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12/05/2011 | FRANCE | N°09/06972

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 12 mai 2011, 09/06972


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 12 Mai 2011

(n° 14 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/06972



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Juillet 2009 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY Section ENCADREMENT RG n° 08/01780









APPELANTE

Madame [S] [W]

[Adresse 3]

[Localité 4]

comparant en personne

assistée de Me Myriam NAH

ON, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1662







INTIMEE

SAS ATLANTIS FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me François-Philippe GARNIER, avocat au barreau de BONNEVILLE

substit...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 12 Mai 2011

(n° 14 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/06972

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Juillet 2009 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY Section ENCADREMENT RG n° 08/01780

APPELANTE

Madame [S] [W]

[Adresse 3]

[Localité 4]

comparant en personne

assistée de Me Myriam NAHON, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1662

INTIMEE

SAS ATLANTIS FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me François-Philippe GARNIER, avocat au barreau de BONNEVILLE

substitué par Me Antoine RAIMOND, avocat au barreau de BONNEVILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Mars 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise FROMENT, Présidente

Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère

M. Julien SENEL, Vice-Président placé

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Violaine GAILLOU, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

- signé par Mme Françoise FROMENT, Président et par Mme Violaine GAILLOU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

A compter du 14 mai 2001, Mme [S] [W] a été engagée, en qualité d'assistante commerciale, par la SAS Atlantis France, société spécialisée dans la fourniture de papier, carton et équipement pour la conservation et la restauration.

En juillet 2003, Mme [W] est devenue cadre avec la fonction d'attachée commerciale. Suivant avenant à son contrat de travail, du 21 mars 2008 à effet au 10 septembre 2007, la durée de son travail a été ramenée à 28 heures hebdomadaires, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 680 €, outre des commissions.

Le 14 avril 2008, Mme [W] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied à titre conservatoire et a été licenciée pour faute grave par lettre du 30 avril 2008.

La SAS Atlantis France compte moins de 11 salariés.

La relation de travail est régie par les dispositions de la convention collective de la distribution des papiers et cartons.

Estimant son licenciement injustifié, Mme [W] a saisi le conseil des Prud'Hommes de Bobigny de demandes tendant en dernier lieu à obtenir sa réintégration , le paiement d'un rappel de salaire et de commissions notamment pour la période de mise à pied, d'une indemnité compensatrice de préavis et les commissions et congés payés afférents, d'une indemnité conventionnelle de licenciement, d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour préjudice moral, pour mise à pied non justifiée, outre, les intérêts au taux légal, l'exécution provisoire et une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile. A titre reconventionnel, la SAS Atlantis France a réclamé une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par décision en date du 15 juillet 2009, le conseil des Prud'Hommes a débouté Mme [W] de toutes ses demandes ainsi que la SAS Atlantis France. Il a condamné Mme [W] aux dépens.

Mme [W] a fait régulièrement appel de cette décision dont elle sollicite l'infirmation. Elle sollicite de la cour qu'elle juge abusif le licenciement dont elle a été l'objet et condamne la SAS Atlantis France à lui payer les sommes suivantes :

- 1 008 € à titre de rappel de salaire pour la période du 14 avril au 1er mai 2008

- 100,80 € au titre des congés payés afférents

- 12 106,65 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 1 210,66 € au titre des congés payés afférents,

- 22 134,32 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 48 426,60 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour privation du droit individuel à la formation

- 1 428,60 € à titre de rappel de commissions

- 142,86 € au titre des congés payés afférents

Elle sollicite, en outre, les intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2008 pour les salaires et à compter du 15 juillet 2009 pour le surplus, la capitalisation des intérêts, la remise des documents sociaux conformes, sous astreinte, la cour devant s'en réserver la liquidation, ainsi qu'une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle conclut enfin au débouté de la SAS Atlantis France en sa demande reconventionnelle.

La SAS Atlantis France conclut à la confirmation du jugement déféré, et en conséquence, elle demande de voir déclarer irrecevable et en tout cas mal fondée Mme [W]. Subsidiairement, elle demande de voir réduire les montants alloués à Mme [W] et celle-ci condamnée à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 17 mars 2011, reprises et complétées lors de l'audience.

A l'audience, l'intimée a soulevé un incident s'agissant des dernières conclusions de l'appelante déposées à l'audience au motif qu'elle n'a pu en prendre connaissance. Elle demande que ces conclusions soient écartées des débats. L'appelante a fait valoir que ce dernier jeu de conclusions était quasi identique au précédent qu'elle avait remis un mois plus tôt, en ce sens que la seule modification notable consistait à demander le débouté de l'intimée en sa demande reconventionnelle. Elle en a maintenu le dépôt.

