RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRET DU 12 Mai 2011
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/04072 LL
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Février 2009 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 07/04540
APPELANTE
SOCIETE INSTITUT DE FORMATION EN SOINS ANIMALIERS (I.F.S.A.)
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Jean MARTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B584, substitué par Me Guillaume PRIGENT, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE PARIS ET DE LA RÉGION PARISIENNE (URSSAF 75)
Service 6012 - Recours Judiciaires
TSA 80028
[Localité 5]
représentée par Mme [V] en vertu d'un pouvoir général
Monsieur le Directeur de la Sécurité Sociale
Agissant par délégation du Ministre chargé de la Sécurité Sociale
[Adresse 1]
[Localité 4]
régulièrement avisé - non représenté
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mars 2011, en audience publique, les parties représentées ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Jeannine DEPOMMIER, Président
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Greffier : Mme Michèle SAGUI, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Jeannine DEPOMMIER, Président et par Madame Michèle SAGUI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société Institut de Formation en Soins Animaliers (IFSA) d'un jugement rendu le 20 février 2009 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à l'URSSAF de [Localité 6] et de la région parisienne ;
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;
Il suffit de rappeler qu'à la suite d'un contrôle d'assiette au sein de la société IFSA, l'URSSAF de [Localité 6] a procédé à un redressement de cotisations pour un montant total de 25.900 euros au titre de la période allant du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 ; qu'une mise en demeure a été adressée, le 6 avril 2006, à la société pour avoir paiement de ces cotisations et des majorations de retard y afférentes ; que la société a contesté ce redressement devant la commission de recours amiable qui a rejeté sa réclamation ; qu'elle a alors saisi la juridiction des affaires de sécurité sociale ;
Par jugement du 20 février 2009, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a débouté la société IFSA de son recours et a confirmé la décision de la commission de recours amiable.
La société IFSA fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions aux termes desquelles il est demandé à la Cour d'infirmer le jugement, de dire mal fondées les réintégrations dans l'assiette des cotisations ainsi que les redressements opérés en conséquence pour les sommes suivantes :
- 6.370 euros et 11.708 euros au titre des frais d'atelier ;
- 2.112 euros et 455 euros au titre des dépenses de location ;
- 1.003 euros au titre des dépenses de frais professionnels ;
A l'appui de son appel, elle conteste le bien-fondé de ces trois chefs de redressements dont elle demande l'annulation. S'agissant des frais d'atelier que l'URSSAF a réintégré dans l'assiette de ses cotisations, elle estime, au contraire, qu'ils devaient en être déduits dès lors qu'elle exerce une activité d'enseignement à distance et emploie des professeurs à domicile qui supportent des frais d'atelier dans l'exercice de leur métier. Elle se prévaut à ce titre de la convention collective applicable à son activité, étendue par arrêté ministériel du 9 octobre 2002, qui évalue ces frais à 20 % de la rémunération des professeurs et correcteurs à domicile et autorise une déduction forfaitaire de 20% des rémunérations versées aux enseignants en raison de ces frais. Elle ajoute que sont réputées utilisées conformément à leur objet, les allocations qui n'excèdent pas le taux fixé par la convention collective, de sorte qu'elle n'a pas à justifier concrètement de leur utilisation dès lors que la déduction opérée est égale au taux de 20 %. S'agissant des dépenses de location de logement et de parking prises en charge au cours de l'année 2003 au bénéfice de sa présidente, elle fait valoir que cela avait été décidé en raison de l'état de santé de cette dernière qui l'obligeait à effectuer une partie de son activité professionnelle à domicile. Elle invoque l'avis de l'administration fiscale qui a estimé que ces dépenses entraient dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et non dans celle des rémunérations salariées. Elle estime donc que l'URSSAF ne peut soumettre cette catégorie de dépenses aux cotisations de sécurité sociale comme s'il s'agissait d'une rémunération du travail. Enfin, elle se prévaut de la même argumentation pour les frais de restauration que l'administration fiscale assimile à des revenus imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et considère que cette requalification a modifié la nature de ces frais qui échappent dorénavant au domaine d'application de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale relatif aux avantages en nature.
L'URSSAF de [Localité 6] fait déposer et soutenir oralement par sa représentante des conclusions tendant à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de la société IFSA au paiement de la somme totale de 28.487 euros représentant le montant des cotisations redressées pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 pour 25.898 euros et le montant des majorations de retard y afférentes pour 2.589 euros.
