Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 17 MAI 2011
(no 169, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 21680
Décision déférée à la Cour : sentence arbitrale en date du 19 octobre 2009, rendue par M. Gilles A..., agissant en qualité d'arbitre unique désigné par le Bâtonnier du Barreau de Paris no 721/ 189301
DEMANDERESSE AU RECOURS
Madame Marianne X...... 75008 PARIS représentée par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoués à la Cour assistée de Maître Thomas BEAL, avocat au barreau de PARIS, toque P 0217 Me Isabelle JAULIN, avocat au barreau de PARIS SELARL L. I. G. L
DÉFENDEUR AU RECOURS
Monsieur Steve Y...... 75007 PARIS représenté par la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT, avoués à la Cour assisté de Me Jack DEMAISON, avocat au barreau de PARIS, toque : K 0172 SIMON ASSOCIÉS SELARL, avocats au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Dominique GUEGUEN conseiller chargé du rapport, en présence de Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller Madame Marie-Marguerite MARION, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, président de chambre-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire. **********
Mme Marianne X..., signataire d'un acte sous seing privé en date du 17 septembre 2007, a exercé, à compter du 21 janvier 2008, moyennant une rétrocession d'honoraires mensuelle de 11700 € HT ou 13 993 € TTC, la profession d'avocat en qualité de collaboratrice libérale de la Scp d'avocats associés Y... et Z..., laquelle, à la suite de graves difficultés de santé de l'un des associés, M. Didier Z..., a été transformée en Société Civile de Moyens à compter du 29 février 2008, le contrat de Mme X... étant repris par M. Steve Y... aux mêmes conditions le 1er Mars 2008.
Après le départ de Mme X... du cabinet le 12 septembre 2008, un litige a opposé les parties quant à l'imputabilité de la rupture du contrat de collaboration et quant à la reddition des comptes entre elles : Mme X..., ayant signé une lettre de démission datée du 31 juillet 2008, a soutenu que ce document a été en réalité signé le 7 juillet précédent, sous la contrainte, lors d'une altercation brutale avec M. Y..., ce qu'elle n'a accepté que dans la crainte de se voir interdire immédiatement les locaux et de ne pas percevoir la rétrocession d'honoraires du mois en cours, imputant en conséquence à M. Y... la décision brutale de rompre le contrat de collaboration qui les liait et considérant qu'il lui reste dû les trois mois de rétrocession d'honoraires pour le délai de prévenance, aucun manquement aux règles de la profession ne pouvant lui être reproché, outre les indemnités de repos rémunéré qui pourraient lui être dues : M. Y... a contesté l'existence même de l'entrevue du 7 juillet, invoquant, le projet initial de Mme X... de développer une clientèle pour devenir associé n'ayant pu aboutir, la démission de cette dernière pour rejoindre un autre cabinet, après avoir perçu l'intégralité de ce qui lui était dû.
A défaut de conciliation, les parties ont signé le 25 juin 2009 un procès-verbal d'arbitrage aux termes duquel l'arbitre statue en droit et à charge d'appel.
Aux termes d'une sentence arbitrale en date du 19 octobre 2009, M. Gilles A..., agissant en qualité d'arbitre unique désigné par le Bâtonnier du Barreau de Paris a :- débouté Mme X... de toutes ses demandes,- liquidé à la somme de 1200 € outre la TVA au taux de 19, 60 % le montant des frais de l'arbitrage dont le règlement incombe en totalité à Mme X...,- donné acte aux parties du règlement chacune de l'avance sur frais d'arbitrage mise à sa charge,- décidé en conséquence que Mme X... devra rembourser à M. Steve Y... la somme de 717, 60 € dont il a fait l'avance,- débouté les parties de leurs autres demandes,- dit n'y avoir lieu à paiement d'une indemnité au titre de frais irrépétibles supportés par les parties et laissé à la charge de Mme X... ses dépens éventuels.
