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13/05/2011 | FRANCE | N°09/22289

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 13 mai 2011, 09/22289


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 11









ARRET DU 13 MAI 2011



(n°157, 6 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 09/22289





Décision déférée à la Cour : jugement du 28 septembre 2009 - Tribunal de grande instance de PARIS - 5ème chambre 1ère section - RG n°08/08185







APPELANTE A

U PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE





S.A. LES HOTELS DE PARIS, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par la SCP OUDINOT - ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRET DU 13 MAI 2011

(n°157, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/22289

Décision déférée à la Cour : jugement du 28 septembre 2009 - Tribunal de grande instance de PARIS - 5ème chambre 1ère section - RG n°08/08185

APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE

S.A. LES HOTELS DE PARIS, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par la SCP OUDINOT - FLAURAUD, avoué à la Cour

assistée de Me Denis BERNIER, avocat au barreau de PARIS, toque E 649

INTIME AU PRINCIPAL et APPELANT INCIDENT

M. [S] [D]

Chez Me Franck BENAIS, avocat

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par Me Pascale BETTINGER, avoué à la Cour

assisté de Me Martine SCEMAMA, avocat au barreau de PARIS, toque C 1003 substituant Me Franck BENAIS, avocat au barreau de PARIS, toque C 372

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 mars 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Fabrice JACOMET, Président

M. Bernard SCHNEIDER, Conseiller

Mme Pascale BEAUDONNET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mlle Carole TREJAUT

M. [K] [U] a préalablement été entendu en son rapport

ARRET :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par M. Fabrice JACOMET, Président et par Mlle Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

M. [S] [D] a séjourné du 23 novembre au 14 décembre 2006 dans l'hôtel villa montparnasse géré par la société LES HOTELS DE PARIS.

Il a porté plainte auprès du commissariat de police du 14e arrondissement - l'hôtel étant situé [Adresse 1] - pour avoir été victime d'un vol sans effraction, le 26 novembre, d'une somme de 125'000 € placée dans le coffre-fort de sa chambre.

Cette plainte n'ayant pas abouti à l'identification d'un coupable, il a fait assigner la société LES HÔTELS DE PARIS pour obtenir réparation de son préjudice devant le tribunal de grande instance de Paris par assignation délivrée le 4 juin 2008.

Par jugement prononcé le 28 septembre 2009, le tribunal a admis le principe de la réparation due par l'hôtelier et condamné celui-ci à payer une somme de 50'000 € de dommages-intérêts en tenant compte des fautes respectives qu'il a retenues à l'égard des deux parties.

La société LES HÔTELS DE PARIS a relevé appel de la décision et par dernières conclusions signifiées le 15 février 2011 demande de :

-constater qu'elle a vainement fait sommation à l'intimé de produire la déclaration d'entrée sur le territoire européen de la somme de 125'000 € qu'il prétend avoir eue sur lui à son arrivée,

- dire qu'elle n'a commis aucune faute de nature à favoriser le vol,

- dire que la preuve du dépôt n'est pas apportée de façon probante,

- dire que le seul détenteur au moment du vol était l'intimé puisqu'il avait lui-même composé la combinaison du coffre,

- par conséquent, infirmer le jugement, débouter l'intimé de toutes ses demandes et le condamner à payer 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

L' appelante fait valoir, à titre principal, que la preuve de la détention de 125 000 € n'est pas établie par l'intimé, qu'il disposait de deux comptes en banque et qu'il ne s'explique pas sur la nécessité de détenir la somme alléguée dans ces conditions alors qu'il disposait de chéquiers pour effectuer ses paiements.

Elle ajoute, de surcroît, que M [D] était à même d'apprécier l'importance de la somme déposée au regard de la taille du coffre et devait donc prendre l'initiative de procéder à un dépôt dans le coffre principal de l'établissement.

