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16/05/2011 | FRANCE | N°10/06152

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 4, 16 mai 2011, 10/06152


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 4



ARRET DU 16 MAI 2011



(n° 141, 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/06152



Décision déférée à la Cour : Décision du 14 Janvier 2010 rendue par L'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX - ONIAM



DEMANDEUR



Madame [R] [J] veuve [C]

Elisant domicile chez Me Florence BOYER

[Adresse 1]


[Localité 4]



Représentée par Maître Florence BOYER, avocat au barreau de Paris J 103





DEFENDEUR



ONIAM - OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX

[Adresse 7]

...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 4

ARRET DU 16 MAI 2011

(n° 141, 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/06152

Décision déférée à la Cour : Décision du 14 Janvier 2010 rendue par L'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX - ONIAM

DEMANDEUR

Madame [R] [J] veuve [C]

Elisant domicile chez Me Florence BOYER

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Maître Florence BOYER, avocat au barreau de Paris J 103

DEFENDEUR

ONIAM - OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représenté par Maître Olivier SAUMON, avocat au barreau de Paris P 82

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mars 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Marie-Christine LAGRANGE, Conseiller, chargée du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

- Renaud BOULY de LESDAIN, Président

- Françoise CHANDELON, Conseiller

- Marie-Christine LAGRANGE, Conseiller

Greffier, lors des débats : Isabelle COULON

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Renaud BOULY de LESDAIN, Président et par Isabelle COULON, greffier présent lors du prononcé.

Madame [R] [J] a épousé Monsieur [C] le [Date mariage 3] 1999.

Monsieur [C] a été traité pour une hémophilie A et a suivi un traitement au Centre [6] de 1975 à 1984. En mai 1985, une sérologie positive est mise en évidence et ce n'est qu'en 1991 que les contrôles rétrospectifs sur sérum conservé en sérothèque ont été pratiqués et ont mis en évidence la contamination de Monsieur [C] par le VIH.

Le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles (le F.I.T.H.) a indemnisé Monsieur [C] au titre de son préjudice spécifique de contamination dès lors que l'origine transfusionnelle de la contamination VIH était reconnue.

Par arrêt en date du 15 décembre 2005, la Cour de ce siège a alloué à Monsieur [C] la somme de 21 988,60 € au titre des pertes de salaires entre 2002 et 2004 et la somme de 1 863,40 € par trimestre au titre du préjudice économique subi et à subir à compter du début de l'année 2005.

Monsieur [C] est décédé accidentellement le [Date décès 2] 2007.

Madame [R] [C] déclarant n'avoir eu la révélation de sa séropositivité de son époux qu'en décembre 2008 a sollicité de l'O.N.I.A.M. l'indemnisation de son préjudice spécifique de contamination à hauteur de 350 000 €.

Par décision datée du 14 janvier 2010 et notifiée le 19 janvier 2010, l'O.N.I.A.M. a rejeté la demande formée par Madame [R] [C] au motif que la contamination de celle-ci trouve sa cause adéquate dans la contamination consciente, par le silence gardé par l'auteur de sa propre contamination.

Madame [R] [C] a contesté cette décision auprès du greffe de la Cour le 2 mars 2010.

Dans ses dernières conclusions soutenues oralement à l'audience par son avocat, Madame [R] [C] demande à la Cour de dire qu'elle remplit toutes les conditions d'accès à l'indemnisation prévue par la loi et, en conséquence, de lui allouer la somme de 350 000 € au titre de l'indemnisation de son préjudice spécifique de contamination d'origine transfusionnelle par le V.I.H outre la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [R] [C] soutient que l'O.N.I.A.M. ajoute aux textes en recherchant la responsabilité de celui qui est à l'origine de la contamination alors que seul doit être retenu le lien de causalité, lien que l'O.N.I.A.M. admet.

Dans ses dernières conclusions soutenues à l'audience par son avocat, l'O.N.I.A.M. demande à la Cour de :

- constater que la contamination de Madame [R] [C] n'est pas en lien direct avec une contamination causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de produits dérivés du sang,

- constater que la contamination de Madame [R] [C] est en lien direct avec le comportement fautif de son époux qui a entretenu des relations sexuelles non protégées avec sa compagne en lui dissimulant volontairement son état de santé,

- débouter en conséquence Madame [R] [C] de toutes ses demandes.