MOTIVATION

- Sur l'incident d'audience

Compte-tenu de la tardiveté du dépôt le jour de l'audience même des dernières conclusions de l'appelante, la cour, qui admet que l'intimée n'a pas été en mesure d'en prendre connaissance avec suffisamment de temps, les écarte des débats et ne retient que le seul jeu déposé antérieurement que l'appelante a au demeurant repris et complété oralement à l'audience, outre l'adjonction d'une mention manuscrite tendant au débouté de l'intimée.

- Sur le licenciement

Tout licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse (art L 1232-1 du code du travail). La faute grave est définie comme un manquement du salarié à ses obligations tel que la rupture immédiate du contrat est justifiée. Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave qu'il invoque.

Les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables. En outre, en application de l'article L 1232-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuite pénale. Enfin, un même fait fautif ne peut donner lieu à double sanction.

En application de l'article L 1232-6 du code du travail, la motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 30 avril 2008, énonce les griefs suivants à l'encontre de Mme [W] : ' Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute grave : avoir de 16 760,44 € TTC consenti à un client sans autorisation.

'Le 26 février 2008, j'ai découvert, à la suite d'un appel de notre client Vuitton qu'un avoir lui avait été consenti quelques semaines plus tôt et ce pour un montant de 16 760,44 €.

Après recherche sur cette opération, j'ai découvert que vous aviez, avec votre collègue, consenti cet avoir de votre propre initiative, c'est-à-dire sans jamais en avoir référé à votre hiérarchie. Cette manière de faire est extrêmement préjudiciable à l'entreprise, tant au niveau financier...que commercial.

Tout d'abord, la marchandise concernée par cet avoir a été acceptée, lors des livraisons, sans aucune réserve par le client, elle était donc parfaitement conforme à sa commande.

D'autre part, s'agissant de marchandises livrées en 2005, 2006 et début 2007, la vétusté de celles-ci est un facteur à ne pas négliger si l'on doit établir un avoir .....................................................................ces faits constituent donc une faute grave dans la mesure où vous avez pris une décision que vous n'étiez pas habilitée à prendre et qui engage lourdement l'entreprise.'

L'employeur reproche également à sa salariée de n'avoir pas négocié le montant de l'avoir, l'estimant d'un montant trop important au regard du chiffre d'affaires réalisé avec ce client, de n'avoir pas déduit cet avoir de ses commissions et d'avoir tenté de cacher son agissement en n'en parlant pas à son supérieur hiérarchique.

Les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont matériellement vérifiables.

Mme [W] qui conteste les faits reprochés invoque au surplus qu'ils sont antérieurs à plus de deux mois de l'enclenchement de la procédure disciplinaire.

La SAS Atlantis France fait valoir qu'il n'a eu connaissance d'une part de l'avoir litigieux que le 26 février 2008 et d'autre part de l'identité de son auteur ultérieurement à la suite de recherches internes à l'entreprise, au terme de laquelle il est également apparu que Mme [W] n'avait pas suivi la procédure prescrite en interne pour valider cet avoir.

Il ressort des débats que l'avoir litigieux bénéficiant à la société Vuitton, daté du 31 décembre 2007, est antérieur à plus de deux mois de la procédure disciplinaire engagée le 14 avril 2008 par l'employeur à l'encontre de sa salariée.

Pour soutenir n'en avoir pas eu connaissance avant le 26 février 2008, la SAS Atlantis France s'appuie sur une attestation de Mme [Z], assistante comptable de la SAS Atlantis France, selon laquelle ayant eu un contact téléphonique avec la société Vuitton, le 26 février 2008, au sujet de l'avoir en cause , celui-ci lui paraissant anormal elle en avait informé son responsable M.[M]. La SAS Atlantis France s'appuie en outre sur un mail du même jour, par lequel celui-ci lui a demandé des explications concernant cet avoir.

Toutefois aucun élément n'est produit aux débats qui est de nature à démontrer qu'il existait à la date des faits reprochés, au sein de l'entreprise, pour l'émission des avoirs, une procédure interne obligatoire, que celle-ci aurait été enfreinte et que de surcroît, celui-ci aurait volontairement dissimulé son acte.

En outre, il n'apparaît pas que l'échange de mails en date du 26 février 2008 entre Mme [Z] et son responsable, M.[M] témoigne de la révélation d'un acte irrégulier. En effet, M.[M], par mail du 12 mars 2008, énonce pour la première fois la procédure à suivre pour éditer un avoir client, fait état d'une liste de factures et des avoirs correspondants. Parmi ceux-ci figure l'avoir litigieux qui ne fait l'objet d'aucune critique de la part de M.[M], contrairement à d'autres dont il précise qu'ils doivent être régularisés ou dont il s'interroge sur le bien fondé.

Il se déduit de ce qui précède qu'émis en décembre 2007, l'avoir litigieux, a été émis selon une procédure interne non sérieusement contestable dans sa régularité de sorte qu'il ne pouvait être ignoré de l'employeur.

