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17/05/2011 | FRANCE | N°10/06089

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 17 mai 2011, 10/06089


Grosses délivrées

REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 17 MAI 2011
(no 174, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 06089
Décision déférée à la Cour : jugement du 9 juillet 2008- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 07/ 06659

APPELANT
Monsieur Serge X...... 85680 LA GUERINIERE représenté par Me Luc COUTURIER, avoué à la Cour assisté de Maître Bertrand BRECHETEAU, avocat au barreau d'ANGERS AVOCONSEIL

INTIMES
Monsieur L'AGE

NT JUDICIAIRE DU TRESOR Bâtiment CONDORCET-6 rue Louise Weiss 75703 PARIS CEDEX13 représenté par Me Frédéri...

Grosses délivrées

REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 17 MAI 2011
(no 174, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 06089
Décision déférée à la Cour : jugement du 9 juillet 2008- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 07/ 06659

APPELANT
Monsieur Serge X...... 85680 LA GUERINIERE représenté par Me Luc COUTURIER, avoué à la Cour assisté de Maître Bertrand BRECHETEAU, avocat au barreau d'ANGERS AVOCONSEIL

INTIMES
Monsieur L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR Bâtiment CONDORCET-6 rue Louise Weiss 75703 PARIS CEDEX13 représenté par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour assisté de Me Carole PASCAREL, avocat au barreau de PARIS, toque : P 261 SCP UETTWILLER GRELON GOUT CANAT et ASSOCIES UGGC, avocats au barreau de PARIS

Le MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'Appel de PARIS élisant domicile en son parquet au Palais de Justice 34 quai des Orfèvres 75001 PARIS
Madame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, a déposé ses conclusions écrites

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant Madame Dominique GUEGUEN, conseiller chargé du rapport, en présence de Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller Madame Françoise MARTINI, Conseiller venu d'une autre chambre pour compléter la cour en application de l'ordonnance de roulement portant organisation des services de la cour d'appel de PARIS à compter du 3 janvier 2011, de l'article R 312-3 du Code de l'organisation judiciaire et en remplacement d'un membre de cette chambre dûment empêché
qui en ont délibéré

MINISTERE PUBLIC Madame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, a déposé ses conclusions écrites

Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN

ARRET :
- contradictoire-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************

