janvier 2005 avec une ITP au taux de 75 % du 1er juillet au 28 novembre 2004, du 11 décembre 2004 au 18 janvier 2005 et du 26 janvier au 11 mai 2005, date de la consolidation; qu'il persiste un déficit moteur territoire musculo-cutané gauche, un déficit sensitif brachial cutané interne gauche, un enraidissement de la ceinture scapulaire gauche, une paraplégie sensitivo-motrice flasque de niveau T10 et un retentissement psychologique justifiant un taux de déficit fonctionnel permanent de 75%; que la victime a eu besoin de l'assistance d'une tierce personne temporaire du 12 novembre 2003, date du retour au domicile, au 30 juin 2004 à raison de 4 heures par jour, du 1er juillet 2004 au 11 mai 2005 à raison de 3 heures par jour puis, de façon pérenne 3 heures par jour post-consolidation ; que des aménagements techniques et domotiques sont à prévoir dans un cadre de vie définitif ; que les souffrances sont de 6/7, le préjudice esthétique de 4,5/7, qu'il existe un préjudice d'agrément et des éléments justifiant un retentissement sexuel et un préjudice d'établissement.

Il sera utilisé pour le calcul des préjudices futurs indemnisés en capital, le barème de capitalisation publié dans la Gazette du Palais des 7 et 9 novembre 2004 qui demeure le mieux adapté aux données économiques actuelles car fondé sur les tables d'espérance de vie de 2001 publiées par l'INSEE en août 2003, sur un taux d'intérêts de 3,20 % et une différenciation par sexe.

Au vu de ces éléments et de l'ensemble des pièces versées aux débats, le préjudice corporel de [I] [Y] qui était âgé de 19 ans lors de l'accident et de 21 ans à la consolidation et était lycéen en classe de Bac Pro Terminale Electrotechnique, sera indemnisé comme suit:

Préjudices patrimoniaux :

¿ temporaires, avant consolidation :

- dépenses de santé actuelles :

* prises en charge par la CPAM :

les dépenses exposées par l'organisme social s'élèvent à 93'227,49 € .

* restées à la charge de la victime :

[I] [Y] sollicite le remboursement des lunettes endommagées lors de l'accident (200 €), des frais d'examen médical d'aptitude à la conduite d'un véhicule pour une personne handicapée (24,40 €) ainsi que du forfait hospitalier (1552,44 €).

[U] [J] et la société ALLIANZ IARD limitent leur contestation à la demande au titre du forfait hospitalier. S'ils sont fondés à soutenir que si la victime n'avait pas été hospitalisée elle aurait de toutes façons exposé des frais pour se nourrir, se blanchir... , il n'en demeure pas moins que le montant des frais hospitaliers excède très largement ce que cette victime aurait dépensé pour son entretien en l'absence d'accident.

En l'espèce et compte tenu notamment de ce que la victime vivait chez ses parents à l'époque de l'accident, le surcoût sera évalué à 1000 € , de sorte qu'il lui revient au titre des frais divers restés à charge, la somme de :...................................... 1224,40 €

- frais divers :

*frais de transport et de téléviseur:

ces frais ne sont pas discutés :189,50 €

*médecins-conseils :

les honoraires des médecins qui ont assisté la victime lors des nombreuses expertises réalisées, sont une conséquence de l'accident et doivent être remboursés : 4200 €

total des frais divers :.....................................................................................4389,50 €

- perte de gains professionnels actuels :

pendant l'arrêt d'activité de 23 mois retenu par l'expert, (ITT: 14 mois et 6 jours + ITP à 75 %: 8 mois et 24 jours), la victime n'a eu aucun revenu .

Antérieurement à l'accident et depuis 2001, elle travaillait en qualité d'agent d'animation pour la mairie de [Localité 5] et percevait un salaire annuel net de 4882,17 € soit 406,84 € par mois.

Sa perte de gains s'élève donc à la somme de 9'357,32 € (406,84 € x23 mois) qui sera portée à celle offerte par [U] [J] et la société ALLIANZ IARD dans leurs conclusions (en gras et souligné page 13) : .................................................9'764,16 €

¿ permanents, après consolidation :

- dépenses de santé futures :

* prises en charge par la CPAM :

les dépenses de santé qui seront exposées par l'organisme social ont été chiffrées à 190'808,05 €.

* à la charge de la victime :

¿ consommables :

les différents matériels retenus par l'expert (kits d'auto sondages, ECBU, alèses, savons, biafine, produits désinfectants, garnitures...) ont été évalués à un montant mensuel non contesté de 156 €.