Il s'ensuit que l'employeur qui connaissait l'existence dudit avoir en décembre 2007, n'a pu valablement engager, plus de 2 mois plus tard, le 14 avril 2008, des poursuites disciplinaires à l'encontre de Mme [W], en application des textes précités.

Le licenciement de Mme [W] prononcé dans ces conditions est, en conséquence, dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Compte-tenu du montant du salaire brut moyen établi à 2 676,10 € au vu de l'attestation Assedic produite aux débats, et notamment de l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise de près de 7 ans, cette situation donne droit à Mme [W] au paiement de la somme de 1 008 € outre celle de 100,80 € au titre des congés payés afférents, au titre de son salaire pour la période de mise à pied (du 14 avril au 1er mai 2008).

En application de l'article 26 de la convention collective applicable, Mme [W] a droit à une indemnité compensatrice de préavis fixée à 3 mois de salaire, soit la somme de 8 028,32 €, outre la somme de 802,83 € au titre des congés payés afférents, ainsi qu'à une indemnité conventionnelle de licenciement établie au montant demandé de 22 134,37 € non sérieusement contesté à défaut, pour l'employeur, d'avoir lui-même produit un décompte. Enfin, compte-tenu notamment de l'ancienneté et de l'âge de Mme [W] au moment de son licenciement, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 30 000 € en application de l'article L1235-5 du code du travail.

- Sur le droit individuel à la formation

Mme [W] fait valoir que, du fait de son licenciement pour faute grave, elle a été privée d'un bilan de compétences ou d'une action de formation qui auraient favoriser sa reconversion professionnelle.

La SAS Atlantis France soutient que la salariée n'établit l'existence d'aucun préjudice de ce chef.

Il est constant que Mme [W] n'a pu bénéficier d'aucune formation comme les articles L 6111-1 du code du travail lui en donnent le droit. L'absence de cette formation utile à son développement professionnel lui a nécessairement causé un préjudice que la cour, compte-tenu des éléments produits aux débats est en mesure d'évaluer à 1 000 €.

- Sur les commissions

Il ressort de l'annexe 1 de son contrat de travail que Mme [W] a droit, outre à une rémunération fixe, à une rémunération variable, représentant 3% du chiffre d'affaires hors taxe mensuel réalisé sur le secteur géographique de l'Ile-de-France, à l'activité duquel la salariée était affecté. Ce même document précise que le règlement des commissions est versé le mois suivant l'émission d'une facture.

Il ressort de ce qui précède que les commissions dues pour le mois d'avril 2008 à Mme [W] qui a travaillé jusqu'au 14 avril 2008, devaient être payées en mai, ce qui n'a pas été le cas. L'employeur qui se borne à contester le bien fondé de la demande motif pris que les montants réclamés ne sont pas justifiés, sans produire à son tour un décompte basé sur des éléments objectifs qu'il est seul à détenir, ne peut qu'être condamné à payer la somme demandée qu'il ne conteste donc pas sérieusement et qui s'élève à la somme de 1 428,60 €, outre 142,86 € au titre des congés payés afférents.

- Sur la remise des documents sociaux

Il convient, enfin, d'ordonner la remise du certificat de travail, de l'attestation Pôle Emploi, un bulletin de paie conformes à la présente décision sous astreinte de 75 € par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 3 mois suivant la notification de la présente décision, sans qu'il y ait lieu pour la cour de se réserver la liquidation de l'astreinte.

Le jugement déféré est, en conséquence, infirmé.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

- écarte des débats le dernier jeu de conclusions de l'appelante ;

- infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- dit que le licenciement de Mme [S] [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence, condamne la SAS Atlantis France à lui payer les sommes suivantes :

- 1 008 € à titre de rappel de salaire pour la période du 14 avril au 1er mai 2008

- 100,80 € au titre des congés payés afférents

- 8 028,32 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 802,83 € au titre des congés payés afférents,

- 22 134,32 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 30 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour privation du droit individuel à la formation

- 1 428,60 € à titre de rappel de commissions

- 142,86 € au titre des congés payés afférents ;

- dit que les créances de salaires et de commissions portent intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2008 ;

- dit que les indemnités et dommages et intérêts alloués portent intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

- ordonne la capitalisation des intérêts échus depuis au moins une année à compter du 17 mars 2011, jour de la demande ;

- ordonne la remise du certificat de travail, de l'attestation Pôle Emploi, un bulletin de paie conformes à la présente décision sous astreinte de 75 € par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 3 mois suivant la notification de la présente décision, sans qu'il y ait lieu pour la cour de se réserver la liquidation de l'astreinte ;

- condamne la SAS Atlantis France aux dépens ;

Vu l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamne la SAS Atlantis France à payer à Mme [W] la somme de 3 000 € ;

- la déboute de sa demande de ce chef.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 09/06972
Date de la décision : 12/05/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°09/06972 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-05-12;09.06972 ?
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