M. Serge X..., agent immobilier, était le gérant de la société Centre de Recherche Immobilière 79 (CRI 79), créée en 1993, ayant pour objet social la négociation immobilière, puis de deux autres sociétés, la société Gestion + créée en 1998, ayant pour objet social la gestion d'immeubles locatifs, et la société AB3 ayant pour objet social la transaction immobilière, créée en 2001 pour remplacer les deux autres à la suite de la cessation d'activité de celles-ci.
La société CRI n'a pas procédé au paiement des cotisations dues à l'URSSAF, laquelle l'a assignée le 10 mars 1999 devant le tribunal de grande instance de Bressuire, statuant en matière commerciale, aux fins de voir constater son état de cessation des paiement, laquelle juridiction l'a déboutée par un jugement en date du 31 janvier 2000 dont elle a interjeté appel et un arrêt infirmatif du 19 février 2002 de la cour d'appel de Poitiers a fait droit à la demande de l'URSSAF et a renvoyé l'affaire devant le tribunal afin que soient désignés les organes de la procédure : par jugement du 28 mars 2002, la société CRI 79 a été placée en liquidation judiciaire, M. Y... étant désigné en qualité de liquidateur, aucun recours n'étant exercé à l'encontre de cette décision, la société CRI 79 n'ayant plus d'activité depuis le 16 juin 2001.
Le 30 juillet 2002, M. Y... ès-qualités de liquidateur a assigné devant le tribunal de grande instance de Bressuire M. X..., tant à titre personnel qu'en qualité de dirigeant des trois sociétés sus-visées, aux fins de voir prononcer sa liquidation judiciaire personnelle avec interdiction de gérer pour une durée d'au moins 10 ans et extension de la liquidation judiciaire aux trois sociétés.
L'affaire a été plaidée le 17 février 2003 à l'audience dudit tribunal statuant en matière commerciale, le jugement est intervenu le 26 Janvier 2004, soit 12 mois plus tard, le tribunal prononçant la liquidation judiciaire personnelle de M. X..., fixant à 10 ans la durée de la faillite personnelle et de l'interdiction de gérer toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique et étendant la liquidation judiciaire de la société CRI 79 aux sociétés AB3 et Gestion +.
M. X... n'en a pas interjeté appel et compte tenu du prononcé de l'exécution provisoire, les sanctions sont devenues effectives dès le 8 mars 2004, date de signification du jugement à partie et définitives à compter de la date d'expiration du délai d'appel.
Estimant que les délais de cette procédure démontraient un non respect par le magistrat de cette juridiction de son obligation de statuer dans un délai raisonnable et étaient constitutifs de la part des services de la justice, de fautes répétées, faute lourde justifiant la condamnation de l'Etat Français à réparer le préjudice par lui subi, M. X... a, le 11 avril 2007, au visa des dispositions de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire, demandé au tribunal de grande instance de Paris la condamnation de l'agent judiciaire du Trésor à lui payer la somme de 904 780 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui a causé le déni de justice dont il a été victime ainsi que la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 9 juillet 2008, le tribunal a condamné l'agent judiciaire du Trésor à payer à M. Serge X... la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts, celle de 2500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les dépens.
CELA ETANT EXPOSE, la COUR :
Vu l'appel interjeté le 18 mars 2010 par M. Serge X...,
Vu les conclusions déposées le 11 octobre 2010 par l'appelant qui demande la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré la durée du délibéré manifestement excessive et dépassant le délai raisonnable et lui a alloué la somme de 3000 € au titre de son préjudice moral, l'infirmation du jugement pour le surplus de ses dispositions, statuant à nouveau, au constat que la durée du délibéré a empêché le tribunal de rendre une décision éclairée et de tenir compte des arguments développés et des pièces communiquées par M. X... lors de l'audience de plaidoirie alors qu'en matière commerciale la procédure est orale, que les intérêts et droits de l'appelant ont été bafoués, que cette faute commise par l'Etat Français lui a causé un préjudice financier important dont il s'estime fondé à demander réparation, la condamnation de l'Etat Français pris en la personne de l'agent judiciaire du Trésor à lui payer la somme de 904 780 € de dommages et intérêts, la somme de 3500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens,
Vu les conclusions déposées le 14 décembre 2010 par l'agent judiciaire du Trésor qui, formant appel incident, demande l'infirmation du jugement, au constat que M. X... n'a pas de motif légitime à agir et ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une faute lourde et/ ou d'un déni de justice ni de l'existence d'un préjudice, à se voir décharger des condamnations mises à sa charge, subsidiairement au constat de l'absence de lien de causalité entre les griefs invoqués et le préjudice allégué, la responsabilité de l'Etat ne pouvant être engagée, le débouté de M. X... de toutes ses demandes et sa condamnation à lui verser la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les dépens,
Vu les conclusions déposées le 31 décembre 2010 par le procureur général tendant à la confirmation du jugement quant au principe de la responsabilité de l'Etat et s'en remettant à l'appréciation de la cour quant à la réparation du préjudice.
SUR CE :
Considérant que l'appelant fait valoir qu'il a un intérêt à agir, que tout justiciable est en droit de voir statuer sur ses prétentions dans un délai raisonnable, conformément aux dispositions de l'article 6 de la Convention Européenne des droits de l'homme et qu'un délibéré qui a duré près de 12 mois a dépassé le délai raisonnable dans une affaire ne présentant pas de complexité particulière en l'état des écritures et des pièces produites, d'autant que s'agissant d'une procédure commerciale exclusivement orale, devant le seul président, pour laquelle aucune note d'audience n'a été tenue, le délibéré devait être rendu rapidement ; qu'il soutient que le magistrat ne pouvait avoir le souvenir des éléments du débat pourtant essentiels à la compréhension du dossier alors que le délibéré avait été annoncé pour le 31 mars 2003 ; qu'il ajoute que le tribunal a fait état dans le jugement du 26 janvier 2004 de la liquidation de la Sarl Gestion + prononcée par la même juridiction par décision du 15 juillet 2003 soit pendant le cours du délibéré, sans que la réouverture des débats n'ait été ordonnée ; que si la faute ainsi commise du fait d'un manquement à