REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 17 MAI 2011
(no 173, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 05028
Décision déférée à la Cour : sentence arbitrale en date du 19 février 2010, rendue par M. Gilles Z..., agissant en qualité d'arbitre unique désigné par M. Le Bâtonnier du Barreau de Paris no 740/ 157613
DEMANDEUR AU RECOURS
Maître Georges X...... 75008 PARIS représenté par la SCP BLIN, avoués à la Cour assisté de Me Erick ROYER, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1732
DEFENDEUR AU RECOURS
Maître Daniel Y...... 75009 PARIS représenté par Me Rémi PAMART, avoué à la Cour assisté de Me Jean-Philippe IMMARIGEON, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1611
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 mars 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Dominique GUEGUEN, conseiller entendu en son rapport et Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller Madame Françoise MARTINI, Conseiller venu d'une autre chambre pour compléter la cour en application de l'ordonnance de roulement portant organisation des services de la cour d'appel de Paris à compter du 3 janvier 2011, de l'article R 312-3 du Code de l'organisation judiciaire et en remplacement d'un membre de cette chambre dûment empêché
Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN
ARRET :
- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
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Aux termes d'un acte sous seing privé en date à Paris du 6 juin 2002, intitulé " convention de mise à disposition de locaux ", M. Georges X..., pour exercer sa profession d'avocat, a utilisé, moyennant un loyer fixé à 686 €, un bureau avec services communs dépendant des locaux dont M. Daniel Y..., également avocat, était propriétaire, sis à Paris 9 ème,....
Un litige a opposé les parties dès lors que M. X... n'a avisé que le 23 juin 2006 de son départ au 30 juin 2006 : M. Y... lui a réclamé une indemnité d'occupation pour les mois de juillet et août 2006 au motif que M. X... n'avait pas respecté le préavis de trois mois, n'ayant pu relouer le bureau vacant à un autre confrère qu'à compter du 1er Septembre 2006 : M. X... a argué de ce qu'il avait déjà reçu congé, que le préavis contractuel de 3 mois avait expiré le 1er Mars 2006 et que son maintien dans les locaux en payant une indemnité d'occupation de mars à juin 2006, donc dans une situation précaire et sans aucun nouveau bail, permettait à chaque partie de mettre un terme à tout moment à cette relation, sans respecter un délai de préavis.
Aucune conciliation n'étant intervenue, malgré la saisine de la commission de règlement des difficultés d'exercice en groupe laquelle a entendu les parties le 5 octobre 2008, M. Y... a assigné M. X... pour l'audience du 20 janvier 2009 devant le tribunal d'instance du 9 ème arrondissement de Paris, juridiction dont M. X... a soulevé l'incompétence au motif que la convention contenait une clause compromissoire ainsi rédigée " en cas de litige, celui-ci sera automatiquement soumis à l'arbitrage de M. Le Bâtonnier ".
M. Y... a alors saisi M. Le Bâtonnier d'une demande d'arbitrage,
Par sentence arbitrale en date du 19 février 2010, M. Gilles Z..., agissant en qualité d'arbitre unique désigné par M. Le Bâtonnier du Barreau de Paris, s'étant déclaré compétent pour statuer sur le litige opposant MM. Daniel Y... et Georges X... en application de la clause compromissoire contenue dans la convention du 6 juin 2002, a :- constaté qu'à ce jour, M. Daniel Y... n'a pas confirmé s'être désisté de l'instance par lui introduite pour les mêmes faits devant le tribunal d'instance du 9 ème arrondissement de Paris,- condamné M. Georges X... à payer à M. Daniel Y... la somme de 2388, 44 €, avec incidence éventuelle de la TVA, à titre d'indemnité d'occupation pendant deux mois, la somme de 696, 79 € au titre de l'indexation, celle de 114, 80 € au titre des abonnements documentation,- liquidé à la somme de 500 € outre la TVA au taux de 19, 60 % le montant des frais de l'arbitrage et dit que le règlement de cette somme incombe pour moitié à chacune des parties,- débouté les parties de leurs autres demandes, dit n'y avoir lieu à paiement d'une indemnité au titre de leurs frais irrépétibles et laissé à chacune d'elles, la charge de ses dépens.