Par dernières conclusions signifiées le 24 février 2011, M. [D] demande la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de l'appelante mais sa réformation quant au quantum et qu'il lui soit alloué la somme de 125'000 € avec intérets à compter du jugement et application de l'article 1154 du Code civil avec effet à compter du 28 septembre 2010. Il demande, en outre, 4000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, il expose que l'appelante a commis plusieurs fautes :

- une absence de surveillance de l'hôtel et une vidéo-surveillance en panne alors qu'il aurait été possible de repérer et même d'identifier une personne voulant sortir de l'hôtel un coffre, même de petite taille, alors que la catégorie de l'hôtel supposait l'existence d'un tel système de surveillance ou d'un système analogue,

- une absence de fouille de l'hôtel après la découverte du vol alors que le coffre avait pu être caché en attendant que le voleur le sorte de l'établissement,

- une absence de protection du coffre puisque toute personne de la direction pouvait l'ouvrir au moyen d'un passe sans neutraliser le code personnel,

- au cours de l'enquête, il est apparu que les absences de surveillance ont concouru à la commission de plusieurs vols dans les mois et les années précédant le vol aujourd'hui analysé et le directeur lui-même a manifesté lors de son audition un doute sur la probité de son personnel.

L'intimé conclut que la responsabilité de l'hôtel est entièrement engagée sur le fondement de l'article 1953 alinéa 3 du Code civil.

Il justifie la consistance du vol par le fait qu'il produit un reçu du bureau de change de Kaloum lequel établit la réalité de la remise de francs guinéens pour la contre-valeur de 125'000 € (1.56.000.000.000 de francs guinéens), opération effectuée le 17 novembre 2006, concordant avec son arrivée le 19 novembre Il précise qu'il devait recevoir des soins médicaux et avait l'intention de s'en acquitter directement en espèces.

Il admet ne pas rapporter la preuve de la détention de 25'000 € et qu'il limite donc sa demande à 125 000 €.

Il soutient, par ailleurs, qu'on ne saurait lui reprocher une faute d'imprudence, car, compte tenu de son niveau de ressources en Guinée et de la difficulté de sortir et d'utiliser à l'étranger la monnaie guinéenne, il a recouru à la pratique habituelle consistant à acquérir dans son pays des euros et à les conserver en espèces pour ses besoins du voyage.

Il ajoute que n'ayant aucune compétence particulière dans le domaine de la sécurité, il était fondé à penser que l'usage du coffre-fort mis à sa disposition dans la chambre offrait toute sécurité en l'absence d'une quelconque mise en garde ; qu'il n'a donc commis aucune faute et que les propres fautes de l'hôtelier justifient une application de l'article 1153 du code civil qui écarte le plafond d'indemnisation égal à 100 fois le prix de la chambre, ce qui autorise donc une indemnisation totale du préjudice.

SUR CE

Considérant, tout d'abord, qu'il n'y a pas lieu d'écarter le principe même d'un préjudice, les documents produits par l'intimé - un document d'un bureau de change de Conakry établi quelques jours avant le départ et un dossier médical prouvant que M. [D] a effectué des examens de santé pendant son séjour à Paris directement acquittés sans passer par une caisse de sécurité sociale - ainsi que le paiement de sa chambre en espèces dûment accepté par l'appelante, étant de nature à établir que faute de preuve contraire, M. [D] a été victime du vol dont il demande réparation ;

Considérant, de surcroît, que la somme de 125'000 € n'est pas contraire aux ressources d'une personne justifiant par des titres immobiliers qu'elle est propriétaire d'immeubles dans son pays d'origine, ni contraire au fait qu'il avait emporté des espèces afin de payer des soins éventuellement coûteux, hors tout système d'assurances, peu important que dans les circonstances du litige, il ait préféré ne pas recourir à des comptes chèques de banque ;