L'O.N.I.A.M. soutient que l'intervention de la solidarité nationale est subsidiaire par rapport à l'engagement de la responsabilité, que le facteur direct de la contamination est le silence gardé par le mari, comportement fautif, et non la contamination par transfusion.

SUR CE

Considérant que l'O.N.I.AM. soutient que la faute commise par Monsieur [C] qui aurait dissimulé sa séropositivité à son épouse exclue ainsi pour celle-ci tout droit à réparation de sa propre contamination par le V.I.H. ;

Considérant qu'aux termes de l'article L 3122-1 du code de la santé publique 'les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus d'immunodéficience causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de produits dérivés du sang réalisée sur le territoire de la République française sont indemnisées dans les conditions définies ci-après. (...) La réparation intégrale des préjudices définis au premier alinéa est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et infections nosocomiales mentionné à l'article L 1142-22 (...)' ;

Considérant que l'article L 1142-22 du même code, après avoir défini le statut d'établissement public de l'O.N.I.A.M., contient des dispositions distinctes pour chacune des missions de cet Office avec des alinéas différents quant aux conditions d'exercice de chacune d'entre elles : le premier alinéa énonce des conditions strictement applicables à l'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales alors que le deuxième alinéa se borne à énoncer que 'l'office est également chargé de la réparation des dommages directement imputables à une vaccination obligatoire (...), de l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus d'immunodificience humaine en application de l'article L 3122-1 (...)' ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions ainsi rappelées que le législateur a instauré l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination transfusionnelle par le VIH sur le territoire de la République sans aucune autre condition et, plus particulièrement, sans aucune restriction de ce droit à indemnisation pouvant être imputable à une quelconque faute ; que raisonner autrement serait ajouter aux textes qui n'autorisent aucun lien entre le droit à indemnisation et la responsabilité pour faute ;

Considérant que l'O.N.I.A.M. est mal fondé à soutenir que son intervention au titre de la solidarité nationale 'reste subsidiaire par rapport à l'engagement de la responsabilité' dès lors que l'article L 3122-4 du code de la santé publique, en son chapitre II 'Indemnisation des victimes contaminées', dispose que 'l'office est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède la victime contre la personne responsable du dommage' ;

Considérant, par ailleurs, que l'O.N.I.A.M. conteste dans ses écritures l'origine de la contamination par le V.I.H. de Madame [R] [C] par son mari lui-même victime d'une contamination transfusionnelle ; que, cependant, l'Office a fondé sa décision de rejet de l'indemnisation des préjudices subis par Madame [R] [C] sur le motif suivant : ' la contamination trouve sa cause adéquate dans la contamination consciente, par le silence gardé par l'auteur de sa propre contamination' ; que l'O.N.I.A.M. n'a donc pas contesté le lien de causalité entre la contamination transfusionnelle de Monsieur [C] et celle de Madame [R] [C]' ;

Considérant, enfin, que c'est non pas le silence de Monsieur [C] mais sa propre contamination transfusionnelle sur le territoire de la République française qui a permis la contamination par le VIH de Madame [R] [C], son épouse, quand bien même elle aurait vécu en Algérie ; que les conditions prévues par les dispositions du code de la santé publique dans le cas précis de l'indemnisation des victimes par contamination sont donc remplies ;

Considérant en effet que, même si on admet que Monsieur [C] a commis une faute, celle-ci n'a aucune incidence sur le droit à réparation de Madame [R] [C] par l'O.N.I.A.M. dès lors que l'indemnisation de la contamination par le V.I.H. n'obéit qu'à l'unique condition que le préjudice soit causé directement par une transfusion et qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'autorise, voire même ne prévoit, une quelconque exclusion pour faute dans la chaîne des causalités ;

Considérant en conséquence que Madame [R] [C] a droit à la réparation intégrale de son préjudice spécifique de contamination ; qu'il y a lieu de lui allouer la somme de 180 000 € en réparation de ce préjudice ;

Considérant qu'il est équitable que Madame [R] [C] n'assume pas les frais qu'elle a dû engager dans la présente procédure ; qu'il lui sera alloué la somme de

1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement et contradictoirement,

ALLOUE à Madame [R] [C] la somme de 180 000 € au titre de l'indemnisation de son préjudice spécifique de contamination,

ALLOUE à Madame [R] [C] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que les dépens restent à la charge de l'O.N.I.A.M.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 10/06152
Date de la décision : 16/05/2011

Références :

Cour d'appel de Paris C4, arrêt n°10/06152 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-05-16;10.06152 ?
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