Les frais annuels exposés s'élèvent ainsi à la somme de 1872 € (156 € x12), soit pour la période du 15 mai 2005 ( cf demande) au 15 mai 2011 :

1872 € x 6 ans = 11'232 €

Pour la période future:

1872 € x 24. 784 (€ de rente viager pour un homme âgé de 27 ans) = 46'395,64 €

La somme totale revenant à [I] [Y] au titre des consommables divers s'élève ainsi à 57'627,64 € (11'232 € + 46'395,64 €) montant qui sera ramené à celui de la demande :...........................................................53'970,38 €

¿ consommables spécifiques :

le Docteur [D] a retenu qu'un traitement par CIALIS, VIAGRA ou LEVITRA était nécessaire pour la réalisation d'actes sexuels et obtenir une érection satisfaisante.

Les parties divergent quant au coût mensuel de ce traitement, la victime sollicite 108€ alors que [U] [J] et la société ALLIANZ IARD offrent de ce chef 80 €.

En l'état des justificatifs produits (uniquement quatre factures d'un montant total de 1252 € en sept ans), il sera retenu la base mensuelle offerte soit un montant annuel de 960 € (80 € x12).

Pour la période du 15 mai 2005 ( cf demande) au 15 mai 2011 :

960 € x 6 ans = 5'760 €

Pour la période future :

960 € x 24. 784 = 23'792,64 €

la somme totale revenant à [I] [Y] au titre des consommables spécifiques s'élève ainsi à : 5'760 € + 23'792,64 € = ...............29'552,64 €

¿ appareillage :

l'expert a établi la liste des matériels nécessaires à la victime sa vie durant (lit médicalisé électrique, matelas anti-escarre, fauteuil roulant simple avec coussins anti-escarre, fauteuil roulant pliant, réhausseur de toilettes, chaise de douche et garde-robe et planche de transfert ).

Les parties sont d'accord pour retenir compte-tenu de la somme restée à charge au titre de ces matériels et de la fréquence de renouvellement, un coût annuel moyen de 1403,64€ mais sont en désaccord quant au barème de capitalisation.

Pour la période du 15 mai 2005 ( cf demande) au 15 mai 2011 :

1403,64 € x 6 ans = 8'421,84 €

Pour la période future :

1403,64 € x 24. 784 = 34'787,81 €

La somme totale revenant à [I] [Y] au titre de l'appareillage est de :

8421,84 € + 34'787,81 € = 43'209,65 € montant qui sera ramené à celui de la demande :........................................................... 40'350,44 €

¿ verticalisateur :

[I] [Y] sollicite le remboursement du coût d'acquisition d'un verticalisateur (5'382,48 €) et de son remplacement tous les cinq ans soit un montant total de 27'716,54 €.

[U] [J] et la société ALLIANZ IARD contestent cette prétention au motif que la victime n'a pas besoin d'un tel matériel, que la demande est purement intéressée et, qu'en tout état de cause, ce matériel est partiellement pris en charge par l'organisme social et que la fréquence de renouvellement est de 10 ans et non de 5.

L'expert a précisé que bien que cela lui ait été conseillé, [I] [Y] n'utilisait pas de verticalisateur et que sa nécessité ne pouvait être retenue qu'au vu d'une demande officielle émanant d'un centre de rééducation fonctionnelle afin que cet appareillage puisse être effectivement utilisé et non pas remisé dans un placard .

Il convient de constater que la demande concernant le verticalisateur n'a été formulée que par conclusions du 1er avril 2008; que plus de sept ans après le retour au domicile, la victime ne justifie ni d'un achat ni d'une location de ce matériel et pas davantage d'une prescription d'un centre de rééducation fonctionnelle. Dans ces conditions, la production de certificats du médecin généraliste et du kinésithérapeute de la victime est insuffisante à établir l'utilité pour la victime de disposer de cet appareil.

La demande sera rejetée

Total des dépenses de santé futures à la charge de la victime :................123'873,46 €

- frais de logement adapté :

Les parties demandent de réserver ce poste de préjudice.

- frais de véhicule adapté :

L'état de la victime consécutif à l'accident, nécessite un véhicule suffisamment spacieux pour faciliter le chargement du fauteuil roulant indispensable à ses déplacements.

Dès lors, elle est fondée à demander le surcoût de dépense correspondant à la différence entre le coût de ce véhicule et celui dont elle se serait satisfaite en l'absence d'accident ainsi que le coût d'aménagement de ce véhicule, en tenant compte d'une périodicité de renouvellement tous les six ans et de la valeur de revente du véhicule.

