COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 17 MAI 2011
(no 172, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 05024
Décision déférée à la Cour : jugement du 9 février 2010- Tribunal de Grande Instance de MELUN-RG no 08/ 02308
APPELANT
Maître Arnauld X...... demeurant... représenté par la SCP ARNAUDY ET BAECHLIN, avoués à la Cour assisté de Me François de MOUSTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P 90 Cabinet KUHN
INTIMES
Monsieur Laurent Z...... 91260 JUVISY SUR ORGE représenté par la SCP Michel GUIZARD, avoués à la Cour assisté de Me Damien JOST, avocat au barreau de PARIS, toque : B 229
Mademoiselle Wendy B...... 91250 TIGERY représentée par la SCP Michel GUIZARD, avoués à la Cour assistée de Me Damien JOST, avocat au barreau de PARIS, toque : B 229
Société AB Inbev FRANCE pris en la personne de ses représentants légaux 14 avenue Pierre Brossolette-BP 9 59486 ARMENTIERES représentée par la SCP FANET SERRA, avoués à la Cour assistée de Me Blandine DONDEYNE, avocat au barreau de LILLE, substituant Monsieur le Bâtonnier Denis LEQUAI, avocat au barreau de LILLE
Monsieur Loïc F......-... 91250 TIGERY représenté par la SCP Michel GUIZARD, avoués à la Cour assisté de Me Damien JOST, avocat au barreau de PARIS, toque : B 229
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 mars 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre chargé du rapport et Madame Dominique GUEGUEN, conseiller
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller Madame Françoise MARTINI, Conseiller venu d'une autre chambre pour compléter la cour en application de l'ordonnance de roulement portant organisation des services de la cour d'appel de Paris à compter du 3 janvier 2011, de l'article R 312-3 du Code de l'organisation judiciaire et en remplacement d'un membre de cette chambre dûment empêché
Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, président de chambre-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
La Cour,
Considérant que Véronique B... est décédée le 6 septembre 2001, laissant, pour lui succéder, M. Laurent Z..., Mlle Wendy B... et M. Loïc F..., ses trois enfants ; Que, le 4 décembre 2002, les trois héritiers ont signé la déclaration de succession établie par M. G..., notaire à Lieusaint ; que ce document mentionnait une créance de la société Interbrew, d'un montant de 8. 220, 85 euros, fixée en vertu d'un arrêt rendu le 23 février 1995 par la Cour et correspondant à une indemnité de rupture d'un contrat d'approvisionnement ; Que, par acte du 3 avril 2006, passé devant M. X..., les héritiers ont vendu un immeuble dépendant de la succession ; qu'à la suite de cette vente, le notaire a conservé une somme de 70. 000 euros ; Que, le 30 janvier 2007, M. Z... a reçu de la société AB Inbev France, venant aux droits de la société Interbrew, une mise en demeure de payer la somme de 60. 612, 93 euros ; que la société créancière précisait qu'elle avait été informée de l'acceptation de la succession par M. Arnauld X..., successeur de M. G... ; qu'en réponse à l'interrogation de M. Z..., le notaire affirmait qu'il avait reçu la copie d'une attestation de créance pour une somme de 52. 590, 98 euros et qu'il l'avait transmise en 2003 à la direction des services fiscaux à la suite d'un redressement notifié à M. F... ; Que les héritiers ont saisi la Chambre départementale des notaires ; qu'à la suite de cette démarche, M. X... les invitait à signer un compte de répartition mentionnant qu'ils feraient leur affaire de cette dette et qu'ils s'engageaient à retirer leur plainte, ce qu'ils ont refusé. Que, par ordonnance du 11 janvier 2008, le juge des référés, saisi par les trois héritiers, a ordonné au notaire de leur remettre la somme de 73. 045, 55 euros sous astreinte ;
Considérant que, faisant plusieurs reproches à M. X..., M. Z..., Mlle B... et M. F... l'ont fait assigner, ainsi que la société AB Inbev France, devant le Tribunal de grande instance de Melun qui, par jugement du 9 février 2010, a :- dit que M. Z..., Mlle B... et M. F... ne pouvaient opposer à la société AB Inbev France, ni un défaut de signification de l'arrêt du 23 février 1995, ni une prescription de son droit à en poursuivre l'exécution,- débouté M. Z..., Mlle B... et M. F... de leurs demandes en tant qu'elles étaient dirigées contre la société AB Inbev France,- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de cette société,- dit que M. X... a commis une faute dans l'exécution de sa mission en subordonnant la remise des fonds séquestrés à l'abandon d'une plainte déposée contre lui devant la Chambre départementale des notaires,- condamné M. X... à payer à M. Z..., Mlle B... et M. F... la somme de 5. 000 euros à titre de dommages et intérêts,- débouté M. Z..., Mlle B... et M. F... du surplus de leurs demandes,- ordonné l'exécution provisoire du jugement,- condamné M. X... à payer à M. Z..., Mlle B... et M. F... la somme de 1. 