l'exigence de délai raisonnable a été retenue par les premiers juges, ils ne l'ont indemnisé que de son seul préjudice moral, rejetant sa demande au titre de son préjudice financier ce qu'il conteste dès lors que l'action en responsabilité contre l'Etat en matière de faute lourde et de déni de justice a pour objet de réparer l'ensemble des dommages tant matériels que moraux, directs et certains qui ont été causés par les fautes de l'Etat ; que la décision ainsi rendue a bafoué ses droits et a eu pour lui des conséquences des plus préjudiciables en le plaçant à 52 ans en liquidation judiciaire personnelle, avec exécution provisoire, ce qui l'a privé aussitôt de toute activité professionnelle et de ses ressources, ses comptes bancaires étant bloqués, raison pour laquelle il n'était pas en mesure d'assumer les frais d'un appel, non susceptible d'ailleurs, la décision de première instance s'appliquant aussitôt, de réparer le mauvais fonctionnement des services de la justice et son préjudice qu'il évalue à la somme de 904 780 € soit l'ensemble des salaires qu'il aurait pu obtenir s'il n'avait pas été placé en liquidation judiciaire, en appliquant le barème de capitalisation de rentes temporaires, en fonction de son salaire annuel reconstitué de 115 200 € affecté d'un coefficient de 7, 854 compte tenu de son âge ;
Considérant que l'agent judiciaire du Trésor fait valoir que M. X... ne justifie pas d'un intérêt légitime à agir, ce qui rend sa demande irrecevable dès lors que le retard dont il se plaint lui a permis, alors qu'il était un dirigeant d'entreprise qui s'était affranchi de ses obligations fiscales, d'échapper pendant plusieurs mois à une sanction d'extension de liquidation à sa personne et de mise en faillite personnelle dont il ne peut contester qu'elle était justifiée puisqu'il n'a pas interjeté appel du jugement de condamnation ; qu'il soutient que le délai de délibéré n'apparaît pas déraisonnable puisque durant cette période la société Gestion + a été soumise à une procédure collective parallèle, placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de grande instance de Bressuire du 5 février 2003 puis en liquidation judiciaire par jugement du 28 avril 2003 ; qu'il souligne, sur la prise en compte des arguments développés par M. X... et des pièces par lui communiquées lors de l'audience, que l'appelant ne peut justifier du grief qu'il allègue car il est établi que sa position était connue du tribunal dès lors que son conseil, après avoir sollicité trois renvois, a déposé des écritures pour l'audience du 20 janvier 2003, aux termes desquelles ses arguments en défense sont largement explicités, outre un dossier de plaidoirie comportant les pièces ; que rien ne permet de supposer que le tribunal n'aurait pas tenu compte du débat oral, ni qu'il aurait été de nature à modifier la décision, laquelle reprend les arguments de chacune des parties et y répond de façon motivée ;
Considérant que M. X... a engagé son action sur le fondement des dispositions de l'article L 141-4 du code de l'organisation judiciaire, aux termes duquel l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice, sa responsabilité n'étant engagée que par une faute lourde ou un déni de justice ; qu'en particulier la négligence à juger les affaires en état de l'être ou une décision intervenant après un délibéré d'une durée excessive sont des circonstances qui peuvent être constitutives d'un déni de justice et constituent un manquement aux droits du justiciable à voir statuer sur ses prétentions dans un délai raisonnable conformément aux dispositions de l'article 6 de la Convention Européenne des droits de l'homme ; que M. X... faisant état d'un délibéré qui a duré près d'une année a en conséquence un intérêt légitime à agir qui ne saurait lui être contesté, une telle durée apparaissant manifestement excessive ; que le jugement sera confirmé quant à la recevabilité de l'action engagée par M. X... ;
Considérant que par des motifs pertinents que la cour approuve, les premiers juges ont admis, en raison de la durée d'un délibéré dépassant le délai raisonnable dans une affaire dans laquelle aucune réouverture des débats n'a été ordonnée et ne présentant pas de complexité particulière, ce que confirme la teneur du jugement rendu au surplus de seulement 7 pages, l'existence d'un préjudice moral subi par M. X..., résultant de la tension psychologique supportée du fait de ce retard ; qu'ils l'ont exactement indemnisé, tenant compte du caractère néanmoins finalement profitable à M. X... de la durée excessive du délibéré, par l'octroi d'une somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts ;
Considérant sur le surplus des griefs de l'appelant, qu'aucun n'est sérieux ni démontré ; qu'en effet, à supposer qu'aucune note d'audience n'ait été établie, M. X... ne saurait affirmer que la juridiction, en l'occurrence composée d'un seul magistrat, ne pouvait manifestement pas, lorsque la décision a été rendue, avoir le souvenir exact des derniers propos échangés dans le cadre d'une procédure orale ; qu'en effet, outre que les conclusions établies et les pièces versées constituent déjà à elles seules une véritable synthèse écrite des éléments essentiels de l'affaire, il est loisible au magistrat de conserver des notes personnelles, destinées uniquement à venir en appoint de la mémoire qu'il conserve des propos échangés lors de l'audience, ce qui exclut que M. X... puisse affirmer que la décision, parce que plus tardive, a été rendue par une juridiction nécessairement non éclairée ou qu'elle aurait été différente si elle était intervenue plus tôt ; qu'enfin le contenu de la décision et ses conséquences professionnelles, décision au surplus non frappée d'appel, ne sauraient être remis en cause par la voie d'une action en responsabilité de l'Etat qui serait alors constitutive d'un détournement de procédure, qu'ainsi l'appelant est irrecevable à invoquer un préjudice financier lié à la décision elle-même ; qu'en conséquence le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que chacune des parties succombant pour partie dans ses prétentions, l'équité ne commande pas de faire application en l'espèce en appel au profit de l'une ou l'autre d'entre elles des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que les dépens d'appel seront supportés par l'agent judiciaire du Trésor ;
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'agent judiciaire du Trésor aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/06089
Date de la décision : 17/05/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2011-05-17;10.06089 ?
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