Eu égard à ces éléments, il sera accordé de ce chef, l'indemnité sollicitée:.... 75' 940 €

- tierce personne :

[I] [Y] sollicite à la page 25 de ses conclusions l'indemnisation de 13 heures de tierce personne (aux pages 22 et 25 des mêmes conclusions, 14 heures) à 13 € de l'heure sur une base annuelle de 412 jours, subsidiairement de 10 heures.

[U] [J] et la société ALLIANZ IARD demandent de retenir le nombre d'heures préconisées par le Docteur [D] avec un taux horaire de 10 € jusqu'au 1er octobre 2008 et de 13 € à compter de cette date et déduisent le temps des hospitalisations.

Ce n'est qu'après avoir examiné [I] [Y] à trois reprises (2 décembre 2003, 3 février 2005 et 27 février 2007), constaté en 2007 que la situation est demeurée inchangée par rapport à celle de 2005, qu'il était parvenu à 'une certaine autonomisation'( il effectue seul la plupart de ses transferts, s'habille seul mais est tributaire d'une aide pour toutes les activités extérieures au domicile) et précisé avoir 'retenu, d'un commun accord avec les différentes personnes présentes à l'accédit expertal, une assistance de 3 heures par jour à compter du 1er juillet 2004", que l'expert a conclu que ce dernier avait eu besoin de l'assistance d'une tierce personne temporaire du 12 novembre 2003, hors hospitalisation jusqu'au 30 juin 2004 à raison de 4 heures par jour, puis à compter du 1er juillet 2004 et de façon pérenne 3 heures par jour.

L'expert a ajouté que ces évaluations correspondaient à ' une sommation d'assistances ponctuelles, de courte durée chacune', ce qui correspond compte-tenu du nombre et de la dispersion des interventions de la tierce personne au cours de la journée, à cinq heures d'assistance quotidienne, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre la période antérieure au 30 juin 2004 et celle postérieure à cette date.

En effet, [I] [Y] qui était assisté lors des opérations d'expertise par son frère [O], son médecin conseil et son avocat et qui ne démontre pas que l'expert a sous-évalué ses besoins en tierce personne, n'est pas fondé en sa demande tendant à obtenir l'indemnisation de ce poste de préjudice pour un temps supérieur.

Ce poste de préjudice sera donc indemnisé à raison de 5 heures par jour, sur la base de 412 jours (pour tenir compte des congés payés légaux et des jours fériés), au taux horaire de 13 € sollicité par la victime.

Le coût journalier de la tierce personne est de 65 € (13 € x 5 heures) .

Il sera donc alloué :

* pour la période antérieure au 1er octobre 2008, déduction faite de la durée des hospitalisations, la somme de :

65 € x 1760 jours = 114'400 €

*pour la période du 1er octobre 2008 au 1er octobre 2010, la somme de :

65 € x 412 jours x 2 = 53'560 €

soit la somme en capital de :..........................................................................167'960 €

*à compter du 1er octobre 2010, ce poste de préjudice sera indemnisé, dans l'intérêt de la victime dont il convient de sauvegarder l'avenir, par une rente viagère annuelle de 26'780 € (65 € x 412 jours ), payable conformément au dispositif.

- perte de gains professionnels futurs et incidence professionnelle :

[I] [Y] sollicite au titre de la perte de gains professionnels futurs 'indéniable' la somme de 100'000 € et au titre de l'incidence professionnelle, l'accident ayant mis à néant son projet de devenir dessinateur industriel et ayant brisé ses chances d'obtenir un emploi correctement rémunéré, une indemnité mensuelle de 1308,88 € .

L'expert, après avoir constaté que l'accident n'avait pas altéré les capacités intellectuelles de [I] [Y] et que ce dernier présentait un membre supérieur dominant normal et que l'autre n'était que discrètement limité, a estimé qu'il était apte à exercer certaines activités en fauteuil roulant sur des postes aménagés au sein de différentes entreprises pouvant recevoir des handicapés en fauteuil.

Il convient aussi de tenir compte que [I] [Y] qui était au moment de l'accident en classe de Bac Pro Terminale Electrotechnique, n'a pu du fait de celui-ci passer les épreuves du baccalauréat et que l'obtention d'un emploi est plus difficile pour une personne handicapée, de surcroît non diplômée.

Il y a lieu, par ailleurs, pour apprécier sa perte de chance d'obtenir un bac professionnel et de poursuivre des études ainsi que ses perspectives professionnelles en l'absence d'accident, de prendre en considération son cursus scolaire ( quasiment 20 ans en terminale) et son relevé de notes de contrôle continu du baccalauréat (épreuve professionnelle : 5/20, évaluation en milieu professionnel: 10/20, intervention sur système : 3/20, économie et gestion 5/20).