Sur les frais d'atelier pour les travailleurs à domicile, elle considère que l'abattement de 20 % appliqué par la société sur les rémunérations de ses correcteurs à domicile n'est pas justifié. Elle estime que les sommes éludées ne correspondent pas à des frais d'atelier mais sont versées en contrepartie du travail. Elle précise que l'article L 242-1, alinéa 3, du code de la sécurité sociale n'autorise une déduction pour frais d'atelier que dans les conditions et limites fixées par arrêté ministériel. Elle fait précisément valoir que l'arrêté du 29 septembre 1969 subordonne la déduction des frais d'atelier à l'utilisation effective des allocations conformément à leur objet et ajoute que ces frais sont déterminés en pourcentage s'ajoutant au salaire de base et non en pourcentage de déduction forfaitaire. Elle indique ensuite que la branche professionnelle dont relève la société IFSA n'était pas autorisée, durant la période en cause, à pratiquer une déduction forfaitaire pour les frais d'atelier des correcteurs à domicile. Sur les avantages en argent, relatifs à la prise en charge par la société du loyer du logement et du parking de sa présidente, elle estime que cette contribution constitue un complément de rémunération et doit être soumise à cotisations, conformément aux dispositions de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale, indépendamment de la qualification retenue par l'administration fiscale qui ne lie pas les organismes de sécurité sociale, en raison de l'autonomie des législations fiscales et sociales. Enfin, elle fait la même observation pour les frais de restauration qui ne peuvent être assimilés à des frais professionnels dès lors que les factures correspondantes ne répondent pas aux exigences requises pour être exclues de l'assiette de cotisations.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;
SUR QUOI LA COUR :
Sur la déduction des frais d'atelier des travailleurs à domicile
Considérant qu'en application de l'article L 242-1, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, il ne peut être opéré sur la rémunération des salariés servant au calcul des cotisations de sécurité sociale de déduction au titre des frais d'atelier que dans les conditions ou limites fixées par arrêté ministériel ;
Considérant que l'article 1er de l'arrêté ministériel du 29 décembre 1969 relatif au montant des frais d'atelier à prendre en considération pour le calcul des cotisations de sécurité sociale dues au titre des travailleurs à domicile prévoit que la déduction d'allocations forfaitaires est subordonnée à l'utilisation effective desdites allocations conformément à leur objet ;
Considérant que si l'article 2 du même arrêté permet de retenir une déduction forfaitaire pour les frais d'atelier des travailleurs à domicile selon un pourcentage fixé à l'avance, il n'autorise cette pratique que dans certaines industries limitativement désignées dans un tableau spécifique et d'après les taux indiqués audit tableau ;
Considérant que l'enseignement à domicile ne figure pas parmi les branches professionnelles autorisant la déduction forfaitaire pour frais d'atelier recensées par le tableau précité ;
Considérant si l'arrêté du 9 octobre 2002 auquel se réfère la société IFSA porte bien extension des accords conclus dans le cadre de la convention collective nationale de l'enseignement privé à distance, cette extension n'ouvre pas pour autant droit pour les correcteurs à domicile au bénéfice de l'article 2 de l'arrêté du 29 décembre 1969 ;
Considérant qu'il en résulte que la société IFSA n'est autorisée à déduire, au titre des frais d'atelier, un pourcentage de la rémunération versée aux travailleurs à domicile qu'à la condition de justifier de l'utilisation effective d'un tel forfait conformément à son objet ;
Considérant qu'en l'espèce, la société IFSA n'apporte aucune justification sur les conditions d'utilisation de cette déduction forfaitaire ;
Considérant que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations les abattements forfaitaires indûment pratiqués sur les rémunérations versées aux correcteurs à domicile au titre de leurs frais d'atelier ;
Sur la prise en charge par la société du loyer du logement et du parking privés de sa présidente
Considérant qu'il ressort de la lettre d'observations établie, le 3 janvier 2006, par l'inspecteur du recouvrement que la société IFSA a pris en charge une partie du loyer d'habitation et du parking de sa dirigeante ;
Considérant que le motif médical avancé par la société, pour assimiler cette dépense à des frais professionnels exclus de l'assiette des cotisations, n'est pas justifié ;
Considérant qu'il apparaît ainsi que la prise en charge des dépenses personnelles incombant normalement à Mme [N] constitue un avantage en argent accordé à l'occasion ou en contrepartie de son travail et doit être soumis à cotisations, conformément à l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale ;
Considérant que la circonstance que l'administration fiscale rattache cet avantage à la catégorie des revenus de capitaux mobiliers de l'intéressée ne fait pas obstacle à ce que l'organisme de sécurité sociale l'intègre dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale au même titre qu'un avantage en nature ;
Considérant qu'il existe, en effet, une autonomie des législations fiscales et sociales qui justifient un traitement différent d'un même avantage ;
Considérant que c'est donc également à bon droit que l'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations sociales cet avantage ;
Sur les frais de restauration
Considérant que sur ce dernier point, il est établi, par les éléments recueillis par l'URSSAF et analysés dans la lettre d'observations du 3 janvier 2006, que les factures de restaurant et de réception ont été présentées à tort par la société IFSA comme des frais professionnels alors que les conditions requises n'étaient pas remplies et que l'employeur ne justifiait pas de la réalité de leur caractère professionnel ;
Considérant que c'est donc à raison que l'URSSAF a réintégré leur montant dans l'assiette de cotisations, peu important là aussi que l'administration fiscale les ait rattachés aux revenus de capitaux mobiliers de la présidente ;
Considérant que, dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement entrepris et d'accueillir la demande reconventionnelle de L'URSSAF en paiement de la somme de 28.487 euros au titre des cotisations afférentes à la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 et des majorations de retard afférentes ;
PAR CES MOTIFS
Déclare la société IFSA recevable mais mal fondée en son appel ;
Confirme le jugement entrepris ;
Condamne la société IFSA à payer à l'URSSAF de [Localité 6] la somme de 28.487 euros représentant le montant des cotisations redressées pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 pour 25.898 euros et les majorations de retard y afférentes pour 2.589 euros ;
Dit n'y avoir lieu à application du droit d'appel prévu à l'article R 144-10, alinéa 2, du code de la sécurité sociale.
Le Greffier, Le Président,