500 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant qu'appelant de ce jugement, M. X..., qui en poursuit l'infirmation, demande que M. Z..., Mlle B... et M. F... soient déboutés de toutes leurs demandes ; Qu'à l'appui de son recours, M. X... fait valoir qu'il n'a jamais avoué avoir commis une faute dans le règlement du dossier des héritiers de Mme B..., qu'il a succédé au mois de février 2003 à M. G... qui a dressé l'acte de notoriété et la déclaration de succession déposée le 4 décembre 2002, qu'il a utilement conseillé les héritiers dès qu'il a eu connaissance de la créance de la société AB Inbev France et qu'il n'a jamais communiqué leurs adresses à la société de sorte que les premiers juges ont exactement estimé qu'il n'existe, en la cause, aucun « préjudice en lien direct avec la faute qui aurait alors été commise » ; que, sur ce point, il conclut à la confirmation du jugement ; Qu'en revanche, l'appelant reproche aux premiers juges d'avoir retenu sa faute pour avoir « exigé qu'ils retirent la plainte qu'ils avaient déposée devant la chambre départementale avant de leur remettre les fonds » dès lors que, par le projet de compte de répartition qu'il a fait parvenir aux héritiers, il ne s'agissait aucunement de subordonner la remise des fonds au retrait de la plainte ; qu'en réalité, il a exécuté ses obligations pour aboutir à un compte de réparation et à une option sur la créance de la société AB Inbev France, à savoir : payer la créance en renonçant à la contester, ou ne pas payer et contester cette créance ; Qu'à titre subsidiaire, M. X..., approuvant les premiers juges, qui ont écarté certains reproches qui lui sont adressés, fait valoir que seul le comportement des trois héritiers reste à l'origine du retard apporté au versement des fonds et qu'à cet égard, il n'a commis aucune faute ; Qu'estimant fautive et abusive la procédure dirigée contre lui, M. X... sollicite une somme de 25. 000 euros à titre de dommages et intérêts ; Qu'enfin, M. X... sollicite la restitution des sommes versées à M. Z..., Mlle B... et M. F... en vertu de l'exécution provisoire dont est assorti le jugement ;
Considérant que M. Z..., Mlle B... et M. F..., formant appel incident, demandent que M. X... soit condamné à leur payer la somme de 25. 000 euros en sus de la somme déjà allouée par le Tribunal de grande instance de Paris ; Qu'à cette fin, les intimés, qui acquiescent au jugement en ce qu'il porte rectification du montant de la créance de la société AB Inbev France en vertu de l'arrêt du 23 février 1995, font valoir que M. X... a commis des fautes en communiquant, malgré le secret professionnel, leurs adresses à la société AB Inbev France sans demander leur autorisation, ni même les informer, en conservant sans raisons, depuis le 3 avril 2006, le solde du prix de vente d'un immeuble après le payement des créanciers inscrits et ce, sans en avoir été requis, en refusant de les conseiller quant à la suite à donner à la mise en demeure dénoncée par la société AB Inbev France alors qu'il avait conservé un solde de prix de vente en prévision du payement de cette société et en subordonnant la restitution de ce solde au retrait d'une plainte déposée auprès de la chambre départementale des notaires ;
Considérant que la société AB Inbev France, qui demande qu'il soit donné acte à M. Z..., Mlle B... et M. F... qu'ils acquiescent au jugement en ce qu'il porte rectification du montant de sa créance en vertu de l'arrêt du 23 février 1995, conclut à la confirmation du jugement en ce que les premiers juges ont décidé qu'elle était fondée à poursuivre l'exécution de l'arrêt dont il s'agit ; Que la société fait observer qu'en cause d'appel, les dispositions du jugement qui lui profitent ne sont pas critiquées et que, subsidiairement, il y aurait lieu d'adopter les motifs retenus par les premiers juges pour dire que M. Z..., Mlle B... et M. F... ne pouvaient lui opposer, ni un défaut de signification de l'arrêt du 23 février 1995, ni une prescription de son droit à en poursuivre l'exécution et pour les débouter de leurs demandes en tant qu'elles étaient dirigées contre elle ;
Sur l'appel en tant qu'il est dirigé contre la société AB Inbev France :
Considérant que, d'abord, ni les appelants, ni M. X... ne critiquent les dispositions du jugement qui profitent à la société Inbev France qui, de son côté, ne forme aucun appel incident ; Qu'à son égard, les premiers juges ont statué conformément aux règles applicables aux faits de la cause de sorte qu'il convient de confirmer le jugement en ce que le Tribunal de grande instance de Melun a dit que M. Z..., Mlle B... et M. F... ne pouvaient opposer à la société AB Inbev France, ni un défaut de signification de l'arrêt du 23 février 1995, ni une prescription de son droit à en poursuivre l'exécution, débouté M. Z..., Mlle B... et M. F... de leurs demandes en tant qu'elles étaient dirigées contre la société AB Inbev France et dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de cette société ;
Sur les demandes dirigées contre M. X... :