Considérant que par application de l'article 1953 du code civil, l'hôtelier encourt une responsabilité illimitée en cas de dépôt nécessaire, que cette responsabilité est limitée dans les autres cas à l'équivalent de 100 fois le prix de location sauf lorsque le client démontre une faute de celui qui l'héberge ;

Considérant qu'en l'espèce, le dépôt nécessaire n'est pas caractérisé puisqu'il n'est pas expressément contredit que le client avait la libre disposition d'un coffre individuel fonctionnant sous la seule combinaison de son choix ;

Considérant que l'appelante ne conteste pas le fait que le coffre, de petite dimension, ait été sorti de l'armoire puis emmené hors de l'hôtel, sans rencontrer d'obstacle ou laisser des traces susceptibles d'orienter les enquêteurs de police alors même que deux membres du personnel ont émis des doutes sur la probité de telle ou telle personne de l'hôtel et admis qu'il existait une grande facilité pour entrer dans les chambres et même pour utiliser un passe pour ouvrir le coffre d'une chambre ;

Considérant, à cet égard, que dans ses écritures, l'appelante ne se soucie pas de contester efficacement ces affirmations et ne justifie en aucune manière le défaut de fonctionnement de la caméra de surveillance depuis plusieurs mois ;

Considérant qu'aucun avertissement n'était donné, sous une forme quelconque, pour que le client soit invité à utiliser un coffre offrant une plus grande garantie, situé à la direction, une telle pratique étant pourtant fréquente et permettant d'ailleurs à l'exploitant de vérifier plus facilement la réalité d'un dépôt ;

Considérant que, par suite, la faute de l'hôtelier est démontrée ;

Considérant que, par ailleurs, l'hôtelier ne démontre aucune faute exonératoire du client ;

Considérant, en effet, qu'il ne saurait être reproché à l'intimé une faute caractérisée dans le fait de déposer une somme de 125'000 € dans un coffre de petite dimension, fixé à une planche et non scellé à l'un des murs de la chambre dans de telles conditions ;

Considérant que l'apparence sérieuse de l'installation, en termes de sécurité, était confortée par l'existence d'une caméra de surveillance de nature à laisser penser que l'établissement lui-même était surveillé efficacement, M. [D] ne possédant pas d'aptitude particulière pour constater le non fonctionnement ;

Considérant, dès lors, que l'appelante est mal fondée dans l'allégation de fautes qu'aurait commises son client alors qu'il lui appartenait, a contrario, d'installer des coffres offrant une meilleure garantie, de s'expliquer sur le non entretien du système de vidéo-surveillance installé et sur la trop grande facilité avec laquelle il était possible d'accéder à des clés ouvrant les chambres et éventuellement le passe ouvrant les coffres, enfin de proposer un coffre de plus grande dimension sous la surveillance de la direction ;

Considérant que, dans ces conditions, l'hôtelier doit garantir son client de l'intégralité de son préjudice ; qu'il convient donc de confirmer le jugement en son principe et, le réformant, de faire droit à la demande en paiement de la somme de 125 000 € ;

Considérant que les intérêts au taux légal doivent être alloués à compter du jugement du 28 septembre 2009 et qu'il sera fait droit à la demande de capitalisation calculée à compter du 28 septembre 2009 ;

Considérant qu'il sera fait droit à la demande présentée au titre des frais irrépétibles d'appel à hauteur de 4000 € ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnisation présentée par M. [D] et lui a alloué une somme de 2000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le réformant sur le montant de la condamnation et statuant à nouveau,

Elève les dommages-intérêts à la somme de 125'000 € avec intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2009 et capitalisation à compter de cette même date ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne la société LES HÔTELS DE PARIS à payer à M. [D] 4000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;

La condamne aux dépens d'appel, le jugement étant confirmé en ce qui concerne les dépens de première instance ;

Dit qu'il sera fait application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 09/22289
Date de la décision : 13/05/2011

Références :

Cour d'appel de Paris J2, arrêt n°09/22289 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-05-13;09.22289 ?
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