CELA ETANT EXPOSE, la COUR :
Vu l'appel interjeté le 8 mars 2010 par M. X...,
Vu les conclusions déposées le 24 janvier 2011 par l'appelant qui demande l'infirmation de la sentence, le débouté de M. Y... de ses demandes, ainsi qu'à se voir donner acte qu'il ne demande pas de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les parties ne réglant pas d'honoraires d'avocat et demande que les dépens restent à la charge de chacune des parties,
Vu les conclusions déposées le 25 février 2011 par l'intimé qui demande, la cour prenant acte de son désistement de la procédure par lui engagée par assignation du 23 novembre 2008 devant le tribunal d'instance du 9 ème arrondissement de Paris, la confirmation de la sentence déférée sauf pour les montants devant être indexés à compter du 23 Novembre 2008 et pour les frais d'arbitrage devant être placés à la seule charge de M. X..., ainsi que la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 pour ses frais en cause d'appel ainsi qu'à payer tous les frais et dépens.
SUR CE :
Considérant qu'il convient de donner acte à M. Y... de ce qu'il déclare devant la cour s'être désisté de l'instance qu'il avait introduite devant le tribunal d'instance du 9 ème arrondissement de Paris, juridiction compétente de droit commun en matière locative ;
Considérant que les parties s'opposent en premier lieu sur les conséquences contractuelles de la convention non écrite les liant à compter du 1er Mars 2006, compte tenu de la fin de la convention écrite du fait du congé donné par M. Y... à M. X... le 1er Décembre 2005 pour le 1er Mars 2006, lequel congé a fait courir le délai contractuel de 3 mois et a mis fin à ladite convention ;
Considérant que l'arbitre, au constat qu'à partir du 1er Mars 2006, d'un commun accord entre les parties, M. X... est resté dans les lieux, continuant à régler le montant correspondant à l'occupation des lieux, a estimé qu'à dater de ladite date du 1er Mars 2006, les parties étaient liées par une convention non écrite, valant nouveau bail et qu'il est d'usage, conformément au principe posé par l'article 1736 du code civil relatif au bail fait sans écrit, que cette nouvelle convention reprenne les clauses essentielles du bail antérieur, sur l'indemnité d'occupation, sur l'usage des locaux et sur le préavis en cas de congé, ce d'autant que, s'agissant de deux avocats, le respect des principes essentiels de la profession résultant de l'article 1. 3 du Règlement Intérieur conforte une telle interprétation ; qu'ainsi, au constat encore que M. X..., autorisé à rester en attendant de trouver une nouvelle structure d'exercice, n'a laissé à M. Y... un préavis que d'une semaine, ce qui n'a pas permis à ce dernier, en outre à la fin juin, de trouver aussitôt un locataire remplaçant, la sentence a retenu que M. X... était redevable à M. Y... du paiement des deux mois de Juillet et Août soit la somme de 2388, 44 € ;
Considérant que l'appelant conteste cette analyse par laquelle l'arbitre a satisfait à la demande en paiement de M. Y..., en précisant sur les circonstances factuelles, qu'il a reçu le 26 juin 2006, en réponse à son propre courrier du 23 juin informant de son départ, une lettre de M. Y... soutenant que le congé initial du 1er Décembre 2005 aurait été annulé et que M. X..., donnant à son tour congé, serait redevable d'un préavis de trois mois ; que cette position est à l'origine du litige dès lors qu'il a répondu le 27 juin 2006 qu'il ne partageait pas cette analyse, étant un occupant précaire, pouvant quitter les lieux à tout moment et ayant satisfait à son obligation de courtoisie en respectant un préavis d'une semaine ; qu'il rappelle que le congé donné par M. Y... était valable, qu'il ne pouvait être rétracté par lui-même en arguant d'une irrégularité de l'acte pour n'avoir pas été délivré par un huissier ;