Considérant que M. Z..., Mlle B... et M. F... adressent plusieurs reproches à M. X... ;
Considérant que, s'agissant de la violation du secret professionnel, il convient de rappeler qu'en vertu de l'article 23 de la loi du 25 ventôse an XI, modifiée par la loi du 25 juin 1973, les notaires ne peuvent, sans l'ordonnance du président du tribunal de grande instance, délivrer expédition, ni donner connaissance des actes à d'autres qu'aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit ; qu'un créancier n'entre pas dans ces catégories et qu'en outre, le secret professionnel auquel est soumis le notaire constitue un empêchement légitime à la communication d'une adresse ; Qu'en l'occurrence, il ressort d'une lettre valant sommation de payer et adressée par la société AB Inbev France à M. Z... qu'elle a appris par M. X... que les enfants de Véronique B... avaient accepté la succession ; que deux lettres adressées par le notaire, l'une au président de la Chambre des notaires de Seine-et-Marne, l'autre audit M. Z..., font apparaître qu'il a communiqué à la société AB Inbev France, par lettre du 26 septembre 2006 également versée aux débats, l'ancienne adresse de chacun des héritiers comme demeurant à Tigery, auberge du Roy, et qu'ensuite, il a précisé à la société qu'il ne connaissait pas l'adresse actuelle de chacun d'eux ; Qu'en agissant ainsi, sans l'autorisation des héritiers de Véronique B..., M. X... a violé le secret professionnel ;
Considérant que, sur le manquement au devoir d'information et de conseil, il convient d'approuver les premiers juges qui ont estimé que M. X... n'avait pas à répondre des fautes éventuellement commises par M. G..., son prédécesseur, lors de la rédaction de l'acte de notoriété qui ne mentionne pas la créance de la société AB Inbev France et quant au choix des trois héritiers d'accepter purement et simplement la succession ; Que, pareillement, le notaire n'a commis aucune faute en conservant, depuis le 3 avril 2006, le solde du prix de vente d'un immeuble après le payement des créanciers inscrits et en refusant de les conseiller quant à la suite à donner à la mise en demeure dénoncée par la société AB Inbev France alors qu'il avait conservé un solde de prix de vente en prévision du payement de cette société dès lors que, comme l'ont énoncé les premiers juges, il a, dès le début des poursuites ainsi qu'il ressort des correspondances échangées, fait connaître aux héritiers qu'il était en mesure de leur remettre le solde du prix de vente à charge pour eux de régler directement la société AB Inbev France après avoir vérifié la validité de sa créance et qu'il leur appartenait, s'ils le jugeaient utile, de consulter un avocat spécialisé ; qu'il n'a donc commis aucune faute en ne les conseillant pas plus amplement quant à l'opportunité de contester la créance ;
Considérant qu'enfin, les premiers juges ont justement reproché à M. X... d'avoir porté la mention « ce document mettant un terme à la plainte formulée par Mademoiselle B... et Messieurs Z... et F... auprès de la chambre des notaires de Seine-et-Marne » au pied du compte de répartition des fonds revenant aux susnommés dès lors que, ce faisant, il subordonnait à l'exercice de sa mission un élément qui y était étranger ;
Considérant que les fautes retenues contre M. X... ont causé aux consorts Z..., B... et F... un préjudice qui a été exactement apprécié par les premiers juges et réparé par une indemnité de 5. 000 euros ; que, partant, il convient de confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement frappé d'appel ;
Sur les autres demandes :
Considérant que, compte tenu de la solution donnée au litige, il convient de rejeter la demande de dommages et intérêts présentée par M. X... ; que, sur ce point, le jugement sera également confirmé ;
Et considérant que chacune des parties sollicite une indemnité en invoquant les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que, succombant en ses prétentions et supportant les dépens, M. X... sera débouté de sa réclamation ; qu'en revanche, il sera condamné à payer aux consorts Z..., B... et F... et à la société AB Inbev France les frais qui, non compris dans les dépens d'appel seront arrêtés, en équité, à la somme de 2. 000 euros ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 9 février 2010 par le Tribunal de grande instance de Melun au profit de la société AB Inbev France et de M. Laurent Z..., de Mlle Wendy B... et de M. Loïc F... ;
Déboute M. Arnauld X... de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et le condamne, par application de ce texte, à payer à M. Z..., à Mlle B... et à M. F... ensemble, la somme de 2. 000 euros et à la société AB Inbev France la somme de 2. 000 euros ;
Condamne M. X... aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la S. C. P. Guizard, avoué de M. Z..., de Mlle B... et de M. F..., et par la S. C. P. Fanet et Serra, avoué de la société AB Inbev France, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.