CELA ETANT EXPOSE, la COUR :
Vu l'appel interjeté le 22 octobre 2009 par Mme X...,
Vu les conclusions déposées le 10 février 2011 par l'appelante qui demande l'infirmation de la sentence, statuant à nouveau, la condamnation de M. Steve Y... à lui payer la somme de 26 520 € HT en paiement du délai de prévenance, subsidiairement, la somme de 5475 € HT au titre de l'indemnisation des jours de repos acquis et non pris, la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi, la somme de 8500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, M. Y... supportant seul les honoraires de l'arbitre et les frais et dépens de l'arbitrage ainsi que tous les dépens,
Vu les conclusions déposées le 18 janvier 2011 par l'intimé qui demande la confirmation en toutes ses dispositions de la sentence, y ajoutant, la condamnation de Mme X... à lui payer la somme de 4000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens.
SUR CE :
Sur les circonstances de la rupture :
Considérant que l'appelante expose qu'elle a été convoquée le 7 juillet 2008 dans le bureau de M. Y..., lequel l'a sommée de signer sur le champ une " déclaration de démission " datée du 31 juillet 2008, qu'il avait lui-même préparée, faute de quoi il lui interdirait tout accès au cabinet ; qu'à la veille des vacances d'été, période de faible activité peu propice à des contacts professionnels, craignant de ne plus avoir d'accès internet avec ses e-mails, elle a été contrainte d'accepter, faisant l'acquisition d'un téléphone " Blackberry " et elle a continué à travailler au cabinet Y... jusqu'au 31 juillet, date de son départ en vacances ; que le dernier versement qu'elle a reçu était celui effectué au titre de sa rétrocession du mois de juillet 2008 ; qu'elle a pu prendre des contacts avec un autre cabinet en juillet, qu'elle est rentrée de vacances le 25 août, est revenue travailler au cabinet Y..., qu'elle a signé le 8 septembre 2008 pour devenir associé du cabinet Gramond, qu'elle a alors organisé son départ du cabinet Y... pour s'installer physiquement le 17 septembre chez Gramond, qu'ainsi, rassurée sur la poursuite de son exercice professionnel, elle a adressé le 26 septembre 2008 un courrier à M. Y... pour lui réclamer ce qu'elle estimait lui être dû, provoquant la saisine par M. Y... le 8 octobre 2008 de l'Ordre des avocats du différend l'opposant à Mme X... ;
Considérant que l'appelante, au vu de ces circonstances de fait, conteste l'analyse opérée par l'arbitre, le document par elle signé préparé à l'avance et antidaté ne constituant qu'une prétendue démission de sa part, se présentant de manière curieuse sur le modèle d'une déclaration et non pas sous la forme d'une lettre par elle adressée à M. Y..., ajoutant que la police de caractères utilisée, l'utilisation du mot avocat au féminin ainsi que la signature patronymique informatique figurant à la fin du courrier ne correspondent pas à celles utilisées par elle de façon habituelle ; qu'elle estime établir que l'entretien et la signature se sont déroulés début juillet au vu des attestations de M. Didier Z... en personne, de Mme Laetitia B..., la propre collaboratrice de M. Y..., ainsi que de celles de M. Vincent C..., avocat, de Mme Anne D..., de M. Clément E..., ancien avocat et d'Eglantine F..., ainsi que de celle de M. G..., son conseiller financier ; qu'elle ajoute qu'une telle démission, avec la demande d'être libérée de tout engagement, était invraisemblable de sa part l'amenant à renoncer à percevoir un revenu mensuel significatif pour se retrouver dans une situation précaire, qu'elle recèle une contradiction puisqu'après avoir souhaité être libérée de tout engagement, elle est revenue au cabinet à son retour de vacances, ce qui démontre qu'aucun accord n'avait été pris pour la dispenser d'effectuer son délai de prévenance, qu'elle soutient en conséquence qu'elle a simplement quitté le 12 septembre 2008 un cabinet qui la prétendait faussement démissionnaire et ne la rémunérait plus depuis le 1er Août 2008 ; qu'ainsi elle réclame le paiement de sa rémunération entre le 1er Août et le 8 octobre 2008 ; qu'elle conteste encore l'analyse de l'arbitre qui bien que refusant l'indemnisation du délai de prévenance, ne lui a pas accordé la rémunération de repos non pris, formant en conséquence une demande subsidiaire à ce titre, laquelle n'est pas, contrairement aux dires de l'intimé, une demande nouvelle puisque tendant aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ;