Considérant que l'appelant soutient qu'il est en conséquence inexact d'affirmer qu'un nouveau bail, non écrit, se serait formé, alors qu'il n'existe pas, après un congé, de tacite reconduction, ce par application de l'article 1739 du code civil et que tout bail professionnel doit être établi par écrit, ainsi qu'il résulte tant des articles 1713 et s. du code civil que de la loi de 1986 ; qu'ainsi, occupant sans droit ni titre, il n'était pas tenu à préavis ; qu'il ajoute, sur le prétendu préjudice, que M. Y... a cherché un remplaçant en réalité dès le congé en procédant à une publication d'avis d'offres de locaux au sein du Barreau ;
Considérant que l'intimé entend préciser, sur les circonstances, que la convention signée le 6 juin 2002 avait été précédée d'une convention de collaboration dans les mêmes lieux, qu'il a été amené, non seulement pour M. X..., du fait de sa mésentente avec les autres membres du cabinet, mais aussi pour d'autres collaborateurs, pour disposer de plus vastes locaux, à leur délivrer un congé ; que si les autres personnes ont appliqué d'elles-mêmes, sans difficulté, les règles du contrat initial, en particulier la durée du préavis, seul M. X... ne l'a pas fait, avec une intention malveillante dès lors qu'il avait déjà trouvé un autre local professionnel depuis 15 jours lorsqu'il a envoyé sa lettre du 23 juin 2006 ; qu'il ne conteste donc nullement avoir donné congé et ne revendique pas, contrairement à ce que soutient l'appelant, la tacite reconduction ; qu'il considère qu'il s'agissait d'un contrat de mise à disposition, non d'un bail professionnel et que les textes invoqués par l'appelant, en particulier les articles 1713 et suivants du code de civil et la loi du 23 décembre 1986 sont inadaptés ; qu'il ajoute qu'il n'a pas cherché à l'expulser et a attendu que son confrère trouve un autre local, tandis que M. X... n'a respecté ni l'article 1736 du code civil, ni les usages déontologiques ;
Considérant que la convention écrite de mise à disposition de locaux, signée en l'occurrence entre deux membres d'une profession libérale, avec une clause relative au règlement des charges, comportant des exceptions telles la fourniture du papier, de la poudre des instruments de photocopie et de télécopie, précisant les règles de facturation des frais de téléphone et des frais au titre des abonnements aux ouvrages et revues juridiques, n'est ni un bail soumis aux dispositions de la loi du 23 décembre 1986, ni un bail professionnel ; que d'ailleurs, sa nature sui generis tient encore au fait qu'elle prévoyait en cas de litige l'arbitrage du Bâtonnier ;
Considérant que lorsque cette convention a pris fin après le congé délivré par M. Y..., la mise à disposition des locaux se poursuivant, rien n'interdisait à l'arbitre de se référer aux règles du code civil applicables aux baux non écrits et à leur tacite reconduction ; qu'en particulier, selon l'article 1738 dudit code, il est prévu : " Si, à l'expiration des baux écrits, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par l'article relatif aux locations faites sans écrit " ;
Considérant toutefois que pour que s'opère cette tacite reconduction, il est nécessaire que la volonté des parties soit claire et en particulier que la volonté du bailleur ne soit pas équivoque ; qu'à défaut de cet accord exprès pour laisser reconduire le bail, le maintien en possession du preneur est contredit par l'expression de la volonté du bailleur d'obtenir plutôt la restitution rapide du bien, en l'occurrence d'ailleurs non pas loué mais mis à disposition, ce qui caractérise, au regard de la précarité juridique de la situation du bénéficiaire, l'absence d'un nouveau contrat ;