L'expert a en outre souligné qu'il n'avait pas effectué de formation complémentaire malgré les projets retenus par l'intermédiaire d'un GRETA et était sans projet professionnel et il sera également relevé que [I] [Y] ne soutient pas avoir suivi depuis les dernières opérations d'expertise des formations lui permettant de trouver un emploi ou à tout le moins avoir tenté de suivre une formation ou de trouver un emploi adaptés à son handicap , et ce alors qu'il est encore très jeune .

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il lui sera alloué au titre de la perte de chance d'obtenir son baccalauréat et de réaliser son projet professionnel, de la limitation de ses possibilités professionnelles, de sa dévalorisation sur le marché de l'emploi, des difficultés qu'il aura à exercer quelque emploi que ce soit ainsi que de la perte de gains professionnels futurs en résultant, une indemnité globale mensuelle de 1000 €.

Dès lors, il lui sera accordé au titre de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle :

*du 11 mai 2005 au 11 mai 2011, la somme de :

1000 € x12 x 6 ans = .......................................................................................72'000 €

*à compter du 12 mai 2011, afin de préserver l'avenir de la victime et alors que cette indemnité est destinée à remplacer un revenu professionnel qui n'aurait pas été perçu en capital mais par mensualités, cette indemnité sera allouée sous la forme d'une rente annuelle et viagère de 12'000 € indexée conformément au dispositif.

Préjudices extra-patrimoniaux :

En l'absence d'éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs précis, circonstanciés et pertinents qu'elle approuve et qu'elle fait siens, a exactement évalué les indemnités revenant à la victime au titre des préjudices suivants dont les indemnités seront confirmées, soit :

- déficit fonctionnel temporaire :.......................................................... ..........19'200 € - souffrances: montant de la demande.............................................................. 10'000 €

- déficit fonctionnel permanent :...................................................................... 300'000€

- préjudice d'agrément :.................................................................................... 50'000 €

- préjudices esthétiques temporaire et permanent :..........................................30'000 €

- préjudice sexuel :........................................................................................... 25'000 €

-préjudice familial et d'établissement :

La gravité du handicap de [I] [Y] réduit notablement ses chances de réaliser un projet de vie familial alors qu'il n'avait que 21 ans à la consolidation des blessures, était célibataire et n'avait pas d'enfant . Ce poste de préjudice sera indemnisé par l'indemnité sollicitée :.............................................................................. 20'000 €

TOTAL : 909'351,52 €

[I] [Y] recevra ainsi, en réparation de son préjudice corporel, une indemnité totale de 909'351,52 € outre les deux rentes, ci-dessus mentionnées, le tout en deniers ou quittances.

Sur les demandes des proches

Sur les frais divers

La somme allouée par le tribunal n'est pas contestée.

Sur les préjudices moraux

Les premiers juges ont exactement évalué les indemnités revenant à la mère et aux quatre frères et soeur de la victime, lesquelles seront confirmées.

Ils ont également à juste titre rejeté la demande au titre d'un préjudice extra patrimonial exceptionnel de la mère, distinct de son préjudice moral, lequel n'est pas démontré.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la victime l'intégralité des frais et honoraires exposés par elle et non compris dans les dépens. La somme fixée de ce chef par le premier juge sera confirmée et il lui sera alloué en cause d'appel, la somme complémentaire de 2500 € .

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement à l'exception de ses dispositions relatives au droit à indemnisation de [I] [Y], aux indemnités allouées à [C] [Y], [E] [Y], [M] [Y], [S] [Y] et [V] [Y], à l'article 700 du code de procédure civile, aux dépens et à la réserve quant au logement adapté ;

Et statuant à nouveau, dans cette limite :

Condamne in solidum [U] [J] et la société ALLIANZ IARD à verser à [I] [Y], en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions et somme versée en vertu de l'exécution provisoire non déduites :

- la somme de 909'351,52 €, ladite somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus ;

- au titre de la tierce personne, une rente annuelle viagère d'un montant de 26'780 € payable trimestriellement et indexée selon les dispositions prévues par la loi du 5 juillet 1985 et suspendue en cas d'hospitalisation à partir du 46e jour et ce à compter du 1er octobre 2010 ;

-au titre du préjudice professionnel, une rente annuelle et viagère de 12'000 € payable trimestriellement et indexée selon les dispositions prévues par la loi du 5 juillet 1985 et ce, à compter du 12 mai 2011 ;

- la somme complémentaire de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum [U] [J] et la société ALLIANZ IARD aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 08/14186
Date de la décision : 23/05/2011

Références :

Cour d'appel de Paris C3, arrêt n°08/14186 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-05-23;08.14186 ?
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