Considérant que l'intimé invoque in limine litis, au visa des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, l'irrecevabilité de la demande nouvelle en appel de Mme X... au titre du paiement de jours de repos acquis et non pris ; qu'il considère comme patent que le contrat de collaboration a été rompu par la démission de Mme X..., confrère expérimenté disposant d'une autonomie complète dans ses rapports avec lui, ayant commencé à travailler en 1989, prêté serment en 1994 et été collaboratrice dans de prestigieux cabinets d'avocats internationaux, que la lettre en date du 31 juillet 2008 traduit une volonté non équivoque d'une personne dont le consentement n'a pas été vicié, décision qui n'est que la résultante du démarrage d'un projet d'association ; qu'il observe que l'appelante n'a contesté à aucun moment avoir signé la lettre, dont le texte est clair, qu'elle l'a remise à M. Y..., qu'elle y précise la date de la cessation des engagements réciproques de collaboration, qu'il lui a réglé les honoraires du mois de juillet par un virement du 25 juillet 2008 sans avoir obtenu la note d'honoraires émise par la collaboratrice, laquelle n'en adressera pas d'autre à la fin août et au début septembre ; qu'il n'a pas existé d'entretien avec des menaces ou une dispute, les attestations qu'il produit, délivrées par tous les confrères présents dans les locaux du cabinet, suffisant à l'établir ; qu'il ajoute que le ton des mails envoyés courant juillet 2008 par Mme X... à divers interlocuteurs ne correspond nullement à celui d'une personne contrainte de démissionner quelques jours auparavant ;
Considérant, sur la recevabilité, que les demandes de l'appelante ne constituent pas des demandes nouvelles, comme telles irrecevables en cause d'appel, dès lors qu'elles tendant aux mêmes fins que celles soumises au premier juge et ont au surplus le même fondement juridique ;
Considérant que la lettre de démission du 31 juillet 2008 est ainsi rédigée ; " Je soussignée, Maître Marianne X..., avocate inscrite au Barreau de Paris, demeurant au..., 92300 Levallois Perret, déclare démissionner de mon contrat de collaboration. Je souhaite être libérée de mes engagements à compter de ce jour. Je vous remercie de bien vouloir me laisser un délai de prévenance afin de pouvoir me réinstaller. Votre bien dévouée confrère. Fait à Paris, le 31juillet 2008. Suivi de la signature manuscrite, identifiée comme étant celle de Marianne X... ",
Considérant que l'arbitre a déduit, en une motivation non critiquable, que si certes, le texte même apparaissait curieux et plutôt inhabituel, rien ne permettait de douter ni qu'il ait bien été signé par Mme X..., ni que sa signification et portée ne soient concrètement très claires, puisqu'il est fait mention d'une démission et que la phrase " je souhaite être libérée de mes engagements à compter de ce jour... " ne comporte pas véritablement d'équivoque pour un profane, a fortiori pour un avocat expérimenté ;
Considérant en outre que par des motifs pertinents que la cour fait siens, l'arbitre n'a pas manqué d'observer, s'agissant en conséquence du délai de prévenance, que non seulement il est permis de penser, selon la formulation utilisée " je souhaite... ", qu'il était donc sous-entendu qu'il serait accordé, sans que la durée en soit fixée mais que les pièces versées aux débats démontrent qu'il a effectivement été, dans les faits, accordé, puisque Mme X... n'a pas quitté les lieux, est partie en vacances, est revenue le 25 août après ses vacances et que ledit délai a eu pour motif principal de lui laisser la possibilité de se réinstaller et non pas de lui faire effectuer un délai de prévenance classique, puisqu'elle était " libérée à compter de ce jour " ; que lorsque Mme X... quitte véritablement le cabinet le 12 septembre 2008, elle a trouvé une situation d'associée dans une autre structure à compter du 15 septembre suivant, c'est à dire qu'elle a disposé du temps nécessaire à sa réinstallation, sans fournir de travail effectif au cabinet Y... après le 31 juillet 2008, ce qu'elle ne prétend d'ailleurs pas ;