Considérant qu'au regard de ces principes et des circonstances de l'espèce, il est manifeste que M. Y..., lequel d'ailleurs ne le conteste pas, souhaitait mettre un terme à la " mise à disposition " ; qu'il lui aurait été loisible, lorsqu'il a accepté le maintien temporaire dans les lieux de M. X..., de lui faire connaître qu'il entendait néanmoins toujours être avisé de son départ selon un délai de préavis précis, soit trois mois à l'avance, que faute par lui de l'avoir prévu, ce délai précis ne pouvait être contractuellement imposé à M. X..., le délai à respecter étant en conséquence déterminé simplement par les usages et non pas au regard du principe général selon lequel le nouveau bail qui se forme comporte les mêmes clauses et conditions que le précédent ; que c'est par ailleurs de manière pertinente que la sentence a fait référence à l'article 1736 du code civil qui impose de respecter l'usage des lieux pour donner congé ; qu'au regard de ce dernier, au regard de la période considérée, avec l'arrivée des mois de juillet et août, de la difficulté certaine créée par M. X... à M. Y... par le respect d'un préavis d'une durée de seulement une semaine, ce qui était insuffisant, c'est donc exactement que l'arbitre a mis à la charge de M. X... une somme équivalent à deux mois d'une indemnité d'occupation ; que la sentence sera en conséquence, avec la précision des motifs ci-avant, confirmée ;
Sur les autres demandes ;
Considérant que l'intimé a sollicité également le paiement d'une indexation, prévue dans la convention mais non appliquée depuis le 3 ème trimestre 2003 bien qu'ayant été réclamée en novembre 2005, soit avant le congé ; que l'appelant ne fournit en réponse aucune explication sur ce point dans ses écritures ; que la sentence sera confirmée en ce qu'elle a fait droit à ce chef de demande, c'est à dire que sur la base du nouveau loyer de 1194, 22 € réclamé en novembre 2005 et payé par M. X... jusqu'en Juin 2006, il en résulte un reliquat en faveur de M. Y... de 696, 79 €, montant non contesté, sans que la demande complémentaire d'indexation formée également par l'intimé à partir du 23 novembre 2008, date d'une assignation par lui délivrée, dont la cour suppose que ce dernier lui attache le caractère d'une mise en demeure, ne puisse être utilement examinée et le cas échéant accueillie, s'agissant d'une demande indéterminée dans son quantum et indéterminable en l'absence de justificatifs ;
Considérant sur le litige relatif à la documentation, qu'il porte sur la demande de M. Y..., lequel verse aux débats à titre de justificatif le duplicata de la facture des Editions Législatives du 17 novembre 2006 d'un montant total de 1146, 05 €, tendant à obtenir la quote-part de remboursement incombant à M. X... au titre de ladite facture, soit une somme de 114, 60 € ; que l'appelant ne fournit à la cour aucun autre élément d'appréciation ; qu'il convient de confirmer la sentence de ce chef ;
Sur les frais d'arbitrage :
Considérant que l'intimé sollicite qu'ils soient placés à la charge de l'appelant, seul responsable selon lui de la procédure et des frais d'arbitrage ; que toutefois, ainsi qu'il a été relevé ci-dessus lors de l'analyse de la nature et de la portée de la situation contractuelle née entre les parties après le 1er Mars 2006, la position soutenue par M. X... quant à l'interprétation des conséquences juridiques de cette nouvelle situation sur la durée du préavis n'était pas sans fondement, notamment quant à la durée du préavis qu'il se devait de respecter ; qu'en conséquence la sentence sera confirmée en ce qu'elle les a partagés par moitié entre les parties ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Considérant que pour des motifs similaires, l'équité ne commande pas de faire application en l'espèce au profit de l'une des parties des dispositions dont s'agit, que les dépens d'appel en revanche seront supportés par l'appelant qui succombe sur la plupart de ses prétentions ;
PAR CES MOTIFS :
Donne acte à M. Y... de son désistement de la procédure par lui engagée le 23 novembre 2008 devant le tribunal d'instance du 9 ème arrondissement de Paris,
Confirme la sentence déférée en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute M. Y... du surplus de ses demandes,
Déboute M. Y... de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. Georges X... aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.