Considérant que cet ensemble de faits permet, sur les modalités contestées de la rupture, de constater que l'argumentation développée par Mme X... n'est pas de nature à établir ni une rupture brutale, ce que rien ne vient corroborer, ni qu'elle aurait été contrainte, au sens d'un consentement vicié, de démissionner ; qu'en effet, il semble établi, comme elle le dit, qu'un entretien ait bien eu lieu début juillet, peut-être le 7 juillet avec M. Y... ; que ces faits sont démontrés à la lecture du contenu concordant des diverses attestations invoquées par l'appelante, selon lesquelles de nombreuses personnes, dont rien ne permet de mettre en doute le sérieux de leurs propos, M. Z..., Mme B..., Mlle F..., M. G..., M. E..., Mme D..., M. C..., confirment en des termes clairs et précis avoir été entretenues début ou mi-juillet 2008 par cette dernière du fait que M. Y... ne souhaitait pas poursuivre son contrat de collaboration ; que les termes des attestations qui sont produites par l'intimé, dont celle de M. H..., collaborateur de M. Y... et de Mme I..., assistante juridique, portent uniquement sur l'absence selon eux de dissensions ou de disputes manifestes dans le cabinet et sur l'existence de liens cordiaux entre Mme X... et M. Y..., ce qui n'est pas contradictoire ; qu'il s'en déduit qu'un consensus a été trouvé qui a abouti à la lettre de démission librement comprise et signée, rédigée selon des modalités concrètement adaptées aux circonstances et qui ont été strictement appliquées et respectées ; que d'ailleurs rien dans l'attitude de Mme X... ou dans le ton des mails professionnels qu'elle a envoyé en juillet 2008 à ses divers interlocuteurs ne vient conforter la thèse de l'appelante ;
Considérant en conséquence que sans qu'il soit besoin d'examiner davantage le surplus de l'argumentation qui a été développée par les parties quant à l'activité déployée dans le cabinet par l'appelante et quant aux attentes professionnelles respectives des cocontractants, la décision entreprise qui a retenu la validité de la démission et a débouté Mme X... de toutes ses demandes indemnitaires liées à une rupture imposée par M. Y..., sera confirmée ;
Considérant que la demande subsidiaire de l'appelante est relative à l'indemnité qui lui serait due au titre de l'indemnisation des jours de repos acquis et non pris, laquelle demande a varié dans son quantum entre la première réclamation présentée à ce sujet dans le courrier du 26 septembre 2008 portant sur 10, 5 jours et les écritures qui saisissent la cour, dans lesquelles Mme X... réclame le règlement de 9, 5 jours, solde de jours de repos acquis non pris et non payés au 31 juillet 2008, qu'elle évalue, sur la base d'une durée moyenne de 20, 3 jours de travail par mois, à une somme de 5475 €, admettant avoir pris seulement 4 jours de congés, les 21 mars, 6 juin, 23 juin, 24 et 25 juillet ; que l'intimé conteste en faisant valoir qu'il n'est pas apporté de preuve du bien fondé de la demande, que des congés ont été pris non seulement les jours mentionnés ci-dessus mais encore le 27 juillet et le fait que pendant la durée des relations contractuelles, elle a dûment prix ses congés payés, en particulier au mois de juillet où elle a été absente pendant plusieurs jours, précisant enfin qu'il ne lui a pas été demandé de travailler le lundi de Pentecôte, ce qui ne l'autorise pas à le décompter ;
Considérant que le contrat de collaboration prévoit au paragraphe intitulé " période de repos " notamment que " Mme X... aura droit à 5 semaines de repos rémunérés " comme période d'activité au cours de l'année civile (ou à un repos rémunéré calculé au prorata de sa présence au cours de l'année civile). La Scp Y... et Z... et Maître Marianne X... fixeront d'un commun accord et au moins deux mois à l'avance les périodes de repos. le calcul du repos rémunéré s'effectue de date à date. (14. 2 du RIN) " ; que dès lors, les dates des congés supposant nécessairement d'être convenues et fixées à l'avance, les explications de l'intimé sont fondées lorsqu'il indique que les congés payés ont été pris durant les relations contractuelles ; que l'appelante sera en conséquence déboutée de ce chef de demande ;
Considérant que l'appelante, qui succombe en ses diverses prétentions sera également déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ; que la sentence déférée sera confirmée en toutes ses dispositions ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application en appel au profit de l'une quelconque des parties des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que les dépens d'appel seront supportés par l'appelante qui succombe sur l'essentiel de ses prétentions.
PAR CES MOTIFS :
Confirme la sentence en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute Mme Marianne X... de sa demande relative à l'indemnisation de repos rémunérés non pris et de sa demande de dommages et intérêts,
Déboute les parties de leurs demandes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme Marianne X... aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.